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Mise au point

Toxidermies Cutaneous adverse drug reactions B. Lebrun-Vignes a,∗ , L. Valeyrie-Allanore b,c a Centre régional de pharmacovigilance du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière–Charles-Foix, AP–HP, coordination de pharmacovigilance d’Île-de-France, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France b Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, AP–HP, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France c Centre référence des maladies bulleuses immunologiques et toxiques, hôpital Henri-Mondor, AP–HP, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Toxidermies Effets indésirables médicamenteux

r é s u m é Les toxidermies correspondent aux effets indésirables médicamenteux à expression cutanéo-muqueuse. Elles présentent une grande variabilité sémiologique, non spécifique de l’étiologie médicamenteuse. L’exanthème maculo-papuleux est la présentation la plus fréquente suivie de l’urticaire et des vascularites. L’érythème pigmenté fixe est une toxidermie plus rare dans les pays occidentaux. La fréquence des formes sévères (décès, séquelles graves) est de 2 % : toxidermies bulleuses (syndrome de Stevens-Johnson, nécrolyse épidermique toxique ou syndrome de Lyell), DRESS (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms ou syndrome d’hypersensibilité), pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG). Elles doivent être rapidement identifiées afin d’orienter la prise en charge. Les principaux facteurs de risque des toxidermies sont l’immunodépression, les pathologies autoimmunes ainsi que certains génotypes du système HLA dans les toxidermies bulleuses et le syndrome d’hypersensibilité. Toutes les classes médicamenteuses peuvent être à l’origine de toxidermies, en particulier les antibactériens, les anticonvulsivants, les antinéoplasiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, l’allopurinol et les produits de contraste. Les mécanismes physiopathologiques comprennent les réactions immunologiques/immuno-allergiques immédiates ou retardées, classiquement non dosedépendantes, et les mécanismes toxiques/pharmacologiques dose-dépendants ou temps-dépendants, incluant les réactions dites « paradoxales ». En cas de toxidermie de mécanisme immuno-allergique, un bilan allergologique est possible pour préciser l’imputabilité du/des médicament(s) suspect(s) avec une sensibilité variable selon les médicaments et le type de toxidermie. Il comprend les tests épicutanés (ou patch tests) et les tests intradermiques (prick test et intradermoréactions). Cependant aucun test in vivo ou in vitro ne permet d’affirmer la responsabilité médicamenteuse devant une toxidermie. Le diagnostic repose donc sur une démarche d’imputabilité prenant en compte la présentation clinique, la chronologie des événements et des prises médicamenteuses et l’élimination des diagnostics différentiels. Cette démarche diagnostique, complétée par une recherche bibliographique, permet dans la majeure partie des cas d’établir un lien de causalité entre le(s) médicament(s) et l’éruption cutanée. Une déclaration en pharmacovigilance est indispensable en cas de toxidermie grave quel que soit le médicament impliqué, et dans tous les cas s’il s’agit d’un médicament récent ou non classiquement associé à un risque cutané. © 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keyword: Cutaneous adverse drug reactions

Cutaneous adverse drug reactions (CADR) represent a heterogeneous field including various clinical patterns without specific features suggesting drug causality. Exanthematous eruptions, urticaria and vasculitis are the most common forms of CADR. Fixed eruption is uncommon in western countries. Serious reactions (fatal outcome, sequelae) represent 2% of CADR: bullous reactions (Stevens-Johnson syndrome, toxic epidermal necrolysis), DRESS (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Lebrun-Vignes). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.004 0248-8663/© 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Lebrun-Vignes http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.004

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or drug-induced hypersensitivity syndrome) and acute generalized exanthematous pustulosis (AGEP). These forms must be quickly diagnosed to guide their management. The main risk factors are immunosuppression, autoimmunity and some HLA alleles in bullous reactions and DRESS. Most systemic drugs may induce cutaneous adverse reactions, especially antibiotics, anticonvulsivants, antineoplastic drugs, non-steroidal anti-inflammatory drugs, allopurinol and contrast media. Pathogenesis includes immediate or delayed immunologic mechanism, usually not related to dose, and pharmacologic/toxic mechanism, commonly dose-dependent or time-dependent. In case of immunologic mechanism, allergologic exploration is possible to clarify drug causality, with a variable sensitivity according to the drug and to the CADR type. It includes epicutaneous patch testing, prick test and intradermal test. However, no in vivo or in vitro test can confirm the drug causality. To determine the cause of the eruption, a logical approach based on clinical characteristics, chronologic factors and elimination of differential diagnosis is required, completed with a literature search. A reporting to pharmacovigilance network is essential in case of a serious CADR whatever the suspected drug and in any case if the involved drug is a newly marketed one or unusually related to cutaneous reactions. © 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction 1.1. Épidémiologie Les toxidermies regroupent l’ensemble des effets indésirables médicamenteux (EIM) à expression cutanéo-muqueuse. Il s’agit d’un vaste domaine caractérisé par une grande variété sémiologique et physiopathologique alimentant la recherche aussi bien fondamentale que clinique. La peau fait partie des organes les plus fréquemment impliqués dans la survenue d’EIM et la plupart des pathologies dermatologiques peuvent être provoquées ou aggravées par les médicaments. La prévalence des éruptions cutanées médicamenteuses, évaluée essentiellement en milieu hospitalier, se situe entre 0 et 8 % des patients exposés à un médicament donné [1–3]. Dans une enquête transversale dite « 1 jour donné » menée dans un hôpital parisien d’environ 1000 lits, parmi les 10 % de patients hospitalisés ayant au moins un effet indésirable médicamenteux, 9 % avaient des manifestations cutanées, incluant les réactions locales et systémiques, de mécanisme pharmacologique ou immuno-allergique [4]. En ne considérant que les effets de mécanisme immuno-allergique, la prévalence des toxidermies pourrait se situer autour de 3/1000 patients hospitalisés, plus importante dans les services de médecine que dans ceux de chirurgie [5,6]. Les toxidermies sont la cause de l’hospitalisation dans les services de dermatologie franc¸ais pour environ 1,5 % des patients [7] et représentent 1 % des consultations de dermatologie en CHU [8]. Les toxidermies présentent une grande variabilité sémiologique et la plupart des tableaux cliniques ne sont pas spécifiques du médicament. Le diagnostic clinique et étiologique est parfois difficile et nécessite une prise en charge spécialisée. L’exanthème maculopapuleux (EMP) est la présentation largement majoritaire dans toutes les séries publiées, viennent ensuite l’urticaire et les vascularites [3,5,9]. L’érythème pigmenté fixe (EPF) est une toxidermie réputée rare dans les pays occidentaux alors qu’il est largement rapporté dans les séries asiatiques et africaines. Les toxidermies sévères, qui s’accompagnent d’une mise en jeu du pronostic vital ou de graves séquelles représentent 2 % de l’ensemble des toxidermies [10]. Ces situations regroupent les toxidermies bulleuses que sont le syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et la nécrolyse épidermique toxique (NET ou syndrome de Lyell), le DRESS (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms ou syndrome d’hypersensibilité) et à un moindre degré la pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG). En raison de leur pronostic, ces toxidermies doivent être rapidement identifiées afin d’orienter la prise en charge. Des prédispositions à la survenue de toxidermies sont évoquées dans la littérature, comme l’immunodépression (infection par le

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VIH, traitements immunosuppresseurs, néoplasies) ou les pathologies auto-immunes (lupus systémique, hépatite auto-immune), sans qu’il soit possible d’analyser la part revenant à la pathologie de fond et à son traitement. L’âge ne semble pas être un facteur majeur de variation, les toxidermies observées dans les populations pédiatriques ou gériatriques n’ayant pas de spécificité [11,12]. D’après une étude hospitalière, les toxidermies immunoallergiques sévères pourraient être moins fréquentes chez les patients de plus de 65 ans [12]. Une prédominance féminine est retrouvée dans plusieurs séries [6]. Mais le principal facteur de risque discuté actuellement est d’ordre génétique, avec implication de certains génotypes du système HLA dans les toxidermies bulleuses et le syndrome d’hypersensibilité [13]. Toutes les classes médicamenteuses peuvent être à l’origine de manifestations cutanées. Les médicaments les plus fréquemment impliqués sont les antibactériens, les anticonvulsivants, les antinéoplasiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, l’allopurinol, les produits de contraste, mais leur part varie d’un type de toxidermie à l’autre. 1.2. Physiopathologie Les mécanismes physiopathologiques à l’origine des toxidermies sont multiples, ce qui rend compte de la grande variabilité sémiologique observée. On peut en distinguer schématiquement deux grandes catégories : d’une part, les mécanismes immunologiques/immuno-allergiques médiés par les effecteurs cellulaires ou humoraux du système immunitaire, d’autre part, les mécanismes toxiques/pharmacologiques dans lesquels le médicament exerce directement son effet sur la cible. Le terme « d’hypersensibilité » demeure ambigu car utilisé aussi bien pour des réactions médiées par le système immunitaire que pour des manifestations de mécanisme pharmacologique. 1.2.1. Les mécanismes immunologiques ou immuno-allergiques Ils sont à l’origine des manifestations les plus largement impliquées ou rapportées dans la littérature. Leur classification repose encore aujourd’hui sur les 4 groupes définis par Gell et Coombs : • type I, réaction immédiate, IgE (ou IgG) médiée : urticaire, angiœdème, anaphylaxie ; • type II, réaction cytotoxique induite par le médicament : pemphigus, purpura lié à une thrombopénie médicamenteuse ; • type III, complexes immuns : vascularites, maladie sérique ; • type IV, réaction retardée à médiation cellulaire : EMP, EPF, SJS, NET, PEAG.

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Les toxidermies de mécanisme immuno-allergique sont donc majoritairement de type IV, retardé. Au sein de ce groupe, une classification en 4 sous-groupes (de IVa à IVd) a été proposée en fonction du profil lymphocytaire, des cytokines et des cellules effectrices impliquées afin de rendre compte des différents tableaux cliniques [14]. Ces différents mécanismes physiopathologiques expliquent les délais de survenue après la prise du médicament suspect, variables d’un tableau clinique à l’autre : 10 jours en moyenne (5 à 21 jours) pour l’EMP, le SJS/NET (4 à 28 jours) et la PEAG (1 à 2 jours), moins d’une heure pour l’urticaire/anaphylaxie, 3 à 5 jours pour l’EPF, 2 à 6 semaines (voire 8) pour le DRESS. D’une manière générale, ce délai est plus court en cas de sensibilisation antérieure, ce qui est particulièrement observé pour l’EPF et la PEAG. Les toxidermies d’origine immuno-allergique ne sont classiquement pas dose-dépendantes et régressent après l’arrêt du médicament responsable (en tenant compte de son élimination) avec cependant quelques particularités selon les tableaux sémiologiques. Le lien entre les réactions cutanées immuno-allergiques retardées médicamenteuses et certains virus est discuté depuis de nombreuses années, en particulier pour les EMP et les DRESS. 1.2.2. Les mécanismes pharmacologiques ou toxiques Ils sont à l’origine de divers effets cutanés habituellement dosedépendants ou temps-dépendants. Il peut s’agir de manifestations liées à un effet pharmacologique ou toxique « direct » du médicament sur les cellules de l’épiderme et des annexes (sécheresse cutanée et rétinoïdes, alopécie et cytostatiques, folliculites et antiEGF, phototoxicité et cyclines) ou d’anomalies de la pigmentation liée soit à l’accumulation du médicament dans la peau (amiodarone, quinolones, hydroxychloroquine, minocycline), soit à une modification de la synthèse de mélanine. Enfin, des réactions cutanées dites « paradoxales » sont décrites avec certaines biothérapies comme les anti-TNF-␣. Ces manifestations concernent des pathologies/lésions cutanées répondant habituellement aux anti-TNF-␣ (psoriasis) et survenant au cours de traitement par ces mêmes biothérapies. 2. Principaux tableaux cliniques de toxidermie 2.1. Exanthème maculo-papuleux Dans toutes les séries publiées, l’EMP est le tableau clinique le plus fréquent et représente de 50 % à 95 % des toxidermies [3,6]. L’éruption apparaît en moyenne une dizaine de jours (5 à 21 jours) après l’introduction du médicament, ce délai étant plus court en cas de réintroductions ultérieures. Il se présente comme une éruption polymorphe constituée de macules ou de papules érythémateuses plus ou moins confluentes et plus ou moins diffuses, prédominant au tronc et à la racine des membres (Fig. 1). Les lésions peuvent prendre un aspect purpurique aux membres inférieurs. L’éruption cutanée est souvent associée à un prurit ou à une fièvre modérée (< 38,5 ◦ C), rarement à une atteinte muqueuse (énanthème). À l’arrêt du médicament en cause, l’évolution de l’EMP est favorable sans séquelle en une à deux semaines, souvent avec une desquamation. Le traitement est symptomatique : antihistaminiques en cas de prurit et dermocorticoïdes. L’histologie est peu spécifique : infiltrat lympho-histiocytaire péri-vasculaire du derme, infiltrat mononucléé lichénoïde, présence focale de kératinocytes nécrotiques. Les diagnostics différentiels de l’EMP sont toutes les causes d’éruption maculo-papuleuse, au premier rang desquelles les primo-infections (parfois réactivations) virales, mais aussi quelques causes bactériennes, parasitaires et inflammatoires (Tableau 1). Pour citer cet article : Lebrun-Vignes http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.004

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Fig. 1. Exanthème maculo-papuleux.

Par ailleurs, le risque d’EMP médicamenteux est augmenté au cours de certaines infections virales, l’exemple le plus classique décrit dans les années 1960 étant l’EMP survenant dans 80 à 100 % des cas sous pénicilline A au cours de la mononucléose infectieuse. Cette incidence pourrait avoir été surestimée comme en témoigne une étude pédiatrique ne retrouvant un EMP que dans 33 % des cas [15]. La survenue d’un EMP sous pénicilline au cours d’une primoinfection à EBV ne contre-indique pas la réintroduction ultérieure d’un antibiotique de la famille des bêta-lactamines. L’infection par le VIH est un facteur de risque d’EMP médicamenteux identifié dans la littérature, en particulier avec le sulfaméthoxazole [16]. La plupart des médicaments peuvent induire un EMP chez environ 1 % des patients traités. Pour certaines molécules, le risque d’EMP est supérieur à 3 % : allopurinol, aminopénicillines, céphalosporines, antiépileptiques et sulfamides antibactériens [2]. 2.2. Syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et nécrolyse épidermique toxique (NET ou syndrome de Lyell) Il s’agit de formes bulleuses, rares et graves de toxidermie, s’accompagnant d’une mortalité à court terme (6 semaines) de 23 % et de 34 % à 1 an [17]. Les SJS/NET se caractérisent par des décollements bulleux cutanéo-muqueux secondaires à une apoptose kératinocytaire. La distinction entre SJS et NET se fait en fonction du pourcentage de surface corporelle décollée-décollable : SJS < 10 %, syndrome de chevauchement 10 à 30 %, et NET > 30 %. Le délai de survenue est de 4 à 28 jours après l’introduction de novo du médicament en cause [18]. Dans 10 % des cas, aucun médicament n’est retrouvé soulignant le rôle de facteurs environnementaux tels que Mycoplasma pneumoniae dans la survenue de l’éruption. L’incidence de ces toxidermies bulleuses est estimée à 2 cas par million d’habitants et par an en Europe [19]. Elle est plus élevée Tableau 1 Diagnostics différentiels des exanthèmes maculo-papuleux médicamenteux. Infections virales

Infections bactériennes

Infections parasitaires Maladies inflammatoires et dysimmunitaires

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Herpès virus (EBV, CMV, HHV6 et 7), parvovirus B19, entérovirus dont les virus coxsackies, adénovirus, échovirus, VIH, rougeole, rubéole, arbovirus, virus des hépatites virales (A et B) Rickettsioses, mycoplasme, leptospirose, méningocoque, bartonelloses, tréponématose (syphilis), entérobactéries (typhoïde) Toxoplasmose, helminthiases (toxocarose, trichinose) Syndrome de Kawasaki, réaction du greffon contre l’hôte (GVH), lupus érythémateux

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ARTICLE IN PRESS B. Lebrun-Vignes, L. Valeyrie-Allanore / La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx Tableau 2 Le SCORTEN, score pronostique du syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et de la nécrolyse épidermique toxique (NET ou syndrome de Lyell).

Âge Néoplasie Fréquence cardiaque Urée plasmatique Surface cutanée décollée Bicarbonates Glycémie

Fig. 2. Nécrolyse épidermique toxique ou syndrome de Lyell.

dans les pays à forte prévalence de groupes HLA favorisants (cf. ci-dessous) comme à Taïwan [20]. Il s’agit donc de manifestations très rares (environ 120 cas par an en France), touchant tous les âges. L’incidence est 10 à 100 fois plus élevée au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Les maladies systémiques et la radiothérapie sont également des facteurs de risque. Les signes cliniques inauguraux se caractérisent par un syndrome grippal avec une fièvre élevée, puis par l’apparition d’érosions muqueuses touchant au moins 2 sites (conjonctives, nez, bouche, régions anale et génitale) et d’une éruption maculo-papuleuse érythémateuse en pseudo-cocarde prédominant au tronc initialement. À la phase d’état, les lésions cutanées deviennent purpuriques puis bulleuses et confluent pour aboutir à de larges décollements cutanés (Fig. 2). Sur les zones érythémateuses non encore décollées, le frottement de la peau induit un détachement de l’épiderme (signe de Nikolski). L’atteinte muqueuse érosive est retrouvée dans plus de 90 % des cas, douloureuse, responsable en particulier d’une anorexie totale (Fig. 3). La nécrose peut toucher l’épithélium trachéo-bronchique ou digestif et s’accompagne alors d’un pronostic redoutable. Biologiquement, une insuffisance rénale fonctionnelle ou organique, des troubles hydro-électrolytiques (hypophosphatémie), une atteinte hématologique (cytopénies), une hyperamylasémie secondaire à la nécrose des glandes salivaires, une cytolyse hépatique sont possibles, l’hyperéosinophilie n’est pas classique.

Fig. 3. Nécrolyse épidermique toxique : atteinte érosive buccale.

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< 40 ans Non < 120/min < 10 mmol/L < 10 % < 20 mmol/L < 14 mmol/L

> 40 ans Oui > 120/min > 10 mmol/L > 10 % > 20 mmol/L > 14 mmol/L

Nombre de facteurs de risque

Taux de mortalité (%)

0–1 2 3 4 ≥5

3,2 12,1 35,3 58,3 > 90

L’évolution est marquée à la phase aiguë par une extension progressive du détachement sur une dizaine de jours suivie par une période de ré-épithélialisation de 2 à 3 semaines en moyenne. Les complications sont multiples : infectieuses (surinfection locale, septicémie, pneumopathies, etc.), troubles hydro-électrolytiques secondaires à l’hyperthermie et à l’effraction de la barrière cutanée, détresse respiratoire secondaire à l’atteinte spécifique. Sur le plan thérapeutique, la phase précoce nécessite une prise en charge symptomatique spécialisée, idéalement dans des unités de soin habituées à ces patients. Elle repose sur l’arrêt le plus précoce possible du médicament causal, les soins locaux cutanés et muqueux, l’hydratation, l’alimentation entérale, la lutte contre la douleur [21], la thermorégulation. Un quart des patients nécessitent une assistance respiratoire, associée à un mauvais pronostic [22]. Le pronostic vital est corrélé à un score prédictif validé par différentes équipes (Tableau 2), le SCORTEN, dans lequel chaque item cote 1 point et qui a démontré une plus grande valeur prédictive à J3 [23,24]. En pratique, tout patient ayant un SCORTEN > 1 doit être systématiquement orienté auprès d’une structure spécialisée. Aucun traitement curatif n’a fait preuve d’une efficacité dans le SJS/NET. La corticothérapie générale est très controversée compte tenu du risque de surmortalité lié au sepsis [25]. L’espoir suscité par les immunoglobulines intraveineuses via leur action inhibitrice sur l’interaction Fas-FasL et l’apoptose n’a pas été confirmé ni sur la mortalité ni sur l’arrêt de la progression de la maladie [26,27]. La ciclosporine, molécule anti-apoptotique et inhibitrice de l’activité cytotoxique CD8 pourrait avoir une efficacité qui reste à confirmer [28,29]. L’histologie montre une nécrose kératinocytaire par apoptose de l’épiderme, qui lorsqu’elle touche toute la hauteur de l’épiderme, est corrélée à la mortalité [30]. La nécrose est associée à un infiltrat mononucléé modéré dermique superficiel et péri-vasculaire à prédominance CD8+ . Après la phase aiguë, les séquelles sont fréquentes et multiples et altèrent significativement la qualité de vie du patient. Les séquelles cutanées comprennent des dyschromies (hypoou hyperpigmentation), des cicatrices dystrophiques, des dystrophies unguéales, un prurit. Les séquelles muqueuses incluent une sécheresse et plus rarement des lésions cicatricielles (synéchies) oculaires, œsophagiennes, bronchiques, urétrales, vaginales et anales. L’atteinte ophtalmologique est la plus invalidante allant d’une photophobie à une perte d’acuité visuelle compromettant la reprise d’une activité socioprofessionnelle. Un quart des patients dont l’examen ophtalmologique était normal à 8 semaines développaient des séquelles oculaires à un an, justifiant un suivi régulier et prolongé [31]. En parallèle, le retentissement psychologique est souvent majeur et trop souvent sous-estimé.

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Les diagnostics différentiels du SJS/NET sont les autres dermatoses bulleuses : • l’érythème polymorphe, dont l’étiologie est le plus souvent infectieuse (HSV, mycoplasme) se différencie par la présence de cocardes typiques (lésions en cible avec au moins 3 cercles concentriques individualisables), un relatif respect du tronc et une prédominance des lésions en distalité (paumes et plantes) et l’absence de signe de Nikolski [32] ; • les dermatoses bulleuses auto-immunes (pemphigoïde bulleuse, dermatose à IgA linéaire, pemphigus) sont éliminées par la négativité de l’immunoflurorescence cutanée directe ; • l’épidermolyse staphyloccocique, liée à une toxine staphylococcique, se différencie de la nécrolyse épidermique toxique par l’absence de lésion muqueuse, l’atteinte initiale des plis et le clivage épidermique superficiel histologique ; • les formes étendues d’érythème pigmenté fixe (EPF) prêtent parfois à confusion, mais l’absence de lésion muqueuse et la brièveté du délai d’apparition permettent de rectifier le diagnostic ; • la réaction aiguë du greffon contre l’hôte (GVH) peut évoluer vers une forme bulleuse sévère (GVH-Lyell) liée à une nécrolyse épidermique. L’imputabilité médicamenteuse nécessite une enquête minutieuse à la recherche de tous les médicaments pris dans les 28 jours précédant les premiers signes cliniques. Les méthodes d’imputabilité généralistes utilisées en pharmacovigilance, insuffisamment spécifiques, ne sont pas adaptées à l’analyse individuelle et aux études épidémiologiques de ces toxidermies graves. C’est pourquoi un score spécifique a été développé dans le SJS/NET, à partir des données de l’étude cas-témoin EuroSCAR. Cet algorithme (ALDEN) beaucoup plus discriminant, mais aussi d’utilisation plus ardue, permet d’identifier le médicament en cause dans 70 % des cas et d’éliminer le rôle des autres médicaments dans 64 % des cas [33]. Dans environ 5 % des cas, aucun médicament responsable n’est retrouvé. D’autres étiologies sont discutées, en particulier certains agents infectieux tels que M. pneumoniae même s’il est rarement retrouvé [34]. La physiopathologie du SJS/NET repose sur une réaction cytotoxique spécifique et restreinte au complexe majeur d’histocompatibilité de classe I pour un médicament donné, mettant en jeu des lymphocytes T CD8+ . Ces lymphocytes cytotoxiques dont l’activité est modulée par des lymphocytes T régulateurs produisent différentes cytokines (interféron gamma, TNF-␣, Fas-ligand) responsables via les cellules mononucléées de la production de facteurs tels que le granzyme B, et la granulyzine à l’origine de l’apoptose massive des kératinocytes. Les concentrations de granulyzine dans le liquide de bulles sont corrélées à la sévérité du décollement cutané [35]. Les travaux génétiques de ces dix dernières années ont permis d’établir un lien entre groupes HLA et certains médicaments dans le SJS/NET : d’une part, très forte association au sein de l’ethnie chinoise Han entre HLA-B*5801 et allopurinol [36], d’autre part, entre HLA-B*1502 et carbamazépine [37]. En Europe, l’étude de ces associations par le groupe RegiSCAR a mis en évidence une association entre HLA-B*5801 et allopurinol dans 61 % des cas, à un moindre degré entre HLA-B*38 et sulfaméthoxazole ou lamotrigine, HLA-B*73 et oxicam, mais aucun lien entre HLA-B*1502 et carbamazépine [38] sauf chez les patients ayant des origines asiatiques. Ces associations, aussi fortes soient elles, ne suffisent pas à expliquer à elles seules la survenue du SJS/NET, ni à proposer un dépistage systématique avant l’instauration du traitement. Les études épidémiologiques cas-témoins européennes menées par le groupe EuroSCAR ont permis d’identifier les médicaments pourvoyeurs de SJS/NET : sulfamides antibactériens, allopurinol, carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne, anti-inflammatoires Pour citer cet article : Lebrun-Vignes http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.004

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Fig. 4. Lésions pustuleuses dans un DRESS.

non stéroïdiens (AINS) de la famille des oxicams [19] et secondairement névirapine, lamotrigine mais aussi sertraline, pantoprazole et tramadol [18]. 2.3. Syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse ou drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms (DRESS) Le DRESS est une forme sévère de toxidermie associant des manifestations cutanées et une atteinte systémique. Le délai d’apparition habituel est au maximum de 8 semaines après l’initiation du médicament responsable. Son incidence est estimée à 1/10 000 avec les sulfamides antibactériens et les anticonvulsivants aromatiques [39], mais elle pourrait être nettement supérieure chez les patients d’origine afro-américaine. Le tableau clinique inaugural du DRESS comprend une pharyngite, un malaise général et une fièvre puis apparaissent un œdème du visage, une polyadénopathie (adénopathies de plus de 1 cm sur au moins deux sites). Il s’y associe un exanthème polymorphe associant des lésions urticariennes, maculo-papuleuses, parfois purpuriques peu spécifiques. Le rash touche classiquement plus de 50 % de la surface corporelle allant jusqu’à l’érythrodermie (> 90 % de la surface corporelle). Une infiltration cutanée, des pustules non folliculaires (Fig. 4) ou une desquamation sont régulièrement associées, rarement des lésions vésiculo-bulleuses [40]. Une chéilite est fréquente, et une atteinte muqueuse mineure est notée dans la moitié des cas [41]. Biologiquement, une lymphopénie est fréquente initialement suivie d’un syndrome mononucléosique avec présence de nombreux lymphocytes hyperbasophiles et d’une hyperéosinophilie. Ces manifestations s’associent à au moins une atteinte viscérale profonde : hépatite cytolytique ou cholestatique (80 % des cas), néphropathie interstitielle, pneumopathie interstitielle. D’autres atteintes viscérales sont possibles : myocardites, péricardites, atteintes neurologiques centrales, myosites, thyroïdite, pancréatites, hémophagocytose. Dans un objectif de validation des cas, le groupe RegiSCAR a proposé un score de validation rétrospective dans lequel la présence d’au moins 3 critères est nécessaire : éruption, hyperthermie > 38 ◦ C, polyadénopathie, atteinte viscérale, présence de lymphocytes hyperbasophiles, hyperéosinophilie ou thrombopénie [42]. L’examen histologique d’une biopsie cutanée est peu spécifique : il existe un infiltrat lichénoïde à prédominance mononucléée TCD8+ associé à un œdème dermique. L’évolution du syndrome d’hypersensibilité peut être prolongée de quelques mois à un an, même après arrêt du médicament

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inducteur, entrecoupée de rémissions et de rechutes cliniques et biologiques, possiblement expliquées par les réactivations virales [43–46]. La tachycardie, l’hyperleucocytose, une tachypnée, une coagulopathie, une hémorragie digestive ou un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) sont des facteurs associés à un mauvais pronostic [47]. Une évolution fatale est observée dans 2 à 10 % des cas selon les séries, le plus souvent secondaire à une hépatite fulminante. La prise en charge thérapeutique dépend de l’atteinte clinicobiologique et doit être réévaluée en fonction de l’évolution et en lien avec les spécialistes d’organe. Elle fait actuellement l’objet d’un essai thérapeutique (ClinicalTrials.gov Identifier : NCT01987076), les éléments de cette prise en charge étant [48] : • arrêt du ou des médicaments suspects ; • en l’absence de signe de gravité : dermocorticoïdes (forts ou très forts), émollients et antihistaminiques si prurit ; • en présence de signes de gravité (transaminases > 5 fois la normale, insuffisance rénale organique, pneumopathie, hémophagocytose, atteinte cardiaque, etc.) : corticothérapie générale (0,5 ou 1 mg/kg/j de prednisone), à évaluer au cas par cas ; • en cas de signes de menace vitale (hémophagocytose avec insuffisance médullaire, encéphalite, hépatite sévère avec insuffisance hépatocellulaire, insuffisance respiratoire aiguë), l’association d’immunoglobulines intraveineuses (IgIV) 2 g/kg répartis sur cinq jours à la corticothérapie générale peut se discuter [49], mais elles ne doivent pas être administrées en monothérapie du fait du risque d’effets indésirables graves [50]. Les bolus de corticoïdes peuvent également être proposés ; • en présence de signes de gravité avec confirmation d’une réactivation virale majeure, l’adjonction d’un antiviral (ganciclovir) ou d’IgIV à la corticothérapie générale est parfois proposée. Dans tous les cas, une surveillance rapprochée et prolongée est indispensable compte tenu du risque de poussées évolutives à distance. Celles-ci sont possibles même en l’absence de toute nouvelle prise médicamenteuse, en particulier lors de la décroissance de la corticothérapie générale qui devra être progressive. La surveillance biologique repose sur un contrôle des examens biologiques deux fois par semaine jusqu’à un mois après la normalisation des signes clinico-biologiques, puis régulièrement durant les mois suivants en fonction de l’évolution. Des manifestations d’auto-immunité (diabète, dysthyroïdie, lupus, etc.) peuvent survenir à distance. Les principaux diagnostics différentiels du DRESS sont les éruptions virales (primo-infection ou réactivation virale chez le patient immunodéprimé), la maladie sérique, le pseudolymphome, le lymphome cutané, le syndrome hyperéosinophilique primitif ou secondaire. La physiopathologie est encore très discutée, l’hypothèse actuelle étant que le DRESS serait la résultante d’une association entre réaction d’hypersensibilité retardée et réactivation virale. Le mécanisme initial reste incertain : d’une part, le médicament pourrait agir indirectement en induisant une immunodépression et directement en favorisant une augmentation de la réplication virale [51]. D’autre part, le médicament serait reconnu de fac¸on spécifique par les lymphocytes T avec expansion oligoclonale T à l’origine d’une réactivation virale. Les virus impliqués sont ceux du groupe Herpès, au premier rang desquels HHV6, HHV7, EBV et CMV. Leur réactivation pourrait interagir avec les voies de détoxification des médicaments inducteurs mais surtout modifier et prolonger la réponse immune [45,51–55]. Les lymphocytes T activés contribuent par la libération d’IL-5 au recrutement des polynucléaires éosinophiles fortement impliqués dans cette toxidermie [56]. Une prédisposition génétique a été montrée pour certains médicaments (abacavir et HLA-B*5701, HLA-B*5801 et allopurinol) [13]. Pour citer cet article : Lebrun-Vignes http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.004

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Fig. 5. Pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG).

Les médicaments les plus souvent suspectés au cours du DRESS sont les antiépileptiques (phénobarbital, carbamazépine, phénytoïne, lamotrigine), la minocycline, l’allopurinol, la dapsone, certains antirétroviraux (névirapine, abacavir), les sulfamides comme la sulfasalazine, la sulfadiazine et le sulfaméthoxazole, les sels d’or, les inhibiteurs de la pompe à protons [41,57]. 2.4. Pustulose aiguë exanthématique généralisée (PEAG) Cette toxidermie se caractérise par une éruption pustuleuse fébrile apparaissant dans un délai de 1 à 4 jours après la prise du médicament inducteur. Ce délai court reflète probablement une sensibilisation antérieure, par voie générale ou par voie locale. Il s’agit d’une toxidermie sévère mettant en jeu le pronostic vital dans 1 % des cas [58,59]. Cliniquement, l’hyperthermie (> 38,5 ◦ C) accompagne ou précède de quelque jours une éruption de pustules non folliculaires (non centrées par un poil) et aseptiques reposant sur des nappes érythémateuses, prédominant au visage et dans les grands plis (inguinaux, axillaires, sous-mammaires) (Fig. 5). La confluence des lésions pustuleuses peut engendrer des décollements superficiels avec pseudo signe de Nikolski. Un œdème du visage et des mains, un purpura, des lésions vésiculo-bulleuses ou une atteinte muqueuse peuvent également être observés [58,60]. Les lésions cutanées s’accompagnent généralement d’un prurit ou d’une sensation de brûlure. Biologiquement, il existe une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, un syndrome inflammatoire, une hypercalcémie, et rarement une éosinophilie. Sur une série de 58 patients, 17,2 % présentaient des manifestations systémiques avec atteinte hépatique, rénale, médullaire ou pulmonaire [59]. L’examen histologique met en évidence des pustules spongiformes sous- ou intra-cornées, ou intradermiques, contenant des éosinophiles dans un tiers des cas. Une nécrose kératinocytaire est souvent présente ainsi qu’un œdème du derme papillaire et un infiltrat dermique à polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, sans vascularite leucocytoclasique [61]. L’évolution de la PEAG est favorable en 1 à 2 semaines après l’arrêt du médicament en cause avec une desquamation superficielle. Un traitement symptomatique par corticoïde topique permet de raccourcir l’évolution. Une grille de validation de la PEAG a été proposée afin de poser rétrospectivement le diagnostic [62] : • éruption pustuleuse aiguë ; • histologie compatible ;

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• fièvre > 38 ◦ C ; • neutrophilie (> 1500/mm3 ) avec ou sans éosinophilie ; • régression des symptômes en 15 jours. Le principal diagnostic différentiel de la PEAG est le psoriasis pustuleux de Zumbusch qui survient chez des patients aux antécédents de psoriasis et se caractérise par une évolution spontanée récidivante. Plus rarement doit être évoquée une intoxication au mercure à l’origine d’un tableau clinique comparable (érythème mercuriel) et survenant classiquement après inhalation de vapeur de mercure [63]. Les formes sévères de PEAG sont parfois confondues avec un syndrome de Lyell du fait de la confluence des pustules, mais le respect des muqueuses et le caractère superficiel du décollement permettent d’écarter ce diagnostic. Une composante pustuleuse peut aussi s’observer au cours du DRESS, mais l’hyperéosinophilie, la présence de lymphocytes atypiques, d’une atteinte viscérale et l’évolution prolongée différencient les deux entités. Des cas de chevauchement entre NET, DRESS et PEAG existent mais demeurent rares [64]. La physiopathologie de la PEAG est encore mal connue. La neutrophilie sanguine et tissulaire suggère une libération de cytokines activant les polynucléaires neutrophiles par les lymphocytes T spécifiques du médicament (IL 3, IL 8, G-CSF). Les principaux médicaments à risque de PEAG ont été identifiés par une enquête de pharmacovigilance menée en France [65], confirmée par une étude cas-témoin du groupe EuroScar [66] : il s’agit de la pristinamycine, de l’ampicilline, des quinolones, de l’hydroxychloroquine, des sulfamides antibactériens, de la terbinafine et du diltiazem. Des tableaux de PEAG peuvent aussi être secondaires à une étiologie infectieuse, alimentaire ou à une morsure d’araignée [67]. 2.5. Érythème pigmenté fixe L’érythème pigmenté fixe (EPF) est une toxidermie réputée rare dans les pays occidentaux alors qu’elle est l’une des plus fréquentes en Asie et en Afrique. Ces différences géographiques peuvent en partie s’expliquer par une possible prédisposition génétique, encore peu explorée dans cette toxidermie [68]. Le délai de survenue de cette toxidermie est court allant de 1 jour à 2 semaines. Ce délai se réduit au fur et à mesure des réintroductions et peut n’être que de quelques heures après la prise du médicament en cause. L’EPF peut prendre des présentations cliniques variées allant d’une lésion unique pigmentée à des lésions bulleuses plus étendues voire des tableaux de pseudo-Lyell. Il existe également des formes non pigmentées ou muqueuses pures. La forme classique se caractérise par une ou plusieurs lésions à type de plaque arrondie ou ovalaire de taille variable, érythématoviolacées d’évolution pigmentée, à bordures bien délimitées (Fig. 6). Ces lésions uniques ou multiples sont de topographie variable cutanée ou muqueuse. Elles prédominent à la face et au tronc. Certaines lésions peuvent avoir un centre œdémateux avec une évolution vésiculo-bulleuse circonscrite, laissant secondairement des érosions post-bulleuses de cicatrisation rapide. L’atteinte des semi-muqueuses et des muqueuses est très fréquente, isolée ou associée à des lésions cutanées. Les lèvres et la muqueuse buccale sont fréquemment touchées, l’atteinte de la muqueuse génitale est observée majoritairement chez l’homme [69]. Une topographie spécifique de l’EPF associée à un médicament est discutée par certains auteurs [70]. Dans la plupart des cas, l’EPF cicatrise en laissant une hyperpigmentation séquellaire. Cependant, des formes non pigmentaires unique ou multiple sont également observées [71]. Elles sont Pour citer cet article : Lebrun-Vignes http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.004

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Fig. 6. Érythème pigmenté fixe multiple bulleux.

associées à un phénotype cutané clair, les formes pigmentées étant la règle chez les patients à peau foncée. Dans de rares cas où les lésions sont étendues et bulleuses, le diagnostic différentiel avec une nécrolyse épidermique toxique peut se poser. La présentation clinique se caractérise par de grands placards érythémateux à bordures très bien limitées, de topographie volontiers asymétrique avec de grands intervalles de peau saine. Ces lésions sont associées à de larges décollements épidermiques. Il n’existe pas de lésion élémentaire à type de cocarde ou pseudococarde. Lorsqu’elle existe, l’atteinte muqueuse est modérée et unipolaire. Enfin, l’état général est conservé et la fièvre absente, contrairement aux patients atteints de SJS/NET. Dans les formes très décollées, les modalités de prise en charge relèvent d’une orientation spécifique et leur pronostic sera dépendant de l’étendue du décollement [72]. L’évolution se caractérise par une disparition/cicatrisation rapide dans les suites de l’arrêt de la molécule. Lorsqu’elle existe, la pigmentation résiduelle persiste à long terme. La réintroduction de la molécule incriminée entraînera une récidive de l’éruption aux mêmes endroits mais les lésions peuvent également être plus nombreuses ou plus souvent bulleuses. L’examen histologique montre une nécrose kératinocytaire pouvant être responsable d’un décollement sous-épidermique. L’infiltrat du derme superficiel et profond qui associe lymphocytes, polynucléaires neutrophiles ou éosinophiles est plus abondant que dans la NET. Dans les formes récidivantes, l’accumulation de mélanophages dans le derme superficiel permet le diagnostic. L’immunofluorescence directe et indirecte est négative. Le principal diagnostic différentiel de la forme solitaire est la piqûre d’araignée ou d’insecte. Dans les formes génitales, la récurrence herpétique peut être discutée. Dans les formes bulleuses le SJS/NET, l’érythème polymorphe, les dermatoses bulleuses autoimmunes (dermatose à IgA linéaire, pemphigus, etc.) sont des diagnostics alternatifs pour lesquels la topographie des lésions et le résultat de l’immunofluorescence sont essentiels. La physiopathologie est celle d’une hypersensibilité retardée, impliquant des lymphocytes T CD8+ mémoires qui persistent dans l’épiderme de la peau atteinte. Lors d’une réintroduction ultérieure de l’allergène, ces cellules prennent transitoirement un profil cytotoxique NK entraînant une nécrose kératinocytaire. La mise en évidence de lymphocytes T régulateurs CD4+ dans le sang circulant et dans la peau lésée après stimulation antigénique pourrait expliquer l’atteinte circonscrite de l’EPF. Ces derniers par un contrôle des T CD8+ , limiteraient les dommages tissulaires et l’extension de l’atteinte cutanée [73,74].

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Histologiquement, la biopsie montre une image d’infiltrat mononucléé avec œdème du derme et dilatation des capillaires. Le délai d’apparition, l’évolution et la prise en charge dépendent du mécanisme impliqué.

Fig. 7. Urticaire.

Dans les pays occidentaux, les principaux médicaments identifiés comme pourvoyeurs d’EPF sont le paracétamol, les AINS (en particulier les oxicams), les antibiotiques (bêta-lactamines, quinolones, sulfamides, cyclines, macrolides), la carbocystéine. Mais de nombreuses autres familles sont concernées comme les antiépileptiques, les benzodiazépines, les inhibiteurs de la pompe à protons, les antihistaminiques, certains antifongiques (terbinafine, fluconazole) [69,75,76]. Longtemps considéré comme pathognomonique d’une étiologie médicamenteuse, d’autres causes d’EPF ont été identifiées, en particulier alimentaires [67]. 2.6. Syndrome Babouin ou symmetrical drug-related intertriginous and flexural exanthema (SDRIFE) Cette toxidermie retardée est caractérisée par un érythème bien limité et symétrique de la région fessière/péri-anale ou un érythème en V de la région inguinale ou péri-génitale et d’au moins un autre grand pli. L’atteinte cutanée peut également comprendre des micropapules, des pustules, des vésicules et rarement des bulles. Les régions palmo-plantaires, le visage et les muqueuses ne sont que rarement concernées, et il n’existe pas de signes systémiques. Le délai d’apparition après l’introduction de médicament causal va de quelques heures à quelques jours [77,78]. La présentation clinique peut se rapprocher de la PEAG dans une forme limitée. L’histologie est variable, mais la présence d’un infiltrat périvasculaire superficiel composé de cellules mononucléées est constante. Les médicaments les plus largement impliqués dans le SDRIFE sont des antibiotiques, en particulier les bêta-lactamines. Les autres médicaments en cause sont les produits de contraste iodés, le cétuximab, l’allopurinol, la mitomycine, la pseudo-éphédrine, les corticoïdes, la terbinafine, le valaciclovir. En dehors des causes médicamenteuses, le SDRIFE peut également survenir après exposition au mercure, tout comme la PEAG [63]. 2.7. Urticaire, angiœdème et anaphylaxie Ces manifestations, parfois secondaires à une prise médicamenteuse, sont liées à une vasodilatation responsable d’un œdème. L’urticaire et l’angiœdème se différencient par la profondeur de l’œdème, dermique dans l’urticaire, dermo-hypodermique dans l’angiœdème. Cliniquement, l’urticaire est une éruption de papules œdémateuses entourées d’un halo érythémateux, prurigineuses, labiles dans le temps et dans l’espace, disparaissant en 24 à 48 heures sans laisser de trace (Fig. 7). L’angiœdème est une urticaire profonde touchant plus volontiers les muqueuses, il se présente comme un œdème rosé des paupières, des lèvres, des oreilles ou des muqueuses. Il est associé à une sensation de tension parfois douloureuse plus que prurigineuse. Pour citer cet article : Lebrun-Vignes http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.004

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2.7.1. Réaction immuno-allergique de type I (immédiate, anaphylaxie) Ce mécanisme, lié à la présence d’IgE ou d’IgG spécifiques, est impliqué dans 5 % des cas d’urticaire ou d’angiœdème. La réaction survient de quelques minutes à une heure après la prise médicamenteuse et peut se compliquer d’anaphylaxie avec mise en jeu du pronostic vital, secondaire à la libération massive d’histamine : collapsus, hypotension, bronchospasme ou spasme laryngé. L’arrêt et l’éviction définitive du médicament en cause est indispensable, le risque de réaction anaphylactique mortelle étant important en cas de réintroduction. Lors d’une réaction anaphylactique, le traitement repose en urgence sur l’injection d’adrénaline associée à une injection de corticoïdes systémiques. Les médicaments les plus souvent en cause sont les antibiotiques et tout particulièrement les pénicillines, les curares et autres médicaments utilisés en anesthésiologie, les AINS, le paracétamol, les produits de contraste, les vaccins [79]. Les tests allergologiques cutanés intradermiques (prick test, intradermoréactions) permettent de confirmer l’origine allergique immédiate des manifestations. 2.7.2. Réactions pharmacologiques Dans 95 % des cas, l’urticaire ou l’angiœdème médicamenteux est d’origine pharmacologique non immuno-allergique (« pseudoallergique » ou anaphylactoïde) [80], la vasodilatation résultant de la libération directe de médiateurs tels que l’histamine, la bradykinine ou de leucotriènes. De nombreux médicaments sont susceptibles de provoquer une histamino-libération par dégranulation des mastocytes comme les morphiniques, les produits de contraste iodés, la vancomycine, les fortes doses intraveineuses de corticoïdes ou les sels de platines. Les AINS, y compris l’aspirine, sont à l’origine d’une accumulation de leucotriènes en inhibant la cyclo-oxygénase. Les patients atteints d’urticaire chronique dont le dermographisme sont particulièrement concernés par ces manifestations [80]. Dans ces situations, les réactions sont d’intensité limitée et cèdent à l’arrêt du médicament ou sous antihistaminiques. Les manifestations graves avec hypotension ou asphyxie sont exceptionnelles. Dans la grande majorité des cas, il est possible de réintroduire le médicament responsable si nécessaire, sous surveillance clinique et avec quelques précautions : prémédication par antihistaminiques ou corticoïdes, ralentissement du débit de perfusion en cas d’administration intraveineuse. Il est parfois difficile d’éliminer cliniquement une réaction imuno-allergique IgE médiée. Des tests cutanés sont alors indispensables avant de décider d’une éventuelle réintroduction afin de déterminer le mécanisme de la réaction. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), mais aussi les sartans et les gliptines sont susceptibles d’induire une accumulation de bradykinine. Environ 0,2 % des nouveaux utilisateurs d’IEC développeraient un angiœdème et l’incidence a été estimée à environ 2 cas pour 1000 patients/année. La majorité des cas surviennent dans les 3 premiers mois de traitement, mais le risque persiste tout au long du traitement. Le risque serait plus important dans la population noire, chez les femmes et serait plus faible chez le diabétique [81]. Le risque concernerait également tout patient ayant rec¸u un IEC dans les six mois précédents. L’éviction définitive du médicament est indispensable en cas d’angiœdème bradykinique en raison du risque de réaction grave voire mortelle. Les angiœdèmes induits par les IEC ne répondent pas aux thérapeutiques utilisées dans les angiœdèmes histaminiques mais répondent aux antagonistes des récepteurs de la bradykinine ou aux concentrés de C1 inhibiteur.

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Des recommandations concernant leur prise en charge ont été élaborées par un groupe d’experts franc¸ais [82].

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3. Autres toxidermies 3.1. Vascularites

2.8. Photosensibilité La photosensibilité médicamenteuse est secondaire à l’association d’une prise médicamenteuse à une exposition aux ultraviolets (UV) ou à la lumière visible. On distingue deux types de photosensibilité médicamenteuse selon le mécanisme physiopathologique impliqué : la phototoxicité et la photoallergie [83]. Il est cependant fréquent de ne pouvoir distinguer clairement les deux types de photosensibilité. 2.8.1. Phototoxicité Elle concerne tous les patients exposés au médicament en cause et survient immédiatement après l’exposition solaire/UV. Cliniquement, l’éruption se caractérise par un érythème de type érythème solaire (« coup de soleil ») limité aux zones photo-exposées, parfois associé à des lésions vésiculo-bulleuses et évoluant vers une pigmentation post-inflammatoire. La photosensibilité régresse immédiatement après l’arrêt de la substance photosensibilisante. L’éviction ou la protection solaire permettent la régression et la prévention des manifestations cutanées. Il est donc nécessaire que le prescripteur informe systématiquement le patient du risque de photoréaction et de l’intérêt d’une photoprotection. Histologiquement, on retrouve une dégénérescence de l’épiderme avec une nécrose kératinocytaire, un œdème dermique, un discret infiltrat lymphocytaire et une dilatation capillaire. La phototoxicité résulte directement d’une réaction photochimique responsable d’une production de radicaux libres et de dommages cellulaires, ce qui conduit à un abaissement du seuil de photosensibilité chez tous les patients exposés à ces médicaments. Elle est documentée expérimentalement in vitro et in vivo. Une diminution de la dose érythémale moyenne aux UV est observée chez les patients exposés au médicament photosenbilisant. Les médicaments impliqués incluent la doxycycline, l’acide nalidixique, le voriconazole, l’amiodarone, l’hydrochlorothiazide, le naproxène, le piroxicam, la chlorpromazine [83]. Le vémurafenib induit une très forte phototoxicité par un mécanisme dépendant de la vitamine PP et des porphyrines [84]. La photosensibilité chronique induite par le voriconazole, médicament souvent prescrit sur de longues périodes chez des patients immunodéprimés, conduit à un vieillissement cutané avec héliodermie majeure ainsi qu’à l’apparition de carcinomes épidermoïdes particulièrement agressifs [85]. 2.8.2. Photoallergie La photoallergie résulte d’une réaction d’hypersensibilité retardée à médiation cellulaire. Les UV sont nécessaires à la transformation du médicament en un allergène responsable d’une réponse immune cellulaire. La photoallergie se manifeste plus tardivement que la phototoxicité, après une exposition prolongée au médicament. Cliniquement, l’éruption est polymorphe, volontiers eczématiforme et prurigineuse, débutant en zone photo-exposée mais débordant sur les zones photo-protégées. Les lésions régressent progressivement à l’arrêt du médicament et un traitement par dermocorticoïde permet d’améliorer l’éruption. Celle-ci peut persister plusieurs mois ou années avec une photo-rémanence à l’image de la photoallergie induite par le kétoprofène [86]. La photoallergie s’explore par photo-patchs tests. De nombreux médicaments peuvent l’induire : antibiotiques (sulfamide, pyréthamine, fluoroquinolone), phénothiazine, diurétiques thiazidique, AINS.

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Les vascularites médicamenteuses sont secondaires soit à une réaction d’hypersensibilité de type II (cytotoxique), soit à une réaction de type III avec complexes immuns. Elles surviennent 7 à 21 jours après la prise médicamenteuse, ce délai est raccourci en cas de réintroduction. Cliniquement, il s’agit d’un purpura infiltré, nécrotique ou bulleux prédominant aux membres inférieurs. Une atteinte viscérale est possible accompagnée d’une hyperthermie, d’arthralgies ou de myalgies. Histologiquement, on observe une vascularite leucocytoclasique des petits vaisseaux avec ou sans nécrose fibrinoïde. L’immunofluorescence directe met en évidence des dépôts d’immunoglobuline ou de C3 en regard des vaisseaux dermiques. L’évolution est favorable à l’arrêt de l’agent causal. L’introduction d’une corticothérapie générale peut être nécessaire selon la sévérité du tableau clinique notamment en cas d’atteinte viscérale associée. Les vascularites médicamenteuses sont rares et représentent moins de 10 % des vascularites. Il s’agit donc d’un diagnostic d’élimination après recherche négative d’une autre étiologie (tumorale, auto-immune, infectieuse, etc.). Les médicaments impliqués dans les vascularites médicamenteuses sont l’allopurinol, les AINS, les céphalosporines, la pénicilline, les sulfamides antibactériens, le propylthiouracile, les anti-TNF␣, les anti-vitamines K, la minocycline. 3.2. Maladie sérique Les réactions médicamenteuses de type maladie sérique se manifestent par l’association d’une fièvre, d’un exanthème urticarien, d’arthralgies et d’une polyadénopathie survenant 1 à 3 semaines après la prise médicamenteuse. Elle résulte d’une réaction d’hypersensibilité de type III avec dépôts tissulaires de complexes immuns, et d’une activation du complément responsables d’une réaction inflammatoire. L’arrêt du médicament en cause est souvent suffisant pour obtenir la régression du tableau clinique, mais une courte corticothérapie générale peut être nécessaire dans les formes sévères. La contre-indication du médicament inducteur est de mise, souvent étendue aux molécules de la même famille chimique malgré un faible risque de réactions croisées. Au xixe siècle, ces réactions s’observaient communément après administration de sérums hétérologues, essentiellement équins, comme les sérums antidiphtérique ou antitétanique. Plus récemment, la maladie sérique a été essentiellement décrite chez l’enfant traité par céfaclor. Elle s’observe avec d’autres médicaments comme la minocycline, le bupropion, le rituximab, le propranolol, les anti-TNF␣ et le sérum antilymphocytaire. 3.3. Dermatose à IgA linéaire Il s’agit d’une dermatose bulleuse auto-immune avec dépôt linéaire d’IgA le long de la membrane basale. Cliniquement l’éruption est constituée de plaques papuleuses annulaires et de bulles tendues, l’atteinte muqueuse est rare. Lorsqu’elle est d’origine médicamenteuse, le tableau clinique survient entre 24 heures et 14 jours après l’introduction du médicament. Comparativement aux formes spontanées, les formes médicamenteuses sont plus graves avec des décollements plus étendus et un signe de Nikolski, mimant ainsi une nécrolyse épidermique toxique [87]. Le diagnostic confirmé par l’histologie retrouve une bulle sous-épidermique et un dépôt linéaire d’IgA à la jonction

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dermo-épidermique. La majorité des patients ne présentent pas d’anticorps circulants. L’éruption régresse en 2 à 5 semaines après l’arrêt du médicament. Les principaux médicaments en cause sont des antibiotiques (vancomycine, bêta-lactamines, sulfamides antibactériens), des AINS (piroxicam, diclofénac, naproxène, kétoprofène), l’amiodarone, le captopril, les interférons, le paracétamol, le furosémide, l’atorvastine, la gemcitabine, le lithium, la phénytoïne, le vérapamil, le vigabatrin, et le G-CSF [87]. 3.4. Pemphigus induit Cette autre dermatose bulleuse auto-immune peut également être d’origine médicamenteuse. Le tableau clinique associe des bulles flasques ou des érosions post-bulleuses en peau érythémateuse, avec un signe de Nikolski. Il existe classiquement une atteinte muqueuse. Dans le cas d’un pemphigus induit, les signes cliniques apparaissent quelques semaines à quelques mois après la prise médicamenteuse [88]. La biopsie cutanée montre une acantholyse (bulle intraépidermique), l’immunofluorescence directe est positive chez 90 % des patients ayant un pemphigus médicamenteux. Des autoanticorps circulants anti-desmogléine sont trouvés dans 70 % des cas. La régression spontanée après arrêt du médicament inducteur n’est pas toujours constatée, en particulier lorsque le médicament impliqué ne contient pas de groupement thiol. Parmi les mécanismes possibles sont discutées la production d’auto-anticorps par addition de dérivés thiols aux desmosomes ou l’induction d’une réaction cytotoxique spécifique du médicament responsable d’une acantholyse. Les médicaments en cause sont dans 80 % des cas des médicaments contenant un groupement thiol comme la pénicillamine, ou les IEC. D’autres médicaments sont parfois impliqués : bêtalactamines, névirapine, oxicam, phénobarbital, propranolol.

médicaments inducteurs de pseudolymphomes sont le phénobarbital, la carbamazépine, la chlopromazine, la prométhazine, les antagonistes de l’angiotensine II. 3.7. Éruptions acnéiformes Les éruptions acnéiformes représenteraient 1 % des toxidermies. Cliniquement, elles se distinguent de l’acné par l’absence de lésions rétentionnelles (comédons, microkystes). Elles se présentent comme une éruption papulopustuleuse touchant préférentiellement le visage et le haut du tronc. Les principaux médicaments responsables sont les corticoïdes, les androgènes, l’hydantoïne, le lithium, les médicaments halogénés (halogénides), les œstro-progestatifs, et les inhibiteurs du récepteur à l’EGF (cf. infra). 3.8. Hyper- ou hypopigmentations Les anomalies de la pigmentation cutanée peuvent être liées à plusieurs mécanismes comme une augmentation de la production de mélanine, une photosensibilité, des dépôts du médicaments ou de ses métabolites (thésaurismose), une pigmentation postinflammatoire. Les pigmentations peuvent toucher les muqueuses et les annexes. Les principaux médicaments induisant une thésaurismoses sont la minocycline et l’amiodarone. Parmi les médicaments responsables de pigmentations par stimulation de la mélanogenèse, on trouve de nombreuses chimiothérapies anticancéreuses (cf. infra). Certaines substances utilisées par voie topique peuvent provoquer une hypopigmentation comme les rétinoïdes, les corticoïdes, l’imiquimod, l’hydroquinone, les phénols. D’autres médicaments peuvent induire un vitiligo ou des lésions vitiligoïdes comme la chloroquine, les interférons, le vémurafénib. 3.9. Réactions cutanées paradoxales sous anti-TNF˛

3.5. Lupus induit Le lupus induit peut se manifester sous la forme d’un lupus systémique (selon les critères de l’ACR) ou d’un lupus subaigu purement cutané. Il apparaît dans les semaines ou mois après l’introduction du médicament en cause, chez un patient sans antécédent lupique. Les manifestations disparaissent classiquement après l’arrêt du médicament causal en 4 à 6 semaines. Au cours des lupus médicamenteux, des anticorps anti-histones sont classiquement détectés et les anti-DNA constamment absents. Les mécanismes physiopathologiques à l’origine du lupus induit sont multiples, dépendant à la fois du médicament inducteur et du patient [89]. Les médicaments les plus fréquemment en cause sont la procaïnamide et l’hydralazine. Parmi les médicaments ayant un risque moindre sont rapportés la D-pénicillamine, la minocycline, certains AINS, la terbinafine, la griséofulvine, l’isoniazide, certains inhibiteurs calciques, la quinidine. Plus récemment, les anti-TNF␣ et les interférons ont été impliqués [89]. 3.6. Pseudolymphomes Les pseudolymphomes médicamenteux sont d’installation progressive quelques mois voire années après l’introduction du médicament. Cliniquement, il peut s’agir de plaques érythémateuses ou violines uniques ou multiples, parfois de nodules. Histologiquement, il existe un infiltrat polymorphe en bande constitué de lymphocytes B et T, d’éosinophiles et d’histiocytes. L’analyse de la clonalité dans la peau est polyclonale. Les lésions régressent en quelques mois à l’arrêt du médicament. Les Pour citer cet article : Lebrun-Vignes http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.004

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L’utilisation des anti-TNF␣ s’accompagne dans certains cas d’éruptions cutanées psoriasiformes. Ces biothérapies étant indiquées dans le traitement du psoriasis en plaques modéré à sévère, ces manifestations font partie des réactions appelées « paradoxales ». Il s’agit le plus souvent de femmes atteintes de rhumatisme inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropathie, spondylarthrite ankylosante, arthrite chronique juvénile, rhumatisme psoriasique, maladie de Behc¸et) ou de maladies inflammatoires du tube digestif (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique). Tous les anti-TNF␣ sont concernés, mais le risque de survenue d’un psoriasis semble plus important sous adalimumab que sous étanercept ou sous infliximab [90]. Les lésions apparaissent le plus souvent dans les trois mois suivant l’introduction du traitement, avec des extrêmes allant de quelques jours à 2 ans. La pathologie traitée par anti-TNF␣ est classiquement contrôlée lors de l’apparition des lésions cutanées, celles-ci pouvant survenir malgré la co-prescription d’autres immunosuppresseurs comme le méthotrexate. La présentation clinique est variable : • • • •

psoriasis pustuleux avec atteinte palmoplantaire ; psoriasis vulgaire comprenant une atteinte unguéale ; psoriasis inversé avec atteinte périnéale et inguinale ; plus rarement psoriasis en gouttes.

Dans la plupart des cas, la survenue de telles réactions ne contre-indique pas la poursuite du traitement avec le même antiTNF␣ ou avec une autre molécule. Une régression complète ou

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partielle des lésions s’observe alors dans la majorité des cas, spontanément ou avec l’aide de traitements spécifiques locaux ou systémiques (émollients, dermocorticoïdes, analogues de la vitamine D, photothérapie, méthotrexate ou ciclosporine). La conduite à tenir est guidée par la sévérité de l’atteinte cutanée, de la maladie sous-jacente et des alternatives thérapeutiques possibles [91]. La rémission totale est la règle après arrêt de la biothérapie. Les hypothèses physiopathologiques avancées pour expliquer ce phénomène sont d’une part une production inappropriée d’IFN␣ par les cellules dendritiques plasmacytoïdes, d’autre part une augmentation de la population Th1, dans les deux cas chez des sujets génétiquement prédisposés [90]. À côté de ces réactions psoriasiformes, d’autres réactions paradoxales cutanées sont observées sous anti-TNF␣ : vascularites cutanées, granulomatoses cutanées, nodules rhumatoïdes [91].

la bléomycine, l’étoposide, le 5-FU, le méthotrexate, les taxanes, le cyclophosphamide.

4. Toxicités cutanées liées aux anticancéreux

4.1.5. Pigmentations cutanées C’est un des effets indésirables cutané les plus fréquemment observés avec les anticancéreux [95]. L’hyperpigmentation peut apparaître d’emblée ou correspondre à une pigmentation post-inflammatoire. De nombreuses molécules donnent des pigmentations diffuses (5-FU, anthracyclines, capécitabine, méthotrexate, hydroxyurée, cyclophosphamide, busulfan, thiothépa, procarbazine, bléomycine, dactinomycine). Certaines sont aussi responsables de pigmentations figurées ou localisées comme l’hyperpigmentation flagellée de la bléomycine. Celle-ci survient précocement ou tardivement sous forme de pigmentation linéaire dite flagellée, prédomine sur le tronc, la racine des membres et les zones de pression ou de traumatisme. Les lésions sont initialement inflammatoires, érythémateuses papuleuses ou urticariennes souvent prurigineuses, des formes d’emblée pigmentées étant possibles. Une régression est observée en quelques semaines ou mois à l’arrêt du traitement, mais une persistance sur plusieurs années est possible. L’hyperpigmentation supra-veineuse serpigineuse survient rarement après une administration intraveineuse périphérique. Elle a été décrite essentiellement avec le 5-FU, mais aussi la vinorelbine, la bléomycine, le docétaxel, la fotémustine, la doxorubicine, l’actinomycine, le cisplatine ou le cyclophosphamide. Elle touche préférentiellement des hommes à peau foncée et se présente sous forme de lésions serpigineuses hyperpigmentées en regard du réseau veineux superficiel, débutant au site d’injection et s’étendant de fac¸on centripète en quelques jours, sans thrombose veineuse ni extravasation. Les lésions peuvent être initialement inflammatoires. La survenue de nævus éruptifs est associée à certains anticancéreux (5-FU, tégafur, méthotrexate, doxorubicine). Ils apparaissent pendant ou rapidement après le traitement, quelquefois de fac¸on diffuse. Ces nævus peuvent prendre un aspect clinique ou histologique dysplasique. Ils s’observent préférentiellement chez l’enfant et l’adulte jeune.

Hormis les manifestations cutanées détaillées ci-dessus, les anticancéreux sont également à l’origine de toxidermies spécifiques, essentiellement par le biais de mécanismes toxiques [92–94]. Cette toxicité directe touche la peau, les muqueuses ou les annexes (cheveux, follicules pilo-sébacés, ongles, glandes sudorales). Les manifestations les plus fréquentes seront abordées dans ce chapitre. 4.1. Manifestations cutanées 4.1.1. L’érythème acral ou syndrome pied-main ou érythrodysesthésie Il se manifeste dans les jours suivant l’administration de la chimiothérapie. Il débute souvent par des douleurs des extrémités (dysesthésies) suivies par l’apparition d’un érythème bien limité et symétrique des paumes et des plantes accompagné d’un œdème et de douleurs à type de brûlures. Les lésions peuvent s’étendre à la face dorsale des pieds et des mains voire à la partie distale des membres. Des décollements bulleux sont possibles, très douloureux, empêchant l’usage des mains et le chaussage. Il s’agit d’un effet commun à de nombreux cytotoxiques comme les anthracyclines, la cytarabine, le 5-FU, le méthotrexate, les taxanes, les anti-angiogènes. 4.1.2. Réactions aux sites d’injection ou d’extravasation Les anticancéreux cytotoxiques sont classés en fonction de leur toxicité locale en agents irritants et en agents vésicants. Les premiers sont responsables d’une réaction inflammatoire locale avec douleur, œdème, érythème et parfois pigmentation en regard de la veine perfusée ou sur la zone d’extravasation. Ils n’induisent pas de nécrose locale. Les agents vésicants ont une toxicité locale plus marquée et retardée, débutant par un érythème, un prurit et un œdème local s’accentuant dans les jours suivants et s’accompagnant de décollements bulleux. En cas d’extravasation importante, une nécrose étendue survient, à l’origine d’ulcères ou d’escarres cutanés potentiellement compliqués de cellulites ou de nécroses plus profondes. En cas d’extravasation, des mesures visant à en limiter les conséquences doivent être immédiatement réalisées selon des modalités variant d’un cytotoxique à l’autre (aspiration, application de froid, etc.). 4.1.3. Phénomène de rappel post-irradiation (radiation recall) Il s’agit d’une réaction inflammatoire survenant sur une zone précédemment irradiée, dans les heures ou les jours suivant l’administration d’un anticancéreux. Les manifestations peuvent apparaître de quelques jours à plusieurs années après la radiothérapie. Les anticancéreux impliqués comprennent les anthracyclines, Pour citer cet article : Lebrun-Vignes http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.004

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4.1.4. Hidradénite eccrine neutrophilique Elle se caractérise par une atteinte des glandes sudorales eccrines liée à une infiltration neutrophilique avec nécrose. Cette entité s’observe essentiellement au cours des leucémies aiguës traitées par cytarabine ou daunorubicine, mais de nombreux autres cytostatiques sont également impliqués. Cliniquement, il s’agit d’une éruption volontiers fébrile de papules, de plaques ou de nodules profonds érythémato-violacés, touchant préférentiellement l’extrémité céphalique, le cou et le tronc, mais pouvant être plus disséminée. Les lésions sont sensibles voire douloureuses à la palpation. Elles peuvent devenir pustuleuses ou nécrotiques. L’évolution est spontanément régressive en moins d’un mois.

4.1.6. Folliculite ou éruptions acnéiformes Il s’agit du principal effet indésirable cutané des anti-epidermal growth-factor receptor (EGFR) comme le cétuximab, le géfitinib et l’erlotinib [96]. L’éruption est faite de lésions folliculaires papuleuses ou pustuleuses, plus ou moins confluentes, sans comédons. Elle touche les zones séborrhéiques, c’est-à-dire le visage, le cuir chevelu, les zones médianes du torse et du dos. Elle peut également atteindre la nuque et la région rétro-auriculaire, plus rarement les membres. L’éruption est dose-dépendante et est corrélée avec la réponse thérapeutique. Un prurit est souvent associé. Le délai d’apparition est de 8 à 21 jours. Elles sont réversibles à l’arrêt du traitement mais peuvent régresser spontanément malgré la poursuite du traitement. Un algorithme décisionnel en fonction de l’intensité et de l’étendue des lésions est proposé [97]. La prise

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en charge actuellement recommandée comprend des traitements locaux (dermocorticoïdes, émollients) et des traitements systémiques (cyclines en première intention). 4.1.7. Xérose cutanée Elle est fréquente avec les anti-EGFR, mais aussi avec les autres thérapies ciblées [96,97]. Elle peut accompagner la folliculite mais est souvent plus diffuse. Elle nécessite l’utilisation large et précoce d’émollients. 4.2. Manifestations muqueuses L’atteinte muqueuse prédominante est la stomatite, se manifestant moins d’une semaine après l’administration du (ou des) cytotoxique(s) par un érythème, une xérostomie, un œdème et des érosions de la muqueuse buccale. Une évolution vésiculo-bulleuse est possible, ainsi qu’une surinfection bactérienne, virale ou fongique. Ces lésions sont douloureuses, gênant voire empêchant l’alimentation. Le traitement préventif consiste à maintenir une hygiène bucco-dentaire optimale (bains de bouche). Une fois installée, la prise en charge de la stomatite est symptomatique visant à lutter contre la douleur (anesthésiques locaux, antalgiques) et contre les complications infectieuses. Les anticancéreux principalement impliqués dans cette atteinte muqueuse sont, entre autres, les anthracyclines, la bléomycine, le méthotrexate, les taxanes, le 5-FU. Une mucite buccale est également observée avec les anti-EGFR. Des pigmentations de la muqueuse buccale peuvent être observées avec les chimiothérapies anticancéreuses responsables de pigmentations cutanées diffuses. 4.3. Atteintes des annexes 4.3.1. Atteintes des cheveux et des poils La plupart des antimitotiques induisent une alopécie secondaire à une interruption brutale de l’activité du follicule pileux (effluvium anagène). La chute des cheveux survient brutalement dans les 10 jours suivant le début de la chimiothérapie et atteint son maximum en deux mois. Tous les follicules pileux étant atteints, l’ensemble des zones pileuses sont concernés par cette alopécie, y compris cils et sourcils. Une repousse est généralement observée après arrêt et élimination des chimiothérapies, parfois avec une modification de la texture ou de la couleur des cheveux/poils. Il existe cependant un risque d’alopécie définitive, en particulier après conditionnement pré-greffe de moelle incluant cyclophosphamide et busulfan, ou en cas d’association à une radiothérapie encéphalique. Sous anti-EGFR, la pousse des cheveux est ralentie avec changement de texture des cheveux qui deviennent fins, cassants et peuvent prendre une forme spiralée voire bouclée. Une alopécie androgénique-like peut également être constatée. Une trichomégalie (allongement progressif des poils) touchant en particulier les cils, ainsi qu’une hypertrichose du visage sont classiquement associées à ces médicaments. 4.3.2. Atteintes unguéales et péri-unguéales Les anticancéreux induisent fréquemment une souffrance de la matrice unguéale, dont l’activité mitotique est réduite ou stoppée [98]. Les manifestations qui en résultent peuvent toucher un, plusieurs ou tous les ongles des pieds et des mains. Les lignes de Beau sont la forme la moins sévère, se limitant à un sillon transversal apparaissant au niveau du repli sous-unguéal, progressant vers le bord libre de l’ongle et s’éliminant avec la pousse de celui-ci. Dans le cas d’une atteinte récidivante, plusieurs lignes de Beau peuvent apparaître sur la tablette unguéale. Lorsque la souffrance matricielle est intense et dure au moins une semaine, une chute de l’ongle Pour citer cet article : Lebrun-Vignes http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.004

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(onychomadèse) peut se produire. Celle-ci est fréquemment partielle, le reste de la tablette unguéale adhérant au lit de l’ongle. Lorsque l’épiderme du lit de l’ongle est altéré, la tablette unguéale se décolle (onycholyse). Les cytotoxiques les plus communément impliqués dans ces manifestations sont les anthracyclines et les taxanes avec lesquels l’atteinte unguéale touche jusqu’à 44 % des patients. Cette atteinte est transitoire et le plus souvent non grave, mais des hématomes ou des abcès sous-unguéaux, douloureux et constituant des portes d’entrée infectieuses sont possibles. La photo-onycholyse est une photosensibilité atteignant l’ongle. Elle apparaît de fac¸on décalée dans le temps par rapport à la photosensibilité cutanée, celle-ci pouvant manquer. Les sujets à peau foncée sont rarement concernés par cette atteinte. Le décollement de l’ongle peut être précédé par une douleur sous-unguéale. Les taxanes sont les anticancéreux les plus souvent impliqués. La paronychie est une inflammation des replis péri-unguéaux se manifestant par l’apparition d’un bourrelet érythémateux périunguéal douloureux. Cette atteinte inflammatoire peut conduire à la formation de bourgeons charnus péri-unguéaux (granulomes pyogéniques ou botryomycomes). Ces lésions douloureuses peuvent siéger aux pieds ou aux mains et ont un retentissement significatif sur la vie quotidienne, gênant les travaux manuels et le port des chaussures. Les anti-EGFR sont fréquemment associés à cette atteinte péri-unguéale, ce qui justifie des mesures prophylactiques systématiques (éviction des facteurs irritants locaux, applications régulières d’émollients). Les atteintes constituées mineures à modérées sont traitées par antiseptiques, antibiotiques ou corticoïdes locaux. Un traitement chirurgical peut être nécessaire en cas d’atteinte sévère, ainsi que l’arrêt temporaire du traitement. Une pigmentation des ongles (mélanonychie) peut accompagner la pigmentation cutanée (cf. supra). A contrario, une coloration blanche de la tablette unguéale (leuconychie) est également possible. Elle est disposée le plus souvent en bandes transversales et correspond à une kératine anormale (parakératose) consécutive à une agression de la matrice.

5. Diagnostic étiologique : explorations allergologiques et imputabilité médicamenteuse 5.1. Tests allergologiques Devant une suspicion de toxidermie de mécanisme immunoallergologique, des explorations peuvent être réalisées afin de documenter l’effet indésirable et d’identifier le médicament impliqué [99–101]. Leur sensibilité varie cependant selon les médicaments et le type de toxidermie. Le bilan allergologique peut être réalisé entre 6 semaines et plus de 6 mois (DRESS, SJS/NET) après l’épisode en l’absence de toute corticothérapie générale ou locale et d’antihistaminiques. Il doit être pratiqué par des équipes entraînées à leur réalisation et à leur interprétation. Une nécessaire standardisation des pratiques est en cours en Europe. Les tests épicutanés ou patch tests consistent à poser pendant 48 heures le médicament à tester dilué (eau ou vaseline) sur la peau à l’aide de cupules d’aluminium ou en plastique. La lecture est réalisée 30 minutes, 48 et 96 heures après le décollement du matériel, et à une semaine en cas de négativité. L’exploration d’une photoallergie nécessite une exposition des zones testées à de faibles doses d’UVA et d’UVB (photo-patch tests). L’intérêt des patch tests dépend à la fois du médicament testé et du type de toxidermie. À titre d’exemple, ils peuvent être utiles dans les exanthèmes maculo-papuleux sous bêta-lactamines, dans le DRESS induit par la carbamazépine ou les inhibiteurs de la pompe à protons. Ils sont intéressants dans la PEAG et l’EPF, mais sont souvent négatifs dans

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les SJS/TEN et dans les toxidermies induites par l’allopurinol et la salazopyrine [97]. Les prick test et intradermoréactions (IDR) sont réalisés avec le médicament dilué. La lecture se fait à 20 minutes et 24 heures. En cas de négativité, une IDR est réalisée avec des dilutions croissantes de médicament injectées progressivement toutes les 30 minutes sur la face externe du bras sous surveillance médicale. Les lectures se font à 30 minutes, 24 heures et 1 semaine en cas de négativité. Les prick tests et les IDR sont très utiles dans l’exploration des urticaires et angiœdèmes, les IDR peuvent également avoir un intérêt devant un exanthème maculo-papuleux, une érythrodermie ou une toxidermie eczématiforme. Ils sont formellement contre-indiqués en cas de SJS/NET et de DRESS en raison du risque de réactivation de la toxidermie grave. En cas de positivité des tests, plusieurs molécules de la même classe doivent être testées afin de rechercher les réactions croisées et de proposer une conduite à tenir (possibilités de ré-introduction ou contre-indications). En cas de négativité des tests cutanés, un test de provocation orale est possible quand le médicament concerné est indispensable, et en dehors d’une toxidermie sévère (SJS/NET, DRESS). La balance risque–bénéfice est établie pour chaque patient, le test se déroule en milieu hospitalier avec des doses croissantes de médicaments. En dehors d’un contexte expérimental, les tests in vitro ne présentent que peu d’intérêt dans l’exploration des toxidermies immuno-allergiques. La recherche d’IgE spécifiques (RAST) peut avoir un intérêt dans les réactions d’hypersensibilité immédiate (urticaire, angiœdème). Aucun test in vivo ou in vitro ne permet donc d’affirmer la responsabilité médicamenteuse devant une toxidermie, en particulier dans les toxidermies sévères. 5.2. Imputabilité médicamenteuse et pharmacovigilance En l’absence de test diagnostique suffisamment sensible et spécifique, le diagnostic de toxidermie repose donc sur une démarche d’imputabilité prenant en compte pour chaque cas la présentation clinique, la chronologie précise des événements et des prises médicamenteuses, et l’élimination des diagnostics différentiels. Cette démarche diagnostique est complétée par une recherche bibliographique, ce qui permet dans la majeure partie des cas d’établir un lien de causalité clair entre le(s) médicament(s) et l’éruption cutanée. Une déclaration en pharmacovigilance est indispensable en cas de toxidermie grave quel que soit le médicament impliqué, et dans tous les cas s’il s’agit d’un médicament récent ou non classiquement associé à un risque cutané. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Arndt KA, Jick H. Rates of cutaneous reactions to drugs. A report from the Boston Collaborative Drug Surveillance Program. JAMA 1976;235:918–23. [2] Bigby M, Jick S, Jick H, Arndt K. Drug-induced cutaneous reactions. A report from the Boston Collaborative Drug Surveillance Program on 15,438 consecutive inpatients, 1975 to 1982. JAMA 1986;256:3358–63. [3] Bigby M. Rates of cutaneous reactions to drugs. Arch Dermatol 2001;137:765–70. [4] Baune B, Kessler V, Patris S, Descamps V, Casalino E, Quenon JL, et al. Iatrogénie médicamenteuse à l’hôpital : enquête un jour donné. Presse Med 2003;32:683–8. [5] Fiszenson-Albala F, Auzerie V, Mahe E, Farinotti R, Durand-Stocco C, Crickx B, et al. A 6-month prospective survey of cutaneous drug reactions in a hospital setting. Br J Dermatol 2003;149:1018–22. [6] Thong BY, Tan TC. Epidemiology and risk factors for drug allergy. Br J Clin Pharmacol 2011;71:684–700.

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