Journal français d’ophtalmologie (2014) 37, 526—534

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

Comparaison de la dacryoIRM 3 T par instillation au dacryoscanner dans le cadre du larmoiement chronique Comparison of 3 T dacryo-MRI by instillation with dacryo-CT scan for evaluation of epiphora T. Taupin a,∗, L. Taief Boudrigua Aicha b, E. Baggio c, M. Gensburger d, J.B. Pialat b a

Service de radiologie, centre Léon-Bérard, FNCLCC, 28, promenade Léa-et-Napoléon-Bullukian, 69373 Lyon, France b Service de radiologie ostéo-articulaire et neurologique, pavillon B, hôpital Édouard-Herriot, hospices civils de Lyon, 5, place d’Arsonval, 69437 Lyon, France c Centre ophtalmologique Kleber, 50, cours Franklin-Roosevelt, 69006 Lyon, France d Service d’ophtalmologie, centre hospitalier Lyon-Sud, 130, rue Jules-Guesde, 69495 Pierre-Bénite cedex, France Rec ¸u le 21 juillet 2013 ; accepté le 7 mars 2014 Disponible sur Internet le 24 juin 2014

MOTS CLÉS DacryoIRM ; Dacryoscanner ; Épiphora ; Sténose ; Obstruction canal lacrymal



Résumé Objectifs. — L’épiphora est fréquemment lié à une sténose sur les voies de drainage lacrymal. Pour évaluer une sténose, le dacryoscanner reste le gold standard, malgré l’irradiation et le cathétérisme de voies lacrymales. L’évaluation de l’IRM 3 T, comparée au gold standard, dans l’étude morphologique des voies lacrymales et dans l’évaluation du degré de sténose, est licite du fait du caractère non irradiant et non invasif de cette technique. Méthodes. — Vingt-quatre patients ont été inclus, parmi lequel 9 avec un larmoiement bilatéral, représentant 33 systèmes de drainage pathologiques sur 48. Vingt-trois systèmes de drainage ont été opérés dans les suites (18 patients, 5 patients bilatéralement). Résultats. — Au scanner, la mesure moyenne du canalicule supérieur était de 0,70 (±0,46 mm), du canalicule inférieur à 0,69 (±0,42), du canalicule commun à 0,68 (±0,58), du sac lacrymal à 4,32 (±2,10), et du canal lacrymo-nasal à 1,15 mm (±1,42). La dacryoIRM 3 T surestimait les mesures de 0,35 à 1 mm (jusqu’à 20 % de la taille du sac lacrymal). La concordance entre le dacryoscanner et la dacryoIRM 3 T était de valeur moyenne (kappa 0,5 ; p < 0,05) concernant

Auteur correspondant. Adresse e-mail : tatiana [email protected] (T. Taupin).

http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2014.03.002 0181-5512/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

DacryoIRM 3 T par instillation au dacryoscanner pour le larmoiement chronique

527

le diagnostic de sténose. En outre, le dacryoscanner présentait une meilleure sensibilité (72,7 %) que la dacryoIRM 3 T (42,4 %). Conclusions. — Les deux techniques ne peuvent pas se substituer l’une à l’autre quant au diagnostic de sténose. Une optimisation des protocoles et une évaluation sur une cohorte plus grande restent nécessaires pour remplacer le dacryoscanner par la dacryoIRM en pratique courante. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Dacryo-MRI; Dacryo-CT scan; Epiphora; Lacrimal duct obstruction; Stenosis

Summary Objectives. — Epiphora is frequently related to stenosis of the lacrimal drainage pathways. In the evaluation of stenosis, dacryo-CT scan remains the gold standard, despite the need for radiation and catheterization of the lacrimal passages. Evaluation by high field 3 T MRI compared to the gold standard in the morphological study of the lacrimal passages and quantification of the stenosis is attractive considering the lack of radiation and non-invasive nature of the technique. Methods. — Twenty-four patients were included, including 9 with bilateral epiphora, representing 33 pathological drainage systems out of 48. Twenty-three drainage systems underwent subsequent surgery (18 patients, 5 patients bilaterally). Results. — The average diameter on CT scan images of the superior canaliculus was 0.70 mm (±0.46), of the inferior canaliculus 0.69 (±0.42), the common canaliculus 0.68 (±0.58), the lacrimal sac 4.32 (±2.10), and the nasolacrimal duct 1.15 mm (±1.42). 3 T dacryo-MRI overestimated the diameters by 0.35 to 1 mm (up to 20 % of the lacrimal sac size), and the concordance between dacryo-CT scan and 3 T dacryo-MRI was of average value (kappa 0.5, P < 0.05) concerning the diagnosis of stenosis. Furthermore, dacryo-CT scan demonstrated higher sensitivity (72.7 %) than 3 T dacryo-MRI (42.4 %). Conclusions. — The two techniques are not equivalent in the diagnosis of stenosis. An optimization of protocols and an evaluation on a larger cohort remain necessary before dacryo-CT scan can be replaced by dacryo-MRI in routine practice. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Abréviations 2D 2 dimensions 3D 3 dimensions CCTIRS Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé CISS constructive interference in steady state CNIL Commission nationale de l’informatique et des libertés CT computed tomography DCR dacryocystorhinostomy FIESTA fast imaging employing steady state acquisition FOV field of view FRFSE fast relaxation fast spin echo FS Fat saturation MRI magnetic resonance imaging MR magnetic resonance mSv millisievert TE time of echo TR time of relaxation TSE turbo spin echo

Introduction L’épiphora (ou larmoiement chronique) est une pathologie ophtalmologique due à un déséquilibre entre la production

et le drainage lacrymal (ce dernier étant la plupart du temps insuffisant, voire absent). Il est le plus souvent lié à la présence d’une sténose qui peut être congénitale ou acquise, par dacryocystite chronique notamment, voire parfois posttraumatique [1,2]. La cause peut également être tumorale [3]. L’examen clinique ophtalmologique en fait le diagnostic et peut évoquer une sténose sur les voies de drainage lacrymal. Un bilan d’imagerie peut être indiqué pour le bilan préopératoire des larmoiements chroniques, afin de déterminer la localisation et l’importance d’une sténose ou de faire le bilan des variantes anatomiques rhinosinusiennes [4]. La dacryocystographie conventionnelle a été la première technique d’imagerie [5]. L’imagerie actuelle du système de drainage lacrymal repose essentiellement sur le dacryoscanner, qui a rapidement prouvé sa supériorité visà-vis de la dacryocystographie classique [6]. Celui-ci peut être réalisé sans [7], mais le plus souvent avec cathétérisme des voies lacrymales et permet en plus d’une analyse intra-luminale une bonne exploration des parois osseuses, essentielle en vue d’une éventuelle dacryocystorhinostomie (DCR). La DCR peut se réaliser par voie externe ou endoscopique, avec ou sans intubation avec sonde en silicone [8—11]. Le dacryoscanner est actuellement réalisé de manière quasi systématique par la nouvelle génération de chirurgiens ophtalmologiques et maxillofaciaux prenant en charge ce type de pathologies, surtout en cas de prise en charge endoscopique. Du fait d’une irradiation non négligeable

528 (dose length product [DLP] moyenne, 220 mGy.cm2 [12]), et du cathétérisme potentiellement traumatique, l’alternative actuelle est la dacryoIRM, qui peut être réalisée avec instillation (2 à 3 gouttes de sérum physiologique étaient instillées dans chaque œil du patient, toutes les 2 minutes) ou cathétérisme des voies lacrymales, comme pour le dacryoscanner. Les différents éléments anatomiques des structures lacrymales sont représentés sur la Fig. 1. Les larmes sont drainées par les canalicules supérieur et inférieur, qui se jettent dans le sac lacrymal après un canal d’union. Le sac communique avec le canal lacrymo-nasal par l’intermédiaire de la valvule de Krause. D’après la littérature, les mensurations moyennes au scanner chez des patients asymptomatiques sont les suivantes : le plus petit diamètre du canal lacrymo-nasal est mesuré à 4 mm en moyenne, le diamètre transverse du sac lacrymal à 4 mm également et 6 mm en antéropostérieur [12—16]. Les sténoses se situent préférentiellement sur les zones de rétrécissement anatomique (valvules) [17,18]. Le niveau d’obstruction le plus fréquent est le canal lacrymonasal (33,3 %), puis le canalicule commun (23,3 %), puis le sac lacrymal (21,7 %) puis la valve de Krause (21,7 %) [19]. L’IRM est évaluée dans la pathologie lacrymale, depuis au moins une vingtaine d’années [20,21]. Dans une étude réalisée avec une IRM 1,5 Tesla, la dacryoIRM avec cathétérisme présente une sensibilité de 90,5 % et une spécificité de 89,3 % pour détecter le passage nasolacrymal de gadolinium [22]. La dacryocystographie dynamique par IRM, toujours avec cathétérisme, présente au moins la même capacité diagnostique que la dacryocystographie classique [23]. La dacryoIRM avec instillation a été confrontée à la dacryocystographie

T. Taupin et al. avec des résultats équivalents en termes de précision anatomique, chez des patients traités de leur larmoiement par radiologie interventionnelle [24]. Cette technique consiste à dilater grâce à un ballonnet monté sur guide par voie endonasale les voies de drainage, sous contrôle fluoroscopique. Pour étudier une population de patients opérés de DCR, une étude récente a utilisé l’IRM par instillation, le cathétérisme étant pour cette équipe moins physiologique, et forc ¸ant le passage de produit de contraste [25]. Mais dans le cadre du diagnostic de sténose, les différentes études comparent des pourcentages de diagnostic identique, avec le scanner ou la dacryocystographie conventionnelle, sans considérer l’une ou l’autre comme technique de référence et sans pouvoir attester de leur équivalence [13,22,23,26—28]. Des séquences 3D après instillation ont été évaluées sur une IRM 1,5 T : l’obstruction canaliculaire ou ductale était diagnostiquée chez 100 % des patients et l’obstruction sacculaire chez 80 % des patients [29]. Les données déjà acquises dans la communauté médicale de l’IRM 1,5 T ont été comparées à celles de l’IRM 3 T, dans la pathologie biliaire notamment, pour mieux évaluer la visibilité de petites structures liquidiennes [30]. Nous avons donc décidé de réaliser une étude comparative entre la dacryoIRM 3 T après instillation (dacryoIRM) et le dacryoscanner après cathétérisme afin de déterminer si ces deux techniques étaient substituables l’une à l’autre pour le diagnostic de sténose sur les voies de drainage lacrymal, le dacryoscanner étant encore considéré comme la technique de référence pour les chirurgiens.

Matériel et méthodes

Figure 1. 1 : canalicule supérieur ; 2 : canalicule inférieur ; 3 : canal d’union ; 4 : sac lacrymal ; 5 : valvule de Krause ; 6 : canal lacrymo-nasal ; 7 : valvule de Taillefer ; 8 : ostium terminal et valvule de Hasner ; 9 : valvule de Rosenmüller.

Cette étude observationnelle a rec ¸u l’accord du Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS), du comité d’éthique des hospices civils de Lyon et l’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Les patients ont été inclus après une information écrite donnée lors de la prise du rendez-vous, réitérée oralement par le médecin le jour de l’examen, avec recueil du consentement écrit. Les critères d’inclusions comprenaient un âge supérieur ou égal à 18 ans et une présentation clinique de larmoiement chronique (épiphora), d’étiologie congénitale, post-chirurgicale ou post-infectieuse. Les critères d’exclusions comprenaient un âge inférieur à 18 ans, une grossesse en cours ou suspectée, une sténose canaliculaire retrouvée à l’examen ophtalmologique, une pathologie tumorale intrinsèque ou extrinsèque ainsi que les contre-indications usuelles de l’IRM : corps étranger métallique oculaire, matériel médical électronique implanté de manière inamovible, valve cardiaque métallique ou clips vasculaires intracrânien ferro-magnétiques. Vingt-quatre patients ont été inclus, 17 femmes et 7 hommes, d’âge moyen 59,6 ans. Neuf patients présentaient un larmoiement bilatéral, soit un total de 33 systèmes de drainage pathologiques. Cinq patients avaient déjà été opérés de DCR, dont 1 des deux côtés. Chacun des patients a

DacryoIRM 3 T par instillation au dacryoscanner pour le larmoiement chronique

529

Figure 2. a : plan de référence pour la mesure du diamètre antéropostérieur du sac lacrymal, dans le plan axial, au dacryoscanner ; b : plan de référence pour la mesure du diamètre transverse du canal lacrymo-nasal en axial, au dacryoscanner ; c : plan de référence pour la mesure du diamètre des canalicules supérieur et inférieur, dans le plan sagittal, au dacryoscanner ; d : plan de référence pour la mesure du diamètre transverse du canal lacrymo-nasal, plan axial, dacryoIRM, annoté ; e : plan de référence pour la mesure du diamètre des canalicules supérieur et inférieur dans le plan sagittal, dacryoIRM, annoté ; f : plan de référence pour la mesure des diamètres transverse et antéropostérieur du sac lacrymal en axial, dacryoIRM, annoté.

bénéficié d’une dacryoIRM puis d’un dacryoscanner le même jour.

Technique de la dacryoIRM Après nettoyage des yeux, 2 à 3 gouttes de sérum physiologique étaient instillées dans chaque œil du patient, toutes les 2 minutes, pendant les 10 minutes précédant l’entrée en machine. Les examens ont été réalisés sur une IRM 3 Tesla (MR750 Discovery, GE), en utilisant une antenne dédiée pour le crâne et le massif facial (Antenne HNS Head 8 canaux). Les séquences ont été réalisées dans le plan des canaux lacrymo-nasaux. Le protocole comportait dans l’ordre d’acquisition : • une séquence 3D Fast Recovery Fast Spin EchoAccelerated (3D FRFSE XL), acquise dans le plan coronal puis le plan sagittal pour voir les canalicules (TE = 1106, TR = 3700, coupe de 1,2 mm tous les 0,5 mm. En coronal : matrice de 512 × 320, champ de vue de 22 cm en coronal. En sagittal, champ de vue de 26 cm, matrice de 512 × 320. Temps d’acquisition 2 min 7 s en coronal et en sagittal) ; • une séquence 2D SSFSE coronale (TE = 791, TR = 8000, épaisseur de coupe de 20 mm, sans chevauchement, une matrice de 512 × 512, un champ de vue de 22 cm, un temps d’acquisition de 40 secondes) ; • une séquence T2 FatSat acquise dans le plan coronal puis axial (TE = 99 TR = 6264, une épaisseur de coupe 2 mm tous les 2,2 mm, une matrice de 512 × 512, un champ de vue de 22 cm puis 20 cm, un temps d’acquisition de 40 secondes).

Technique du dacryoscanner Le dacryoscanner était réalisé après l’IRM. La première acquisition était sans injection (scanner Philips MX8000 IDT10), servant de repérage en cas de chirurgie endoscopique assistée par ordinateur. Puis, le patient étant toujours sur la table du scanner, sous anesthésie locale (gouttes d’oxybuprocaïne) et asepsie rigoureuse, le canalicule lacrymal inférieur était dilaté puis cathétérisé à l’aide d’une canule à usage unique 26 gauge, avant d’injecter lentement et sans pression un produit de contraste iodé hydrosoluble (iopamiron 300 mg/L). L’injection était arrêtée en cas de reflux franc et/ou si le patient décrivait un passage de produit de contraste dans le nez ou la gorge. La deuxième acquisition tomodensitométrique en 10 × 0,75 mm était réalisée juste après l’injection, du toit des orbites au palais osseux, avec des reconstructions en coupes de 1 mm tous les 0,7 mm, en matrice haute résolution (512 × 512) avec un champ de vue de 180 mm. Des reconstructions multiplanaires (axiales, coronales, et sagittales) ont été ensuite réalisées de manière standardisée, dans le plan du canal lacrymo-nasal. Les examens IRM et scanners ont été anonymisés, et gravés sur CD, en vue d’une double lecture par des lecteurs indépendants.

Protocole de lecture Deux opérateurs, un radiologue junior (opérateur 1) et un radiologue sénior (opérateur 2), ont lu à deux reprises les

530

T. Taupin et al.

Figure 3. a : sténose à l’ostium terminal, vue coronale, au dacryoscanner ; b : sténose dans le canal lacrymo-nasal, vue, coronale, dacryoIRM, annotée.

acquisitions tomodensitométriques, et IRM (séquences 3D) à l’aide d’un bordereau de lecture systématisé. L’analyse portait sur les systèmes de drainage opacifiés au scanner (soit 33 systèmes) et sur tous les systèmes de drainage à l’IRM. Les mensurations des structures de référence (plus grand diamètre des canalicules supérieur, inférieur et commun sur les reconstructions sagittales ; plus grand diamètre transverse puis antéropostérieur du sac lacrymal et du canal lacrymo-nasal en axial) ont été évaluées. La Fig. 2 expose les plans de référence. Les critères de jugement concernant la présence ou non d’une sténose ont été tirés de la littérature [12—15] : dilatation du système de drainage en amont d’une sténose (< 2 mm2 ) ou d’un arrêt du produit de contraste (Fig. 3).

Prise en charge chirurgicale Lorsque le larmoiement était lié à une sténose du système de drainage lacrymal, une chirurgie pouvait être programmée. Dix-huit patients ont été opérés dont 5 de manière bilatérale, soit un total de 23 systèmes lacrymaux. La technique chirurgicale consistait soit en une dacryocystorhinostomie, soit une intubation par sonde bicanaliculonasale (BIKA). Du fait des techniques utilisées, les comptes rendus opératoires ne précisaient pas le niveau de la sténose, et une récurrence symptomatique ultérieure était possible [8].

Analyses statistiques Les mensurations moyennes des voies lacrymales (7 mesures) ont été réalisées pour chacune des techniques, puis ont été comparées à l’aide du test de Bland et Altman (Fig. 4). Les tests de concordance inter- et intra-opérateur pour le diagnostic ou non de sténose ont d’abord été réalisés en considérant les deux techniques imparfaites, puis en prenant le scanner comme technique de référence, assortis d’un coefficient kappa. Dans la littérature, aucune autre étude n’avance d’écart de mesure acceptable dans cette pathologie, pour comparer les deux techniques d’imagerie. Nous l’avons fixé à 20 % de la taille normale de ces structures anatomiques, soit 0,2 mm pour les canalicules, et 0,8 mm pour le sac et le canal lacrymo-nasal.

Une lecture de consensus concernant les cas discordants (sténose ou non) a été effectuée, permettant un calcul de concordance inter-techniques scanner/IRM, assortie d’un coefficient kappa. Un kappa négatif est considéré comme un désaccord ; entre 0 et 0,2, valeur très faible, entre 0,21 et 0,4, valeur faible, entre 0,41 et 0,6, valeur modérée, puis entre 0,61 et 0,8, valeur forte, et entre 0,81 et 1, accord presque parfait (critères de Landis et Koch). Enfin une analyse par rapport au diagnostic clinique ophtalmologique de sténose lacrymale permit une évaluation de la sensibilité des 2 modalités (scanner et IRM 3D) pour ce diagnostic de sténose. Ces analyses ont été réalisées avec l’aide service de biostatistiques des hospices civils de Lyon, en utilisant le logiciel R (version 2.13.0) (The R Foundation for Statistical Computing).

Résultats Mensurations des voies lacrymales Au scanner, la mesure moyenne du canalicule supérieur était de 0,70 mm (±0,46), du canalicule inférieur à 0,69 (±0,42), du canalicule commun à 0,68 (±0,58), du sac lacrymal à 4,32 (±2,10), et du canal lacrymo-nasal à 1,15 mm (±1,42). Les mesures en IRM se sont toujours relevées supérieures à celles mesurées au scanner. Ces moyennes de différences sont exposées sur la Fig. 4.

Concordance dacryo-CT/dacryoIRM pour le diagnostic de sténose Les résultats des tests de concordance sont rapportés dans le Tableau 1. La concordance entre l’IRM et le scanner pour le diagnostic de sténose est bonne en intra-opérateur (kappa 0,69 ; p < 0,05 pour l’opérateur 1, kappa 0,87 ; p < 0,05 pour l’opérateur 2). La concordance inter-opérateurs est faible (kappa 0,3 ; p < 0,05), pour les séquences 3D. Le pourcentage d’accord de la dacryoIRM avec le scanner considéré comme gold standard est moyen, voire faible. En utilisant la lecture de consensus entre les deux opérateurs, la concordance pour le diagnostic de sténose entre le dacryoscanner et la dacryoIRM est moyenne (kappa = 0,5 ; p < 0,05). Les calculs de sensibilité par rapport à l’examen

DacryoIRM 3 T par instillation au dacryoscanner pour le larmoiement chronique

531

Figure 4. a : les canalicules supérieurs à +0,5 mm (taille normale jusqu’à 1 mm) ; b : les canalicules inférieurs à +0,4 mm (taille normale jusqu’à 1 mm) ; c : les canalicules communs à +0,5 mm (taille normale jusqu’à 2 mm) ; d : le sac lacrymal en transverse à +0,9 mm (taille normale jusqu’à 4 mm) ; e : le sac lacrymal en antéropostérieur à +1 mm (taille normale jusqu’à 4 mm) ; f : le canal lacrymo-nasal en transverse à +0,4 mm (taille normale jusqu’à 4 mm) ; g : le canal lacrymo-nasal en antéropostérieur à +0,35 mm (taille normale jusqu’à 6 mm).

532

T. Taupin et al.

Tableau 1 Concordance dacryo-CT/dacryoIRM pour le diagnostic de sténose : pourcentages de classement identique (concordance observée) et coefficient kappa inter- et intra-observateurs avec petit p. Avec gold standard scanographique, pourcentage d’accord de la dacryoIRM.

Inter-opérateurs Intra-opérateur 1 Intra-opérateur 2

Concordance calculée en considérant les deux méthodes imparfaites

Concordance calculée en considérant le scanner comme référence

70 % Kappa 0,3 (p < 0,05) 88 % Kappa 0,69 (p < 0,05) 94 % Kappa 0,87 (p < 0,05)

40 %

clinique ophtalmologique sont meilleurs pour le dacryoscanner (72,7 %) que pour la dacryoIRM (42,4 %).

Discussion Mensurations des voies lacrymales La dacryoIRM surestime en moyenne ces mensurations, de +0,35 à +1 mm selon la portion anatomique considérée, ce qui reste minime. Cette surestimation est d’environ 20 % pour le sac lacrymal, soit la définition spatiale de la dacryoIRM (taille d’un voxel 1 mm). La résolution spatiale à l’IRM reste inférieure au scanner, rendant les limites des mensurations plus difficiles à définir. Les phénomènes de volume partiel peuvent occasionner une surestimation systématique des mesures relativement au scanner, mais des séquences plus résolues de durée d’acquisition plus longue sont actuellement difficiles à utiliser en pratique clinique.

Capacité à diagnostiquer une sténose La concordance inter-opérateur est faible entre les deux méthodes lorsque toutes deux sont considérées comme imparfaites (kappa 0,3 ; p < 0,05) ; et en considérant le scanner comme technique de référence, les pourcentages de classement identique (sténosé/non sténosé) sont moyens (40 % en inter-opérateurs pour la dacryoIRM). Si nous avions pris un seuil de différence acceptable de plus de 20 %, les chiffres de concordance auraient certes été meilleurs, mais deux mesures auraient pu être considérées comme équivalentes, de part et d’autre du seuil retenu pour qualifier une dilatation. Ceci s’explique également par un nombre important (8) de lectures différentes (double lecture de 2 opérateurs, 2 techniques lues). Le désaccord statistique entre 2 techniques était défini par au moins 1 lecture différente des 7 autres. Avec des critères moins stricts (au moins 2 lectures discordantes sur les 8), les deux techniques n’étaient pas en accord sur seulement 15 systèmes de drainage. Sur 12 cas parmi ces 15 cas problématiques, le scanner mettait en évidence une sténose que l’IRM par instillation ne diagnostiquait pas. Contrairement à notre étude, plusieurs équipes rapportent des résultats équivalents avec l’IRM et les techniques auxquelles elle était comparée (dacryoscanner, dacryocystographie [8,27,28]), mais celles-ci ne se

30 % 42 %

basaient que sur la visualisation du passage de produit de contraste et non pas sur des critères morphologiques pour diagnostiquer une sténose. Les 3 autres cas étaient des faux positifs, avec une sténose retenue en dacryoIRM alors que le côté était sain, non opacifié au scanner. La lecture de consensus retrouvait un kappa inter-techniques de valeur moyenne entre le dacryoscanner et la dacryoIRM (kappa 0,5 ; p < 0,05). Le dacryoscanner présentait une meilleure sensibilité (72,7 %) que la dacryoIRM (42,4 %) en considérant l’examen clinique ophtalmologique comme référence. L’analyse rétrospective des 9 faux négatifs du dacryoscanner a mis en évidence : trois cas de patients antérieurement opérés par DCR, un cas de dépôt de sécrétions au sein du sac lacrymal ayant entraîné une erreur de mesure avec sous-estimation, cinq cas sans anomalie visible. Il conviendrait donc d’établir des critères diagnostiques différents, avec mensurations plus faibles par exemple, pour la sous-population opérée de DCR, étant donné que le sac lacrymal s’abouche directement dans les fosses nasales. La faible sensibilité de la dacryoIRM (19 faux négatifs) dans notre étude pourrait s’expliquer par plusieurs raisons : • la présence d’artéfacts d’origine dentaire à hauteur du canal lacrymo-nasal ; • la moindre distension des voies lacrymales sus jacentes à la sténose, liée à l’absence de cathétérisme canaliculaire (= / dacryoscanner) ; • l’imperméabilité canaliculaire liée à des sécrétions que le dacryoscanner permet de laver et vidanger (cathétérisme canaliculaire inférieur) ; • les bulles d’air non visibles à l’IRM, minorant la plage mesurable en hypersignal. Ces différentes constatations amènent à conclure que la dacryoIRM ne peut pas se substituer au dacryoscanner pour le diagnostic de sténose et sa caractérisation. Nos résultats ne sont pas en accord avec la littérature, où la dacryoIRM est considérée comme équivalente, voire supérieure, aux autres techniques [23,27,28]. Notre étude s’est basée sur des critères stricts pour établir un diagnostic de sténose, qui s’adaptent au dacryoscanner, mais pour lesquels la dacryoIRM est prise en défaut. Il est intéressant de remarquer que la concordance intra-opérateur 1 était moins performante que celle intra-opérateur 2 dans le cadre du diagnostic de sténose, soulignant le bénéfice apporté

DacryoIRM 3 T par instillation au dacryoscanner pour le larmoiement chronique par l’expérience dans le diagnostic de sténose sur les voies lacrymales.

Limites de l’étude L’effectif de notre étude est limité pour opposer une puissance statistique importante. En effet, il faudrait, pour pouvoir affirmer une valeur de sensibilité de 72,7 % du dacryoscanner avec une précision de 10 %, étudier environ 75 patients et environ 100 patients pour affirmer une sensibilité de 42,4 % (à 10 % près) de la dacryoIRM par instillation. L’examen clinique ophtalmologique n’était pas optimal comme gold standard, mais les chirurgiens nous adressant les patients avaient confirmé une obstruction le long des voies lacrymales et avaient éliminé une sténose canaliculaire. Nous n’avons pas pu utiliser le côté controlatéral comme gold standard, l’opacification n’ayant eu lieu que du côté pathologique au scanner. Le choix de ne pas cathétériser les patient avant l’IRM est discutable, mais la technique avec instillation simple permettait d’être moins invasif et plus physiologique avec des données de la littérature qui semblaient valider cette technique [25,28].

Conclusion Il ressort de notre analyse que la dacryoIRM par instillation réalisée à 3 Teslas ne peut se substituer au dacryoscanner par cathétérisme pour l’analyse d’une sténose, leur pourcentage de concordance et sa sensibilité restant trop faible. Le cathétérisme des voies lacrymales permet de distendre les voies lacrymales en amont d’une éventuelle sténose, et de la démasquer. Une étude comparant la dacryoIRM 3 T au dacryoscanner en cathétérisant les deux examens pourrait nous aider à étayer cette hypothèse.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article.

Références [1] Bartley GB. Acquired lacrimal drainage obstruction: an etiologic classification system, case reports, and a review of the literature. Part 3. Ophthal Plast Reconstr Surg 1993;9: 11—26. [2] Bourgeat, Speeg-Schatz, Kahn. Imagerie oculo-orbitaire. Paris; 2000. [3] Valenzuela AA, McNab AA, Selva D, O’Donnell BA, Whitehead KJ, Sullivan TJ. Clinical features and management of tumors affecting the lacrimal drainage apparatus. Ophthal Plast Reconstr Surg 2006;22:96—101. [4] Nagi KS, Meyer DR. Utilization patterns for diagnostic imaging in the evaluation of epiphora due to lacrimal obstruction: a national survey. Ophthal Plast Reconstr Surg 2010;26: 168—71. [5] Mehrotra AS, Sabharwal KK. Distension dacryocystography and its results in normal and epiphora cases. Indian J Ophthalmol 1984;32:364—7.

533

[6] Francis IC, Kappagoda MB, Cole IE, Bank L, Dunn GD. Computed tomography of the lacrimal drainage system: retrospective study of 107 cases of dacryostenosis. Ophthal Plast Reconstr Surg 1999;15:217—26. [7] Garcier JM, Napon M, Chiambaretta F, Mofid R, Chahid T, Lipiecka E, et al. CT dacryography without selective lacrimal duct catheterization: review of 39 patients. J Radiol 2002;83:1743—7. [8] Lee DW, Chai CH, Loon SC. Primary external dacryocystorhinostomy versus primary endonasal dacryocystorhinostomy: a review. Clin Exp Ophthalmol 2010;38:418—26. [9] Feng Y, Cai J, Zhang J, Han X. A meta-analysis of primary dacryocystorhinostomy with and without silicone intubation. Can J Ophthalmol 2011;46:521—7. [10] Sonkhya N, Mishra P. Endoscopic transnasal dacryocystorhinostomy with nasal mucosal and posterior lacrimal sac flap. J Laryngol Otol 2009;123:320—6. [11] Pinto IT, Paul L, Grande C. Nasolacrimal polyurethane stent: complications with CT correlation. Cardiovasc Intervent Radiol 1998;21:450—3. [12] Bonnet F, Ducasse A, Marcus C, Hoeffel C. CT dacryocystography: normal findings and pathology. J Radiol 2009;90: 1685—93. [13] Groell R, Schaffler GJ, Uggowitzer M, Szolar DH, Muellner K. CT-anatomy of the nasolacrimal sac and duct. Surg Radiol Anat 1997;19:189—91. [14] Weber AL, Rodriguez-DeVelasquez A, Lucarelli MJ, Cheng HM. Normal anatomy and lesions of the lacrimal sac and duct: evaluated by dacryocystography, computed tomography, and MR imaging. Neuroimaging Clin N Am 1996;6:199—217. [15] Groessl SA, Sires BS, Lemke BN. An anatomical basis for primary acquired nasolacrimal duct obstruction. Arch Ophthalmol 1997;115:71—4. [16] Fayet B, Racy E, Assouline M, Zerbib M. Surgical anatomy of the lacrimal fossa a prospective computed tomodensitometry scan analysis. Ophthalmology 2005;112:1119—28. [17] Irfan S, Cassels-Brown A, Nelson M. Comparison between nasolacrimal syringing/probing, macrodacryocystography and surgical findings in the management of epiphora. Eye 1998;12(Pt 2):197—202. [18] Bukhari A. Prevalence of punctal stenosis among ophthalmology patients. Middle East Afr J Ophthalmol 2009;16: 85—7. [19] Choi JC, Jin HR, Moon YE, Kim MS, Oh JK, Kim HA, et al. The surgical outcome of endoscopic dacryocystorhinostomy according to the obstruction levels of lacrimal drainage system. Clin Exp Otorhinolaryngol 2009;2:141—4. [20] Kirchhof K, Hahnel S, Jansen O, Zake S, Sartor K. Gadolinium-enhanced magnetic resonance dacryocystography in patients with epiphora. J Comput Assist Tomogr 2000;24: 327—31. [21] Rubin PA, Bilyk JR, Shore JW, Sutula FC, Cheng HM. Magnetic resonance imaging of the lacrimal drainage system. Ophthalmology 1994;101:235—43. [22] Cubuk R, Tasali N, Aydin S, Saydam B, Sengor T. Dynamic MR dacryocystography in patients with epiphora. Eur J Radiol 2010;73:230—3. [23] Takehara Y, Isoda H, Kurihashi K, Isogai S, Kodaira N, Masunaga H, et al. Dynamic MR dacryocystography: a new method for evaluating nasolacrimal duct obstructions. AJR Am J Roentgenol 2000;175:469—73. [24] Coskun B, Ilgit E, Onal B, Konuk O, Erbas G. MR dacryocystography in the evaluation of patients with obstructive epiphora treated by means of interventional radiologic procedures. AJNR Am J Neuroradiol 2012;33:141—7. [25] Detorakis ET, Drakonaki E, Papadaki E, Pallikaris IG, Tsilimbaris MK. Watery eye following patent external DCR: an MR dacryocystography study. Orbit 2010;29:239—43.

534 [26] Udhay P, Noronha OV, Mohan RE. Helical computed tomographic dacryocystography and its role in the diagnosis and management of lacrimal drainage system blocks and medial canthal masses. Indian J Ophthalmol 2008;56:31—7. [27] Manfre L, de Maria M, Todaro E, Mangiameli A, Ponte F, Lagalla R. MR dacryocystography: comparison with dacryocystography and CT dacryocystography. AJNR Am J Neuroradiol 2000;21:1145—50. [28] Caldemeyer KS, Stockberger SM, Broderick LS. Topical contrastenhanced CT and MR dacryocystography: imaging the lacrimal

T. Taupin et al. drainage apparatus of healthy volunteers. AJR Am J Roentgenol 1998;171:1501—4. [29] Karagulle T, Erden A, Erden I, Zilelioglu G. Nasolacrimal system: evaluation with gadolinium-enhanced MR dacryocystography with a three-dimensional fast spoiled gradient-recalled technique. Eur Radiol 2002;12:2343—8. [30] Kim SY, Byun JH, Lee SS, Park SH, Jang YJ, Lee MG. Biliary tract depiction in living potential liver donors: intraindividual comparison of MR cholangiography at 3.0 and 1.5 T. Radiology 2010;254:469—78.

[Comparison of 3T dacryo-MRI by instillation with dacryo-CT scan for evaluation of epiphora].

Epiphora is frequently related to stenosis of the lacrimal drainage pathways. In the evaluation of stenosis, dacryo-CT scan remains the gold standard,...
1MB Sizes 1 Downloads 4 Views