Pour citer cet article : Leruez-Ville M, Ville Y, Infection à cytomégalovirus pendant la grossesse : enjeux et prise en charge, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.02.016. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

INFECTIONS ET GROSSESSE

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2014; //: /// ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Infection à cytomégalovirus pendant la grossesse : enjeux et prise en charge [TD$FIRSNAME]Marianne[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Leruez-Ville[TD$SURNAME.]1, [TD$FIRSNAME]Yves[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Ville[TD$SURNAME.]2

1. Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, hôpital Necker-enfants malades, laboratoire de virologie, 75015 Paris, France 2. université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, hôpital Necker-enfants malades, service d’obstétrique et médecine foetale, 75015 Paris, France

Correspondance : Marianne Leruez-Ville, Hôpital Necker-enfants malades, laboratoire de virologie, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France. [email protected]

Key points Cytomegalovirus infection in pregnancy Cytomegalovirus is the main cause of neurosensorial deficit due to a congenital infection. Fetal infection may follow a maternal primary infection or a maternal secondary infection. The diagnosis of maternal primary infection remains tricky because the interpretation of IgG avidity test may be difficult. The diagnosis of maternal secondary infections is impossible with usual routine assays. The virological diagnosis of fetal infection is very reliable with a sensitivity over 90% and a specificity next to 100%. In the context of a proven intrauterine infection, the negative predictive value of ultrasound coupled with fetal brain RMI is over 85%. No antenatal treatment is yet validated, two treatments (hyperimmune therapy and antival therapy) are under evaluation. Six months treatment course with valganciclovir improves audiologic and neurodevelopmental outcomes of symptomatic neonates.

tome // > n8/ > / http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.02.016

Points essentiels Le cytomégalovirus est la première cause de retard neurosensoriel lié à une infection congénitale. L’infection foetale peut survenir après une infection maternelle primaire ou secondaire. Le diagnostic de la primo-infection maternelle reste délicat, notamment dans l’interprétation des résultats des tests d’avidité ; le diagnostic des infections maternelles secondaires est impossible en pratique courante. Le diagnostic virologique de l’infection foetale est très fiable avec une sensibilité de plus de 90 % et une spécificité proche de 100 %. Dans le cadre d’une infection foetale prouvée, la valeur prédictive négative de l’échographie anténatale associée à l’IRM du cerveau foetal est supérieure à 85 %. Il n’existe pas de traitement anténatal validé mais deux pistes (immunoglobulines hyperimmunes et antiviraux) sont à l’étude. Un traitement néonatal prolongé de 6 mois par le valganciclovir améliore l’audition et le développement neurologique des nouveau-nés symptomatiques.

1

Disponible sur internet le :

LPM-2435

Pour citer cet article : Leruez-Ville M, Ville Y, Infection à cytomégalovirus pendant la grossesse : enjeux et prise en charge, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.02.016.

M Leruez-Ville, Y Ville

L

e cytomégalovirus humain (CMV) est la principale cause de retard mental et de déficit auditif liés aux infections congénitales. La prévalence de l’infection à CMV chez le nouveau-né n’est pas connue en France. Cependant, on estime qu’elle est proche de celle décrite dans d’autres pays européens, c’est-àdire entre 0,1 et 0,5 % [1,2]. Ainsi, si on rapporte ces taux de prévalence au nombre de naissance en France, on peut estimer que 1440 à 4000 nouveau-nés naîtraient infectés par le CMV chaque année en France. L’infection congénitale est acquise à l’occasion d’une virémie maternelle, que ce soit au cours d’une primo-infection ou d’une réinfection/réactivation (infections secondaires). Une enquête épidémiologique récente rapporte que 46 % des femmes françaises de 15 à 49 ans sont séronégatives pour le CMV [3]. Par ailleurs, le risque de séroconversion pendant la grossesse a été estimé autour de 1 % [4]. Ces données permettent d’estimer qu’une primo-infection à CMV compliquerait environ 800 grossesses sur 100 000 en France. En revanche, il n’existe aucune donnée sur la fréquence des infections secondaires chez la femme enceinte dans la mesure où leur diagnostic est pratiquement impossible. Au décours de la virémie maternelle, l’infection est d’abord placentaire puis transmise au foetus avec une fréquence variable selon le type d’infection maternelle : l’infection foetale survient dans 30 à 40 % des cas lors d’une primo-infection maternelle et dans environ 2 % des cas lors d’une infection récurrente [5]. La dissémination du virus chez le foetus se fait alors par voie hématogène et toutes les cellules foetales peuvent être infectées. La gravité de l’infection foetale est principalement liée à l’atteinte cérébrale. La très grande majorité (90 %) des nouveau-nés ayant été infectés in utero par le CMV sont asymptomatiques, mais 10 à 15 % d’entre eux ont des séquelles modérées, notamment une hypoacousie uni- ou bilatérale parfois d’apparition différée et de sévérité variable. Les 10 à 15 % de nouveau-nés symptomatiques peuvent avoir des séquelles neurosensorielles sévères avec un retard psychomoteur [6]. L’enjeu principal de la prise en charge anténatale de l’infection est de repérer de façon sensible et spécifique les foetus sévèrement infectés à risque de séquelles graves. Il n’existe actuellement pas de traitement anténatal de l’infection congénitale à CMV qui soit validé. C’est la principale raison pour laquelle le dépistage systématique de l’infection à CMV en cours de grossesse n’est pas recommandé en France et dans la plupart des pays développés [7].

Diagnostic de la primo-infection maternelle

2

En France, bien que le dépistage systématique de la primoinfection maternelle ne soit pas recommandé [7], les informations sur les mesures d’hygiène universelles doivent être données et la prescription d’une sérologie CMV en début de

grossesse est fréquente. En revanche, il est recommandé de pratiquer une sérologie en cas de signes cliniques maternels évocateurs ou d’anomalies échographiques foetales compatibles avec une infection à CMV. La primo-infection maternelle est le plus souvent asymptomatique mais des signes cliniques peu spécifiques sont retrouvés dans environ 20 à 30 % des cas [8]. La forme typique consiste en une fièvre parfois élevée mais bien tolérée, en plateau, qui persiste en moyenne trois semaines et qui peut être associée à des céphalées et des myalgies diffuses. Le diagnostic de primo-infection maternelle repose sur la sérologie avec recherche d’IgG et d’IgM (figure 1). Une séroconversion des IgG témoigne d’une primo-infection mais est rarement mise en évidence. La présence d’IgM anti-CMV doit faire évoquer le diagnostic, cependant leur interprétation doit être prudente. En effet, la présence d’IgM ne signifie pas toujours une primo-infection récente : les IgM peuvent persister plusieurs mois au décours de la primo-infection, il peut y avoir une ré-ascension du taux d’IgM à l’occasion d’une réactivation ou d’une réinfection à CMV et des IgM peuvent également être détectées en raison de réactions croisées. Compte tenu des difficultés d’interprétation des IgM spécifiques, le recours à la mesure de l’avidité des IgG doit être systématique. L’index d’avidité des IgG qui représente la mesure de la force de liaison entre des antigènes viraux et les IgG augmente au cours du temps : en début d’infection, l’indice d’avidité des IgG est faible, et plus on s’éloigne du début de l’infection, plus cet indice est élevé. En présence d’IgM, l’indice d’avidité permet d’exclure ou de confirmer une primo-infection récente de moins de 3 mois dans 80 % des cas. Dans ces cas, si l’échantillon de sérum testé a été prélevé au premier trimestre de la grossesse, il sera donc possible d’exclure ou d’affirmer la survenue d’une primo-infection pendant la grossesse. Dans environ 20 % des cas, l’indice d’avidité est intermédiaire (ni élevé, ni bas) et il sera alors impossible d’affirmer ou d’infirmer la survenue d’une primo-infection pendant la grossesse. Ainsi, dans notre expérience, la présence d’IgM CMV dans le sérum au premier trimestre était dans 60 % des cas associée à un index d’avidité des IgG élevé permettant d’éliminer une primo-infection survenue pendant la grossesse et dans 40 % associée à un index des IgG faible ou intermédiaire [9]. Dans ce dernier cas, le risque d’infection foetale était d’autant plus élevé que l’index d’avidité était bas et que la virémie maternelle était positive [9]. Cependant, l’interprétation des résultats de l’indice d’avidité n’est pas toujours simple et peut dépendre de l’expérience du biologiste et de la qualité du test utilisé. En effet, la concordance entre les trousses proposées dans le commerce n’est pas excellente [9,10]. Dans le cas où une primo-infection a eu lieu pendant la grossesse, une amniocentèse pourra être proposée à la patiente pour rechercher une infection foetale ainsi que nous le détaillons ci-dessous. tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Leruez-Ville M, Ville Y, Infection à cytomégalovirus pendant la grossesse : enjeux et prise en charge, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.02.016. Infection à cytomégalovirus pendant la grossesse : enjeux et prise en charge

Infections et grossesse

Mise au point

[(Figure_1)TD$IG] Sérologie CMV

IgG +

IgG -

Absence d’immunité

IgM -

IgM +

IgM -

Possible primoinfection récente À confirmer par une sérologie sur un 2e prélèvement 10 jours plus tard

IgM +

Patiente immunisée Pas de primoinfection récente *

Mesure de l’avidité des IgG

Avidité élevée : primo-infection > 3 mois* IgG +

IgG Fausse réaction positive en IgM

Avidité basse : primo-infection < 3 mois*

Primo-infection récente : à confirmer par la mesure de l’avidité des IgG

*À interpréter en fonction du terme de la grossesse

Figure 1 Algorithme d’interprétation de la sérologie de cytomégalovirus humain pendant la grossesse

En pratique courante, le diagnostic des infections maternelles secondaires n’est pas réalisé. En effet, d’une part, il est impossible à faire avec les tests sérologiques usuels et, d’autre part, bien que des cas d’infections foetales sévères aient été décrits au décours de ces infections maternelles secondaires, leur morbidité semble globalement beaucoup moins importante que celle des infections foetales survenant au décours de primo-infection maternelle [6].

Diagnostic de l’infection foetale Imagerie foetale L’atteinte foetale est dépistée, soit de manière fortuite lors des échographies de dépistage, soit au cours d’un suivi échographique rapproché réalisé dans le cadre d’une primo-infection maternelle connue (figure 2). L’échographie peut révéler l’atteinte d’un ou de plusieurs organes foetaux dans le cadre d’une atteinte systémique. Une hépato-splénomégalie est fréquente et suggère une tome // > n8/ > /

hépatite foetale. Elle peut être associée à une ascite. Un intestin hyperéchogène suggère une entérocolite avec péritonite méconiale [11]. Moins fréquemment, un oedème généralisé associé à un épanchement des séreuses (anasarque) peut être lié à l’effet combiné d’une insuffisance hépatique ou d’une anémie mais également plus rarement à une atteinte cardiaque foetale. L’atteinte du rein foetal peut se révéler par une hyper-échogénicité rénale souvent peu marquée et un oligoamnios [12]. Un retard de croissance intra-utérin (RCIU) peut être le reflet de l’atteinte foetale ou être secondaire à l’infection placentaire avec un mécanisme de type vasculaire. La valeur prédictive de ces anomalies échographiques extra-cérébrales pour la survenue d’une infection dite symptomatique du nouveau-né est mal évaluée, mais semble ne pas être associée systématiquement à un pronostic défavorable. En cas d’infection foetale prouvée, une atteinte du cerveau foetal doit être recherchée. Elle fait toute la gravité de l’infection. En cas de normalité de l’étude échographique du cerveau foetal initialement, la surveillance doit être prolongée jusqu’à la fin de la grossesse car les anomalies cérébrales peuvent être d’apparition très différée. Cette surveillance est principalement

3

Diagnostic des infections maternelles secondaires

Pour citer cet article : Leruez-Ville M, Ville Y, Infection à cytomégalovirus pendant la grossesse : enjeux et prise en charge, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.02.016.

M Leruez-Ville, Y Ville

[(Figure_2)TD$IG]

Figure 2 Infection foetale, maladie foetale et ses manifestations échographiques Au décours de la primo-infection maternelle, l’infection foetale survient dans 30 à 40 % des cas. Elle est généralisée et peut se compliquer de maladie foetale dans 15 à 20 % des cas. La maladie foetale peut se manifester par l’atteinte d’un ou plusieurs organes : placenta (1), rein (2), côlon (3), foie (4,5), rate (6), cerveau (7) et/ou oreille interne (8). L’infection foetale et la placentite peuvent participer au développement d’un RCIU (9). RCIU : retard de croissance intra-utérin.

4

échographique. L’abord vaginal doit être utilisé lorsque cela est possible. L’IRM cérébrale foetale est complémentaire à l’échographie [13]. Les signes cérébraux ne sont pas spécifiques. Les plus caractéristiques sont une microcéphalie, une ventriculomégalie uni- ou bilatérale, la présence de calcifications cérébrales localisées aux noyaux gris centraux ou dans la région périventriculaire. Un halo périventriculaire est très évocateur de l’atteinte cérébrale liée au CMV. La réalisation d’une IRM du cerveau foetal vers 32 SA permet d’affiner le pronostic en repérant des anomalies plus subtiles de migration neuronale et de giration. La présence d’anomalies cérébrales à

l’échographie et à l’IRM a une valeur prédictive positive de risque de lésions cérébrales de 100 %. L’absence d’anomalies cérébrales à la fois à l’échographie et à l’IRM exclue le risque de handicap dans 88 % des cas (figure 3) [14].

Diagnostic virologique L’excrétion du virus dans les urines foetales, et donc dans le liquide amniotique, est la clef du diagnostic de l’infection foetale (figure 3). La méthode diagnostique de référence est la détection du CMV par polymerase chain Reaction (PCR) dans le liquide amniotique prélevé par amniocentèse. La sensibilité tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Leruez-Ville M, Ville Y, Infection à cytomégalovirus pendant la grossesse : enjeux et prise en charge, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.02.016. Infection à cytomégalovirus pendant la grossesse : enjeux et prise en charge

Séroconversion maternelle

Anomalie(s) à l’échographie fœtale

2 types de prise en charge selon les équipes Amniocentèse PCR CMV dans le liquide amniotique

PCR CMV négative = absence d’infection fœtale à CMV VPN* ≈100 %

PCR CMV positive : infection fœtale à CMV VPP**≈100 %

Suivi échographique rapproché

Apparition d’anomalies échographiques

Amniocentèse PCR CMV dans le liquide amniotique

PCR CMV négative = absence d’infection fœtale à CMV

Amniocentèse après 20 SA PCR CMV dans le liquide amniotique

Mise au point

Infections et grossesse

[(Figure_3)TD$IG]

PCR CMV positive = infection fœtale à CMV

PCR CMV négative = absence d’infection fœtale à CMV. Rares cas d’infection fœtale retardée VPN*≈95 %

PCR CMV positive = infection fœtale à CMV VPP**≈100 %

Proposition de numération des plaquettes fœtales par PSF RR=1.1 pour chaque baisse de 10 000 plaquettes (si taux < 100 000/mm3)

Suivi échographique mensuel + IRM du cerveau fœtal au 3ème trimestre VPP §= 100 % VPN§§ = 88 %

Figure 3 Algorithme de la prise en charge anténatale de l’infection congénitale au cytomégalovirus humain * Valeur prédictive négative d’infection foetale. ** Valeur prédictive positive d’infection foetale. Ï Valeur prédictive positive de lésions cérébrales à la naissance. ÏÏ Valeur prédictive négative d’anomalies à la naissance. PSF : ponction de sang foetal ; RR : risque relatif d’anomalies à la naissance.

tome // > n8/ > /

Quelques faux négatifs ont cependant été décrits (diagnostic prénatal négatif alors que le diagnostic néonatal est positif). Ces cas sont généralement liés à une transmission tardive du virus au foetus, celui-ci n’étant pas encore infecté au moment où l’amniocentèse est réalisée. Aucun de ces cas n’a cependant été décrit comme symptomatique à la naissance [17]. Les risques de faux positifs du diagnostic prénatal sont aussi exceptionnels car la spécificité de la PCR dans le liquide amniotique est comprise entre 90 et 100 % selon les études [4]. La recherche d’une virémie maternelle avant la réalisation d’une amniocentèse

5

de la PCR par rapport à la culture virale a clairement été démontrée comme supérieure dans ce contexte [4]. Il est très important de programmer la date de l’amniocentèse afin de limiter les risques de faux négatifs du diagnostic anténatal virologique. Celle-ci doit être réalisée après 20 semaines d’aménorrhée (SA) (terme après lequel la maturation du système urinaire foetal est acquise) et au moins 5 à 7 semaines après la date présumée de la primo-infection maternelle [15,16]. Dans ces conditions optimales de prélèvement, la sensibilité du diagnostic prénatal est supérieure à 90 %.

Pour citer cet article : Leruez-Ville M, Ville Y, Infection à cytomégalovirus pendant la grossesse : enjeux et prise en charge, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.02.016.

M Leruez-Ville, Y Ville

ne semble pas devoir être prise en compte, en effet, le risque de transmission iatrogène du CMV semble infime [18]. Outre l’intérêt diagnostique de la recherche du génome viral dans le liquide amniotique, l’avènement des techniques de quantification de la charge virale (grâce à la PCR en temps réel) a permis d’étudier la valeur pronostique de cette dernière. Les différentes études réalisées ont montré que la charge virale dans le liquide amniotique ne semblait pas prédictive de la sévérité de l’infection. Ce constat pourrait être lié à un effet d’accumulation d’ADN viral dans le liquide amniotique au fil du temps et ne correspond pas à l’intensité de la virurie foetale [19,20]. Lorsque le diagnostic d’infection foetale à CMV est assuré par une PCR positive dans le liquide amniotique, certaines équipes pratiquent une ponction de sang foetal (PSF) à visée pronostique (figure 3). La PSF à visée diagnostique n’a plus sa place dans la prise en charge des infections à CMV. L’étude du sang foetal permet de mesurer l’ADNémie foetale par PCR quantitative et le taux de plaquettes foetales. Si la valeur pronostique de la thrombopénie foetale semble maintenant établie celle de la charge virale sanguine foetale n’est actuellement pas démontrée [21,22].

les immunodéprimés (ganciclovir, foscarnet et cidofovir) sont inutilisables dans le contexte de la grossesse en raison de leur toxicité et des inconnues concernant leur tératogénicité. Le valaciclovir semble actuellement être la seule molécule candidate. En effet, elle a démontré son efficacité à forte dose pour la prophylaxie de l’infection à CMV chez les patients transplantés et il s’agit par ailleurs d’une molécule bien tolérée et présentant une bonne biodisponibilité chez la femme enceinte et le foetus [25,26]. Par ailleurs, il a été montré que le traitement par valaciclovir de femmes enceintes dont les foetus étaient infectés permettait de faire baisser de façon significative la charge virale sanguine foetale [25]. Une étude française multicentrique testant l’efficacité du valaciclovir pour traiter l’infection foetale est en cours (étude Cymeval II) et les résultats devraient être disponibles en 2014. Une étude pilote avait suggéré l’efficacité de l’injection d’immunoglobulines hyperimmunes sur la transmission du virus au foetus ainsi que sur la sévérité de l’atteinte foetale [27]. Ces résultats n’ont pas été confirmés par une étude randomisée italienne qui vient de se terminer et qui montre l’absence d’efficacité de ce traitement [28]. Une autre étude randomisée est actuellement en cours aux États-Unis.

Prévention de l’infection congénitale à CMV

Traitement néonatal

Elle passe par des règles simples d’hygiène. On sait en effet que la prise en charge à la maison d’un enfant de moins de 6 ans est un des facteurs de risque principaux de la primo-infection maternelle [23]. Les mesures d’hygiène simples (se laver les mains après avoir changé la couche, nourri, baigné, mouché son enfant, ne pas partager de cuillères, nettoyer les jouets. . .) sont efficaces pour limiter la transmission horizontale du virus, mais restent difficiles à appliquer en pratique [23]. En France, le rapport de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) de 2004 préconise que les femmes enceintes soient informées des mesures d’hygiène universelles à respecter pendant la grossesse. En fait, probablement, seul un vaccin permettra dans l’avenir de prévenir efficacement les infections materno-foetales à CMV. Un essai vaccinal randomisé de phase II basé sur l’injection glycoprotéine B recombinante a montré pour la première fois une efficacité avec 50 % de protection [24], cependant aucun vaccin ne sera sur le marché avant de nombreuses années.

On dispose de données plus solides concernant le bénéfice du traitement antiviral néonatal par le ganciclovir sur le handicap sensoriel ou psychomoteur. Une première étude randomisée avait rapporté l’effet bénéfique sur l’évolution de la surdité d’une cure de 6 semaines de ganciclovir administrée en intraveineux à des nouveau-nés ayant une atteinte du système nerveux central [29]. Dans cette étude, il avait été constaté une amélioration ou une stabilisation de l’audition à 6 mois chez 81 % (21/25) des enfants traités alors qu’une amélioration ou une stabilisation de l’audition n’était constatée que chez 59 % des enfants (10/17) dans le bras contrôle. Cependant, du fait de la voie d’administration parentérale du ganciclovir, sa seule indication consensuelle reste le nouveau-né sévèrement infecté avec une atteinte du système nerveux central. L’administration du traitement a été grandement facilitée par la mise sur le marché du sirop de valganciclovir qui est une pro-drogue orale du ganciclovir avec une biodisponibilité équivalente et une tolérance hématologique bonne chez plus de 60 % des nouveau-nés traités. En pratique, les nouveau-nés infectés et symptomatiques, notamment ceux avec un déficit auditif, sont de plus en plus souvent traités par une cure de 6 semaines de valganciclovir. Par ailleurs, le bénéfice sur l’audition et l’acquisition du langage d’un traitement prolongé par le valganciclovir vient d’être démontré dans un essai randomisé qui comparait l’efficacité de la molécule administrée pendant 6 semaines ou pendant 6 mois [30]. Enfin, d’autres perspectives thérapeutiques pourraient s’ouvrir dans un avenir proche avec l’arrivée sur le marché de nouvelles

Traitement de l’infection congénitale à CMV Traitement anténatal

6

Il n’existe aucun traitement validé de l’infection congénitale à CMV pendant la grossesse. Deux pistes thérapeutiques sont en cours d’évaluation : les antiviraux et les injections d’immunoglobulines spécifiques. Concernant les antiviraux, les trois molécules couramment utilisées pour le traitement curatif de l’infection à CMV chez

tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Leruez-Ville M, Ville Y, Infection à cytomégalovirus pendant la grossesse : enjeux et prise en charge, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.02.016. Infection à cytomégalovirus pendant la grossesse : enjeux et prise en charge

molécules anti-CMV efficaces et peu toxiques telles que le létermovir ou AIC 246 et le HDP-CVD (un ester du cidofovir).

Conclusion En l’absence de traitement anténatal validé, le dépistage sérologique systématique en début de grossesse n’est toujours pas d’actualité. Cependant, il faut être conscient qu’en l’absence de tout dépistage sérologique quelques foetus dont certains sévèrement atteints ne sont pas repérés par les échographies systématiques de grossesse. En effet, la valeur prédictive négative de l’échographie est très supérieure lorsque l’échographiste sait qu’il y a un contexte de primo-infection maternelle ou d’une infection foetale.

En revanche, la démonstration récente du bénéfice sur l’audition et sur le développement psychomoteur d’un traitement néonatal antiviral précoce (dans le premier mois de vie) et prolongé pendant 6 mois fait poser la question de la pertinence d’un dépistage néonatal systématique de l’infection congénitale à CMV.

Mise au point

Infections et grossesse

Déclaration d’intérêts : Marianne Leruez-Ville déclare avoir reçu des subventions de voyage et des honoraires dans le cadre de participation à des congrès ou pour expertise scientifique des firmes DiaSorin, Argène et BioMérieux. Yves Ville déclare recevoir des honoraires en tant que consultant clinique de la firme Sequenom.

Références

[2]

[3]

[4]

[5]

[6]

[7]

[8]

Gaytant MA, Galama JMD, Semmekrot BA, Melchers WJG, Sporken JMM, Oosterbaan HP et al. The incidence of congenital cytomegalovirus infections in The Netherlands. J Med Virol 2005;76:71-5. Halwachs-Baumann G, Genser B, Danda M, Engele H, Rosegger H, Fölsch B et al. Screening and diagnosis of congenital cytomegalovirus infection: a 5-y study. Scand J Infect Dis 2000;32:137-42. Lepoutre A, Antona D, Fonteneau L, Halftermeyer-Zhou F, Baudon C, Dorléans F et al. Se´ropre´valence des maladies a` pre´vention vaccinale et de cinq autres maladies infectieuses en France. Re´sultats de 2 enqueˆtes nationales : 2008–2010. BEH 2013;41– 42:526-34. Gouarin S, Palmer P, Cointe D, Rogez S, Vabret A, Rozenberg F et al. Congenital HCMV infection: a collaborative and comparative study of virus detection in amniotic fluid by culture and by PCR. J Clin Virol 2001;21:47-55. Revello MG, Gerna G. Diagnosis and management of human cytomegalovirus infection in the mother, fetus, and newborn infant. Clin Microbiol Rev 2002;15:680-715. Fowler KB, Stagno S, Pass RF, Britt WJ, Boll TJ, Alford CA. The outcome of congenital cytomegalovirus infection in relation to maternal antibody status. N Engl J Med 1992;326:663-7. ANAES. Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. Évaluation de l’intérêt du dépistage de l’infection à cytomégalovirus chez la femme enceinte en France http://www.has-sante.fr/portail/upload/ docs/application/pdf/CMV_rap.pdf; 2004.[Accès au site le 20/03/2014]. Picone O, Vauloup-Fellous C, Cordier AG, Guitton S, Senat MV, Fuchs F et al. A series of 238 cytomegalovirus primary infections dur-

tome // > n8/ > /

[9]

[10]

[11]

[12]

[13]

[14]

[15]

[16]

ing pregnancy: description and outcome. Prenat Diagn 2013;33:751-8. Leruez-Ville M, Sellier Y, Salomon LJ, Stirnemann JJ, Jacquemard F, Ville Y. Prediction of fetal infection in cases with cytomegalovirus immunoglobulin M in the first trimester of pregnancy: a retrospective cohort. Clin Infect Dis 2013;56:1428-35. Revello MG, Genini E, Gorini G, Klersy C, Piralla A, Gerna G. Comparative evaluation of eight commercial human cytomegalovirus IgG avidity assays. J Clin Virol 2010;48:255-9. MacGregor SN, Tamura R, Sabbagha R, Brenhofer JK, Kambich MP, Pergament E. Isolated hyperechoic fetal bowel: significance and implications for management. Am J Obstet Gynecol 1995;173:1254-8. Drose JA, Dennis MA, Thickman D. Infection in utero: US findings in 19 cases. Radiology 1991;178:369-74. Malinger G, Lev D, Zahalka N, Aroia Ben Z, Watemberg N, Kidron D et al. Fetal cytomegalovirus infection of the brain: the spectrum of sonographic findings. AJNR Am J Neuroradiol 2003;24:28-32. Benoist G, Salomon LJ, Mohlo M, Suarez B, Jacquemard F, Ville Y. Cytomegalovirusrelated fetal brain lesions: comparison between targeted ultrasound examination and magnetic resonance imaging. Ultrasound Obstet Gynecol 2008;32:900-5. Bodéus M, Hubinont C, Bernard P, Bouckaert A, Thomas K, Goubau P. Prenatal diagnosis of human cytomegalovirus by culture and polymerase chain reaction: 98 pregnancies leading to congenital infection. Prenat Diagn 1999;19:314-7. Enders G, Bäder U, Lindemann L, Schalasta G, Daiminger A. Prenatal diagnosis of congenital cytomegalovirus infection in 189 pregnancies with known outcome. Prenat Diagn 2001;21:362-77.

[17] Revello MG, Fabbri E, Furione M, Zavattoni M, Lilleri D, Tassis B et al. Role of prenatal diagnosis and counseling in the management of 735 pregnancies complicated by primary human cytomegalovirus infection: a 20-year experience. J Clin Virol 2011;50:303-7. [18] Revello MG, Furione M, Zavattoni M, Tassis B, Nicolini U, Fabbri E et al. Human cytomegalovirus (HCMV) DNAemia in the mother at amniocentesis as a risk factor for iatrogenic HCMV infection of the fetus. J Infect Dis 2008;197:593-6. [19] Gouarin S, Gault E, Vabret A, Cointe D, Rozenberg F, Grangeot-Keros L et al. Realtime PCR quantification of human cytomegalovirus DNA in amniotic fluid samples from mothers with primary infection. J Clin Microbiol 2002;40:1767-72. [20] Picone O, Costa JM, Leruez-Ville M, Ernault P, Olivi M, Ville Y. Cytomegalovirus (CMV) glycoprotein B genotype and CMV DNA load in the amniotic fluid of infected fetuses. Prenat Diagn 2004;24:1001-6. [21] Benoist G, Salomon LJ, Jacquemard F, Daffos F, Ville Y. The prognostic value of ultrasound abnormalities and biological parameters in blood of fetuses infected with cytomegalovirus. BJOG 2008;115:823-9. [22] Fabbri E, Revello MG, Furione M, Zavattoni M, Lilleri D, Tassis B et al. Prognostic markers of symptomatic congenital human cytomegalovirus infection in fetal blood. BJOG 2011;118:448-56. [23] Fowler KB, Pass RF. Risk factors for congenital cytomegalovirus infection in the offspring of young women: exposure to young children and recent onset of sexual activity. Pediatrics 2006;118:e286-92. [24] Pass RF, Zhang C, Evans A, Simpson T, Andrews W, Huang M-L et al. Vaccine prevention of maternal cytomegalovirus infection. N Engl J Med 2009;360:1191-9.

7

[1]

Pour citer cet article : Leruez-Ville M, Ville Y, Infection à cytomégalovirus pendant la grossesse : enjeux et prise en charge, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.02.016.

M Leruez-Ville, Y Ville

8

[25] Jacquemard F, Yamamoto M, Costa J-M, Romand S, Jaqz-Aigrain E, Dejean A et al. Maternal administration of valaciclovir in symptomatic intrauterine cytomegalovirus infection. BJOG 2007;114:1113-21. [26] Pasternak B, Hviid A. Use of acyclovir, valacyclovir, and famciclovir in the first trimester of pregnancy and the risk of birth defects. JAMA 2010;304:859-66. [27] Nigro G, Adler SP, Torre La R, Best AM, Congenital Cytomegalovirus Collaborating Group. Passive immunization during pre-

gnancy for congenital cytomegalovirus infection. N Engl J Med 2005;353:1350-62. [28] Revello MG. Results of the CHIPS study. San Franscisco USA: 4th Congenital Cytomegalovirus Conference; 2012. [29] Kimberlin DW, Lin CY, Sánchez PJ, Demmler GJ, Dankner W, Shelton M et al. Effect of ganciclovir therapy on hearing in symptomatic congenital cytomegalovirus disease involving the central nervous system: a randomized, controlled trial. J Pediatr 2003;143:16-25.

[30] Kimberlin D. Six months versus six weeks of oral valganciclovir for infants with symptomatic congenital cytomegalovirus (CMV) disease with or without central nervous system (CNS) involvement: results of a phase III, randomized, double-blind, placebo-controlled, multinational study. San Francisco IDWeek 2013; 2013. [publication électronique], http://idsa.confex.com/idsa/ 2013/webprogram/Paper43178.html.

tome // > n8/ > /

[Cytomegalovirus infection in pregnancy].

Cytomegalovirus is the main cause of neurosensorial deficit due to a congenital infection. Fetal infection may follow a maternal primary infection or ...
576KB Sizes 0 Downloads 4 Views