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Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2013) xxx, xxx—xxx

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TRAVAIL ORIGINAL

Dépression chez la femme enceinte fumeuse : impact sur la motivation à l’arrêt du tabac Depression in pregnant women smoking: Impact on motivation to quit smoking F. Dupré a, J. Perriot b,c,∗, I. Defay d, C. Lavessière e, F. Defay f, C. Guillon b, G. Mathern b, M. Berland b a

Service de maternité, groupe hospitalier mutualiste de Grenoble, 38000 Grenoble, France Institut Rhône-Alpes Auvergne de tabacologie (IRAAT), hôpital de la Croix-Rousse, 103, grande rue de la Croix-Rousse, 69004 Lyon, France c Dispensaire Émile-Roux, 11, rue Vaucanson, 63100 Clermont-Ferrand, France d Service de maternité, clinique Belledonne, 38400 Saint-Martin-d’Hères, France e Service de maternité, hôpital de la Croix Rousse, 69004 Lyon, France f Institut national de santé publique, Québec, Canada b

Rec ¸u le 1er juillet 2013 ; avis du comité de lecture le 9 septembre 2013 ; définitivement accepté le 13 septembre 2013

MOTS CLÉS Sevrage tabagique ; Dépression ; Grossesse ; Sage-femme ; Motivation



Résumé Malgré les progrès accomplis dans l’aide à l’arrêt du tabac en milieu obstétrical, le pourcentage de femmes enceintes fumeuses demeure trop élevé en France. La connaissance des freins à l’arrêt peut aider la prise en charge de leur sevrage. Buts. — Évaluer la prévalence des troubles dépressifs chez des femmes enceintes fumeuses comparativement aux non fumeuses ; juger de leur impact sur la motivation à l’arrêt du tabac ; vérifier si leur identification peut être réalisée par des sages-femmes au moyen d’outils de repérage. Matériels et méthodes. — Enquête prospective multicentrique portant sur 792 femmes (435 fumeuses et 357 non fumeuses). L’évaluation de la dépression actuelle est faite par le Hospital Anxiety Depression Scale ; celle de la motivation à l’arrêt par le test de Richmond. Résultats. — Les femmes enceintes fumeuses, comparativement au non fumeuses, présentent des dépressions plus fréquentes (actuelles : OR = 2,4 ; antécédents : OR = 2), qui ne modifient pas la motivation à l’arrêt. Elles sont associées à une dépendance nicotinique élevée et à des bas niveaux socioéconomiques. Leur repérage est facilement réalisable par les sages-femmes.

Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (J. Perriot).

0368-2315/$ – see front matter © 2013 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2013.09.005

Pour citer cet article : Dupré F, et al. Dépression chez la femme enceinte fumeuse : impact sur la motivation à l’arrêt du tabac. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2013.09.005

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F. Dupré et al. Conclusion. — Le dépistage systématique des troubles dépressifs chez les femmes enceintes fumeuses pourrait faciliter le sevrage tabagique. © 2013 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS Smoking cessation; Depressive disorder; Pregnancy; Midwife; Motivation

Summary Despite the organization of smoking cessation program, the percentage of pregnant smokers remains too high in France. The knowledge of the factors limiting success of the attempt can help the smoking cessation. Aim. — To evaluate the prevalence of depressive disorders in pregnant smokers compared to nonsmokers; assess their impact on motivation stopping smoking; verify their identification can be performed by midwives. Materials and methods. — Prospective multicenter survey on 792 women (435 smokers and 357 non-smokers), the assessment of the current depression is made by the Hospital Anxiety Depression scale, and motivation to quit smoking by the Richmond test. Results. — Pregnant smokers compared to non-smokers, have more frequent depressive disorders (current: OR = 2.4; history: OR = 2). These problems do not decrease the motivation to quit, they are associated with a high nicotine dependence and low socioeconomic levels. Their testing can be done by midwives. Conclusion. — Systematic screening for depression in pregnant women smoking could facilitate smoking cessation. © 2013 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction La consommation de tabac constitue la première cause de mort évitable en France. La lutte contre le tabagisme représente un enjeu majeur de la politique de santé publique de ce pays. Chez la femme enceinte, l’usage de tabac est à l’origine de multiples conséquences négatives pour elle, le déroulement de la grossesse et l’enfant [1]. La France demeure le pays d’Europe où la proportion de femmes enceintes fumeuses est le plus élevé [2]. En dépit de la prise de conscience de la nécessité de développer les moyens de l’aide à l’arrêt du tabac en milieu obstétrical issue de la Conférence de consensus « tabac et grossesse » en 2004 [1], l’optimisation du sevrage tabagique des femmes enceintes est nécessaire car il constitue un élément déterminant, autant que la prise en charge des autres consommations à risques, de morbi-mortalité et de handicaps associés à la périnatalité [3]. Chez la femme enceinte, l’arrêt du tabac se produit dans 80 % des cas au cours du premier trimestre de la grossesse ; il est beaucoup moins fréquent après [4,5]. Les principaux freins à la réussite de l’arrêt, en dehors d’un niveau de dépendance nicotinique élevé et d’une absence d’accompagnement lors de la tentative sont : des conditions sociales précaires, la consommation associée de substances psycho-actives (SPA), l’existence de troubles anxio-dépressifs, une faible motivation à l’arrêt du tabac [6,7]. La dernière enquête périnatale de 2010 [2] a mis en évidence qu’entre 2003 et 2010, malgré les progrès accomplis dans l’aide à l’arrêt du tabac dans les maternités franc ¸aises, le taux de femmes fumeuses à l’accouchement n’est passé que de 20,8 à 17,1 %. À l’évidence, un effort d’optimisation du sevrage tabagique des femmes enceintes fumeuses s’impose. Les facteurs de risques de la dépression pendant la grossesse sont multiples et relèvent des antécédents personnels ou de la situation de vie incluant précarité ou isolement social, antécédents de dépression et faible niveau de formation [8]. Les états dépressifs sont associés à un

sur risque de tabagisme [7] et d’échecs lors des tentatives d’arrêt du tabac [9]. Parmi les adolescentes enceintes fumeuses, comparativement aux non-fumeuses, la prévalence de la dépression est supérieure [10]. Les scores de dépressions sont plus élevés parmi les femmes enceintes fumeuses [11,12] ; l’arrêt du tabac paraît les améliorer [13]. Flick et al. [14] ont identifié une proportion importante de troubles psychiatriques graves dont des dépressions sévères parmi des femmes enceintes qui, bien que motivées à l’arrêt du tabac, fumaient néanmoins une quantité importante de cigarettes quotidiennes jusqu’à l’accouchement. La relation entre tabagisme, dépression et grossesse reste marquée de nombreuses inconnues ; l’impact spécifique de la dépression sur la motivation à l’arrêt du tabac a été peu exploré. L’utilisation d’outils de repérage favorise l’identification de troubles dépressifs chez la femme enceinte ; en particulier chez celle qui fume [15]. Le diagnostic de troubles dépressifs chez la femme devrait conduire à la prise en charge du sevrage par un(e) spécialiste en tabacologie ce qui pourrait faciliter l’arrêt du tabac. L’objectif de cette étude est double : • évaluer la prévalence de la dépression (actuelle ou antécédents) dans une population de femmes enceintes fumeuses, comparativement à des non fumeuses ; • juger de l’impact de la dépression (actuelle ou antécédents) sur la motivation à l’arrêt du tabac des femmes.

Materiel et méthode Matériel L’étude a été réalisée par le collectif des sagesfemmes de l’Institut Rhône Alpes Auvergne de Tabacologie (IRAAT). Cette enquête prospective, multicentriques par auto-questionnaire auprès de patientes ayant signé un consentement de participation à impliqué 11 centres de

Pour citer cet article : Dupré F, et al. Dépression chez la femme enceinte fumeuse : impact sur la motivation à l’arrêt du tabac. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2013.09.005

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Dépression et femmes enceintes fumeuses tabacologie et maternités de la région Rhône-Alpes entre septembre 2009 et janvier 2011. Les sages-femmes (n = 17) impliquées dans l’étude proposaient à toutes les femmes enceintes fumeuses (F) ou non-fumeuses : jamais ou ex-fumeuses (NF) vues en consultation, quel qu’en soit le motif, de participer à l’enquête et de remplir les questionnaires. Les seuls critères retenus pour être inclus dans l’étude étaient : être enceinte, avoir signé l’accord de participation, être âgé de 18 ans ou plus, lire et comprendre le franc ¸ais. La consommation d’autres substances psychoactives que le tabac était répertoriée, elle ne représentait pas un critère d’exclusion. Un total de 792 femmes (435 F et 357 NF) a ainsi été inclus. La comparaison entre fumeuses et non fumeuse a conduit à identifier 357 couples F/NF appariées de fac ¸on aléatoire par trimestre de grossesse, âge, ethnie et établissement d’inclusion.

Méthode La dépression actuelle est mesurée au moyen d’une échelle spécifique : Hospital Anxiety Depression Scale (HAD) [16] qui est un auto-questionnaire composé de 14 items de détection des états anxieux et dépressifs (pour qualifier un état dépressif des scores D > 10 et A + D > 18 ont été retenus). Les antécédents dépressifs sont les événements cliniques répondant aux critères de définition de l’épisode dépressif majeur (mini DSM IV, 1994 [17]) survenus dans les cinq ans précédents et qui ont nécessité une prise en charge spécialisée. L’évaluation du niveau de dépendance nicotinique a été réalisée au moyen du mini-test de Fagerström et appliqué au tabagisme préconceptionnel [18]. La motivation à l’arrêt est évaluée par le test de Richmond [19] (score de 1 à 10 : < 6 : motivation faible ; 6—8 : moyenne ; > 8 : bonne) et par une échelle verbale numérique (EVN : 0—10). L’arrêt de la consommation de tabac est validé par la mesure du monoxyde de carbone expiré : COE (abstinence tabagique : COE ≤ 5 ppm) qui distingue les non fumeuses (NF) des fumeuses (F).

Analyse statistique L’analyse statistique a été réalisée au moyen du logiciel SAS version 8. La comparaison des caractéristiques entre F et NF a été faite de manière univariée : test de Student pour les variables quantitatives, Chi2 pour les variables qualitatives. Le taux de significativité retenu et de 5 %. Une analyse multivariée a été réalisée pour contrôler l’influence des variables confondantes.

Résultats Caractéristiques de la population Il n’y a pas de différence significative entre les groupes de patientes fumeuses (F) et non fumeuses (NF) pour les moyennes de l’âge (F : 29,8 et NF : 30,1 ; p = 0,58), du nombre de grossesses (F : 2,1 et NF : 2 ; p = 0,1) et de l’indice

3 de masse corporelle (F : 23 et NF : 23,5 ; p = 0,21) (Tableau 1). Le niveau de formation est similaire dans les deux groupes de patientes ; en revanche, il existe une proportion plus élevée de non-fumeuses avec le niveau d’études supérieures à bac +2 (39,9 % vs 22,8 % ; p < 0,0001). Les situations de précarité sociale (revenus du foyer inférieur à 10 000 D /an ou femmes allocataires d’un minima social) sont rencontrées deux fois plus souvent chez les patientes fumeuses (OR = 2,3). Parmi ces femmes, 26 % déclarent avoir consommé de l’alcool durant la grossesse, 2 % en consomment chaque mois. L’usage du cannabis est significativement plus fréquent chez celles qui fument comparativement aux non fumeuses (6 % vs 1,5 % ; p 0,05).

Profil tabagique des femmes fumeuses Les patientes participant à l’étude ont été recrutées au sein de consultation d’aide à l’arrêt du tabac (64 %) ou de consultations prénatales (36 %) (Tableau 2). Ceci a permis d’identifier des patientes avec dépendance faible (25,7 %), modérée (50,3 %) ou forte (24 %) ; 59,8 % des patientes fumeuses consommaient leur première cigarette dans les 30 minutes qui suivaient leur réveil. Plus de la moitié d’entre elles (55,7 %) fumaient régulièrement à l’âge de 16 ans. Les trois-quarts avaient déjà tenté une fois d’arrêter de fumer et 49 % ont essayé de le faire au cours de leur grossesse actuelle. Le fait d’avoir antérieurement tenté d’arrêter le tabac comparativement à ne pas l’avoir fait, est positivement associé (p = 0,0001) à un essai de sevrage lors de la grossesse en cours. Si 70 % des patientes qui tentaient l’arrêt cessaient de fumer une semaine, elle n’était que 30 % à demeurer abstinentes plus d’une semaine. Les tentatives de sevrage étaient similaires quel que soit le lieu de recrutement.

Prévalence de la dépression Antécédents dépressifs Ils sont deux fois plus fréquents chez les fumeuses (OR = 2,02) (Tableau 3). Chez ces dernières et comparativement aux non-fumeuses, ils ont occasionné une proportion supérieure d’arrêts de travail et d’hospitalisations (57 % vs 37 % et 26 % vs 16 % respectivement). Les fumeuses ont bénéficié plus souvent d’un traitement médicamenteux et/ou d’un suivi psychologique, par ailleurs plus long que chez les non-fumeuses (76 % vs 68 % et 61 % vs 52 % respectivement). Lors de l’enquête, il y avait un pourcentage supérieur de fumeuses par rapport à celui des non-fumeuses à déclarer « souffrir encore » de dépression (11,8 % vs 3,6 % ; p = 0,65). Les antécédents de dépression du post-partum étaient similaires chez fumeuses et non fumeuses (8,7 % vs 9,3 % ; p = 0,38). Dépressions actuelles La prévalence des épisodes dépressifs majeurs, évalués par l’échelle HAD, est plus élevée chez les patientes enceintes fumeuses que parmi celles qui ne fument pas. Le score global (A + D > 18) qui constitue le seuil de leur détection est atteint chez 19,1 % et 8,4 % (p = 0,0001) d’entre elles respectivement. Le versant anxieux prédomine chez les femmes enceintes dépressives, a fortiori si elles fument.

Pour citer cet article : Dupré F, et al. Dépression chez la femme enceinte fumeuse : impact sur la motivation à l’arrêt du tabac. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2013.09.005

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F. Dupré et al. Tableau 1 Caractéristiques des populations. Features of the populations. Fumeuses %

Non fumeuses %

Odds ratio (IC 95 %)

p-value

Niveau d’étude Sans diplôme CAP BEP Baccalauréat Bac +2 > Bac +2

10,5 9,7 18,8 20,8 17,4 22,8

4,8 7,3 10,7 19,4 18 39,9

1 0,629 0,814 0,516 0,45 0,26

— 0,28—1,42 0,40—1,67 0,26—1,01 0,22—0,91 0,13—0,51

— 0,62 0,04 0,63 0,21 < 0,0001

Bénéficiaire d’un minima social Oui Non

15,2 84,8

7,6 92,4

2,3 1

1,36—3,89 —

0,0019 —

Revenu par foyer (Euros/an) < 10 000 10 000 à 20 000 20 000 à 30 000 < 30 000

17,1 28,6 30,9 23,4

8,6 21,8 33 36,7

2,289 1,3 1 0,668

1,31—3,99 0,87—1,95 — 0,44—1,00

0,0009 0,50 — < 0,0001

L’analyse multivariée a mis en évidence que les facteurs associés à la dépression actuelle étaient : les antécédents de dépression (OR = 3,6 ; IC 95 % : 2,3—5,6), le tabagisme (OR = 2,3 ; IC 95 % : 1,4—3,7) et la nulliparité (OR = 1,7 ; IC 95 % : 1,1—2,7). Il a été constaté que le pourcentage de grossesses « non désirées » était significativement plus élevé chez les fumeuses que chez les non-fumeuses (12 % vs 2,1 % ;

Tableau 2 Profil tabagique des patientes fumeuses. Profile of tobacco smokers. Dépendance nicotinique (Score mini Fagerström) 0—1 : peu dépendantes 2—3 : moyennement dépendantes 4—6 : fortement dépendantes

22,7 % 50,3 % 24 %

Délai entre réveil et la 1re cigarette Plus de 60 minutes Dans les 31—60 minutes Dans les 6—30 minutes Dans les 5 minutes

22,3 % 17,9 % 40,1 % 19,7 %

Nombre de cigarettes fumées par jour 10 ou moins 11 à 20 21 à 30 31 ou plus

24,8 % 56,5 % 14 % 4,7 %

Tentatives d’arrêts du tabac Antérieures Non Oui Durée < 7 jours Durée ≥ 7 jours Grossesse actuelle Non Oui Durée < 7 jours Durée ≥ 7 jours

p < 0,0001) en revanche ce constat n’a pas été formellement corrélé à l’existence de troubles de l’humeur. Il n’a pas été retrouvé de corrélation entre l’âge gestationnel et l’existence d’une dépression actuelle.

Motivation à l’arrêt du tabac Le niveau de la motivation à l’arrêt du tabac était identique, que celui-ci fût évalué au moyen du test de Richmond ou d’une échelle verbale numérique (EVN) (Fig. 1 et 2). La motivation à l’arrêt des patientes paraît peu affectée par l’existence d’un état dépressif (HAD avec score D > 10). Il existait une proportion identique (37,7 %) de patientes fortement motivées avec ou sans état dépressif associé lorsque l’évaluation avait recours à une EVN ; en revanche, l’utilisation du test de Richmond n’en retrouvait que 10 et 5,9 % respectivement (p = 0,1).

26,7 % 73,3 % 29,2 % 70,8 % 51,2 % 48,8 % 69,9 % 30,1 %

Figure 1 Motivation à l’arrêt du tabac (échelle verbale numérique) et dépression actuelle. Motivation to stop smoking (verbal numerical scale) and current depression.

Pour citer cet article : Dupré F, et al. Dépression chez la femme enceinte fumeuse : impact sur la motivation à l’arrêt du tabac. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2013.09.005

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Tableau 3 Antécédents dépressifs et dépressions actuelles chez fumeuses et non fumeuses. Depressive history and current depression in smokers and ex-smokers.

Antécédents dépressifs Dépression actuelle Axe anxiété (A > 10) Axe anxiété (D > 10)

Fumeuses (%)

Non fumeuses (%)

Odds-ratio

Valeur de p

37,3 19,1 33,9 5,6

23,5 8,4 15,4 3,1

2,02 2,40 2,94 1,9

< 0,0001 0,0001 < 0,0001 0,1

(1,43—2,84) (1,54—3,77) (1,94—4,34) (0,88—4,08)

Antécédents dépressif (critères DSM IV). Dépression actuelle (Test HAD : score A + D > 18).

Figure 2 Motivation à l’arrêt du tabac (test de Richmond) et dépression actuelle Motivation to stop smoking (Richmond test) and current depression.

Lorsque la motivation à l’arrêt est évaluée par une EVN les facteurs les plus indicateurs d’une forte motivation à l’arrêt sont : un faible niveau de dépendance nicotinique (OR = 2,1) ; le fait de bénéficier d’un complément social au revenu (OR = 2,1) ; d’avoir déjà fait une tentative d’arrêt lors de la grossesse, de présenter un trouble anxieux ou de consulter en centre d’aide à l’arrêt du tabagisme (OR = 1,8). En revanche, aucune corrélation n’a pu être faite entre l’âge gestationnel et le niveau de motivation à l’arrêt du tabac. En dehors du fait de consulter dans un centre de tabacologie (OR = 4,3), les facteurs les plus fortement associées à une bonne motivation d’arrêt du tabac sont l’existence d’un poids stable (OR = 2,6), de tentatives d’arrêts antérieurs (OR = 2,7) et d’antécédents dépressifs (OR = 2,6).

Discussion La méthodologie de cette étude paraît adaptée aux objectifs qu’elle s’était fixée. Cependant le recrutement d’un nombre important de patientes en centre de sevrage tabagique (64 %) peut avoir introduit un biais de surestimation de la motivation à l’arrêt du tabac dans le groupe d’étude. Il est mis en évidence que des dépressions actuelles (20 %) ou des antécédents de dépressions sévères (30 %), une forte dépendance nicotinique et une situation de précarité sociale sont fréquemment associées au tabagisme de la femme enceinte confirmant les données de la littérature [4,5,8].

Les modalités d’identification des troubles de l’humeur ont été identiques à celles utilisées par Pritchard et al. [11] et Goodwin et al. [19] dans leurs travaux. Ces troubles sont significativement plus fréquents chez les patientes enceintes fumeuses comparativement au non fumeuses. Leur dépistage peut s’appuyer sur le recours à une échelle d’évaluation des troubles anxio-dépressif (HAD) et la recherche des critères cliniques de dépressions sévères (DSM IV). Des sages-femmes formées à ce repérage, entre autres acteurs du soin dans la période périnatale, peuvent en assurer l’identification avec ces outils. D’autres échelles telles que la Edimburg Post-natal Depression Scale (EPDS) pourrait trouver une utilisation à cette fin [20—23]. Dans cette étude, la motivation à l’arrêt des patientes fumeuses paraît ne pas être affectée par la coexistence de troubles dépressifs (actuels ou passés). Au contraire, en cas de faible dépendance nicotinique, d’antécédents de tentative d’arrêt, de situation de précarité sociale et si le poids est stable, elle est associée à une plus forte motivation à s’arrêter de fumer. Chez la femme enceinte fumeuse, un état dépressif souvent associé à une forte dépendance nicotinique, à une situation de précarité sociale, se révèle être un bon indicateur de difficulté à l’arrêt [24]. Une forte motivation [25] ou son renforcement [26] s’accompagne d’une meilleure décision d’arrêt du tabac et d’un taux d’abstinence supérieur pendant et après la grossesse. L’intention comportementale est un indicateur couramment utilisé pour prédire l’adoption d’un comportement désiré ; la planification puis la mise en œuvre du changement participant à cette transformation [27]. L’accompagnement offert par le soignant à la femme, depuis l’information sur le tabagisme en passant par les moyens d’aide et le conseil d’arrêt permet l’avancée vers la décision d’arrêt. La revue Cochrane [28] a souligné l’importance de la prise en charge des femmes enceintes fumeuses dès la maternité. L’étude présentée met en évidence que l’existence d’un état dépressif n’altère pas la motivation ; en revanche, il paraît davantage justifier l’intervention d’un(e) tabacologue.

Conclusion Le taux de patientes enceintes fumeuses au jour de l’accouchement demeure trop élevé en France malgré les progrès accomplis dans l’aide à l’arrêt en milieu obstétrical. L’existence de troubles dépressifs ou d’antécédent

Pour citer cet article : Dupré F, et al. Dépression chez la femme enceinte fumeuse : impact sur la motivation à l’arrêt du tabac. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2013.09.005

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de dépressions associés au tabagisme pendant la grossesse accroît la difficulté de cet arrêt. Leur repérage est indispensable en préalable à la prise en charge de sevrage tabagique. En revanche, ils ne paraissent pas affecter la motivation à l’arrêt des femmes enceintes fumeuses ce qui justifie d’autant plus leur repérage afin d’assurer une prise en charge optimale de l’aide à l’arrêt du tabac par l’intervention d’un(e) spécialiste en tabacologie.

Centres ayant participé à l’étude Centre hospitalier universitaire — Grenoble, groupe hospitalier mutualiste de Grenoble, clinique Belledonne de Saint-Martin-d’Hères, hôpital de la Croix-Rousse de Lyon, service de protection maternelle et infantile du département du Rhône, hôpital Femme-Mère—Enfant de Lyon, centre hospitalier Lyon-Sud de Lyon, centre hospitalier genéral de Saint-Chamond, centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne, centre hospitalier de Bourg-enBresse.

Annexe 2. Test d’évaluation de la motivation à l’arrêt du tabac (Richmond) [19] Assessment test motivation to stop smoking (Richmond) [19] Aimeriez-vous arrêter de fumer

Avez-vous réellement envie de cesser de fumer

Pensez-vous cesser de fumer dans les 4 semaines à venir

Pensez-vous être ex-fumeur dans les 6 mois

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Annexe 1. Test d’évaluation de la dépendance à la nicotine (en 2 questions) [18] Fagerström Test for Nicotine Dependence (Short Form: 2 questions) [18] Dans quel délai après le réveil fumez-vous votre première cigarette ?

Moins de 3 5 minutes . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . . 6à 2 30 minutes . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . . 1 31 à 60 minutes . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . . 0 Après 60 minutes . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .

Combien de cigarettes fumez-vous par jour ?

10 ou moins 0 . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . . 11 à 20 1 . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . . 21 à 30 2 . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . . 31 ou plus 3 . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .

0—1 : Peu de dépendance

Total . . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . .. . . 4—6 : forte 2—3 : moyenne dépendance dépendance

0—6 motivation faible ou moyenne

7—9 bonne motivation

Non

0

Oui

1

Pas du tout

0

Un peu Moyennement Beaucoup

1 2 2

Non

0

Peut-être Vraisemblablement Certainement

1 2 3

Non Peut-être Vraisemblablement Certainement

0 1 2 3

10 très bonne motivation

Références [1] Conférence de Consensus. Grossesse et tabac. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2005;34, 3S1—S480. [2] Vilain A. La situation prénatale en France en 2010. Premiers résultats de l’enquête nationale périnatale. DRESS, études et résultats; 2011 http://www.drees.sante.gouv.fr [3] Delcroix M, Gomez C. Tabac. In: Reynaud M, editor. Traité d’Addictologie. Paris: Médecine-Sciences Flammarion; 2006. [4] Grangé S, Borgne A, Ouazama A, L’Huillier JP, Peiffer G, Aubin HJ, et al. Taux de sevrage tabagique chez la femme enceinte en fonction des trimestres. Gynecol Obstet Fertil 2006;34:1126—30. [5] Le Faou AL, Scemama O, Ruelland A, Ménard J. Caractéristiques des fumeurs s’adressant aux consultations de tabacologie. Analyse de la base nationale CDT. Rev Mal Respir 2005;22:739—50. [6] Grangé G, Borgne A, Ouazana A, L’Huillier JP, Vallensi P, Peiffer G, et al. Tabagisme et femmes enceintes : description d’un groupe exposé. Lett Pneumol 2008;11:76—80. [7] Zhu SH, Volbo A. Depression and smoking du ring pregnancy. Addict Behav 2002;27:649—58. [8] Lancaster CA, Gold KJ, Flynn HA, Yoo H, Marcus SM, Davis MM. Risk factors for depressive symptoms during pregnancy: a systematic review. Am J Obstet Gynecol 2010;202:5—14. [9] Blalok JA, Robinson JD, Wetter DW, Cincipirini PM. Relationship of DSM-IV-based depressive disorders to smoking cessation and smoking reduction in pregnant smokers. Am J Addict 2006;15:268—77. [10] Bottomley KL, Lancaster SJ. The association between depressive symptoms and smoking in pregnant adolescents. Psychol Health Med 2008;13:574—80.

Pour citer cet article : Dupré F, et al. Dépression chez la femme enceinte fumeuse : impact sur la motivation à l’arrêt du tabac. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2013.09.005

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Pour citer cet article : Dupré F, et al. Dépression chez la femme enceinte fumeuse : impact sur la motivation à l’arrêt du tabac. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2013.09.005

[Depression in smoking pregnant women: impact on motivation to quit smoking].

Despite the organization of smoking cessation program, the percentage of pregnant smokers remains too high in France. The knowledge of the factors lim...
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