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REVMED-4635; No. of Pages 3

La Revue de médecine interne xxx (2013) xxx–xxx

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Communication brève

Complications de la gastroentérite à éosinophiles : une observation et revue de la littérature Complicated course of eosinophilic gastroenteritis: A case report and literature review L. Mais a,∗ , E. Galoo a , A. Nibaud b , T. Barba b , F. Pasquet b , M. Pavic b a b

Service de pathologies digestives, HIA Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69175 Lyon cedex 03, France Service de médecine interne oncologie, HIA Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69175 Lyon cedex 03, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Gastroentérites à éosinophiles Dysphagie Fistule Hémorragie

r é s u m é Introduction. – La gastroentérite à éosinophiles est une pathologie rare caractérisée par une infiltration de la paroi du tube digestif par des polynucléaires éosinophiles. L’atteinte œsophagienne est peu fréquente, habituellement révélée par une dysphagie. C’est l’histologie au cours d’une endoscopie digestive qui permet d’évoquer le diagnostic après élimination des principaux diagnostics différentiels. Le traitement repose sur la corticothérapie systémique, qui améliore de fac¸on spectaculaire les symptômes et les lésions endoscopiques. Observation. – Nous rapportons un cas de gastroentérite à éosinophiles avec une atteinte œsophagienne prédominante compliquée d’hémorragie digestive sévère et de fistule. Conclusion. – La gastroentérite à éosinophiles a une évolution potentiellement péjorative. Le traitement des formes compliquées est mal codifié et le plus souvent empirique. © 2013 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Eosinophilic gastroenteritis Dysphagia Fistula Haemorrhage

Introduction. – Eosinophilic gastroenteritis is an unusual disease characterized by an eosinophilic infiltration of the gastrointestinal tract. The esophageal location of this disorder is uncommon and is usually revealed by dysphagia. Diagnosis is obtained by histology during endoscopy after exclusion of differential diagnosis. Treatment is based on systemic corticosteroids, which improve dramatically symptoms and endoscopic lesions. Case report. – We report an 88-year-old man who presented eosinophilic gastroenteritis with esophageal injury complicated by gastrointestinal haemorrhage and fistule. Conclusion. – Eosinophilic gastroenteritis may have a potentially unfavourable outcome. The treatment of complicated forms is not codified and often empirical. © 2013 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction La gastroentérite à éosinophiles (GEAE) est une maladie rare d’étiologie inconnue touchant potentiellement l’ensemble du tube digestif, de l’œsophage au rectum. Elle est définie par l’infiltration d’une ou plusieurs couches du tube digestif par des polynucléaires éosinophiles. Les atteintes œsophagiennes prédominantes sont rarement décrites dans la littérature, le plus souvent révélées par

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Mais).

une dysphagie. Nous rapportons une observation de GEAE avec atteinte œsophagienne prédominante compliquée d’hémorragie digestive et de fistule. Une évolution aussi péjorative paraît, à l’analyse de la littérature, exceptionnelle. 2. Observation Nous rapportons l’observation d’un patient âgé de 88 ans aux antécédents de diabète insulino-requérant compliqué d’une néphropathie diabétique, de dyslipidémie, d’hypertension artérielle, de cardiomyopathie ischémique ayant nécessité un double pontage coronarien, de bloc auriculo-ventriculaire de haut degré

0248-8663/$ – see front matter © 2013 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.08.006

Pour citer cet article : Mais L, et al. Complications de la gastroentérite à éosinophiles : une observation et revue de la littérature. Rev Med Interne (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.08.006

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ayant imposé la pose d’un pace-maker et d’une cholécystectomie. Il ne présentait pas d’habitude toxique, ni d’allergie. Le patient consultait en 2008 pour une dysphagie aux solides et aux liquides de survenue rapidement progressive compliquée d’un amaigrissement. L’endoscopie œso-gastroduodénale retrouvait de multiples ulcérations muqueuses polycycliques du tiers supérieur de l’œsophage associées à une sténose du tiers inférieur de l’œsophage franchissable en endoscopie, un aspect bourgeonnant à la jonction œsogastrique et des ulcérations antrales et bulbaires superficielles sans lésion duodénale notable. L’examen anatomopathologique des biopsies retrouvait des lésions œsophagiennes ulcérées non spécifiques et non dysplasiques, ainsi qu’un important infiltrat à éosinophiles de la sous-muqueuse (plus de 15 polynucléaires éosinophiles par champ dans l’œsophage, 12 à 15 polynucléaires éosinophiles par champ dans l’antre, aucun dans le duodénum) sans prolifération tumorale. Il n’y avait pas d’infection par Helicobacter pylori. L’absence de clonalité lymphocytaire T sur les biopsies permettait d’écarter le diagnostic de lymphome T digestif grâce à une analyse par PCR. Une écho-endoscopie de l’œsophage retrouvait un épaississement de la paroi œsophagienne prédominant à son tiers inférieur et intéressant préférentiellement la couche sous-muqueuse. Aucune perturbation biologique notable n’était retrouvée : absence d’hyperéosinophilie sanguine et normalité des immunoglobulines E totales. Le diagnostic de GEAE à atteinte œsophagienne prédominante était retenu. Le patient était traité par une corticothérapie systémique (prednisone 40 mg par jour pendant huit semaines avec une décroissance progressive) ainsi qu’un traitement par inhibiteur de la pompe à protons (oméprazole à la dose de 40 mg par jour). L’évolution clinique initiale était favorable sous traitement médical. La gastroscopie de contrôle après trois mois de traitement retrouvait une cicatrisation complète des lésions œsophagiennes sans infiltration pariétale à polynucléaires éosinophiles sur les biopsies. Le patient était alors perdu de vue. Trois ans plus tard, au cours d’une hospitalisation pour pneumopathie lobaire inférieure gauche, le patient présentait une hématémèse de grande abondance et un méléna. La gastroscopie réalisée en urgence retrouvait une œsophagite nécrotique ulcérée au tiers inférieur de l’œsophage, associée à un saignement artériolaire en jet qui était contrôlé par un traitement hémostatique endoscopique. Il était noté un orifice fistuleux pulsatile de 5 mm de diamètre situé en position sus-cardiale (Fig. 1). Le reste de l’examen retrouvait une ulcération antrale et une bulbite érosive. Les biopsies n’étaient pas réalisées devant le caractère hémorragique aigu mais

Fig. 1. Fistule œsophagienne (endoscopie).

l’aspect endoscopique retrouvé était identique à l’aspect initial et donc très évocateur d’une rechute de GEAE. Le scanner thoracique avec injection de produit de contraste réalisé sans balisage digestif dans le cadre de l’urgence ne confirmait pas la fistule suspectée en endoscopie. Un traitement par inhibiteur de la pompe à protons (IPP) associé à une corticothérapie intraveineuse à 1 mg/kg par jour (méthylprednisone) était instauré avec un relais oral rapide. L’évolution clinique était favorable sous traitement médical. Une gastroscopie de contrôle à deux mois objectivait une nette amélioration des lésions endoscopiques avec cependant la persistance de l’orifice de fistule sus-cardial mesuré à 2 mm de diamètre, sans caractère pulsatile. Le scanner thoracique avec balisage digestif retrouvait cette fois un trajet fistuleux borgne, de 28 mm de long, sus-cardial, latéralisé sur le bord gauche de l’œsophage et au contact du péricarde (Fig. 2). 3. Discussion La GEAE est une maladie rare, dont l’origine est encore inconnue. Elle touche préférentiellement les hommes, avec une prédominance entre 30 et 50 ans [1]. Elle est caractérisée par une infiltration primitive à polynucléaires à éosinophiles de la paroi du tube digestif, préférentiellement l’estomac et l’intestin grêle [2]. Les manifestations cliniques de cette pathologie sont diverses. Elles varient essentiellement en fonction du niveau de l’atteinte digestive et de la profondeur de l’infiltration par les éosinophiles. L’atteinte est transmurale avec une profondeur variable ; selon la classification de Klein, la profondeur de cette infiltration permet de distinguer trois formes anatomiques (la forme muqueuse, musculeuse et séreuse) pour chacune desquelles un tableau clinique est en général associé [3]. L’atteinte œsophagienne, bien que très peu décrite, se manifeste le plus souvent par une dysphagie par sténose œsophagienne [4]. Un terrain atopique est retrouvé chez un patient sur deux atteint de GEAE, des mécanismes allergiques étant souvent incriminés. Les dosages des IgE totaux et spécifiques sont souvent élevés dans cette affection [5].

Fig. 2. Fistule œsophagienne (scanner thoracique).

Pour citer cet article : Mais L, et al. Complications de la gastroentérite à éosinophiles : une observation et revue de la littérature. Rev Med Interne (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.08.006

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Le diagnostic est apporté grâce à l’endoscopie, l’examen pouvant montrer des lésions muqueuses de type érythème, ulcération, érosion, friabilité de la muqueuse, mais il peut aussi tout à fait être normal [6]. Le diagnostic de certitude est apporté par l’histologie des biopsies étagées retrouvant une infiltration muqueuse par des polynucléaires éosinophiles. Les éosinophiles sont absents de la muqueuse œsophagienne à l’état physiologique, contrairement à d’autres parties du tube digestif (densité maximale au niveau de l’iléon). La densité des polynucléaires éosinophiles retenue comme valeur seuil dans l’œsophage pour affirmer le diagnostic reste débattue mais est fixée à 15 polynucléaires éosinophiles par champ [7,8]. Sur le plan biologique, l’absence d’élévation des IgE totaux et d’hyperéosinophilie sanguine n’écarte pas le diagnostic. Enfin, l’efficacité thérapeutique d’une corticothérapie confirme le diagnostic. Devant un tableau de GEAE, il convient d’éliminer les principaux diagnostiques différentiels [9]. En effet, l’hyperéosinophilie sanguine peut être expliquée par des causes infectieuses, notamment les parasitoses intestinales. Un examen parasitologique des selles sur trois jours permet d’écarter ce diagnostic ; une sérologie VIH peut être réalisée de principe, ainsi que des sérologies spécifiques adaptées en fonction du contexte clinique. L’étiologie médicamenteuse via un mécanisme immuno-allergique doit toujours être recherchée (sels d’or, hypoglycémiants oraux, anti-inflammatoires non stéroïdiens, antibiotiques). Les vascularites et les connectivites doivent être écartées (périartérite noueuse, syndrome de Churg-Strauss, sclérodermie) par un bilan auto-immun adapté [9]. L’infiltration par des polynucléaires éosinophiles dans la paroi digestive existe dans les maladies inflammatoires de l’intestin, dans la maladie cœliaque, dans l’œsophagite à éosinophiles ainsi que dans le lymphome que l’on se doit d’éliminer en cas de doute diagnostique. H. pylori doit aussi être recherché par des biopsies gastriques. Les complications de la GEAE sont peu fréquentes. La plus fréquente est représentée par la rechute après arrêt des corticoïdes comme dans l’observation rapportée. Les intervalles de rémission entre les poussées sont variables. Des cas de corticodépendance sont rapportés [5,10]. Les complications les plus graves décrites dans la littérature sont anecdotiques, le plus souvent l’objet d’observation unique. Ces complications touchent plus particulièrement le côlon avec notamment un risque occlusif [11] ou perforatif (péritonite à éosinophiles) [12]. Les complications liées aux atteintes œsophagiennes prédominantes sont rares. Le risque de sténose symptomatique résistante aux corticoïdes a été rapporté et dont le traitement a reposé sur la dilatation endoscopique. De fac¸on anecdotique, un cas de syndrome de Mallory-Weiss a été décrit chez un enfant porteur d’une GEAE [13]. L’hémorragie digestive et la fistule œsophagienne au cours de la GEAE ne sont pas des complications recensées dans la littérature, ce qui fait l’intérêt de notre observation. Pour notre patient, l’interrogatoire fiable ne retrouvait pas de voyage récent, de nouveaux traitements introduits ni de terrain atopique. Les examens biologiques excluaient un syndrome hyperéosinophilique ou une parasitose digestive. Le diagnostic

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était porté par l’histologie des biopsies œsophagiennes et antrales. L’écho-endoscopie confirmait l’atteinte pariétale profonde avec épaississement de la sous-muqueuse œsophagienne et la présence d’adénopathies locorégionales. L’histologie et l’évolution favorable sous corticothérapie permettaient d’écarter une prolifération tumorale, en accord avec l’étude de clonalité de lymphocytes sur les biopsies. L’atteinte diffuse œsogastrique et transpariétale permettait d’exclure une œsophagite à éosinophiles dont l’atteinte histologique prédomine à la partie superficielle de la muqueuse (épithélium) et concerne uniquement l’œsophage. 4. Conclusion L’intérêt de cette observation est représenté par l’atteinte œsophagienne qui semble rare au cours des GEAE, ainsi que par la survenue de complications originales et graves (hémorragie digestive grave et fistule œsophagienne). L’imputabilité de cette fistule est envisagée pour expliquer la survenue de la pneumopathie sans pouvoir toutefois l’affirmer. Du fait de leur gravité potentielle, la connaissance de ces complications nous paraît essentielle dans la prise en charge d’un patient porteur d’une GEAE et justifie une surveillance endoscopique rapprochée. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Méndez-Sánchez N, Chávez-Tapia NC, Vazquez-Elizondo G, Uribe M. Eosinophilic gastroenteritis: A review. Dig Dis Sci 2007;52:2904–11. [2] Desreumaux P, Seguy D, Dutoit E, Dubucquoi S, Colombel JF. La gastroentérite à éosinophiles. Hepatogastroenterology 1996;3:279–86. [3] Pineton de Chambrun G, Desreumaux P, Colombel JF. La gastroentérite à éosinophiles. Rev Fr Allergol 2010;50:248–53. [4] Bernardini D, Giovannini M, Monges G, Capodano-Giocanti G, Seitz JF. Eosinophilic gastroenteritis: an unusual cause of dysphagia. Gastroenterol Clin Biol 2000;24:688–9. [5] Pineton de Chambrun G, Gonzalez F, Canva J, Gonzalez S, Houssin L, Desreumaux P, et al. Natural history of eosinophilic gastroenteritis. Clin Gastroenterol Hepatol 2011;11:950–6 [e1]. [6] Khan S. Eosinophilic gastroenteritis. Best Pract Res Clin Gastroenterol 2005;19:177–98. [7] Yan BM, Shaffer EA. Primary eosinophilic disorders of the gastrointestinal tract. Gut 2009;58:721–32. [8] Billot D, Pernin M, Pillot C, Bredin C, Hoeffler P, Graffin, et al. Œsophagite à éosinophiles : une cause rare de dysphagie. Rev Med Interne 2010;31: e4–6. [9] Maàmouri N, Guellouz S, Belkahla N, Mohsni B, Naija N, Chouaib S, et al. Gastroentérite à éosinophiles. Rev Med Interne 2012;33:421–5. [10] Tien FM, Wu JF, Jeng YM, Hsu HY, Ni YH, Chang MH, et al. Clinical features and treatment responses of children with eosinophilic gastroenteritis. Pediatr Neonatol 2011;52:272–8. [11] Shweiki E, West JC, Klena JW, Kelley SE, Colley AT, Bros RJ, et al. Eosinophilic gastroenteritis presenting as an obstructing cecal mass. A case report and review of the literature. Am J Gastroenterol 1999;94:3644–5. [12] Rolachon A, Cordier L, Cohard M, Gevasoni A. Zarski JP. La péritonite isolée : une forme rare de gastroentérite à éosinophiles. Gastroenterol Clin Biol 1994;18:666–7. [13] Soriani P. Mallory-Weiss syndrome in children: A rare complication of eosinophilic gastroenteritis. Dig Liver Dis 2011;43(Suppl. 5):S414–5.

Pour citer cet article : Mais L, et al. Complications de la gastroentérite à éosinophiles : une observation et revue de la littérature. Rev Med Interne (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.08.006

[Complicated course of eosinophilic gastroenteritis: a case report and literature review].

Eosinophilic gastroenteritis is an unusual disease characterized by an eosinophilic infiltration of the gastrointestinal tract. The esophageal locatio...
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