Modele +

ARTICLE IN PRESS

RMR-887; No. of Pages 4

Revue des Maladies Respiratoires (2014) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Forme emphysémateuse de la maladie du poumon de fermier Chronic Farmer’s lung disease with emphysema T. Soumagne a,∗, B. Degano b, J.C. Dalphin a a

Service de pneumologie, hôpital Jean-Minjoz, 2, boulevard Fleming, 25030 Besancon cedex, France b Service d’explorations fonctionnelles de la respiration, de l’exercice et de la dyspnée, hôpital Jean-Minjoz, 2, boulevard Fleming, 25030 Besancon cedex, France Rec ¸u le 22 janvier 2014 ; accepté le 28 avril 2014

MOTS CLÉS Poumon de fermier ; Emphysème ; Pneumopathie d’hypersensibilité ; Fibrose



Résumé Introduction. — La maladie du poumon de fermier (PDF) est la forme la plus courante de pneumopathie d’hypersensibilité (PHS), avec une prévalence estimée entre 0,5 et 1,5 % chez les fermiers en milieu de production laitière. Dans les formes chroniques, la littérature rapporte en grande majorité des formes fibrosantes alors que notre expérience et les rares études épidémiologiques mettent en valeur la fréquence des formes emphysémateuses. Observation. — Nous rapportons un cas typique de PDF chez un patient de 37 ans au regard de l’aspect clinique (dyspnée d’effort, alvéolite lymphocytaire, aspect tomodensitométrique) et anamnestique (preuve d’une exposition allergénique). L’évolution se fait vers un emphysème pulmonaire. L’exposition massive et répétée à des substances antigéniques provenant des microorganismes bactériens ou fongiques chez ce patient semble expliquer ce mode d’évolution. Conclusion. — La classification actuelle des PHS différencie des formes aiguës, subaiguës et chroniques mais ne prend pas en compte le mode d’exposition et l’évolutivité de la maladie. Une nouvelle classification des PHS qui différencie deux types a été proposée : le type 1 qui suggère une exposition massive et intermittente (comme dans le PDF) avec une évolution préférentiellement vers une forme emphysémateuse et le type 2, où l’exposition est constante mais moins intense, (comme dans la maladie des éleveurs d’oiseaux) vers une forme fibrosante. © 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : thibaud [email protected] (T. Soumagne).

http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.04.104 0761-8425/© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Soumagne T, et al. Forme emphysémateuse de la maladie du poumon de fermier. Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.04.104

Modele + RMR-887; No. of Pages 4

ARTICLE IN PRESS

2

T. Soumagne et al.

KEYWORDS Farmer’s lung; Emphysema; Hypersensitivity pneumonitis; Fibrosis

Summary Introduction. — Farmer’s lung (FL) is the most common type of hypersensitivity pneumonitis (HP), with an estimated prevalence of between 0.5 and 1.5% in dairy farmers. In chronic FL, fibrotic sequelae are widely described in the literature although our experience and occasional epidemiological studies emphasize an increased risk of developing emphysema in these patients. Case report. — We report a case of FL in a 37-year-old patient with typical clinical features (exertional dyspnoea, lymphocytic alveolitis and computed tomography appearances) together with proven allergen exposure. This patient developed early pulmonary emphysema probably due to intermittent massive exposure to antigens and to bacterial and fungal micro-organisms. Conclusion. — The current classification of HP differentiates acute, subacute and chronic forms but does not take account of the role of the mode of exposure and the evolution of the disease. The prognosis and evolution of HP seem to be dependent on the type and pattern of exposure. A new classification with two clusters has been suggested: in type 1, massive and intermittent exposure, as in FL, may lead to emphysema with chronic airflow obstruction and, in type 2, chronic exposure to a low level, as in bird fanciers, may lead to fibrosis with a restrictive pattern. © 2014 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La maladie du poumon de fermier (PDF), qui forme la plus courante de pneumopathie d’hypersensibilité (PHS), est une affection immunoallergique qui résulte de l’inhalation de substances antigéniques provenant des micro-organismes bactériens ou fongiques colonisant le foin moisi, la paille ou le grain. L’exposition à ces substances doit être répétée et prolongée pour provoquer la sensibilisation et la maladie. Sa prévalence est estimée entre 0,5 et 1,5 % chez les fermiers en milieu de production laitière ou de polyculture [1]. Les anomalies radiologiques sont variables suivant le stade de la maladie. Dans les formes chroniques, la littérature rapporte en grande majorité des formes fibrosantes alors que les rares études épidémiologiques mettent en valeur la fréquence des formes emphysémateuses qui représenterait plus de 20 % des PDF [2—4].

Observation Un homme de 37 ans est vu pour la première fois en consultation en juin 2010 pour une dyspnée d’effort évoluant depuis plusieurs années. Il a comme seul antécédent une urticaire aux hyménoptères avec une tentative de désensibilisation 10 ans auparavant. Il n’a jamais été tabagique. Il exerce le métier d’agriculteur, avec une activité essentiellement basée sur la production laitière depuis une vingtaine d’année. La symptomatologie est ancienne et se résume à des bronchites hivernales et des poussées de fièvre associées à des courbatures lors des manipulations de substrats poussiéreux ou moisis, de lisier et parfois de vapeurs de fermentation fourragère. Par ailleurs, une dyspnée d’effort s’est installée insidieusement jusqu’au stade II de la classification de Sadoul, ainsi qu’une toux fréquente. L’indice de masse corporelle est stable depuis plusieurs années à 20 kg/m2 . L’examen clinique est sans particularité

en dehors d’une diminution diffuse du murmure vésiculaire dans les deux champs pulmonaires et de fins râles crépitants aux bases. La saturation en oxygène est à 98 % en air ambiant. Le test de marche de six minutes montre une distance parcourue normale (765 m pour une distance de référence à 773 m) mais avec une désaturation de 97 % à 90 % au terme de l’effort. Les explorations fonctionnelles respiratoires montrent des débits forcés et des volumes pulmonaires normaux et une altération du transfert pulmonaire du monoxyde de carbone (TLCO) (Fig. 1). À la tomodensitométrie haute résolution, un emphysème centro-lobulaire et para-septal diffus prédomine dans les lobes supérieurs et en postéro-basal dans les lobes inférieurs (Fig. 2 et 3). La biologie standard est sans particularité et le dosage de l’alpha-1 antitrypsine est normal. Le lavage broncho-alvéolaire retrouve une alvéolite (8,4.105 éléments/mL) à forte prédominance lymphocytaire (66 %) (macrophages 30 %, polynucléaires neutrophiles 3,5 % et éosinophiles < 0,5 %). Devant la forte suspicion de PDF, des tests sérologiques spécifiques sont réalisés, montrant une sensibilisation

Figure 1.

Épreuve fonctionnelle respiratoire.

Pour citer cet article : Soumagne T, et al. Forme emphysémateuse de la maladie du poumon de fermier. Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.04.104

Modele + RMR-887; No. of Pages 4

ARTICLE IN PRESS

Emphysème et Poumon de Fermier

3 une dyspnée d’effort de stade I en rapport avec les séquelles pulmonaires emphysémateuses.

Discussion

Figure 2. Coupe tomodensitométrique thoracique en fenêtre parenchymateuse : emphysème centro-lobulaire pulmonaire postéro-basal des deux lobes inférieurs.

multiple avec une réaction immunologique significative visà-vis de Wallemia sebi, Eurotium amstelodami, Fusarium oxysporum, Saccharopolyspora rectivirgula et Sacchamonospora viridis. L’enquête environnementale a permis de souligner la vétusté de la ferme du patient avec notamment une mauvaise ventilation des locaux, un stockage humide du fourrage et de la paille. S. viridis a été retrouvé en quantité importante dans les prélèvements de fourrage et de paille confirmant l’imputabilité pathogénique de l’environnement du patient. Des mesures de prévention secondaires ont été mises en place avec notamment un système de ventilationextraction de son étable, un réchauffage du système de séchage de sa grange et le port de masque de protection respiratoire. L’évolution clinique a été favorable grâce aux mesures de protection ; aucun traitement n’a été nécessaire, et notamment pas de corticothérapie orale. L’examen clinique et le test de marche se sont normalisés. Il persiste

Figure 3. Coupe tomodensitométrique thoracique en reconstruction coronales en projection minimale d’intensité (minIP) : emphysème pulmonaire diffus bilatéral.

Nous rapportons ici un cas typique de PDF : en effet, la présentation clinique, radiologique, fonctionnelle, immunologiques et les résultats du lavage broncho-alvéolaire répondent aux critères diagnostiques de PDF [5]. Le diagnostic de PHS et notamment de PDF reste néanmoins difficile et repose sur une variété de critères non spécifiques et non validés [6]. La tomodensitométrie haute résolution est devenue un outil diagnostique indispensable et a permis de caractériser les images élémentaires. Dans les formes chroniques de PDF, la fibrose pulmonaire a largement été décrite. Cependant, quelques rares études ont montré que l’emphysème pulmonaire concernait entre 23 % et 32 % des patients atteints de PDF [2,3]. Il est d’ailleurs plus fréquemment retrouvé que la fibrose pulmonaire et représente la séquelle la plus importante à long terme [4]. Le type et le mode d’exposition semblent moduler la fréquence de ces lésions [6]. Dans le PDF, l’exposition est intermittente et correspond à la période de stabulation du bétail durant l’hiver où le fermier est exposé de manière importante aux substances antigéniques en cause. De ce fait, les symptômes de PDF apparaissent généralement en fin d’hiver, au décours de cette période de stabulation. La classification actuelle des PHS différencie des formes aiguës, subaiguës et chroniques mais ne prend pas en compte le mode d’exposition et l’évolutivité de la maladie. C’est pourquoi il a été récemment proposé une nouvelle classification des PHS [7] qui différencie deux types : le type 1 où l’exposition est massive et intermittente (comme dans le PDF) et la fibrose rare ; le type 2, où l’exposition est permanente mais moins intense, (comme dans la maladie des éleveurs d’oiseaux) et la fibrose fréquente. Dans notre expérience, les formes de type 1 évolueraient préférentiellement vers un emphysème. Cette observation clinique nous permet également de rapporter un cas original d’emphysème à fonction respiratoire normale, sans stigmate de baisse d’élasticité pulmonaire. Cette présentation fonctionnelle ressemble à celle du syndrome emphysème-fibrose [8] dans lequel les deux entités, l’une en baissant l’élasticité et l’autre en l’augmentant aboutit à des volumes et débits forcés normaux. Dans notre cas, il n’y a effectivement pas de lésion visible de fibrose sur le scanner mais il est possible qu’une atteinte pulmonaire infra-radiologique augmente l’élasticité pulmonaire contrariant ainsi les effets de l’emphysème. La confrontation entre la tomodensitométrie (TDM) et l’EFR est riche d’enseignements. En effet, le TLCO est peu diminué au regard de l’étendue des lésions emphysémateuses radiologiques. Le volume alvéolaire (VA) est calculé lors de la mesure du TLCO en retranchant 150 mL (valeur qui correspond à l’espace mort anatomique) à la CPT mesurée par dilution d’hélium (CPThe) lors de l’apnée de 10 secondes. Dans notre observation, si on compare le VA d’une part (6,91 litres) et la CPT mesurée en pléthysmographie (CPTpleth) d’autre part (7,02 litres), on obtient une

Pour citer cet article : Soumagne T, et al. Forme emphysémateuse de la maladie du poumon de fermier. Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.04.104

Modele + RMR-887; No. of Pages 4

ARTICLE IN PRESS

4

T. Soumagne et al.

valeur d’environ 100 mL. Cela signifie que CPThe et CPTpleth sont égales pour notre patient. Dans l’emphysème, la CPTpleth est classiquement supérieure à la CPTHe, et la différence entre ces deux valeurs est d’autant plus grande que l’emphysème est sévère [9]. Ceci est dû au fait que la pléthysmographie mesure la totalité du gaz pulmonaire alors que la technique de dilution sur une durée brève de 10 secondes ne mesure pas les zones pulmonaires dont la constante de temps est très élevée. L’analyse TDM chez notre patient estime que les zones de faible atténuation des rayons X correspondant à l’emphysème correspondent à un volume d’environ 1200 mL. On en déduit donc que ces zones sont ventilées mais non perfusées comme en témoigne la diminution du coefficient de Krogh (KCO).

Conclusion L’originalité de notre cas de forme emphysémateuse de PDF chez un patient non tabagique, met en valeur une évolution assez méconnue de cette pathologie mais néanmoins assez fréquente dans notre expérience et dans les rares études épidémiologiques menées. En ce sens, la classification actuelle des PHS mériterait d’être actualisée en tenant compte de l’impact du mode d’exposition sur l’évolutivité de la maladie mais également au regard des outils diagnostiques disponibles (tomodensitométrie thoracique, lavage broncho-alvéolaire. . .) qui n’ont pas été pris en compte lors de son élaboration. Une telle refonte de cette classification nécessite néanmoins des études complémentaires pour confirmer sa validité.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Depierre A, Dalphin JC, Breton JL, et al. Epidemiological study of farmer’s lung in five districts of the French Doubs province. Thorax 1988;43:429—35. [2] Erkinjuntti-Pekkanen R, Rytkonen H, Terho EO, et al. Long-term risk of emphysema in patients with farmer’s lung and matched control farmers. Am J Respir Crit Care Med 1998;158:662—5. [3] Cormier Y, Brown M, Müller NL, et al. High-resolution computed tomographic characteristics in acute farmer’s lung and in its follow-up. Eur Respir J 2000;16:56—60. [4] Malinen A, Erkinjuntti-Pekkanen R, Vanninen R, et al. Long-term sequelae of Farmer’s lung disease in HRCT: a 14-year follow-up study of 88 patients and 83 matched control farmers. Eur Radiol 2003;13:2212—21. [5] American Thoracic Society. Respiratory health hazards in agriculture. Am J Respir Crit Care Med 1998;158:S1—76. [6] Dalphin JC. Alvéolites allergiques extrinsèques. Encycl Med Chir Pneumol 2000:6-039-E-30. [7] Lacasse Y, Selman M, Cormier Y, et al. Classification of hypersensitivity pneumonitis: a hypothesis. Int Arch Allergy Immunol 2009;149:161—6. [8] Cottin V, Nunes H, Brillet PY, et al. Combined pulmonary fibrosis and emphysema: a distinct underrecognised entity. Eur Respir J 2005;26:586—93. [9] Milite F, Lederer DJ, Basner RC, et al. Quantification of singlebreath underestimation of lung volume in emphysema. Respir Physiol Neurobiol 2009;165:215—20.

Pour citer cet article : Soumagne T, et al. Forme emphysémateuse de la maladie du poumon de fermier. Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.04.104

[Chronic Farmer's lung disease with emphysema].

Farmer's lung (FL) is the most common type of hypersensitivity pneumonitis (HP), with an estimated prevalence of between 0.5 and 1.5% in dairy farmers...
690KB Sizes 4 Downloads 8 Views