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PED0010.1177/1757975915573879M.A. A. AhmedCommentaire

Commentaire Des agents de santé communautaires pour la promotion de la santé des pasteurs nomades au Mali Mohamed Ali Ag Ahmed1

Résumé : Au Mali, les nomades (des Maures, Touaregs et Peulhs) représentent environ 1,25 million de personnes. Les services de santé leur sont peu accessibles en raison de leur mobilité, liée à leur activité d’élevage. La question que se posent plusieurs intervenants en santé publique des pays où vivent ces nomades est de savoir comment améliorer leur santé. Dans ce commentaire, après un bref exposé des problèmes liés à l’accès aux services de santé, nous proposons une approche innovante et holistique de la santé, qui soutient que des agents de santé communautaires (ASC) pourraient contribuer à améliorer la santé des nomades en offrant conjointement des services de santé aux nomades et à leurs animaux (le concept « One Health » [d’Une Seule Santé]). Des pistes de réflexion sont dégagées, quant aux principaux défis pour leur efficacité et durabilité, qui sont la conception et gestion du programme, leur soutien par les communautés et leur intégration aux services de santé publique et vétérinaire. Mots clés : Afrique subsaharienne, agents de santé communautaire, Mali, nomades, promotion de la santé, services de santé, services vétérinaires

Introduction Le système de santé au Mali repose sur des centres de santé fixes, conçus pour des populations sédentaires. Il est peu accessible aux nomades, dont le mode de vie est basé sur la mobilité. Nous réfèrerons particulièrement aux pasteurs nomades plus vulnérables, en raison de leurs facteurs de risques spécifiques. Ils vivent dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne et représentent environ 1,25 million de personnes au Mali. Peuvent être considérées comme pasteurs nomades toutes personnes vivant sous une tente, s’occupant du bétail et faisant la transhumance (1). Les stratégies alternatives qui leur sont proposées en santé ont eu des résultats mitigés. Comment alors améliorer la santé des pasteurs nomades ? Voilà la question que se posent plusieurs intervenants en santé publique dans les pays où vivent ces populations. Notre objectif est donc d’alimenter cette réflexion, en nous basant sur l’état des connaissances sur la question et notre expérience médicale de six ans d’exercice dans ce milieu. Nous

soutenons ainsi qu’un programme d’agents de santé communautaire (ASC) conçu et géré convenablement, soutenu par les nomades et intégré aux services de la santé publique et vétérinaire, pour promouvoir conjointement la santé des nomades et leurs animaux, pourrait contribuer efficacement à améliorer leur santé. Il s’agit d’une approche innovante et holistique de la santé. Dans ce commentaire, nous donnerons un aperçu de la santé des nomades et des services de santé qui leurs sont offerts en Afrique subsaharienne, puis discuterons du rôle des ASC nomades et des principaux défis qui pourraient se poser à leur implantation au Mali.

Aperçu sur la santé des nomades et leurs services de santé Les indicateurs de santé des nomades sont préoccupants et témoignent de leur plus grande vulnérabilité par rapport à leurs voisins sédentaires.

1. Correspondance à : Mohamed A. A. Ahmed, Université Laval, 2371 Nicolas Pinel, Appart: 108, Québec, G1V 4H9, Canada. Email: [email protected]

Global Health Promotion 1757-9759; Vol 0(0): 1­ –5; 573879 Copyright © The Author(s) 2015, Reprints and permissions: http://www.sagepub.co.uk/journalsPermissions.nav DOI: 10.1177/1757975915573879 http://ghp.sagepub.com Downloaded from ped.sagepub.com at UNIV OF PITTSBURGH on November 13, 2015

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Au Mali, le taux de mortalité infantile est élevé chez les nomades, et la probabilité qu’un nouveau-né survive les cinq premières années n’est que de 72 % (2). Les taux de prévalence de syphilis endémique au Gourma malien passe de 18 %, chez les Sonrai sédentaires à 55 % et 42 % respectivement chez les nomades Touaregs et Peulhs (3). Le paludisme y est noté chez plus de 60 % de Touaregs et 45 % des Peulhs. Cette vulnérabilité est associée à leur mobilité, mais également à la proximité des animaux et la consommation de lait cru qui les exposent aux zoonoses comme la brucellose, la fièvre Q et la tuberculose bovine (4). En effet, leur mobilité en quête d’eau et de pâturages (5) leur rend les services de santé inaccessibles. Ils y ont recours tardivement du fait de barrières géographiques, économiques, culturelles, techniques, sociales et politiques (6). Les opinions divergent sur le type d’interventions qu’il faut pour améliorer la santé des nomades, et plusieurs ont été testées, sans grand succès. Les programmes élargis de vaccination (PEV) n’ont pas permis de vacciner suffisamment les enfants nomades (5). Au Nigeria, seulement 2 % des enfants d’âge préscolaire Peulhs avaient reçu une vaccination complète, contre 40 % pour tous les enfants dans la même zone (7). Au Kenya, les enfants de plus de 12 mois du village de Korr étaient complètement vaccinés, alors que leurs homologues nomades ont une couverture vaccinale nulle (8). Les équipes mobiles souvent proposées comme alternatives sont fort coûteuses et peu efficaces (5). Au Mali, les coûts des équipes mobiles pour les nomades sont 11 fois plus élevés que pour les sédentaires (9). Au Niger, les unités de santé mobiles ont contribué à moins de 10 % des vaccinations du vaccin combiné contre la diphtérie - tétanos - coqueluche (DTC1) et moins de 5 % de couverture en DTC3 chez les nomades (10). Au Tchad, partant du constat que les animaux, contrairement aux enfants nomades, sont bien vaccinés, une stratégie en équipe mobile, couplant soins aux animaux et aux personnes, a permis en un an, de vacciner entièrement et pour la première fois 10 % des enfants nomades de moins d’un an (11). Ces stratégies conjointes moins onéreuses sont très appréciées des pasteurs nomades (11). C’est une approche holistique de la santé cohérente avec le concept « One Health » [Une Seule Santé]. Elle est contemporaine et pertinente pour le développement conjoint de la santé publique et animale. Elle met

ainsi en relief les liens inextricables entre l’homme, les animaux et leurs environnements (12). De même, une approche basée sur la mise en place des ASC nomades est susceptible d’être plus abordable et durable (5). Par délégation des tâches, ils pourraient faciliter les prestations de services de santé aux nomades.

Des ASC nomades pour promouvoir la santé des nomades Les ASC ont été définis par l’Organisation Mondiale de Santé (OMS) (13) comme des personnes désignées au sein d’une communauté et formées au sein de celle-ci, en liaison étroite avec le système de santé. La question qui se pose n’est plus de savoir s’ils jouent un rôle clé dans l’amélioration de la santé, mais de déterminer comment leur potentiel peut être pleinement exploité (14). En effet, il y a peu de consensus sur leur rôle, en raison de plusieurs difficultés liées à leur implantation.

Rôle des ASC nomades Le rôle des ASC a été extrêmement diversifié dans et entre les pays, mais également selon les programmes de santé qui les mobilisent (15). Leur impact positif sur la prévention de la maladie, l’adoption des comportements sains et l’accès aux soins a été documenté dans divers contextes (16). Pour les nomades, leurs activités pourraient ainsi inclure l’éducation sur leurs principaux facteurs de risques pour leur santé, la promotion des comportements sains ou la facilitation des liens avec les services de santé (17). Dans les pays à faibles revenus, les ASC se sont révélés efficaces pour lutter contre les pneumonies, le paludisme ou la diarrhée (16), qui sont les principales causes de mortalité infantile chez les nomades (5). Ils y ont également réussi à améliorer la vaccination des enfants (16). Ils pourraient ainsi recenser les enfants nomades et s’assurer qu’ils soient régulièrement vaccinés par les équipes du PEV (5). Leur utilisation augmenterait le taux de guérison de la tuberculose (16), ce qui aiderait à la contenir chez les nomades. Ils pourraient aussi identifier et contenir les cas de ver de Guinée et soutenir les programmes de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles (5). Des outils standardisant ces prises en charge doivent leur être fournis. Leurs équipements seront déterminés en fonction des problèmes à résoudre. La

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médecine vétérinaire est privatisée au Mali. Les ASC pourraient être utilisées pour la vaccination, le déparasitage des animaux, ainsi que la surveillance épidémiologique.

Défis pour l’efficacité et la durabilité des ASC nomades Pour des ASC nomades efficaces et durables, trois groupes de défis pourraient être identifiés : la conception et gestion du programme des ASC, leur soutien par les communautés, et enfin, leur intégration aux services de santé publique et vétérinaire (17) .

Conception et gestion du programme des ASC Elles portent principalement sur les critères de choix, la formation, la supervision et la motivation des ASC (13,18). Choix des ASC Les critères de sélection identifiés comme étant importants sont essentiellement l’âge, le sexe, l’instruction, l’appartenance à la communauté, la capacité de lui inspirer respect et confiance, ainsi que son acceptation des ASC (13). Leur sélection devrait se faire conjointement par les nomades et les services de santé. Cela pourrait prévenir une surreprésentation de certaines catégories d’individus, en raison des relations de pouvoir et du poids de la hiérarchie dans les communautés. Nous suggérons que les ASC nomades soient des deux sexes, pour prendre en compte les besoins spécifiques des femmes qui ne peuvent se confier à des hommes. Ils devraient savoir lire et écrire pour plus d’aptitudes à communiquer et recevoir une formation de qualité, habiter avec les nomades pour augmenter la probabilité qu’ils restent longtemps dans cette communauté, après avoir été formés. De même, ils gagneraient plus en crédibilité dans ce milieu s’ils étaient mariés. En outre, chaque critère a des avantages et des inconvénients à évaluer selon les contextes et les réunir s’avère être un véritable défi. Formation des ASC Elle est jugée essentielle puisqu’elle conditionne leur performance ultérieure (13). Son contenu

porterait sur les tâches qui leurs seront déléguées et se limiterait aux problèmes pour lesquels les ASC ont montré des preuves scientifiques de leur efficacité. Il nous semble essentiel qu’ils acquièrent des compétences en santé humaine et animale avec un gradient supérieur à celui des nomades, dont leur savoir et leur expertise devraient être valorisés. Supervision des ASC L’échec des programmes des ASC a souvent été imputé à la médiocrité de leur encadrement (14). La supervision leur assurerait un soutien fiable et utile, une formation continue et renforcerait leur crédibilité dans la communauté (13). Elle pourrait être menée conjointement par les services sanitaires et vétérinaires, et permettre de voir les ASC en activité. Elle permettrait d’échanger avec les populations et recueillir leurs préoccupations pour mieux répondre à leurs attentes. Motivation des ASC Leur rémunération est sujette à controverse et varierait selon les contextes. L’OMS a recommandé de les rétribuer dans la mesure où ils consacrent une partie importante de leur temps pour mener des activités (18). Au Mali, les ASC pourraient être recrutés comme fonctionnaires des collectivités territoriales, pour leur assurer une carrière et plus de motivation. Cela nous semble déterminant pour retenir, dans le milieu des nomades, des lettrés qui pourraient travailler comme ASC. Les recouvrements des coûts sur les prestations en santé qu’ils offrent, les subventions apportées par différents programmes en santé et les bénéfices sur les produits vétérinaires vendus pourraient participer à leur rémunération.

Leur soutien par les communautés Les ASC devraient répondre aux normes sociales et aux coutumes locales pour leur acceptation (15). Leur soutien sera facilité par le fait qu’ils sont issus des nomades et s’occupent conjointement de leur santé et celle de leurs animaux, à laquelle ils accordent une grande valeur (5). De même, leur offre de soins curatifs en demande par la population contribuerait à leur crédibilité et leur soutien. IUHPE – Global Health Promotion Vol. 0, No. 0 201X

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Leur intégration aux services de santé publique et vétérinaire En 1978 le Mali avait mis en place les ASC, puis les a abandonnés suite à la récession économique. Depuis quelques années, ils y ont été reconnus à nouveau comme une extension du système de santé. Cependant, cette reconnaissance ne contribuera pas forcément à plus de confiance (17) de la part des nomades. Il faudra faire du plaidoyer pour une collaboration entre les services de santé publique et vétérinaire. La conception et la gestion conjointes des ASC par les deux services, ainsi que le partage des rapports d’activités, pourraient aider à leur plus grande intégration. Pour cela, la collaboration des vétérinaires privés serait indispensable.

Conclusion Le système de santé au Mali conçu pour des populations sédentaires ne permet pas un accès aux services de santé pour les nomades, mobiles du fait de leur activité qu’est l’élevage extensif. Avec la décentralisation, les compétences en matière de santé ont été transférées aux communautés, qui pourraient faire le choix des approches qui leur sont les mieux adaptées. Les ASC ayant démontré un intérêt pour la promotion de la santé des populations isolées, pourraient être une piste à explorer pour les nomades. La santé des animaux, pour ces nomades, étant aussi importante que la leur, celle-ci doit-être prise en compte pour que toute intervention leur soit pertinente. C’est pourquoi nous proposons que ces ASC offrent conjointement des services de santé aux nomades et à leurs animaux. Ils pourraient s’articuler et être complémentaires des services de santé publique et animale, dont ils constitueront des extensions au sein des communautés. Il faut cependant s’assurer d’une bonne conception et gestion du programme des ASC, de leur soutien par les nomades et de leur intégration aux services de santé publique et vétérinaire. Les propositions faites pourront être approfondies dans le cadre d’une intervention visant à tester cette stratégie pour promouvoir la santé des nomades. Conflit d’intérêt Aucun conflit d’intérêt déclaré.

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