Annales Pharmaceutiques Françaises (2014) 72, 202—215

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ARTICLE ORIGINAL

Déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière en France et au Québec : perception de pharmaciens hospitaliers Determinants of the evolution of hospital pharmacy in France and Quebec: Perception of hospital pharmacists A. Guérin a, D. Lebel a, N. Marando a, S. Prot-Labarthe b, O. Bourdon b,c,d, J.-F. Bussières a,∗,e a

Unité de recherche en pratique pharmaceutique, département de pharmacie, CHU Sainte-Justine (CHUSJ), 3175, chemin de la Côte Sainte-Catherine, Montréal, Québec H3T 1C5, Canada b Département de pharmacie, hôpital Robert-Debré, AP—HP, 48, boulevard Serurier, 75019 Paris, France c Faculté de pharmacie, université Paris Descartes, 4, avenue de l’Observatoire, 75270 Paris cedex 06, France d Éducation et pratiques de santé EA 3412, université Paris Nord-13, 74, rue Marcel-Cachin, 93017 Bobigny cedex, France e Faculté de pharmacie, université de Montréal, 2900, Édouard Montpetit, Montréal, Québec H3T 1J4, Canada Rec ¸u le 6 septembre 2013 ; accepté le 7 janvier 2014 Disponible sur Internet le 12 mars 2014

MOTS CLÉS Pratique pharmaceutique ; Hôpital ; Évolution ; France ; Québec



Résumé Contexte. — Les pratiques pharmaceutiques en milieu hospitalier ont évolué différemment entre la France et le Québec. Certes, cette évolution s’inscrit dans un cadre plus large, alors que les systèmes de santé franc ¸ais et québécois ont subi d’importantes transformations au fil des ans pour faire face aux défis liés, entre autres, aux réalités économiques et démographiques. Objectif. — L’objectif principal est d’évaluer et de comparer la perception que les pharmaciens hospitaliers franc ¸ais et québécois ont des facteurs ayant davantage contribué à l’évolution de la pratique pharmaceutique dans leurs milieux respectifs.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-F. Bussières).

0003-4509/$ — see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.pharma.2014.01.001

Déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière en France et au Québec

203

Méthode. — Il s’agit ici d’une étude descriptive transversale. L’étude porte sur un échantillon de pharmaciens hospitaliers expérimentés en France et au Québec. Nous avons ciblé un échantillon de convenance d’au moins 50 répondants par pays. Un questionnaire en ligne comportant 15 activités pharmaceutiques, auxquelles sont reliés neuf facteurs susceptibles d’avoir influencé l’implantation de chacune de ces activités dans chaque pays, a été utilisé. La moyenne des scores a été calculée pour chacun des neuf facteurs, pour chaque activité. La perception des pharmaciens hospitaliers franc ¸ais et québécois a ensuite été comparée. Une valeur de p inférieure à 0,05 a été considérée statistiquement significative. Résultats. — Deux cent soixante pharmaciens hospitaliers ont été directement contactés en France et 79 au Québec. Soixante-dix-huit pharmaciens franc ¸ais et 77 pharmaciens québécois ont répondu à l’enquête, soit un taux respectif de réponse de 30 % et de 97 %. La hiérarchie des facteurs ayant contribué à l’évolution de la pratique pharmaceutique était similaire entre les deux pays : les facteurs législatifs et normatifs ainsi que la préoccupation pour la gestion des risques et de la qualité dominent ; les facteurs humain, économique, scientifique et de formation continue occupent une position relativement similaire. Par contre, le facteur actualité (6e position en France contre 10e position au Québec) et le facteur académique (10e position en France contre 6e position au Québec) ont obtenu des scores inverses entre la France et le Québec. Conclusion. — Il existe peu de données relatives aux déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière en France et au Québec. La hiérarchie des facteurs ayant contribué à l’évolution de la pratique pharmaceutique est similaire entre les deux pays bien que des différences de rang aient été constatées pour le facteur actualité et le facteur académisme. D’autres études sont nécessaires afin de mieux comprendre les facteurs susceptibles d’influencer l’évolution de la pratique pharmaceutique en établissement de santé. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Pharmacy practice; Hospital; Evolution; France; Quebec

Summary Background. — Hospital pharmacy practice has evolved differently between France and Quebec. While this development is part of broader systems, French and Quebec hospitals have undergone significant changes over the years to cope with challenges, among others, the economic and demographic realities. Purpose. — The main objective is to evaluate and compare the perception of French and Quebec hospital pharmacists about the factors that have contributed to the evolution of pharmacy practice in their respective context. Methods. — This is a descriptive cross-sectional study. The study focuses on a sample of experienced hospital pharmacists in France and Quebec. We targeted a convenience sample of 50 respondents per country. An online questionnaire with 15 pharmaceutical activities to which are connected nine factors that may have influenced the implementation of each of these activities in each country was used. The mean score was calculated for each of the nine factors for each activity. The perception of French and Quebec hospital pharmacists was then compared. A P value less than 0.05 was considered statistically significant. Results. — Two hundred and sixty hospital pharmacists were directly contacted in France and 79 in Quebec. Seventy-eight French pharmacists and 77 Quebec pharmacists responded to the survey, that is a respective response rate of 30% and 97%, respectively. The hierarchy of factors that contributed to the evolution of pharmacy practice was similar between the two countries, legislative and regulatory factors as well as the concern for risk management and quality dominate; scientific human, economic factors and training have a relatively similar position. For cons, the news factor (6th in France against the 10th position in Quebec) and the academic factor (10th position in France against the 6th position in Quebec) obtained inverse scores between France and Quebec. Conclusion. — There are few data on the determinants of the evolution of hospital pharmacy in France and Quebec. The hierarchy of factors that contributed to the evolution of pharmacy practice is similar between the two countries, although differences of rank were found for the news and academic factors. Further studies are needed to better understand the factors that influence the evolution of pharmacy practice in health care institutions. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Introduction De nombreuses différences entre la pratique pharmaceutique hospitalière en France et au Québec sont répertoriées. Deux enquêtes sur la pharmacie hospitalière, publiées au cours des dernières années, illustrent l’écart entre les pratiques pharmaceutiques en France et au Québec [1,2]. Les principales différences répertoriées dans ces deux enquêtes sont perceptibles en matière de dotation des pharmaciens (c.-à-d. en moyenne 0,8 pharmacien pour 100 lits en France contre environ 6 pour 100 lits au Québec), de décentralisation des pharmaciens dans les programmes de soins (c.-à-d. moins de 10 % des pharmacies ont un pharmacien à l’étage quotidiennement en France contre 44 % des établissements de santé au Québec où les pharmaciens dispensent des soins directs aux patients), de systèmes de distribution de médicaments (c.-à-d. une distribution encore globale dans plusieurs établissements en France contre une distribution journalière individuelle nominative dans 90 % des établissements au Québec), de centralisation de la préparation de doses de médicaments à la pharmacie (c.-à-d. beaucoup d’établissements ont une autorisation de production en France mais préparent un nombre limité de doses prêtes à l’administration par le personnel soignant contre plus de 64 % des établissements de santé au Québec qui préparent de nombreuses doses pour plus de 90 % des patients), de droit d’initier ou d’ajuster la thérapie médicamenteuse (c.à-d. inexistant en France alors qu’il est répandu au Québec), d’activité telles que l’évaluation et l’utilisation des médicaments radiopharmaceutiques, des médicaments dérivés du sang et des dispositifs médicaux (activités non confiées au pharmacien au Québec). Les pratiques pharmaceutiques en milieu hospitalier ont évolué différemment entre la France et le Québec. Certes, cette évolution s’inscrit dans un cadre plus large, alors que les systèmes de santé franc ¸ais et québécois ont subi d’importantes transformations au fil des ans pour faire face aux défis liés, entre autres, aux réalités économiques et démographiques. Autant en France qu’au Québec, les pharmaciens hospitaliers ont dû entreprendre une réflexion pour revoir leur rôle dans ce contexte et définir les orientations prioritaires pour l’avenir. En France, le Syndicat national des pharmaciens des établissements publics de santé a entrepris cette réflexion en 2007, qui a mené à la publication de la seconde édition du Livre blanc de la pharmacie hospitalière, Horizon 2012. La ministre de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative du gouvernement franc ¸ais, Roselyne Bachelot, a reconnu que, depuis la parution de la première édition du Livre blanc en 1994, la pharmacie hospitalière a connu des « mutations profondes, qui ont valorisé les qualités professionnelles des pharmaciens dans toutes leurs dimensions : scientifiques, experts incontournables du médicament et des dispositifs médicaux, acteurs majeurs de santé publique, mais également gestionnaires ou encore référents assurance qualité » [3]. Au Canada, des réflexions similaires ont mené à l’adoption d’un plan d’action pour la pharmacie par l’Association des pharmaciens du Canada et d’un plan stratégique, Vision 2015, par la Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux (SCPH) [4]. Ces deux documents identifient les orientations clés de la pratique pharmaceutique pour les années à venir afin de

A. Guérin et al. mieux répondre aux développements du système de santé [5]. Si les changements dans la pratique pharmaceutique sont indéniablement reconnus dans ces documents, nous avons cherché à évaluer la perception que les pharmaciens hospitaliers franc ¸ais et québécois ont des facteurs ayant eu un impact sur l’évolution de la pratique pharmaceutique. L’objectif principal de cette étude descriptive transversale est d’évaluer et de comparer la perception que les pharmaciens hospitaliers franc ¸ais et québécois ont des facteurs ayant davantage contribué à l’évolution de la pratique pharmaceutique dans leurs milieux respectifs.

Matériel et méthode Échantillon L’étude a porté sur un échantillon de pharmaciens hospitaliers expérimentés (c.-à-d. ayant de préférence plus de cinq années d’expérience depuis l’obtention de leur diplôme) en France et au Québec. Les pharmaciens franc ¸ais ont été sélectionnés à partir de la liste de diffusion de l’Association pour le développement de l’Internet en pharmacie (ADIPH) et par contacts personnels. Les pharmaciens québécois ont été sélectionnés à partir du bottin des membres de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES) et par contacts personnels. Un échantillon de convenance d’au moins 50 répondants par pays a été ciblé.

Variables à l’étude Une revue documentaire a été réalisée afin d’identifier les facteurs déterminants de l’évolution de la pratique pharmaceutique et cibler des activités pharmaceutiques hospitalières plus ou moins présentes dans chaque pays. À partir de cette revue documentaire et après consensus de l’équipe de recherche (c.-à-d. 2 pharmaciens hospitaliers québécois, 2 pharmaciens hospitaliers franc ¸ais, une historienne québécoise et une interne en pharmacie franc ¸aise), neuf facteurs ont été identifiés (c.-à-d. législatif, normatif, académique, formation continue, économique, humain, scientifique, risques et qualité, actualité) et 15 activités pharmaceutiques, (c.-à-d. centralisation à la pharmacie de la préparation des agents cytotoxiques, prise en charge des dispositifs médicaux/et de la stérilisation, des médicaments dérivés du sang, des médicaments radiopharmaceutiques, présence de pharmaciens dans les services de soins, distribution journalière individuelle nominative/distribution unidose, bilan comparatif des médicaments/histoire médicamenteuse, validation pharmaceutique des ordonnances, ajustement de la thérapie médicamenteuse, conseil aux patients/éducation thérapeutique, pharmacovigilance, dispensation ambulatoire, technologies de robotisation, essais cliniques, évaluation des pratiques professionnelles). Compte tenu des différences de pratique et de terminologie entre les deux pays, des définitions ont été rédigées pour chaque activité pharmaceutique. Les définitions des 15 activités pharmaceutiques sont présentées dans le Tableau 1.

Déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière en France et au Québec Tableau 1

205

Définitions des 15 activités pharmaceutiques.

Fifteen pharmaceutical activities definitions.

Activités pharmaceutiques

Définitions

Centralisation à la pharmacie de la La centralisation de la préparation des agents antinéoplasiques à la pharmacie préparation des agents repose notamment sur l’aménagement d’un local, l’utilisation d’enceintes de antinéoplasiques préparation, la protection des travailleurs à l’aide de vêtements et la mise en place de processus limitant les risques d’exposition et de contamination Prise en charge des dispositifs médicaux/Prise en charge de la stérilisation

La prise en charge des dispositifs médicaux et de la stérilisation repose sur la gestion (c.-à-d. réception, préparation, validation de prescription, dispensation) ¸abilité par un pharmacien des dispositifs médicaux et de l’activité de et la trac stérilisation

Prise en charge des médicaments dérivés du sang

La prise en charge des médicaments dérivés du sang repose sur la gestion (c.-à-d. réception, validation de prescription, dispensation) et la trac ¸abilité par un pharmacien des médicaments dérivés du sang

Prise en charge des médicaments radiopharmaceutiques

La prise en charge des médicaments radiopharmaceutiques repose sur la gestion (c.-à-d. réception, préparation, validation de prescription, dispensation) par un pharmacien des médicaments radiopharmaceutiques

Présence de pharmaciens dans les services/programmes de soins

La présence décentralisée d’un pharmacien dans les services de soins permet la surveillance de la thérapie médicamenteuse et le bon usage des médicaments au sein des équipes médicales et au chevet des patients (c.-à-d. pharmacie clinique/soins pharmaceutiques/prise en charge pharmaceutique globale du patient)

Distribution journalière individuelle La distribution journalière individuelle nominative repose sur la préparation et la nominative/Distribution unidose dispensation des doses de médicament prise par prise pour chacun des patients avec/sans robotisation Bilan comparatif des médicaments/histoire médicamenteuse

Le bilan comparatif des médicaments/histoire médicamenteuse repose sur l’analyse des divergences de prescriptions médicamenteuses entre le domicile, l’admission et la sortie d’hospitalisation

Validation pharmaceutique des ordonnances

La validation des ordonnances (c.-à-d. analyse pharmaceutique) repose sur l’analyse du dossier pharmacologique informatisé afin d’assurer le bon usage des médicaments

Ajustement de la thérapie médicamenteuse

L’ajustement de la thérapie médicamenteuse repose sur des interventions réalisées par le pharmacien auprès des prescripteurs (c.-à-d. changement de posologie, de rythme d’administration, de forme galénique, etc.)

Conseil aux patients/éducation thérapeutique

Le conseil/l’éducation thérapeutique repose sur des activités de sensibilisation, d’information, d’apprentissage, d’accompagnement psychosocial auprès des patients en ce qui concerne le bon usage des médicaments

Pharmacovigilance

La pharmacovigilance repose sur la surveillance du risque d’effet indésirable potentiel ou réel résultant de l’utilisation des médicaments, incluant la déclaration locale ou nationale aux autorités compétentes par un pharmacien

Dispensation ambulatoire

La dispensation ambulatoire repose sur la rétrocession/distribution de médicaments achetés par l’établissement de santé à des patients non hospitalisés/ambulatoires

Technologies de robotisation

Les technologies de robotisation reposent sur l’implantation d’ensacheuse, de carrousel, de pompes de remplissage, de cabinets automatisés décentralisés, de déblistériseuse, de robots de pige, etc. pour améliorer l’efficacité et la sécurité du circuit du médicament

Essais cliniques

Les essais cliniques reposent sur la gestion (c.-à-d. réception, préparation, validation de prescription, dispensation, la gestion de l’inventaire, les retours, destruction), l’évaluation des protocoles, la randomisation des médicaments de recherche par un pharmacien

Évaluation des pratiques professionnelles

L’évaluation des pratiques professionnelles repose sur une démarche d’amélioration des pratiques consistant à comparer les pratiques effectuées et les résultats obtenus avec les recommandations professionnelles

206

Outil de mesure Un questionnaire a été conc ¸u afin d’évaluer quels facteurs ont le plus influencé l’évolution des pratiques aux yeux des pharmaciens hospitaliers sondés. Le questionnaire cible 15 activités pharmaceutiques auxquelles sont reliés neuf facteurs susceptibles d’avoir influencé l’implantation de chacune de ces activités dans chaque pays. Les répondants ont qualifié les neuf facteurs pour chaque activité pharmaceutique comme étant déterminant, contributif ou sans influence. Le questionnaire a été publié sur surveymonkey.com et envoyé aux pharmaciens hospitaliers. Le questionnaire est présenté en annexe (Annexe 1). Les pharmaciens ciblés ont été contactés directement par courriel et, dans certains cas, par téléphone, afin de préciser les objectifs et les retombées attendues de notre enquête et ainsi de maximiser le taux de réponse. Les pharmaciens ciblés étaient invités à solliciter les pharmaciens de leur service ou département de pharmacie pour répondre au sondage. L’enquête a été réalisée du 8 au 29 janvier 2013. Les réponses obtenues sur surveymonkey.com ont été extraites vers Microsoft Excel® et les données ont été analysées dans SPSS® 17.0 (Chicago, IL).

Analyse Un score de 0 a été attribué à la réponse « sans influence », un score de 1 à la réponse « contributif » et un score de 3 à la réponse « déterminant ». La moyenne des scores a été calculée pour chacun des neuf facteurs, pour chaque activité. Un score supérieur ou égal à 2 a été jugé important. La perception des pharmaciens hospitaliers franc ¸ais et québécois a ensuite été comparée. Les moyennes attribuées aux facteurs pour chaque activité ont été comparées entre la France et le Québec par un t-test. Une valeur de p inférieure à 0,05 a été considérée statistiquement significative.

Résultats Deux cent soixante pharmaciens hospitaliers ont été directement contactés en France et 79 au Québec. Soixantedix-huit pharmaciens franc ¸ais et 77 pharmaciens québécois ont répondu à l’enquête, soit un taux respectif de réponse de 30 % et de 97 %. Globalement, 3,2 % (n = 5) des répondants avait une expérience de moins de 5 ans, 11,6 % (n = 18) entre 5 et 10 ans, 27,1 % (n = 42) entre 11 et 15 ans et 58,1 % (n = 90) plus de 15 ans. Le Tableau 2 présente le score moyen global par facteur déterminant de l’évolution de la pratique pharmaceutique en France et au Québec. La hiérarchie des facteurs ayant contribué à l’évolution de la pratique pharmaceutique est similaire entre les deux pays : les facteurs législatifs et normatifs ainsi que la préoccupation pour la gestion des risques et de la qualité dominent ; les facteurs humain, économique, scientifique et de formation continue occupent une position relativement similaire. Par contre, le facteur actualité (6e position en France contre 10e position au Québec) et le facteur académique (10e position en France contre 6e position au Québec) ont obtenu des scores inverses entre la France et le Québec.

A. Guérin et al. La Fig. 1 présente la moyenne des scores attribués par les pharmaciens franc ¸ais aux déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière. La Fig. 2 présente la moyenne des scores attribués par les pharmaciens québécois aux déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière. Des 135 comparaisons effectuées, 45 comportent une différence statistiquement significative entre les répondants franc ¸ais et québécois. De plus, les proportions attribuées aux réponses « déterminant » et « contributif » sont plus élevées au Québec qu’en France. En effet, les facteurs ont été considérés « déterminants », pour 23 cas sur 45, et « contributifs » dans 22 cas sur 45.

Discussion Il existe peu de données permettant de comparer et de commenter l’évolution de la pratique pharmaceutique en France et au Québec. Cette étude descriptive, en mettant en évidence neuf facteurs ayant influencé le développement de la pharmacie hospitalière en France et au Québec, permet d’évaluer les facteurs ayant eu un impact sur l’évolution de la pratique du point de vue des pharmaciens hospitaliers. Ces facteurs nous permettent d’analyser les différentes perceptions que les pharmaciens franc ¸ais et québécois ont quant aux principaux facteurs ayant influencé les changements dans leurs milieux respectifs.

Facteurs législatifs et normatifs La pratique de la pharmacie est largement réglementée, tant en France qu’au Québec. De plus, au cours des 15 dernières années, de nombreux textes législatifs et normes professionnelles ont été adoptés dans chacune des entités juridiques. En France, la législation de la pratique pharmaceutique hospitalière est régie par le Code de la santé publique. Le décret 2000-1316 du 26 décembre 2000, relatif aux pharmacies à usage intérieur, autorise l’implantation de pharmacies à usage intérieur dans différents types de structures publiques et privées [6]. Ce décret compte plusieurs articles régissant notamment l’implantation, l’installation, le fonctionnement, les conditions d’autorisation des locaux des pharmacies à usage intérieur et la responsabilité des pharmaciens. L’article R5126 du décret définit les missions confiées à la pharmacie à usage intérieur (PUI) (c.-à-d. gestion, approvisionnement et dispensation des médicaments et dispositifs médicaux stériles, réalisation des préparations magistrales à partir de matières premières ou de spécialités pharmaceutiques, division des produits officinaux). Si une PUI dispose de locaux, du personnel, des équipements et des systèmes d’information requis par la réglementation, une autorisation à exercer d’autres activités peut alors être octroyée. La réalisation des préparations hospitalières à partir de matières premières ou de spécialités pharmaceutiques, la réalisation des préparations rendues nécessaires par les expérimentations ou essais des médicaments, la délivrance de certains aliments diététiques, la stérilisation des dispositifs médicaux, la préparation des médicaments radiopharmaceutiques comptent parmi ces activités. La première procédure de certification de la Haute Autorité de santé, datant de juin 1999, visait quant à elle à

Déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière en France et au Québec Tableau 2 Québec.

207

Score moyen global par facteurs déterminants de l’évolution de la pratique pharmaceutique en France et au

Mean global score for determinants of the evolution of hospital pharmacy in France and Quebec.

Facteurs

1Actualité

2Scientifique

3Formation continue

4Académique

56Économique Humain

7Législatif

8-Risque 9et qualité Normatif

Québec France

1,1 1,3

1,2 1,2

1,2 1,2

1,3 1,0

1,6 1,3

1,8 2,1

2,0 2,1

promouvoir la mise en œuvre de démarches d’amélioration continue de la qualité dans les établissements de santé [7]. Cette certification a été mise à jour en 2010 et elle inclut notamment une norme concernant la prise en charge médicamenteuse du patient en établissement de santé. Le bon usage des antibiotiques, la continuité et la coordination de la prise en charge du patient, l’éducation thérapeutique du patient et la sortie du patient sont les principaux critères évalués par cette norme [8]. Elle rend aussi obligatoire l’évaluation des pratiques professionnelles des pharmaciens et des préparateurs en pharmacie hospitalière au sein d’une démarche plus globale qu’est le développement professionnel continu [9]. Notons par ailleurs que l’évaluation des pratiques professionnelles est intégrée dans le décret du 14 avril 2005 du Code la santé publique [10]. En 2005, le décret no 2005-1023 du 24 août, relatif au contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations, a été implanté [11]. Ce dernier a pour objectif, notamment, d’améliorer et de sécuriser le circuit du médicament. Ainsi, l’établissement doit a minima informatiser le circuit du médicament, développer la prescription et la dispensation à délivrance nominative, tracer la prescription et les indications comme pour les médicaments hors groupe homogène de séjour, développer un système d’assurance de la qualité et centraliser la préparation des anticancéreux. Par ailleurs, depuis 2008, tout professionnel de santé ayant connaissance ou ayant constaté un risque d’erreur ou une erreur médicamenteuse peut le signaler à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé [12]. En 2009, l’Ordre des pharmaciens de France a édité un document reprenant les missions et la réglementation se rapportant à la pratique pharmaceutique hospitalière (p. ex. : Code de la santé publique, bonnes pratiques de pharmacie hospitalière, bonnes pratiques de préparation, circulaires). La Société franc ¸aise de pharmacie clinique a publié, en 2010, le référentiel de pharmacie hospitalière (7 chapitres, 32 références, 111 critères, 248 pages) qui regroupe les dispositions législatives et réglementaires ainsi que les normes s’appliquant à la pharmacie hospitalière [9]. L’arrêté du 11 avril 2011, relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé, veille à ce que le processus de prise en charge médicamenteuse du patient « soit identifié et analysé en vue de garantir la sécurité du patient dans l’établissement de santé et de contribuer à la sécurité sanitaire par la remontée d’informations relatives à la sécurité des soins au niveau régional et, le cas échéant, au niveau national [13]. »

1,6 1,6

2,0 1,8

Le resserrement du cadre législatif en France a rendu inévitable, dans les établissements, l’amorce d’une réflexion globale sur la prise en charge médicamenteuse. Ces derniers ont aussi dû évaluer le besoin de doter les pharmacies des équipements, technologies et ressources humaines nécessaires pour répondre aux missions dévolues, quitte à affecter les ressources aux activités obligatoires et à sous-traiter ou abandonner des activités dites optionnelles au regard du projet hospitalier. Au Québec, de nombreuses lois et normes sont entrées en vigueur au cours de la dernière décennie et ont eu un impact significatif sur l’évolution de la pratique des pharmaciens en milieu hospitalier, bien qu’elles soient généralement venues sanctionner des pratiques déjà en vigueur dans plusieurs milieux. D’abord, le projet de loi 90 (Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé), adopté en 2002, constituait une réforme professionnelle majeure qui sanctionnait le droit d’initier une thérapie et d’ajuster des médicaments par ordonnance collective pour les pharmaciens. Puis, le projet de loi 41 (Loi modifiant la Loi sur la pharmacie) est entré en vigueur en 2013. De nouvelles activités sont dorénavant réservées aux pharmaciens, soit la « prolongation d’une ordonnance pour une période déterminée, l’ajustement d’une ordonnance, la substitution d’un médicament à celui prescrit en cas de rupture d’approvisionnement complète au Québec de celui-ci, l’administration d’un médicament afin d’en démontrer l’usage approprié, la prescription de certains médicaments lorsque aucun diagnostic n’est requis [14] ». De plus, la prescription et l’interprétation d’analyses de laboratoire sont des activités que peuvent réaliser les pharmaciens exerc ¸ant dans un centre exploité par établissement de santé ou de services sociaux. Par ailleurs, de nombreux organismes ont adopté des normes qui ont eu pour effet de complexifier le cadre normatif pour la pharmacie hospitalière. L’organisme certificateur Agrément Canada a présenté, en 2008, la norme sur la gestion des médicaments, qui comprenait au moins 10 pratiques organisationnelles requises en lien avec le circuit du médicament. Les premiers standards de pratique (2010), les normes sur les préparations magistrales non stériles (2012) et stériles (2013) de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), les critères d’agrément du circuit du médicament du ministère de la Santé et des Services sociaux (2008), les guides de prévention de manipulation de médicaments dangereux de l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur des affaires sociales (2008) constituent quelques exemples d’éléments faisant maintenant partie du cadre normatif que les pharmaciens doivent respecter. Étant

208

A. Guérin et al.

9-Normatifs

8-Risque/Qualité

1,6

1,8

2,1

2,1

Ajustement de la thérapie médicamenteuse

1,4

1,7 1,7

1,4 0,9

1,9

1,0

2,2

1,0

Dispensation ambulatoire

1,0

0,7 0,8

0,9 1,3

1,4

1,8

1,3

2,6

Bilan comparatif médicamenteux

1,0

1,2 1,4

1,5 1,1

1,7

1,2

2,3

1,0

Centralisation à la pharmacie de la préparation des agents antinéoplasiques 0,9

1,2 1,3

1,1 1,9

1,5

2,4

2,3

2,7

Distribution journalière individuelle nominative

0,6

0,9 0,9

1,4 2,1

2,1

1,5

2,3

1,7

Prise en charge des dispositifs médicaux/Prise en charge de la stérilisation 0,9

1,0 1,3

1,3 1,6

1,7

2,6

2,3

2,8

Évaluation des pratiques professionnelles

0,8

1,7 1,5

1,2 0,8

1,7

1,9

2,1

2,2

Essais cliniques

1,0

1,1 0,8

0,7 1,0

1,3

2,1

1,5

2,7

Conseils aux patients/Éducation thérapeutique

1,2

1,2 1,8

1,0 1,3

1,8

1,2

1,9

1,7

Prise en charge des médicaments dérivés du sang

0,8

1,1 0,7

1,9 0,8

1,0

2,0

2,3

2,9

Pharmacovigilance

1,0

1,5 0,9

1,9 0,4

1,0

1,8

2,1

2,6

Présence de pharmaciens dans les services de soins

1,3

1,2 1,5

1,3 1,9

2,2

1,3

2,2

1,3

Prise en charge des médicaments radio pharmaceutiques

1,3

0,9 1,1

1,3 1,2

1,3

2,6

2,3

2,9

Technologie de robotisation

0,3

0,9 0,8

1,1 2,4

2,3

1,3

2,0

1,0

Validation pharmaceutique des ordonnances

1,4

1,5 1,5

1,8 1,4

1,8

1,8

2,5

2,1

7-Législatifs

6-Humains

1,3 1,3

5-Économiques

1,2 1,2

1-Actualités

1,0

2-Scientifique

Total

3-Formation Continue

Facteurs déterminants de l’évolution de la pratique pharmaceutique hospitalière 4-Académiques

Activités pharmaceutiques

Légende : Force de contribution à l’évolution de la pharmacie hospitalière : 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 3, 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0

Legend: Strenght of contribution to the evolution of hospital pharmacy 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 3, 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0

Figure 1. Moyenne des scores attribués par les pharmaciens franc ¸ais aux déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière. Mean scores for the determinants of the evolution of pharmacy practice attributed by French pharmacists.

donné que l’ensemble du cadre normatif auquel sont soumis les pharmaciens hospitaliers québécois compte plus de 600 critères, il n’est pas étonnant que les facteurs législatifs et normatifs dominent en tête du classement de notre sondage et aient été identifiés comme principaux vecteurs de changement par les répondants. Conscients de la portée des lois et normes sur leur pratique, les pharmaciens répondants à notre enquête ont

placé les facteurs législatif et normatif respectivement en 1re et 3e position en France, et en 3e et 1re position au Québec. Sept activités pharmaceutiques ont obtenu un score de 2 ou plus en France (c.-à-d. prise en charge des médicaments radiopharmaceutiques, centralisation à la pharmacie de la préparation des agents cytotoxiques, prise en charge des médicaments dérivés du sang, prise en charge des dispositifs médicaux et de la stérilisation,

Déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière en France et au Québec

209

Facteurs déterminants de l’évolution de la pratique pharmaceutique hospitalière

Activités pharmaceutiques

9-Normatifs

8Risque/Qualité

7-Législatifs

6-Humains

5-Économiques

4-Académiques

3-Formation continue

2-Scientifiques

1-Actualités

Total

1,1

1,2

1,2

1,3 1,6

1,6 1,8

2,0

2,0

1,1

1,9

2,1

2,3

1,2

1,8

1,6

2,1

2,1

Dispensation ambulatoire Bilan comparatif médicamenteux Centralisation à la pharmacie de la préparation des agents antinéoplasiques Distribution journalière individuelle nominative Prise en charge des dispositifs médicaux/ Prise en charge de la stérilisation Évaluation des pratiques professionnelles Essais cliniques Conseil aux patients/Éducation thérapeutique Prise en charge des médicaments dérivés du sang

0,7 1,4

0,3 1,2

0,4 0,9

0,3 0,8

1,9 1,7

1,2 1,6

2,1 1,8

1,3 2,4

1,5 2,5

1,3

1,6

1,0

1,0

1,8

1,3

2,1

2,4

2,5

1,4

1,1

0,7

0,5

2,5

1,8

1,3

2,4

2,0

1,1

1,2

1,1

1,3

1,8

1,4

2,2

1,7

1,7

1,1 0,5

1,1 1,0

1,2 0,8

1,4 1,2

1,0 1,9

1,4 1,3

1,9 2,3

1,6 1,3

2,2 2,1

0,9

1,0

1,4

2,0

0,9

1,7

1,6

1,6

1,9

1,1

1,4

1,0

0,7

1,0

1,0

2,0

2,1

2,0

Pharmacovigilance Présence de pharmaciens dans les services de soins Prise en charge des médicaments radio pharmaceutique Technologie de robotisation Validation pharmaceutique des ordonnances

1,2

1,4

1,2

1,4

0,7

1,2

1,7

1,8

1,9

1,0

1,5

1,8

2,4

1,9

2,4

1,1

1,8

1,6

0,5 1,2

0,9 0,9

0,6 0,7

0,6 0,4

0,9 2,7

1,0 2,2

2,1 1,2

1,1 2,4

1,2 1,9

1,5

1,4

1,6

2,1

1,1

1,5

2,6

2,4

2,5

Ajustement de médicamenteuse

la

thérapie

Légende : Force de contribution à l’évolution de la pharmacie hospitalière : 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 3, 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0

Legend: Strenght of contribution to the evolution of hospital pharmacy 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 2, 3, 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0

Figure 2. Moyenne des scores attribués par les pharmaciens québécois aux déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière. Mean scores for the determinants of the evolution of pharmacy practice attributed by Quebec pharmacists.

évaluation des pratiques professionnelles, distribution journalière individuelle nominative [DJIN], essais cliniques, pharmacovigilance, dispensation ambulatoire et validation pharmaceutique des ordonnances). Par exemple, en France, la centralisation à la pharmacie de la préparation des agents cytotoxiques est soumise aux critères d’agrément pour la pratique de la chimiothérapie, aux bonnes pratiques de préparation, aux bonnes pratiques de pharmacie hospitalière par la circulaire

DGS/DH/98/213 du 24 mars 1998 sur l’organisation des soins en cancérologie, par les référentiels de bon usage publiés par l’Institut national du cancer (INCa), par les standards de pratique International Society of Oncology Pharmacy Practionner (ISOPP). Au Québec, cette centralisation, qui est par ailleurs mise en place depuis la fin des années 1980, est aussi régie par un cadre normatif extensif, qui inclut notamment la norme sur la gestion des médicaments d’Agrément Canada, et par plusieurs guides nationaux et provinciaux

210 relatifs à la manipulation sécuritaire des médicaments dangereux [15—17]. Sept activités pharmaceutiques ont obtenu, pour le facteur législatif, un score de 2 ou plus au Québec (c.-à-d. centralisation à la pharmacie de la préparation des agents antinéoplasiques, validation pharmaceutique des ordonnances, essais cliniques, prise en charge des dispositifs médicaux/stérilisation, prise en charge des médicaments dérivés du sang, prise en charge de médicaments radiopharmaceutiques, dispensation ambulatoire). Au Québec, les pharmaciens hospitaliers ne participent pas à l’évaluation et à l’utilisation des médicaments radiopharmaceutiques, des médicaments dérivés du sang, des dispositifs médicaux. Ces tâches sont confiées aux technologues en imagerie médicale pour les produits radiopharmaceutiques, aux technologues en banque de sang pour les médicaments dérivés du sang, ou encore au personnel infirmier pour les dispositifs médicaux. En dépit de ces différences, les répondants franc ¸ais et québécois ont reconnu que le fait de légiférer dans ce secteur avait eu une influence dominante sur l’évolution de la pratique pharmaceutique. Puisque ces produits requièrent un contrôle pharmaceutique en France, mais pas au Québec, ils font ou ne font pas partie de l’exercice de la pharmacie et du contrôle des pharmaciens dans chacune des entités étudiées. En France, le pharmacien œuvrant dans un établissement qui dispose d’une stérilisation au sein de la PUI est garant de la qualité du processus de stérilisation, depuis la pré-désinfection jusqu’au stockage du produit. Notons que la prise en charge des dispositifs médicaux et de la stérilisation sont également des secteurs soumis à de nombreuses lois et normes en France (p. ex. : normes relatives à l’utilisation des stérilisateurs, normes sur les conditions et les systèmes d’emballage, normes sur les indicateurs de stérilisation, normes sur les laveurs désinfecteurs d’instruments) [18,19]. Il est intéressant de souligner l’importance élevée accordée à la validation pharmaceutique des ordonnances, tant en France qu’au Québec. Si cette validation pharmaceutique de toutes les ordonnances de médicaments est exigée par le cadre législatif et normatif de chaque entité juridique, elle est vécue différemment pour les pharmaciens franc ¸ais et québécois. En France, de nombreux hôpitaux fonctionnent avec une distribution globale et une validation partielle des ordonnances. Au Québec, cette validation pharmaceutique, qui n’est pas étrangère à une dotation beaucoup plus élevée en pharmaciens, est réalisée depuis au moins deux décennies pour une majorité des ordonnances, incluant la mise à jour en temps réel d’un dossier pharmacothérapeutique. En d’autres mots, les lois et les normes influencent sans aucun doute la pratique, mais ne suffisent pas à changer complètement les pratiques.

A. Guérin et al. pharmacothérapeutique, la robotisation des activités, la décentralisation de pharmaciens dans les programmes de soins et l’évaluation prospective des incidents et accidents. En France, le contrat de bon usage des médicaments (2005), mentionné à l’article L. 165-11 du Code de la sécurité sociale, a pour objectif d’améliorer et de sécuriser, au sein d’un établissement de santé, le circuit du médicament, des produits et des prestations, et de garantir leur bon usage [11]. Il vise aussi à assurer le développement d’un système d’assurance de la qualité. D’autres documents ont également contribué à développer cette culture de gestion des risques et de la qualité, notamment les bonnes pratiques de pharmacie hospitalière (2001), la circulaire DGS/DH/98/213 (24 mars 1998) sur l’organisation des soins en cancérologie, les référentiels de bon usage publiés par l’Institut national du cancer (2004) et les bonnes pratiques de préparations (2007) [21]. Par ailleurs, des crises sanitaires et des accidents médiatisés à cause des procès qui s’en sont ensuivi ont fait évoluer les pratiques. L’arrêté du 11 avril 2011, relatif à la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments en établissement de santé, a augmenté les contraintes réglementaires sur le médicament partagées par de nombreux acteurs hospitaliers. Si le cadre réglementaire et normatif se resserre, ses conditions d’application ne sont pas toujours réalistes. En effet, les mises à niveau sont souvent requises sans que les ressources nécessaires ne soient affectées aux établissements pour leur mobilisation ou leur redéploiement dans les délais prévus. Au Québec, le projet de loi 33 (Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux), sanctionné en 2006, a considérablement modifié l’encadrement de la gestion des risques et de la qualité en établissement de santé. Depuis l’adoption de cette loi, les établissements de santé sont tenus de mettre sur pied un comité central de gestion des risques, de gérer un registre local des incidents et accidents, de réaliser un suivi proactif et prospectif de tous les événements déclarés par n’importe quel intervenant du milieu et de procéder au transfert périodique des données locales vers un registre national. Déjà deux rapports semestriels de tous les incidents et accidents survenus dans le réseau hospitalier québécois ont été publiés sur le Web depuis 2011 [22]. Ce projet de loi a aussi un impact direct sur les départements de pharmacie. En effet, le chef du département doit identifier un gestionnaire de risque qui siège préférablement sur le comité central de gestion des risques et qui est responsable d’analyser tous les incidents et accidents médicamenteux. De plus, l’OPQ a publié, en 2012, un nouveau guide sur la gestion des incidents et accidents impliquant les pharmaciens et ses commettants [23]. Ces changements importants expliquent sans aucun doute pourquoi, dans notre palmarès, le facteur risque/qualité est perc ¸u comme important pour 12 des 15 activités en France et 7 des 15 activités au Québec.

Facteur risque et qualité Facteur humain Depuis la publication du rapport To err is Human en 1999, les praticiens hospitaliers de nombreux pays ont pris conscience de l’importance de la prestation sécuritaire de soins en santé [20]. En pharmacie, la réflexion qui s’est ensuivie a favorisé l’émergence d’organismes voués à la prestation sécuritaire de soins (p. ex. : Institute for Safe Medication Practice), l’informatisation du dossier

La pratique pharmaceutique repose sur un effectif humain composé principalement de pharmaciens et de personnel technique. Le facteur humain a aussi eu un impact sur l’évolution de la pratique pharmaceutique. En France, le service de pharmacie commande les produits de santé, et notamment les médicaments et les

Déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière en France et au Québec dispositifs médicaux. Ces derniers sont facturés aux services cliniques. Les seules dépenses imputées à la pharmacie sont les périmés, les pertes ou les produits transformés par la PUI tels que les matières premières de préparations hospitalières ou magistrales. Au Québec, un département de pharmacie comporte une dotation en personnel dont le ratio est inversé par rapport aux services de soins. Près de 80 % des dépenses au budget d’un programme de soins sont généralement consacrées aux ressources humaines, comparativement à 20 % en fournitures et autres biens. En pharmacie, le ratio est inversé et près de 80 % des dépenses sont affectées aux médicaments et fournitures de préparation. Bien que la dotation en ressources humaines constitue une proportion plus limitée des dépenses d’un département de pharmacie, son personnel est essentiel à son bon fonctionnement, tant pour l’apport en connaissances scientifiques des pharmaciens et en connaissances techniques des préparateurs, que pour la contribution de ces employés aux services et soins pharmaceutiques. En France, la dotation actuelle en pharmaciens et en préparateurs ne correspond pas aux besoins exprimés et surtout, à la volonté de décentraliser les pharmaciens dans les programmes de soins afin d’implanter la pharmacie clinique. Au Québec, une pénurie de pharmaciens sans précédent sévit depuis plus d’une décennie. Bien que cette pénurie soit en train de se résorber en pharmacie d’officine, elle demeure importante en milieu hospitalier avec un taux de pénurie de 24 % [24]. Dans ce contexte, les pharmaciens répondants à notre enquête ont placé le facteur humain en 4e position en France et au Québec. La DJIN et les technologies de robotisation sont les deux principales activités dont le développement a été affecté par le manque d’effectifs selon les répondants. En effet, la DJIN et les technologies de robotisation, qui entraînent le rapatriement de certaines tâches infirmières à la pharmacie, requièrent davantage de ressources humaines.

Facteur économique Le facteur économique est une préoccupation majeure des décideurs du réseau de la santé dès les années 1980 alors que les traitements onéreux se multiplient, que le prix de certains médicaments connaît une croissance soutenue et que la part des dépenses consacrées aux médicaments dans les coûts de santé ne cesse de croître, ce qui a entraîné, notamment, la mise en place de listes d’attente pour certains traitements. En France, la réforme de la tarification à l’activité (2004) a introduit, pour les médicaments les plus onéreux et indispensables, un remboursement en sus des groupes homogènes de séjour ; dans ce contexte le pharmacien intervient en premier lieu dans le respect et la trac ¸abilité des indications. Au Québec, le pharmacien est maintenant perc ¸u comme un intervenant permettant de limiter la croissance des coûts et de contrôler les dépenses en médicaments. Ainsi, certains postes de pharmaciens s’autofinancent grâce aux économies réalisées en médicaments. Confrontés à l’augmentation soutenue des dépenses en médicaments et aux contraintes économiques, les pharmaciens répondants à notre enquête ont placé le facteur économique en 5e position en France et en 4e position au

211

Québec. La DJIN et les technologies de robotisation sont encore identifiées par les répondants franc ¸ais et québécois comme ayant été le plus affectées par les facteurs économiques. La DJIN requiert davantage de ressources humaines, mais elle rend le processus plus efficient en limitant le nombre de doses dispensées à la fois et en facilitant le suivi et la remise en question de l’utilisation. Il va aussi de soi que l’introduction des technologies de robotisation favorise l’optimisation du circuit du médicament, donne accès à des données de qualité en temps réel et permet des audits de pratique. Le déploiement de la DJIN et des technologies de robotisation est impossible sans financement suffisant. En effet, il requiert l’informatisation de la prescription au préalable, qui se déploie par ailleurs très rapidement en France depuis le contrat de bon usage (2005) mais qui reste très peu implanté au Québec.

Facteurs scientifiques et de formation continue La publication scientifique ne cesse de croître. Pubmed® , qui compte plus de 22 millions de références indexées, a recensé près de 3,5 millions d’articles entre 2008 et 2012, dont 3,8 % proviennent de France et 4 % du Canada [25]. Une proportion très limitée de ces publications porte sur l’évaluation de la pratique pharmaceutique et des modèles de pratique, notamment parce que le vocabulaire contrôlé ne reconnaît pas les termes spécifiques à la pharmacie (p. ex. : non-indexation des termes pharmaceutical care, clinical pharmacy), mais aussi parce que ce type de publications et de recherches est en lente progression. Si les codes de déontologie des pharmaciens de France et du Québec encouragent le maintien de la compétence par la formation continue, peu de données permettent de rendre compte de l’impact de la formation continue sur les pratiques pharmaceutiques en milieu hospitalier. En France, depuis l’adoption de la loi « Hôpital patients santé et territoires » en 2009, le développement de professionnel continu est obligatoire pour tous les professionnels de la santé [26]. Au Québec, aucun règlement ne rend obligatoire la formation continue des pharmaciens et ne spécifie le nombre minimal d’heures de formation pertinente requis par année. De plus, les pharmaciens hospitaliers québécois continuent de participer aux activités de formation continue de l’Ordre des Pharmaciens du Québec (OPQ), de l’Association des pharmaciens d’établissements de santé (APES), de la Société canadienne des pharmaciens hospitaliers (SCPH) et de l’American Society of Health-System Pharmacists [27—30]. En outre, dans le cadre des travaux de notre unité de recherche en pratique pharmaceutique, Renet et al. ont mené un exercice de simulation auprès de leaders en pharmacie de France et du Québec. Ils ont montré que l’exposition des pharmaciens à des données probantes sur la pratique pharmaceutique en oncologie avait peu d’effet sur la perception qu’ils avaient de leur impact sur différents résultats de santé [31]. Si les pharmaciens sont relativement peu ou pas exposés aux données relatives à leur impact sur les résultats de santé, sur la prestation sécuritaire de soins ou même sur les coûts, il n’est pas étonnant qu’ils considèrent que la littérature scientifique et la formation

212 continue ont eu un impact négligeable sur l’évolution de la pratique pharmaceutique. Ainsi, malgré l’effervescence scientifique et l’offre accrue d’activités de formation continue aux pharmaciens, les répondants à notre enquête ont placé au même rang les facteurs scientifiques et de formation continue, soit respectivement en 7e et 8e position, aussi bien en France qu’au Québec. Aucune activité pharmaceutique en France n’obtient un résultat supérieur à 2 pour ce facteur, contre une seule au Québec (c.-à-d. ajustement de la thérapie médicamenteuse). L’ajustement de la thérapie médicamenteuse par les pharmaciens, qui repose généralement sur la présence décentralisée de pharmaciens, l’intégration de connaissances en pharmacothérapie, mais aussi sur des compétences cliniques nécessaires pour l’évaluation du patient et de ses besoins, est la seule activité qui a bénéficié des publications scientifiques et des activités de formation continue selon les répondants québécois. On peut donc conclure que le savoir-faire s’enseigne tout au cours de la pratique, plutôt que par le biais des activités de formation continue et des publications scientifiques.

Facteur académique Une formation complémentaire est exigée dans la plupart des établissements de santé pour l’embauche de pharmaciens hospitaliers. En France, cette formation complémentaire, nommée internat, est d’une durée de quatre années [32]. Au Québec, les pharmaciens souhaitant évoluer en établissement de santé doivent compléter une maîtrise en pharmacothérapie avancée d’une durée de 18 mois à l’Université de Montréal et de 16 mois à l’Université Laval [33,34]. Autant en France qu’au Québec, les programmes d’enseignement en pharmacie ont grandement évolué au cours des dernières décennies pour permettre au pharmacien de répondre adéquatement aux nouvelles exigences du système de santé et ainsi s’intégrer à l’équipe de soins. En France, le parcours scolaire du pharmacien est encore ponctué d’une part importante de sciences fondamentales. En créant la 5e année hospitalo-universitaire en 1985, la réforme des études pharmaceutiques visait toutefois le développement des compétences des pharmaciens afin de favoriser l’émergence d’une pratique clinique, ce qui tarde cependant à s’implanter encore aujourd’hui [35]. À preuve, Calop et al. écrivaient en 2009, dans un article décrivant l’état des lieux de la pharmacie clinique en France, que « le chemin parcouru reste modeste » malgré « l’amorce académique de la discipline » [36]. La réforme actuelle des études de pharmacie selon le schéma License Master Doctorat introduit une orientation professionnelle (POP) dans le parcours (c.-à-d. officine, internat et industrie) et des aspects plus pratiques dès la 3e année des études avec des objectifs de compétences définis à l’issue du cursus [37]. Pour l’internat, en rendant obligatoire le Diplôme d’Étude Supérieur pour accéder à des postes de pharmaciens hospitaliers, une harmonisation des pratiques hospitalières est attendue. Au sein de l’Université de Montréal, deux réformes majeures ont influencé l’évolution des programmes d’enseignement. Une première a été mise en place en 1992 à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal afin d’introduire le concept des soins pharmaceutiques

A. Guérin et al. tant dans la philosophie générale du programme que dans les contenus en pharmacothérapie. Une deuxième refonte majeure y a été implantée en 2007 avec la transformation du baccalauréat en pharmacie en doctorat professionnel de premier cycle, ce qui fait en sorte que le programme est désormais entièrement consacré à l’enseignement des soins pharmaceutiques et de la pharmacothérapie. Le nouveau cursus comporte une évaluation fondée non seulement sur les connaissances, mais aussi sur les compétences et les habiletés. De plus, le quart de formation se fait en stages professionnels où les étudiants sont en relation avec des pharmaciens modèles de pratique. En outre, le contrat d’affiliation universitaire entre la Faculté de pharmacie et les établissements de santé affiliés énumère les obligations que les départements de pharmacie se doivent de respecter afin de pouvoir accueillir les étudiants dans leur milieu de stage. Ainsi, les départements de pharmacie se doivent d’offrir la validation pharmaceutique de toutes les ordonnances ainsi que des soins pharmaceutiques décentralisés pour que les étudiants soient exposés à un nombre suffisant de pharmaciens qui sont des modèles de pratique. En réponse à ces changements des programmes d’enseignement, les pharmaciens répondants à notre enquête ont placé le facteur académique en 9e position en France et en 6e position au Québec. Le rang plus élevé donné par les répondants québécois n’est pas étranger au rôle d’avant-garde joué par les facultés de pharmacie québécoise dans la mise à jour périodique de leurs programmes d’enseignement, en lien avec les besoins de la population et des milieux de pratique. Ainsi, aucune activité pharmaceutique en France ne récolte un score supérieur à 2 pour ce facteur, contre trois au Québec (c.-à-d. présence décentralisée dans les services de soins, validation pharmaceutique des ordonnances, conseils aux patients).

Facteur d’actualités L’émergence des médias sociaux, des blogues professionnels et personnels, des chaînes d’information en continu, et la généralisation de l’utilisation d’Internet pour s’informer font en sorte que les actualités ont pris une place de plus en plus importante dans nos sociétés. En France, des événements sentinelles ont été largement médiatisés, notamment les scandales du Médiator® (benfluorex) et du Vioxx® (rofecoxib) [38,39]. On peut aussi penser à l’affaire du sang contaminé, à l’affaire de la clinique du sport où les instruments chirurgicaux n’ont pas été soumis à des procédures adéquates dans certaines interventions chirurgicales, au scandale des prothèses Poly Implant Prothèse (PIP), à la maladie de Creutzfeldt-Jakob et à la transmission d’agents non conventionnels [40—42]. Ces événements ont renforcé le poids de la réglementation en rattachant les unités fonctionnelles de stérilisation centrale (UFSC) à la PUI [43]. Au Québec, des événements similaires ont fait l’objet d’une large diffusion en 2013, notamment la contamination de préparations magistrales stériles dans le nord-est américain où plus de 741 patients ont été infectés, dont 55 sont décédés, la préparation pharmaceutique erronée et sous-dosée d’agents chimiothérapeutiques (p. ex. : cyclophosphamide, gemcitabine) effectuée par un pharmacien

Déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière en France et au Québec préparateur en Ontario, et surtout la crise de ruptures d’approvisionnement de médicaments [44—46]. De l’avis de nos répondants, les actualités ont joué un rôle limité dans l’évolution de la pratique pharmaceutique au fil du temps (6e rang en France, 9e rang au Québec). Pourtant, au Québec, le site Profession Santé, qui s’adresse principalement aux médecins, pharmaciens et infirmières, est accessible à toute la population qui peut s’y inscrire gratuitement. Ce site comporte plusieurs blogues professionnels et une foule de renseignements [47]. Ce résultat nous paraît donc étonnant car ces événements, par leurs répercussions dans l’opinion publique, mènent souvent à des changements législatifs et normatifs, mais le déclencheur de changement de pratiques semble effectivement être le cadre réglementaire. En somme, il est intéressant de constater que les pharmaciens perc ¸oivent les lois, les normes et les risques, et la qualité comme des facteurs ayant eu un impact majeur sur l’évolution de leur pratique, bien avant la formation universitaire, les données probantes permettant de reconnaître la valeur de leur pratique et la formation continue. Au Québec, le facteur académique semble principalement avoir eu un impact sur la présence décentralisée de pharmaciens, alors que nous pensons que les changements significatifs apportés aux programmes d’enseignement ont été un vecteur important de changement au cours des deux dernières décennies à plusieurs autres égards (p. ex. : opinion pharmaceutique, initiation de la thérapie). S’il est vrai que les lois et les normes demeurent des facteurs prépondérants, le renouvellement des cursus de pharmacie en France peut sans doute contribuer aussi à la poursuite du développement de la pharmacie clinique.

Limites Cette étude descriptive comporte des limites. Compte tenu qu’il s’agit d’un échantillon de convenance et que le taux de réponse diffère entre les deux pays, il pourrait être souhaitable de reproduire l’étude à plus large échelle afin d’obtenir un échantillon davantage représentatif des pharmaciens hospitaliers. Le questionnaire utilisé ne comportait que des définitions relatives aux activités pharmaceutiques, et aucune pour les facteurs eux-mêmes ; il est possible que des répondants aient interprété différemment certains facteurs (p. ex. : différence entre les facteurs législatifs et normatifs, portée du facteur scientifique). Le calcul d’un score moyen par facteur donne une idée du rang relatif de chaque facteur par pays sans toutefois permettre de commenter les écarts relatifs entre chacun des rangs. Enfin, il est raisonnable de penser que ce type d’étude comporte un biais de mémoire important : les événements les plus récents (p. ex. : adoption récente d’un texte législatif, manchette relative à une pratique donnée, etc.) sont susceptibles de donner davantage de poids aux facteurs auxquels ils ont été associés.

Conclusion Il existe peu de données relatives aux déterminants de l’évolution de la pharmacie hospitalière en France et au Québec. La hiérarchie des facteurs ayant contribué à

213

l’évolution de la pratique pharmaceutique est similaire entre les deux pays bien que des différences de rang aient été constatées pour le facteur actualité et le facteur académique. D’autres études sont nécessaires afin de mieux comprendre les facteurs expliquant l’évolution de la pratique pharmaceutique en établissement de santé.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Financement : Réseau Mère-Enfant de la Francophonie.

Annexe 1. Matériel complémentaire Le matériel complémentaire (Annexe 1) accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http:// www.sciencedirect.com et http://dx.doi.org/10.1016/j. pharma.2014.01.001.

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