Rec¸u le : 10 aouˆt 2013 Accepte´ le : 13 fe´vrier 2015 Disponible en ligne 6 avril 2015

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Me´moire original

Contamination du lait maternel par une flore ae´robie : e´valuation des pertes pour un lactarium Contamination of human milk with aerobic flora: Evaluation of losses for a human milk bank C. Dewittea,*, P. Courdentb, C. Charleta, D. Dumoulina, R. Courcolc, V. Pierrata a

Lactarium re´gional de Lille, hoˆpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, 2, avenue Euge`neAvine´e, 59037 Lille cedex, France b ISA Lille, 48, boulevard Vauban, 59046 Lille cedex, France c Institut de microbiologie, poˆle de biologie-pathologie-ge´ne´tique, CHRU de Lille, boulevard du Pr-Jules-Leclercq, 59037 Lille cedex, France

Summary

Re´sume´

Introduction. In France, human milk banks pasteurize milk for the mother’s own hospitalized baby (personalized milk) and for donation. There is specific legislation regulating the activity of human milk banks with bacterial screening of donor milk before and after pasteurization. Milk should be tested for Staphylococcus aureus and total aerobic flora. Any sample of milk positive for aerobic flora and/or S. aureus before and/or after pasteurization should be discarded. The real pathogenicity of the total aerobic flora is actually debated as well as the usefulness of systematic postpasteurization screening. The aim of this study was to quantify milk losses related to prepasteurization contamination by total aerobic flora in a regional milk bank, to identify losses due to contamination with S. aureus or aerobic flora, and to analyze differences between centers. Methods. This was a prospective observational study conducted in the regional human milk bank of the Nord-Pas-de-Calais area in France. Data were collected from six major centers providing 80% of the milk collected between June 2011 and June 2012. Variables were the volumes of personalized milk collected by each center, volumes of contaminated milk, and the type of bacteria identified. Results. During the study period, the regional human milk bank treated 4715 L (liters) of personalized milk and 508 L (10.8%) were discarded due to bacteriological screening. Among these 508 L, 43% were discarded because of a prepasteurization contamination with aerobic flora, 55% because of a prepasteurization contamination with S. aureus, and 2% because of other pathogenic bacteria. Postpasteurization tests were positive in 25 samples (0.5%). Only five of

Introduction. En France, le don de lait maternel est encadre´ par une le´gislation rigoureuse et soumis a` des controˆles bacte´riologiques pre´- et post-pasteurisation. La recherche de la flore ae´robie est obligatoire. La question de la re´elle pathoge´nicite´ de celle-ci fait de´bat. L’objectif de cette e´tude e´tait de quantifier les pertes de lait maternel, lie´es a` une contamination par flore totale ae´robie au lactarium re´gional de Lille. Me´thodes. Il s’est agi d’une e´tude prospective observationnelle. Les donne´es provenaient des 6 principaux centres de la re´gion Nord-Pasde-Calais, de juin 2011 a` juin 2012. Les variables recueillies ont e´te´ le volume de lait personnalise´ collecte´ par centre, de lait bacte´riologiquement non conforme et le type de germe identifie´. Re´sultats. Pendant la pe´riode e´tudie´e, 4715 L de lait maternel personnalise´ ont e´te´ traite´s ; 508 L (10,8 %) ont e´te´ jete´s, 218 L a` cause d’une non-conformite´ de la flore totale ae´robie en pre´pasteurisation alors que la culture des pre´le`vements post-pasteurisation e´tait ste´rile. Ceci repre´sente une perte e´conomique de 17 440 s. Il y a eu une grande disparite´ entre les centres concernant le pourcentage de lait jete´ par rapport au volume traite´ (p < 0,001) et le type de contamination (p < 0,001). Conclusion. Un volume non ne´gligeable de lait maternel est de´truit a` cause d’une contamination par une flore totale ae´robie alors que les avis sur la pathoge´nicite´ de cette flore sont partage´s. Ce travail contribue a` enrichir les donne´es pour une re´e´valuation des pratiques des lactariums en matie`re de se´curite´ microbiologique. ß 2015 Publie´ par Elsevier Masson SAS.

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (C. Dewitte). http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2015.02.011 Archives de Pe´diatrie 2015;22:461-467 0929-693X/ß 2015 Publie´ par Elsevier Masson SAS.

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these 25 samples were positive before pasteurization and in all cases with S. aureus. A total of 218 L were destroyed because of prepasteurization contamination with total aerobic flora, while the postpasteurization culture was sterile. There was a great difference between centers in the percentage of discarded milk and the type of contamination. The percentage of discarded milk varied from 4 to 16% (P < 0.001) and the percentage of prepasteurization positive samples with aerobic flora from 0 to 70% (P < 0.001). Costing 80 s/ L in France, this represented an economic loss of s17,440. Conclusion. A significant volume of milk is discarded because of contamination with total aerobic flora found only in prepasteurization tests. Reassessment of the French regulations with regard to microbiological safety could save human milk to cover the needs of a larger group of preterm babies. ß 2015 Published by Elsevier Masson SAS.

1. Introduction Le lait maternel a de nombreuses qualite´s reconnues [1–3]. Il est conside´re´ comme difficilement substituable par un lait industriel pour les grands pre´mature´s [4] et pour certains nourrissons atteints de maladies gastro-intestinales [5]. Pour ces enfants, l’alimentation avec du lait maternel passe le plus souvent par le don de lait. Celui-ci peut eˆtre direct : don de lait non traite´ ou « cru » de la me`re a` son enfant. Il peut aussi se faire par l’interme´diaire d’un lactarium. Il s’agit alors de dons de lait pasteurise´ ou lyophilise´ qui sont personnalise´s (don de lait de la me`re a` son propre enfant) ou anonymes (don de lait d’une autre me`re). En France, le fonctionnement des lactariums est re´gi par des textes le´gislatifs dont les plus re´cents sont :  l’instruction du 27 de ´ cembre 2010 relative a` l’autorisation et a` l’organisation des lactariums ;  le de ´ cret no 2010-805 du 13 juillet 2010 relatif aux missions, a` l’autorisation et aux conditions techniques d’organisation et de fonctionnement des lactariums ;  la de ´ cision du Directeur ge´ne´ral de l’Afssaps (Agence franc¸aise de se´curite´ sanitaire des produits de sante´) du 3 de´cembre 2007 de´finissant les re`gles de bonnes pratiques pre´vues a` l’aline´a 3 de l’article L.2323-1 du Code de sante´ publique [6]. Les lactariums a` usage interne et externe sont autorise´s a` traiter du lait personnalise´ et du lait anonyme. C’est l’Agence nationale de se´curite´ du me´dicament et des produits de sante´ (ANSM) qui proce`de a` l’autorisation et a` l’inspection des lactariums. La le´gislation franc¸aise impose aux me`res donneuses un entretien me´dical pre´alable au don visant a` e´carter tout facteur de risque de maladies transmissibles et a` s’informer sur des modes de vie (consommation d’alcool, de tabac, prise de me´dicaments. . .) pouvant retentir sur la qualite´ du lait. Lorsqu’aucun facteur de risque n’est de´cele´ par cet entretien et que les se´rologies virales (virus de l’immunode´ficience humaine

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(VIH), Human T cell leukemia/lymphoma virus type 1 (HTLV1) et HTLV2, he´patite B, he´patite C) sont ne´gatives, le don est accepte´. Le lait est alors soumis a` des analyses bacte´riologiques pre´- et post-pasteurisation e´galement encadre´es par la le´gislation. Avant la pasteurisation, tous les dons de lait d’une meˆme donneuse sont regroupe´s en sous-lots. Il est pre´conise´ d’effectuer un de´nombrement de la flore ae´robie totale pour chaque sous-lot et de le jeter si celle-ci est e´gale ou supe´rieure a` 106 unite´s-formant-colonie par millilitre (UFC/mL). Chaque sous-lot conforme peut eˆtre regroupe´ en lot, constitue´ de 6 sous-lots au maximum en cas de don anonyme, avec de´nombrement obligatoire de la flore totale ae´robie et de Staphylococcus aureus (S. aureus). Dans l’attente des re´sultats, les lots peuvent eˆtre conserve´s a` +4 8C pendant 48 heures ou pasteurise´s puis congele´s. Si les lots contiennent une flore ae´robie totale e´gale ou supe´rieure a` 105 UFC/mL en cas d’analyse uniquement des lots ou e´gale ou supe´rieure a` 106 UFC/mL en cas d’analyse des sous-lots et des lots, ou une quantite´ de S. aureus e´gale ou supe´rieure a` 104 UFC/mL, le lait est dit non conforme et de´truit. Un dernier controˆle bacte´riologique postpasteurisation est re´alise´. Tout lot dont le controˆle post-pasteurisation est positif est de´truit [6]. Une flore commensale de´signe l’ensemble des micro-organismes normalement pre´sents dans un habitat particulier. Ils ne provoquent habituellement pas de dommage pour l’hoˆte. Il peut s’agir de bacte´ries dont la pre´sence est habituelle ou de bacte´ries de l’environnement dont la pre´sence n’est que transitoire. D’autres microorganismes peuvent devenir pathoge`nes exoge`nes quand les de´fenses de l’hoˆte sont affaiblies. Toute perturbation d’une flore peut permettre l’implantation de bacte´ries pathoge`nes [7]. Chez les nouveau-ne´s pre´mature´s, certaines bacte´ries pathoge`nes peuvent eˆtre transmises par le lait maternel. Il a e´te´ de´crit des cas de septice´mies tardives a` Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Streptococcus agalactiae et S. aureus re´sistant a` la me´thicilline en cas de don direct [8–10]. Le lien de causalite´ entre infections tardives a` S. agalactiae durant les

Contamination du lait de lactarium

3 premiers mois de vie et transmission par le lait maternel de ce meˆme germe n’est pas comple`tement admis mais la transmission par le lait pourrait amplifier l’effet de la colonisation digestive ne´onatale [11]. La pasteurisation vise a` re´duire le risque de transmission de bacte´ries pathoge`nes. Pour des raisons organisationnelles, un certain nombre de lactariums franc¸ais pasteurisent le lait avant d’avoir le re´sultat des controˆles pre´-pasteurisation et sont amene´s a` jeter du lait non conforme en pre´-pasteurisation mais conforme en post-pasteurisation. Cette attitude peut paraıˆtre justifie´e lorsque les controˆles pre´-pasteurisation ont de´tecte´ S. aureus dont certaines toxines sont thermostables. Elle est discute´e lorsque les controˆles pre´-pasteurisation ont identifie´ uniquement une flore ae´robie non pathoge`ne. L’objectif de la pre´sente e´tude e´tait d’analyser les taux de non-conformite´ des dons de lait maternel personnalise´s au lactarium re´gional de Lille, de de´crire ces taux dans les diffe´rents centres ne´onatals et de quantifier les pertes de lait lie´es a` une contamination par une flore ae´robie en pre´-pasteurisation alors que la culture des controˆles postpasteurisation e´tait ste´rile, afin d’enrichir l’argumentation pour re´fle´chir a` nos pratiques.

2. Mate´riels et me´thodes Il s’est agi d’une e´tude prospective observationnelle dont le recueil des donne´es a eu lieu de juin 2011 a` juin 2012.

2.1. Lieu d’e´tude 2.1.1. La re´gion Nord-Pas-de-Calais La re´gion Nord-Pas-de-Calais est dote´e de 5 centres pe´rinatals de niveau III, 12 services de ne´onatologie de niveau II dont 3 de niveau IIb. Parmi les services de niveau IIb, un seul a accueilli en 2011 plus de dix enfants de moins de 33 semaines d’aˆge gestationnel (AG). Ce service et les 5 de niveau III totalisent a` eux seuls plus de 80 % du volume de lait personnalise´ collecte´ au lactarium re´gional de Lille. L’e´tude a donc porte´ sur le lait personnalise´ collecte´ dans ces 6 centres. 2.1.2. Le lactarium re´gional de Lille La re´gion est dote´e d’un des 18 lactariums a` usage interne et externe de France, situe´ a` Lille. Pendant la pe´riode e´tudie´e, il a recueilli le lait de 646 me`res pour le don de lait personnalise´ et de 170 me`res pour le don de lait anonyme. Sur cette meˆme pe´riode, le nombre total de litres de lait collecte´s a e´te´ de 8470 L et 859 L ont e´te´ jete´s. La pasteurisation du lait est assure´e par la technique de Holder dans laquelle le lait est maintenu pendant 30 minutes a` 62,5 8C dans des pasteurisateurs a` sec. Les pre´le`vements bacte´riologiques pre´- et postpasteurisation sont re´alise´s sous une hotte a` flux laminaire avec des pipettes ste´riles. Nous avons e´tudie´ uniquement les non-conformite´s apre`s don de lait personnalise´ car les modalite´s de collecte ne sont pas les meˆmes qu’en matie`re de don anonyme. Les dons analyse´s e´taient des me´langes de

dons provenant d’une meˆme donneuse. Les seuils retenus ont e´te´ de 106 pour la flore ae´robie et de 104 pour S. aureus. Pour des contraintes organisationnelles au sein du lactarium re´gional de Lille, de`s que les pre´le`vements des lots pour l’analyse pre´-pasteurisation sont effectue´s, le lait est pasteurise´. Si les re´sultats des tests sont non conformes a` la le´gislation, le lait est de´truit, inde´pendamment des re´sultats des analyses postpasteurisation. 2.1.3. Le laboratoire de bacte´riologie Depuis son ouverture en 2007, le laboratoire de microbiologie du centre hospitalier re´gional universitaire (CHRU) de Lille concentre des plateaux techniques avance´s permettant de re´aliser la majorite´ des analyses biologiques. Ce laboratoire est e´quipe´ de mate´riels novateurs permettant de faire des analyses automatise´es et rapides (ensemenceurs automatiques, spectrome`tres de masse, par exemple). Pour le lait humain, les re´sultats concernant la flore ae´robie sont rendus de fac¸on plus de´taille´e que ce que la le´gislation recommande. Lorsque celle-ci est de´se´quilibre´e, une identification pre´cise de la souche avec sa nume´ration est rendue au lactarium. En pratique, les souches les plus souvent identifie´es sont Pseudomonas aeruginosa (P. aeruginosa) Stenotrophomonas maltophilia (S. maltophilia), Aeromonas spp., Enterococcus spp. et Bacillus spp.

2.2. Recueil des donne´es Les donne´es des re´sultats bacte´riologiques pre´-pasteurisation pour les dons personnalise´s ont e´te´ enregistre´es de manie`re prospective au niveau du lactarium pendant la pe´riode e´tudie´e. De`s qu’un re´sultat e´tait positif, il e´tait attribue´ au centre dans lequel e´tait hospitalise´ le be´be´. Les donne´es des re´sultats bacte´riologiques post-pasteurisation ont e´te´ extraites de la base de donne´es informatise´es du laboratoire de microbiologie. Pour des raisons de contraintes techniques, il n’a pas e´te´ possible de faire de lien entre la base de donne´es cre´e´e au niveau du lactarium pour l’e´tude et les donne´es du laboratoire. L’ensemble des dons personnalise´s enregistre´s sur cette pe´riode a donc e´te´ comptabilise´.

2.3. E´valuation e´conomique La valeur financie`re du lait jete´ pour non-conformite´ de la flore ae´robie en pre´-pasteurisation avec des controˆles postpasteurisation conformes a` la re´glementation a e´te´ calcule´e en s’appuyant sur le prix de vente fixe´ par la le´gislation, soit 80 euros le litre de lait pasteurise´ [12].

3. Re´sultats Durant la pe´riode de l’e´tude, le lactarium de Lille a traite´ 5152 L de lait personnalise´ dont 4715 L provenant des 6 centres concerne´s. Sur ces 4715 L, 508 L (11 %) ont e´te´ de´truits en raison d’une non-conformite´ bacte´riologique.

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Tableau I Volumes de lait personnalise´ collecte´, pasteurise´, jete´ dans chaque centre et pourcentages de lait non conforme en fonction des germes identifie´s sur les analyses pre´-pasteurisation. Lait personnalise´ collecte´ Lait pasteurise´

Centre A Centre B Centre C Centre D Centre E Centre F Total (%) Total (L)

Lait non conforme en pre´-pasteurisation

Traite´

Jete´

Litres (L)

%

(% du volume jete´)

596 587 615 2146 623 148

12 % 16 % 4% 10 % 14 % 9% 11 % 508

42 % 53 % 70 % 42 % 32 % 0% 43 % 218

4715

p

p < 0,001a

Flore totale ae´robie

S. aureus

Autres

53 % 47 % 30 % 56 % 66 % 100 % 55 % 279

5% 0% 0% 2% 2% 0% 2% 11

p

p < 0,001b

a

Diffe´rence significative entre les 6 centres concernant le volume de lait jete´ par rapport au volume de lait traite´. b Diffe´rence significative entre les 6 centres concernant la contamination par flore ae´robie et par S. aureus (Staphylococcus aureus).

3.1. Comparaisons inter-centres Les volumes de lait traite´s dans chaque centre ainsi que les pourcentages de lait jete´ sont repre´sente´s dans le tableau I. Les pourcentages de lait jete´ par rapport aux volumes de lait traite´ ont e´te´ significativement diffe´rents selon les centres (p < 0,001), avec des extreˆmes variant de 4 a` 16 %. Deux cent dix-huit litres (43 % du volume jete´) ont e´te´ de´truits pour nonconformite´ de la flore ae´robie totale e´gale ou supe´rieure a` 106 UFC/mL avant pasteurisation, 279 L (55 % du volume jete´) a` cause de la pre´sence de S. aureus e´gale ou supe´rieure a` 104 UFC/ mL avant pasteurisation, et 11 L (2 % du volume jete´) a` cause de la pre´sence d’autres bacte´ries pathoge`nes. Il s’agissait dans tous les cas de P. aeruginosa. D’importantes variations entre les diffe´rents centres ont e´galement e´te´ observe´es.

3.2. Analyses post-pasteurisation Les donne´es sont issues de l’ensemble des laits personnalise´s traite´s sur la pe´riode e´tudie´e. Sur les 5152 L analyse´s, 437 ne provenaient pas des centres e´tudie´s. Quatre mille deux cent trente-six analyses post-pasteurisation de dons personnalise´s ont e´te´ effectue´es dont 25 (0,5 %) e´taient positives. Il s’agissait de flore ae´robie (14 e´chantillons), de Bacillus spp. (8 e´chantillons), d’Enterococcus spp. (2 e´chantillons), de Staphylococcus spp. (1 e´chantillon). Seuls 5 de ces e´chantillons avaient e´te´ non conformes en pre´-pasteurisation.

3.3. E´valuation e´conomique Sur cette pe´riode de 13 mois, la valeur financie`re du lait jete´ en raison d’une contamination par la flore ae´robie de´tecte´e en pre´-pasteurisation avec des controˆles post-pasteurisation conformes a e´te´ chiffre´e a` 17 440 s.

4. Discussion Environ 11 % des dons de lait personnalise´ traite´s au lactarium re´gional de Lille durant les 13 mois d’e´tude ont e´te´ de´truits a`

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cause d’une non-conformite´ microbiologique en pre´-pasteurisation. Il s’agissait le plus souvent d’une contamination par S. aureus mais 43 % du volume jete´ e´tait non conforme du fait de la pre´sence d’une flore ae´robie trop importante par rapport aux normes fixe´es par la le´gislation. Les taux de non-conformite´ ont e´te´ tre`s diffe´rents selon les centres de meˆme que la re´partition selon le type de bacte´ries. Plusieurs hypothe`ses peuvent eˆtre retenues pour expliquer ces diffe´rences : diffe´rences dans les caracte´ristiques des donneuses, diffe´rences d’environnement microbien selon les centres, diffe´rences de sensibilisation a` l’hygie`ne ou de politiques de soutien a` l’allaitement. Aucune de ces hypothe`ses ne peut eˆtre retenue de manie`re de´finitive sachant que cette e´tude a e´te´ une e´tude observationnelle descriptive et que les explications sont certainement multifactorielles. Ne´anmoins, il pourrait eˆtre inte´ressant de comparer les pratiques entre les centres en termes d’information des donneuses sur l’hygie`ne, sur l’entretien du tire-lait, sur la conduite a` tenir en cas de le´sion au niveau des seins. En effet, ces 3 points sont conside´re´s comme les principaux modes de contamination du lait maternel. La compre´hension des diffe´rentes approches selon les centres, confronte´e aux donne´es de la litte´rature pourrait permettre de diminuer les taux de non-conformite´. On peut remarquer cependant qu’un centre (centre F) n’a eu aucune contamination a` flore ae´robie pendant la pe´riode e´tudie´e. Ce centre e´tait le seul a` avoir adopte´ les recommandations des lactariums nord-ame´ricains [13] pour la de´contamination des tire-laits au moment de l’e´tude. Ce protocole recommande un lavage soigneux des diffe´rentes pie`ces du tire-lait mais pas de ste´rilisation. Il est inte´ressant d’observer que l’adoption de ce protocole n’avait pas entraıˆne´ de contamination a` flore ae´robie en exce`s par rapport aux autres centres. Meˆme s’il n’est pas possible de recommander cette pratique a` partir de cette simple observation, on peut souligner qu’elle va dans le sens des recommandations re´centes sur l’entretien des tire-laits formule´es par le re´seau de pe´rinatalite´ de la me´tropole lilloise ayant

Contamination du lait de lactarium

associe´ des membres de la Socie´te´ franc¸aise d’hygie`ne hospitalie`re [14]. Les taux de non-conformite´ en post-pasteurisation ont e´te´ tre`s faibles (0,5 %). Sur les 25 e´chantillons non conformes, seuls 5 l’avaient e´galement e´te´ en pre´-pasteurisation. Plusieurs hypothe`ses peuvent eˆtre e´mises sur les causes de cette divergence : une multiplication des bacte´ries entre l’analyse pre´-pasteurisation et le de´but de la pasteurisation ; une contamination au niveau du pasteurisateur ; une contamination au moment du pre´le`vement post-pasteurisation. La premie`re hypothe`se semble peu probable car les lots ne sont pas mis en quarantaine en attendant les re´sultats pre´-pasteurisation mais pasteurise´s imme´diatement. La deuxie`me hypothe`se a surtout e´te´ de´crite lorsque l’on utilise des pasteurisateurs a` eau, ce qui n’est pas le cas au lactarium re´gional de Lille [15]. Elle ne peut cependant eˆtre exclue. La troisie`me hypothe`se est la plus plausible et va dans le sens des recommandations du National Health Service au RoyaumeUni de ne pas faire de controˆles post-pasteurisation syste´matiques : « les tests post-pasteurisation doivent eˆtre re´duits au minimum ne´cessaire pour avoir un maximum de se´curite´ du lait traite´ » arguant du fait que « les tests postpasteurisation identifient rarement des germes, qu’ils induisent un risque de contamination et qu’ils modifient rarement l’attitude a` prendre vis-a`-vis du lait, induisant un couˆt inutile » [16]. On notera la pre´sence de Bacillus spp. dans 8 pre´le`vements parmi les 25 positifs. Cette bacte´rie non pathoge`ne est pre´sente dans l’air ambiant a` la diffe´rence de Bacillus cereus, bacte´rie transmise par la nourriture, dont les spores sont re´sistantes a` la pasteurisation [17] et pouvant eˆtre pathoge`ne chez les nouveau-ne´s pre´mature´s [18]. Aucun B. cereus n’a e´te´ mis en e´vidence durant la pe´riode d’e´tude. Ne´anmoins, compte tenu du caracte`re potentiellement tre`s pathoge`ne de ce germe, il pourrait eˆtre inte´ressant de re´aliser un audit a` l’e´chelle nationale afin de de´terminer la pre´valence de la positivite´ a` B. cereus dans les tests post-pasteurisation. Selon les pays, la le´gislation concernant les crite`res bacte´riologiques de non-conformite´ du lait maternel est variable. A` titre d’exemple, le Royaume-Uni et l’Italie rejettent le lait si le nombre total de bacte´ries viables est supe´rieur a` 105 UFC/mL ou contient plus de 104 ente´robacte´ries ou S. aureus [16,19], l’Australie si la culture totale de bacte´ries est supe´rieure a` 105 UFC/mL ou si le lait contient des ente´robacte´ries, des ente´rocoques ou tout pathoge`ne susceptible de produire des ente´rotoxines thermostables [20] et le Bre´sil si le lait contient des bacte´ries coliformes (E. coli, Enterobacter spp., Citrobacter spp.) [21]. Concernant les tests pre´-pasteurisation, ils sont syste´matiques au Royaume-Uni [16] ; en Italie, ils sont recommande´s lors du premier don puis sont effectue´s de fac¸on re´gulie`re au hasard et si la donneuse ne satisfait pas les conditions d’hygie`ne [19]. L’interpre´tation de la contamination a` flore ae´robie est complexe. Plusieurs pays industrialise´s ne la recherchent pas, comme l’Afrique du Sud, la Sue`de [22] et la Suisse. La

question qui se pose est celle de la re´elle pathoge´nicite´ de cette flore ae´robie. S’agit-il de la flore en elle-meˆme ou du de´se´quilibre de celle-ci ? La le´gislation franc¸aise qui re´git le fonctionnement des lactariums est certainement un garant de la qualite´ du lait fourni en termes de se´curite´ microbiologique. Elle s’applique ne´anmoins a` l’ensemble des lactariums et ne tient pas compte des diffe´rences de moyens existants au niveau des laboratoires de bacte´riologie, permettant de rendre des re´sultats plus ou moins pre´cis. A` Lille, le laboratoire rend les re´sultats avec la quantification de la flore ae´robie, et si celle-ci est de´se´quilibre´e, l’identification de la bacte´rie pre´dominante. Ceci est un gage de se´curite´ supple´mentaire, permettant probablement de ne pas jeter de fac¸on inopportune du lait qui ne serait pas « pathoge`ne » lorsqu’il y a pre´sence d’une flore ae´robie e´quilibre´e sur les pre´le`vements pre´-pasteurisation alors que la culture des pre´le`vements postpasteurisation est ste´rile. Cette mesure ne peut cependant eˆtre applique´e sans un consensus formalise´ d’experts permettant e´ventuellement une modification de la le´gislation. En effet, des e´tudes ont montre´ la pre´sence et l’importance de bacte´ries de type Streptococcus et Staphyloccocus dans le lait maternel inhibant la croissance de S. aureus [23] ainsi que la pre´sence de lactobacilles, bacte´ries probiotiques [24,25]. La composition microbienne du lait de femme en bonne sante´ allaitant leur nourrisson en bonne sante´ a e´te´ e´tudie´e : des Streptoccocus dont Enterococcus, Staphyloccocus et E. coli ont e´te´ trouve´s [26]. L’inte´reˆt de cette flore pour le nouveau-ne´ est de plus en plus reconnu dans la litte´rature [27]. L’argument avance´ pour jeter les laits dont les pre´le`vements ont e´te´ non conformes en pre´-pasteurisation mais sont conformes en post-pasteurisation est la pre´sence de toxines thermostables. On distingue les exotoxines qui sont plutoˆt se´cre´te´es par les bacilles Gram positif qui sont thermolabiles (a` l’exception de l’ente´rotoxine staphylococcique) des endotoxines plutoˆt se´cre´te´es par les bacilles Gram ne´gatif qui sont thermostables [28]. Ces dernie`res sont ne´anmoins de´truites a` 40 8C, perdant alors leur pouvoir pathoge`ne mais gardant leur pouvoir antige´nique [28]. La pasteurisation e´tant effectue´e en France a` 62,5 8C, la question de la re´elle pathoge´nicite´ re´siduelle des toxines dans le lait maternel pasteurise´ pourrait eˆtre pose´e. Certains pays, comme la Norve`ge, utilisent les laits maternels qui contiennent des germes pathoge`nes dont S. aureus en pre´-pasteurisation et dont la culture est ne´gative en post-pasteurisation en les re´servant toutefois aux nouveau-ne´s a` terme [29]. On peut regretter que la le´gislation franc¸aise ne soit pas accompagne´e d’un texte permettant aux professionnels de comprendre comment celle-ci a e´te´ e´labore´e, sur le mode`le anglo-saxon [13] repris actuellement par la Haute Autorite´ de sante´ (HAS) [30]. En effet, le document nord-ame´ricain [13] et le document du Royaume-Uni [16] qui re´gissent le fonctionnement des lactariums sont pre´sente´s sous la forme de recommandations argumente´es en fonction des donne´es de la litte´rature. Ces textes sont remis a` jour re´gulie`rement et e´voluent en fonction des nouvelles donne´es.

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Archives de Pe´diatrie 2015;22:461-467

C. Dewitte et al.

Aucun document franc¸ais ne permet de savoir comment la le´gislation a e´te´ e´labore´e ni sur quels arguments scientifiques elle s’est appuye´e. Cette approche peut mettre les professionnels en difficulte´ lorsqu’il s’agit d’expliquer les termes de la loi aux usagers, de l’appliquer, de la faire e´voluer en fonction des avance´es de la recherche. La re´pe´tition d’une enqueˆte de ce type au niveau national pourrait permettre d’enrichir la re´flexion sur les strate´gies d’e´volution des pratiques franc¸aises concernant les lactariums.

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5. Conclusion

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Cette e´tude montre qu’un pourcentage non ne´gligeable de lait collecte´ par un lactarium est de´truit en raison d’un taux e´leve´ de flore ae´robie totale avant la phase de pasteurisation. Apre`s cette e´tape, le pourcentage de lait dont la culture n’est pas ste´rile est faible. Cette e´tude peut servir de base a` une analyse plus structure´e, a` l’e´chelle de la France, pour tenter de mieux cibler les laits pouvant pre´senter un re´el risque pour les nouveau-ne´s hospitalise´s.

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De´claration d’inte´reˆts [16]

Les auteurs n’ont pas transmis de de´claration de conflits d’inte´reˆts. Remerciements Nous remercions les docteurs L. Desnoulez (CH d’Arras), V. Leriche (CH

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de Calais), E. Fontenoy (CH de Lens), S. Rousseau (CH de Roubaix), Zaoui-Grattepanche (CH de Valenciennes) pour leur pre´cieuse

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collaboration au fonctionnement du lactarium re´gional de Lille. [19]

Re´fe´rences [1]

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[Contamination of human milk with aerobic flora: Evaluation of losses for a human milk bank].

In France, human milk banks pasteurize milk for the mother's own hospitalized baby (personalized milk) and for donation. There is specific legislation...
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