Thérapie 2015 Mai-Juin; 70 (3): 283–292 DOI: 10.2515/therapie/2014215

PHARMACOVIGILANCE

© 2014 Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique

Iatrogénie médicamenteuse : contribution à l’uniformisation de la terminologie en langue française pour la pratique de soins et la recherche clinique Lucien Roulet1, Françoise Ballereau2, Maryse Lapeyre-Mestre3, Muriel Joris-Frasseren4 et Nathalie Asseray5 1 2 3 4 5

Service de Pharmacie, Hôpital du Valais, Sion, Suisse Medqual, CHU de Nantes, Nantes, France Service de Pharmacologie Clinique, CHU de Toulouse, Toulouse, France Service de Médecine Intensive, Hôpital du Valais, Sion, Suisse Service des Maladies Infectieuses et Tropicales, CHU de Nantes, Nantes, France

Texte reçu le 19 décembre 2013 ; accepté le 8 octobre 2014

Mots clés : terminologie ; iatropathologie ; événement iatrogène médicamenteux ; effet indésirable ; erreurs médicamenteuses

Résumé – Si de nombreuses initiatives ont déjà précisé la terminologie relative à la iatrogénie médicamenteuse en langue anglaise, des définitions consensuelles n’ont pas encore été formalisées en langue française. A partir d’un groupe de réflexion multidisciplinaire, nous proposons une terminologie se démarquant de celle utilisée pour la pharmacovigilance ou la gestion des risques. Nous recommandons d’éviter l’utilisation du terme « événement indésirable », trop imprécis, et de préférer le terme « d’événement iatrogène médicamenteux » (EIM) à celui « d’effet indésirable ». Nous proposons de classer les EIM en « effet indésirable stricto sensu » versus « participation iatrogène à une situation pathologique multifactorielle » pour prendre en compte l’intrication fréquente des causes médicamenteuses et non médicamenteuses. L’association systématique entre les notions d’erreur et d’évitabilité est également discutable, et nous suggérons d’évaluer « l’atténuabilité » des EIM plutôt que leur « évitabilité ». Le « non-respect de l’information sur le médicament par le patient » devrait être distingué de la « prescription hors autorisation de mise sur le marché » et de « l’usage détourné ».

Keywords: terminology; iatrogenic disease; drug toxicity; medication errors

Abstract – Developing a Terminology in the French Language for Clinical Practice and Research in Drug Safety. While several attempts have been made to clarify the English terminology of drug-related iatrogeny, a consensus has still not been reached in the French language. We set up a multidisciplinary task force to propose a terminology that differs from the one used in pharmacovigilance and risk management. We prefer the term “adverse drug event” (ADE) over “adverse drug reaction”, and recommend avoiding the term “adverse event”, which is too general. We propose to classify ADEs as “direct drug effect” or “drug involvement in a multifactorial pathological condition”, taking into account the close relationship commonly found between drug and non-drug etiologies of a pathology. The consistent association between the notions “error” and “preventability” is also questionable, and we suggest assessing the “ameliorability” of ADEs rather than their “preventability”. “Misuse” (i.e., the non-respect by the patient of the drug label) must be distinguished from “offlabel use or substance abuse”.

Abréviations : voir en fin d’article.

1. Introduction La première difficulté qui se présente lorsque l’on aborde la question de la iatrogénie médicamenteuse est celle de la séman-

tique. Que ce soit pour effectuer une recherche dans la littérature, interpréter les résultats d’une étude ou construire un projet de recherche, le choix des termes utilisés et surtout leur définition revêtent une importance primordiale.[1]

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La terminologie relative à la iatrogénie médicamenteuse a été comparée à une tour de Babel de la sémantique.[2] La confusion qui règne dans ce domaine est en effet bien connue[3-5] et soulignée par certains auteurs.[6,7] Elle est illustrée par la grande variabilité retrouvée dans la littérature entre les différentes incidences d’événements iatrogènes médicamenteux (EIM) publiées, la définition des EIM variant beaucoup d’une étude à l’autre et recouvrant un champ plus ou moins large d’événements. Ainsi, pour prendre l’exemple des services d’urgence, les études ont rapporté des incidences de visites liées à un EIM variant de 1,3 % à 22 %.[8-12] Pour rendre le choix d’un terme précis reproductible entre ses différents utilisateurs, il est indispensable de limiter au maximum la place laissée à l’interprétation individuelle. Si de nombreuses initiatives ont déjà contribué à préciser ce champ sémantique en langue anglaise,[1,3-5,13-15] des définitions consensuelles n’ont pas encore été formalisées en langue française. La confusion est renforcée par le fait que la littérature disponible sur le sujet est essentiellement anglo-saxonne. Ce travail revient sur les principaux termes utiles en langue française sur le thème de la iatrogénie médicamenteuse. Son objectif est de nourrir la réflexion sur ce thème, et plus particulièrement de proposer un ensemble limité de définitions adaptées à la pratique de soins et à la recherche clinique.

2. Méthodologie L’élaboration de cette contribution s’est appuyée sur le travail d’un groupe de réflexion composé de 2 pharmaciens hospitaliers actifs en clinique, d’un pharmacologue médical, d’un infirmier chef d’un département de soins intensifs et d’un médecin clinicien. Une revue non exhaustive de la littérature a permis de retracer l’historique des démarches déjà entreprises et de réaliser une synthèse commentée des définitions actuellement proposées en langue française pour les principaux termes utilisés dans le domaine de la iatrogénie médicamenteuse. Cette synthèse et son commentaire se sont basés sur la référence officielle en termes de droit de la santé français (code de la santé publique français, article R5121-152, version en vigueur en mars 2014), un document d’experts français (le dictionnaire de l’erreur médicamenteuse)[16] et un document d’experts européen (le glossaire de l’Expert Group on Safe Medication Practices),[17] complétés si nécessaire par des références de la littérature internationale. Sur la base de l’expérience professionnelle des membres du groupe, et plus particulièrement dans le domaine du diagnostic des EIM à partir des dossiers des patients des urgences,[18-22] la pertinence de ces définitions a été discutée du point de vue de la pratique de soins et de la recherche clinique. Dans un dernier temps, un ensemble limité de définitions adaptées à ce contexte particulier a été obtenu par la méthode du consensus entre les membres du groupe.

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3. Historique des démarches déjà entreprises C’est dans le monde anglo-saxon que s’est amorcée une réflexion sur la iatrogénie dans son ensemble, et en particulier sur la iatrogénie médicamenteuse. Le terme d’« adverse drug event », habituellement traduit par « événement indésirable médicamenteux », a par exemple été proposé par Bates et Leape dès 1995.[23,24] Pourtant, la revue de la littérature montre que les différents termes de la iatrogénie médicamenteuse ont longtemps été utilisés sans réel souci d’harmonisation.[3-5] De ce constat est né le besoin de formaliser la terminologie relative à ce champ d’étude. Aux États-Unis, de nombreuses définitions ont déjà été proposées par plusieurs sociétés savantes, dont certaines ont été adoptées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’International Pharmaceutical Federation. En Europe, une réflexion sur les définitions des termes de la iatrogénie s’est également engagée ces dernières années. En 2006, l’Expert Group on Safe Medication Practices a réalisé, en collaboration avec le Conseil de l’Europe, un travail de synthèse et a proposé un glossaire visant sinon à établir un consensus, du moins à clarifier les débats sur le sujet.[17] Si de nombreux efforts ont été réalisés pour proposer des définitions validées dans la langue anglaise, le consensus reste parfois difficile à établir.[15,25] A cette problématique s’ajoute celle de la transposition de cette terminologie dans une langue étrangère dès lors que l’on quitte le monde anglo-saxon. La Société française de pharmacie clinique (SFPC) a tenté de répondre à cette attente à l’occasion de la rédaction du dictionnaire de l’erreur médicamenteuse,[16] un ouvrage très complet qui a jeté les bases d’une terminologie adéquate. Cette réflexion menée par des pharmaciens doit à présent être élargie aux autres professionnels de santé concernés par le sujet de la iatrogénie médicamenteuse.

4. Principales définitions utilisées pour travailler sur la iatrogénie médicamenteuse Pour chacun des termes présentés, nous précisons la (les) traduction(s) anglaise(s) à utiliser dans les bases de données internationales, suivie(s) du terme correspondant dans la liste normalisée des principales rubriques médicales (MeSH, medical subject headings) de la base Medline® lorsqu’il existe. 4.1. Événement indésirable Anglais : adverse event/patient safety incident (MeSH : patient safety) Définition : dommage survenant chez le patient au cours de sa prise en charge, qu’il soit lié aux activités de soins ou aux conditions de vie en établissement de santé. Un événement indésirable lié

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aux soins est consécutif aux stratégies et actes de prévention, de diagnostic, de traitement ou de surveillance.[26,27] Commentaires : le terme d’événement indésirable ne présume en rien de l’origine médicamenteuse du dommage constaté. Il doit être considéré comme le terme de choix à utiliser dès lors qu’un dommage a été constaté chez un patient mais que sa nature, (médicamenteuse/non médicamenteuse mais liée à un soin/non liée à un soin ?) et a fortiori que sa cause (effet indésirable/erreur médicamenteuse ?), n’ont pas encore été identifiées.[28] 4.2. Effet indésirable d’un médicament Anglais : adverse drug reaction (ADR ; MeSH : drug toxicity) Définition : réaction nocive et non voulue à un médicament, se produisant aux posologies normalement utilisées chez l’homme pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement d’une maladie ou pour la restauration, la correction ou la modification d’une fonction physiologique. Commentaires : l’Agence européenne du médicament recommande de n’employer le terme d’effet indésirable que lorsqu’un lien de cause à effet a été établi avec l’utilisation d’un médicament.[29] 4.3. Erreur médicamenteuse Anglais : medication error (ME ; MeSH : medication errors) Définition : l’erreur médicamenteuse est l’omission ou la réalisation non intentionnelle d’un acte survenu au cours du processus de soins impliquant un médicament, qui peut être à l’origine d’un risque ou d’un événement indésirable pour le patient. Elle peut impliquer un professionnel de santé, un patient ou un tiers. Commentaires : a) l’erreur médicamenteuse peut être définie comme avérée (lorsqu’elle atteint le patient), potentielle (si elle est interceptée avant d’atteindre le patient) ou latente (lorsqu’il s’agit d’une observation témoignant d’un danger potentiel pour le patient) ;[30] b) l’erreur médicamenteuse peut concerner une ou plusieurs étapes du circuit du médicament, telles que : référencement des médicaments, prescription, dispensation, analyse des ordonnances, préparation galénique, stockage, délivrance, administration, information, suivi thérapeutique ; mais aussi ses interfaces, telles que les transmissions ou les transcriptions.[31] 4.4. Événement indésirable médicamenteux (EIM) Anglais : adverse drug event (ADE ; MeSH : drug toxicity) Définition : dommage survenant chez le patient, lié à sa prise en charge médicamenteuse et résultant de soins appropriés, de soins inadaptés ou d’un déficit de soins. Les événements indésirables

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médicamenteux comprennent les effets indésirables, survenant alors que le médicament est utilisé correctement, ainsi que tout dommage résultant d’une erreur médicamenteuse, y compris une erreur par omission. L’événement indésirable médicamenteux peut notamment se traduire par l’aggravation de la pathologie existante, l’absence d’amélioration attendue de l’état de santé, la survenue d’une pathologie nouvelle ou encore l’altération d’une fonction de l’organisme.[32] Commentaires : a) dans la littérature, les événements indésirables médicamenteux secondaires à une erreur médicamenteuse sont considérés par certains auteurs comme évitables, alors que les effets indésirables médicamenteux sont considérés comme inévitables ;[32] b) les erreurs par omission constituent un sous-groupe d’erreurs médicamenteuses particulièrement difficile à mettre en évidence. Compte tenu des spécificités méthodologiques et des moyens conséquents requis pour l’étude de ce type d’événements, il est proposé par certains auteurs de les exclure du champ d’investigation ou de leur consacrer spécifiquement une étude.[3] 4.5. Mésusage Anglais : voir les commentaires plus loin. Définition : utilisation intentionnelle et inappropriée d’un médicament, non conforme à l’autorisation de mise sur le marché ou à l’enregistrement ainsi qu’aux recommandations de bonnes pratiques. Commentaires : en raison des situations très diverses pouvant être désormais considérées comme répondant aux définitions officielles du « mésusage » et afin d’éviter d’accroître la confusion entourant sa signification, il est déconseillé d’employer ce terme pour décrire une erreur médicamenteuse. En pratique, il recouvre en effet trois acceptions correspondant à trois domaines bien distincts : - le mésusage au sens premier du terme (misuse en anglais), c’est-à-dire le non-respect de la prescription médicale, de la notice ou du résumé des caractéristiques du produit (RCP) par un patient (durée de traitement écourtée ou allongée, modification de la posologie, automédication non contrôlée par un professionnel de santé…), et qui correspond à une erreur médicamenteuse liée au patient si ce non-respect n’était pas intentionnel ; - la prescription hors autorisation de mise sur le marché (horsAMM) [off-label use en anglais], c’est-à-dire le non-respect intentionnel du RCP par un professionnel de santé, motivé par des raisons scientifiques et médicales, et qui ne peut pas être considéré comme une erreur médicamenteuse ; - l’usage détourné au sens d’abus médicamenteux (substance abuse en anglais), enfin, qui relève principalement de la pharmacodépendance. Le « mésusage » est donc une catégorie particulière de causes d’effets indésirables mais ne doit pas être utilisé comme un synonyme « d’erreur médicamenteuse ».

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EM SANS CONSEQUENCE Erreurs médicamenteuses mises en évidence avant d’avoir atteint les patients Ex : erreur de prescription interceptée par la pharmacie et corrigée

ERREURS MEDICAMENTEUSES (EM) Ecarts par rapport à ce qui aurait dû être fait au cours de la prise en charge thérapeutique médicamenteuse du patient

EIM POTENTIELS Erreurs médicamenteuses ayant atteint le patient Ex : oubli d’administration d’une dose de statine

EIM EVITABLES EIM dus à des erreurs Ex : coma dû à une surdose de benzodiazépine

EIM INEVITABLES = EFFETS INDESIRABLES Réactions nocives et non voulues survenant dans les conditions normales d’utilisation des médicaments Ex : éruption cutanée lors de la première exposition à un antibiotique

EVENEMENTS IATROGENES MEDICAMENTEUX (EIM) Dommages survenant chez les patients, liés à leur prise en charge médicamenteuse et résultant de soins appropriés, de soins inadaptés ou d’un déficit de soins

Evénements indésirables inévitables (effets indésirables)

Evénements indésirables évitables (erreurs médicamenteuses)

Fig. 1. Synthèse et illustration des principaux termes utilisés dans le domaine de la iatrogénie médicamenteuse (d’après Nebeker et Gandhi).[5,14] La taille des cercles ne présume pas des fréquences relatives des différentes catégories d’événements représentées.

4.6. Évitabilité Anglais : preventability, avoidability (pas de MeSH adapté – MeSH approchants : medication errors/prevention & control, medication errors/classification) Définition : un événement indésirable est considéré comme évitable dès lors qu’il ne serait pas survenu si les soins avaient été conformes à la prise en charge considérée comme satisfaisante au moment de la survenue de cet événement.[27] Dans le cas des événements indésirables liés à un médicament, de nombreuses définitions ont été proposées sans qu’aucune ne fasse consensus.[33] Ces définitions incluent le plus souvent la notion d’erreur ou de nonconformité aux standards de soins. Commentaires : a) certains événements iatrogènes médicamenteux sont considérés comme inévitables, mais dans certains cas, les patients et leurs soignants acceptent en toute conscience de recourir à un traitement dont les bénéfices attendus sont supérieurs aux risques encourus. Plus généralement, certains auteurs considèrent que des événements iatrogènes médicamenteux inévitables d’un point de vue pharmacologique peuvent toutefois être prévenus en pratique ; b) de nombreux outils ont été utilisés jusqu’à présent pour évaluer l’évitabilité des EIM, sans qu’aucun ne montre de supériorité sur les autres.[33] En France, des travaux ont été menés pour proposer une échelle de mesure fiable d’évaluation de l’évitabilité ;[34-36]

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c) certains auteurs distinguent les événements indésirables médicamenteux atténuables (ameliorable en anglais), dont la gravité et/ou la durée auraient pu être réduites si des interventions appropriées avaient été entreprises – par exemple, une dysfonction érectile perdurant depuis plusieurs mois après l’introduction d’un traitement par inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine.[28,37] Il existe une traduction précise en anglais des termes que nous avons choisi de présenter. En revanche, il n’a pas été possible de trouver un terme MeSH approprié à chacun d’eux, et même lorsque ce terme existe, sa définition est généralement très large – le terme MeSH drug toxicity englobe par exemple les termes adverse drug event ; adverse drug reaction ; drug toxicities ; drug safety. Ce manque de précision contribue à entretenir la confusion qui règne encore au niveau international dans ce domaine de la sémantique. Les utilisateurs des bases de données doivent garder à l’esprit les limites d’une recherche qui s’appuie sur des mots clés aussi imprécis. Les différences d’interprétations entre effets indésirables, erreurs médicamenteuses et EIM sont fréquentes. En effet, le terme d’effets indésirables est trop souvent considéré comme synonyme du terme d’EIM,[32] et cette confusion se retrouve fréquemment dans les publications. À l’inverse, les erreurs médicamenteuses sont généralement considérées à part des EIM, comme si ces concepts étaient totalement indépendants. La figure propose une cartographie des définitions présentées (figure 1), et le tableau une vignette clinique illustrant ces différentes notions (tableau I).

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Tableau I. Vignette clinique illustrant les différents termes utiles pour travailler sur la iatrogénie médicamenteuse en pratique de soins et en recherche clinique.

Monsieur X, 69 ans, connu jusque là pour une hypertrophie bénigne de la prostate, est pris en charge pour un IDM avec sus-décalage du segment ST à l’ECG, avec pose d’un stent actif. Au cours de son hospitalisation dans le service de cardiologie, le traitement suivant de prévention secondaire postinfactus est prescrit : - métoprolol 5 mg/j - aspirine 160 mg/j - atorvastatine 80 mg/j - lisinopril 10 mg/j - clopidogrel 75 mg/j 1. Au moment de préparer la première administration de ces médicaments, l’infirmière en charge du patient est interpellée par la dose de métoprolol et interroge le prescripteur. Celui-ci confirme qu’il a prescrit par erreur 5 mg/j au lieu de 50 mg/j. Il s’agit d’une erreur médicamenteuse sans conséquence puisqu’elle a été interceptée avant d’atteindre le patient. Elle PAS D’EIM concerne l’étape de prescription. 2. Le lendemain, l’infirmière qui prépare le traitement de Monsieur X est interrompue par un appel téléphonique et oublie de placer un comprimé d’atorvastatine dans son pilulier. Le patient ne remarque pas l’absence du médicament. L’oubli est mis en évidence par une autre infirmière le jour suivant lorsqu’elle consulte le récapitulatif des administrations sur le logiciel de prescription électronique. Il s’agit d’une erreur médicamenteuse avérée puisqu’elle a atteint le patient et n’a pas été mise en évidence suffisamment EIM tôt pour être corrigée. Cette erreur par omission concerne les étapes de préparation et d’administration. Dans ce cas, POTENTIEL elle peut toutefois être jugée sans gravité car sans conséquence pour le patient. 3. Un ionogramme de contrôle réalisé 5 jours plus tard révèle une hyperkaliémie asymptomatique à 5,2 mmol/L. La dose de lisinopril est réduite à 5 mg/j, ce qui conduit à une normalisation de la kaliémie dès le contrôle suivant. L’hyperkaliémie est un effet indésirable dose-dépendant des IECA. Dans le cas présent, cet effet indésirable peut également être considéré comme une erreur médicamenteuse avérée avec signe biologique dans la mesure où le traitement EIM par lisinopril n’a pas été initié à la dose minimale de 2,5 mg/j puis sa posologie augmentée progressivement. Cet EIM AVÉRÉ peut être considéré comme évitable. 4. Un mois après sa sortie d’hospitalisation, Monsieur X consulte son médecin généraliste pour une toux sèche irritative non productive. Cette toux persiste depuis plusieurs jours malgré la prise en automédication d’un sirop antitussif à base d’oxomémazine, prescrit l’hiver précédent à sa femme et dont la notice avait disparu. Le délai de survenue et le tableau clinique étant évocateurs d’une toux sous IECA, le médecin remplace le lisinopril 5 mg/j par du candésartan 4 mg/j. Les symptômes régressent totalement dans les semaines qui suivent. La toux est un effet indésirable bien connu des IECA, favorisé par l’inhibition de la dégradation de la bradykinine. Il EIM peut survenir malgré une posologie adéquate et peut être considéré comme inévitable puisqu’imprévisible chez un patient AVÉRÉ donné, sauf s’il est déjà survenu chez ce patient avec cet IECA ou un autre IECA. L’utilisation d’un sirop contenant un principe actif à propriétés anticholinergiques est contre-indiquée chez les patients présentant des risques de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques. Dans cet exemple, le comportement d’automédication du patient peut être qualifié de mésusage. En l’absence de tout conseil d’un professionnel de santé EIM (médecin ou pharmacien) et vu l’incapacité de consulter la notice, le non-respect de cette contre-indication n’était pas POTENTIEL intentionnel. On peut donc également parler d’erreur médicamenteuse liée au patient ; il s’agit ici d’une erreur médicamenteuse avérée sans conséquence pour le patient. 5. Au cours de l’hiver suivant, Monsieur X est ré-hospitalisé dans un contexte de pneumonie aiguë communautaire. En l’absence d’évolution favorable après 48 h d’une monothérapie par amoxicilline/acide clavulanique 3g/j, un traitement par clarithromycine 1g/j est introduit. Après 5 jours de cette bithérapie, l’infection évolue favorablement mais le patient se plaint de myalgies siégeant principalement aux membres inférieurs. Un bilan sanguin de contrôle met en évidence une augmentation du taux de CPK autour de 6 fois la limite supérieure. Le traitement antibiotique est poursuivi, mais l’atorvastatine est interrompue jusqu’à normalisation du taux de CPK puis remplacée par la pravastatine à raison de 40 mg/j. L’introduction de la clarithromycine, un puissant inhibiteur du CYP 3A4, a entraîné une diminution du métabolisme hépatique de l’atorvastatine et la survenue d’un effet indésirable musculaire dose-dépendant. Cet effet indésirable est égaleEIM ment une erreur médicamenteuse avérée avec signe clinique et biologique puisqu’il aurait pu être évité en adaptant la AVÉRÉ posologie de la statine à l’introduction du macrolide ou en substituant l’atorvastatine par une statine qui n’est pas substrat du CYP 3A4 (telle que la pravastatine). Cet EIM peut être considéré comme évitable. CPK : créatine-phosphokinase ; CYP : isoenzyme du cytochrome P450 ; ECG : électrocardiogramme ; EIM : événement iatrogène médicamenteux ; IDM : infarctus du myocarde ; IECA : inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.

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5. Analyse critique de la pertinence des définitions présentées Nous venons de présenter les définitions actuellement admises pour les principaux termes utilisés en rapport avec le thème de la iatrogénie médicamenteuse, ainsi qu’une cartographie permettant d’illustrer comment ces termes s’articulent entre eux. Ces définitions constituent une synthèse des nombreuses sources disponibles sur le sujet. Elles sont essentiellement influencées par l’approche des pharmacologues médicaux et des gestionnaires de risque en santé. Nous proposons à présent une discussion de leur pertinence du point de vue de la pratique des soins et de la recherche clinique. 5.1. Événement iatrogène ou événement indésirable ? Les termes « événement iatrogène » et « événement indésirable » sont trop souvent confondus. Un événement iatrogène désigne une situation pathologique (symptôme, syndrome ou maladie) dont la cause est rapportée aux soins, et qui peut être qualifiée de « iatropathologie ». Le terme d’événement indésirable (défini dans le paragraphe 4.4.) devrait être évité dans le vocabulaire de la iatrogénie médicamenteuse, puisqu’il désigne des faits en rapport avec les soins mais qui ne sont pas forcément associés à une iatropathologie (comme c’est le cas des erreurs potentielles, ou des erreurs avérées mais sans conséquences). 5.2. Quelle est la place des algorithmes de pharmacovigilance en pratique de soins et en recherche clinique ? Les seuls outils à la disposition des professionnels de santé souhaitant analyser de manière structurée le rôle du médicament dans des cas supposés d’EIM dans le contexte de la pratique de soins ou de la recherche clinique sont des algorithmes créés pour la pharmacovigilance. Leur objectif est d’estimer la vraisemblance du lien causal entre l’exposition à un ou plusieurs médicaments et la survenue d’un événement. Le résultat obtenu avec ces outils, le plus souvent exprimé sous la forme d’un score ou d’un adjectif, est généralement peu spécifique et difficilement utilisable pour orienter la décision médicale sans l’aide d’un pharmacologue médical.[38] Par ailleurs, l’un des principaux critères qui détermine l’imputabilité d’un médicament dans la survenue d’un EIM est la place de ce dernier dans le diagnostic différentiel. De fait, le diagnostic d’EIM est le plus souvent un diagnostic d’exclusion, et l’impossibilité d’écarter une autre cause non médicamenteuse diminue fortement le score d’imputabilité dans les différents algorithmes utilisés en pharmacovigilance,[39,40] même si ce manque d’informativité a été mieux pris en compte dans la réactualisation de la méthode française.[38,41] Dans nos travaux de recherche, nous avons observé que les situations cliniques dans lesquelles le médicament ne jouait qu’un rôle favorisant ou aggravant étaient beaucoup plus fréquentes

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que celles dans lesquelles le médicament pouvait être rendu seul responsable de la pathologie observée, et qu’il s’avérait très souvent impossible d’avoir un jugement tranché sur la causalité stricte d’un médicament.[18-22] Dans le contexte des soins ou de la recherche clinique, il nous semble plus pertinent que le raisonnement médical ne se base pas sur la stricte hiérarchisation entre pathologie et EIM, mais qu’il intègre plutôt l’intrication fréquente des causes médicamenteuses et non médicamenteuses. Nous pensons que ce changement de paradigme, du « diagnostic d’exclusion » à la « participation iatrogène », est l’une des évolutions qui permettront d’améliorer le repérage des EIM, et donc leur prise en charge. Nous proposons aux professionnels de santé travaillant en pratique de soins ou en recherche clinique sans le soutien d’un pharmacologue médical de classer les EIM non plus en fonction d’un degré d’imputabilité obtenu avec un algorithme de pharmacovigilance, mais en utilisant l’une ou l’autre des catégories suivantes :[20] – effet indésirable stricto sensu, dans les cas où le médicament était seul en cause ; – participation iatrogène à une situation pathologique multifactorielle, dans les cas où le médicament n’était pas seul en cause mais intervenait comme un facteur favorisant ou aggravant dans la situation observée. 5.3. Doit-on associer systématiquement les notions d’erreur et d’évitabilité ? L’erreur médicamenteuse est trop souvent cantonnée à la seule notion d’évitabilité.[28,42] Pourtant, dans le domaine médical, il est parfois difficile de conclure à un tel lien dans la mesure où le facteur humain est inévitablement présent. En effet, malgré l’importance du contexte organisationnel dans lequel une erreur survient, il est également important de prendre en compte les dimensions personnelles et motivationnelles relatives au(x) professionnel(s) impliqué(s) dans la survenue de cette erreur.[42] Ainsi, des facteurs cognitifs parfois totalement indépendants du contexte professionnel des individus, tels que la maladie, la fatigue, les troubles psycho-affectifs, la prise de médicaments ou encore les comportements addictifs (alcool, tabac…), peuvent être impliqués dans les erreurs médicales.[43] Des facteurs concernant plus spécifiquement le contexte professionnel, comme des défauts d’attention, une perception insuffisante de la criticité des prescriptions ou la structure hiérarchique de l’organisation médicale, ont également été identifiés.[44] Il convient par ailleurs de prendre en compte l’absence de conscience de l’erreur chez certains individus, qualifiés par les chercheurs de « personnes dans le déni » (deniers en anglais), comme le montre cette étude espagnole dans laquelle 28 % des médecins généralistes participants déclaraient ne jamais faire d’erreur, alors que dans le même temps les investigateurs avaient retrouvé un taux annuel moyen de 10,6 erreurs par médecin.[45] Enfin, les conditions de vie et l’environnement propres au patient peuvent expliquer qu’une prescription, a priori adéquate, se révèle

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inadaptée dans ce contexte particulier.[36] L’existence de facteurs contributifs d’erreur indissociables de la nature humaine doit nous amener à interroger le concept selon lequel toutes les erreurs seraient évitables, rejoignant en cela la tendance actuelle qui vise à abandonner les notions de culpabilité et de répression associées jusque là à l’erreur médicale.[46] Dans certaines définitions, un événement indésirable est considéré comme évitable si sa survenue est associée à des soins non conformes à la prise en charge considérée comme satisfaisante au moment où cet événement s’est produit.[27] Cependant, il n’est pas toujours possible de se référer à des recommandations faisant autorité.[36] Il existe en effet un certain nombre de situations cliniques pour lesquelles on ne dispose que d’avis d’experts, voire de recommandations contradictoires. Evaluer si la prise en charge médicamenteuse était conforme à « ce qui aurait dû être fait » devient dès lors beaucoup moins évident que ne le laissent entendre ces définitions de l’erreur médicamenteuse – comme par exemple lorsqu’il s’agit de mettre en balance le bénéfice attendu du traitement avec le non-respect d’une contre-indication, notamment si elle est relative. Suivant la même logique, un effet indésirable encore jamais rapporté ne peut pas être considéré comme évitable, même s’il s’avère a posteriori qu’il était pharmacologiquement prévisible.[36] À l’inverse, le fait de considérer comme systématiquement inévitable la survenue d’un effet indésirable malgré le respect strict du bon usage d’un médicament peut aussi être discutable. Dans de nombreuses situations, des recommandations simples peuvent être formulées pour tenir compte de certains risques et anticiper leur survenue. Il est par exemple bien connu que l’administration de morphine, malgré une indication clairement posée et le respect du schéma posologique adéquat, s’accompagne fréquemment de nausées en début de traitement et d’un risque de constipation pendant toute la durée du traitement. Une mesure simple de prévention de ces effets indésirables habituellement considérés comme « inévitables » consiste à prescrire en réserve un antiémétique et un laxatif chez tout patient traité par morphine. Si ces effets indésirables persistent et compromettent la poursuite du traitement, il est recommandé de procéder à une rotation vers un nouvel opioïde ; néanmoins, ces recommandations relèvent essentiellement de l’avis d’experts, et différents schémas de rotation sont envisageables sans qu’on puisse affirmer la supériorité de l’un d’entre eux.[47] Au final, la notion d’ « évitabilité » garde tout son sens dans le domaine de la gestion des risques pour travailler, à l’échelle d’une institution ou d’un système de santé, à l’amélioration de la performance des soins, en s’attachant à rechercher les causes des erreurs. Dans le contexte de la pratique de soins ou de la recherche clinique, il peut s’avérer difficile et parfois impossible de déterminer exhaustivement les causes des EIM. Dans certains cas, la notion d’« atténuabilité » d’un EIM, c’est-à-dire la possibilité que sa gravité et/ou sa durée aient pu être réduites par des interventions appropriées, pourrait être envisagée.[28,37]

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6. Proposition d’une terminologie adaptée à la pratique de soins et à la recherche clinique Notre expérience nous a fait prendre conscience de l’importance d’adapter le champ sémantique aux pratiques et aux objectifs des professionnels qui vont l’utiliser. Nous proposons ici de mettre à la disposition des médecins cliniciens et des chercheurs une terminologie qui se démarque de celle utilisée pour la pharmacovigilance ou la gestion des risques. Cet ensemble limité et cohérent de définitions doit permettre d’apporter des réponses pertinentes aux questions rencontrées dans les soins ou dans la recherche, ainsi qu’une aide à la décision dans la pratique clinique. 6.1. Événement indésirable Le terme d’événement indésirable ne présume en rien de l’origine médicamenteuse du dommage constaté. Il ne nous semble pas devoir être utilisé dans le cadre de la iatrogénie médicamenteuse dans la mesure où il n’apporte aucune information et représente plutôt une source de confusion. 6.2. Effet indésirable d’un médicament Nous recommandons de réserver l’utilisation de ce terme à la pharmacovigilance et de lui préférer en pratique de soins ou en recherche clinique celle du terme « événement iatrogène médicamenteux » (voir aussi 6.4). 6.3. Erreur médicamenteuse L’erreur médicamenteuse est l’omission ou la réalisation non intentionnelle d’un acte relatif à un médicament. Elle se définit par : – le fait qu’elle ait atteint ou non le patient (erreur médicamenteuse potentielle ou avérée) ; – le fait qu’elle soit ou non à l’origine d’un événement iatrogène médicamenteux potentiel, avéré sans conséquence, ou avéré avec des conséquences cliniques et/ou biologiques. Il est complexe de juger de l’évitabilité d’une erreur médicamenteuse. Une alternative peut être d’évaluer son atténuabilité (voir aussi 6.6.), en analysant notamment les facteurs contributifs humains (profil des professionnels impliqués dans sa survenue tels que fonction, qualifications, formation, stress…) et non humains (organisation du service, charge de travail, locaux et matériels à disposition…), les étapes du circuit du médicament concernées (interfaces comprises) et, s’il y a lieu, la gravité des conséquences potentielles ou avérées pour le patient.

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6.4. Événement iatrogène médicamenteux (EIM) Dommage survenant chez le patient, lié à sa prise en charge médicamenteuse et résultant de soins conformes ou non aux recommandations en vigueur, ou d’un déficit de soins. Nous recommandons de bien veiller à qualifier ces événements de « iatrogènes » et non d’« indésirables », témoignant ainsi du souci de décrire une situation pathologique. Comme pour les erreurs médicamenteuses, nous recommandons d’évaluer l’atténuabilité des événements iatrogènes médicamenteux plutôt que leur évitabilité (voir aussi 6.6.). La catégorisation des événements iatrogènes médicamenteux en « effets indésirables » versus « erreurs médicamenteuses » nous semble peu pertinente pour la pratique de soins ou la recherche clinique. Nous proposons plutôt de classer les événements iatrogènes médicamenteux en « effet indésirable stricto sensu » (cas où le médicament est seul en cause) versus « participation iatrogène à une situation pathologique multifactorielle » (cas où le médicament n’est pas seul en cause mais intervient comme un facteur favorisant ou aggravant dans la situation observée). Cette classification intègre l’intrication fréquente des causes médicamenteuses et non médicamenteuses, et c’est pourquoi elle nous paraît plus à même d’aider les professionnels de santé dans la prise en charge des patients dont la pathologie semble liée pour tout ou partie à leur traitement médicamenteux.

Nous avons montré à quel point l’évaluation de l’évitabilité d’un événement iatrogène médicamenteux est complexe. Dans les situations de pratique de soins ou de recherche clinique où l’évitabilité des événements iatrogènes médicamenteux ne peut pas être évaluée, nous suggérons d’évaluer leur caractère atténuable ou non.

7. Conclusion Ainsi, la définition des différents termes attachés à la iatrogénie médicamenteuse est une tâche difficile. Si le travail réalisé par les sociétés savantes européennes et américaines a beaucoup contribué à clarifier le débat, ces concepts subtils, parfois intriqués, restent délicats à manipuler. Pour éviter cet écueil, il faut admettre qu’aucune définition ne convient à toutes les situations et proposer des définitions adaptées au point de vue adopté, qu’il s’agisse du patient (clinique), du médicament (pharmacovigilance) ou du système de santé (gestion des risques). Le travail réalisé par notre groupe avait pour ambition de mettre à la disposition des cliniciens un ensemble limité et cohérent de définitions opérationnelles dans leur pratique ou pour leurs travaux de recherche. L’utilisation d’une terminologie consensuelle est toutefois une condition nécessaire mais pas suffisante pour réaliser des travaux de qualité autorisant des comparaisons : il reste essentiel de préciser le lieu d’étude, le niveau de gravité des EIM étudiés et surtout la méthodologie retenue pour le recueil de ces EIM.[4]

6.5. Mésusage Comme évoqué précédemment, le terme de mésusage peut recouvrir plusieurs dimensions. Nous proposons donc de distinguer les trois situations suivantes : – le « mésusage stricto sensu », c’est-à-dire le non-respect de la prescription médicale, de la notice ou du RCP par un patient (durée de traitement écourtée ou allongée, modification de la posologie, automédication non contrôlée par un professionnel de santé…), qui correspond à une erreur médicamenteuse liée au patient si ce non-respect n’était pas intentionnel ; – la « prescription hors-AMM », c’est-à-dire le non-respect intentionnel du RCP par un prescripteur qui juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à une spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique du patient, avec une justification claire de ce choix dans le dossier du patient et une information éclairée de ce dernier ; – l’ « usage détourné » au sens d’abus médicamenteux, qui relève de la pharmacodépendance. 6.6. Atténuabilité Un événement iatrogène médicamenteux est considéré comme atténuable dès lors que sa gravité et/ou sa durée auraient pu être réduites si des interventions appropriées avaient été entreprises.

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Remerciements Nous remercions le Pr Jean Doucet (CHU de Rouen, France), le Dr Johnny Beney (Hôpital du Valais, Suisse) et Marie-Line Mottier (CHUV, Suisse) pour leur relecture critique du manuscrit. Conflits d’intérêt. Aucun. Abréviations. ADR: adverse drug reaction ; EIM : évènement iatrogène médicamenteux ; hors-AMM : hors autorisation de mise sur le marché ; ME : medical error ; MeSH : medical subject headings ; OMS : Organisation mondiale de la santé ; RCP : résumé des caractéristiques du produit ; SFPC : Société française de pharmacie clinique.

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[Developing a terminology in the French language for clinical practice and research in drug safety].

While several attempts have been made to clarify the English terminology of drug-related iatrogeny, a consensus has still not been reached in the Fren...
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