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Rec¸u le : 4 janvier 2014 Accepte´ le : 24 septembre 2014

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Fait clinique

Thrombose veineuse ce´re´brale et thrombope´nie immune chez une enfant de sept ans : une association fortuite ? Cerebral venous thrombosis and immune thrombocytopenia in a 7-year-old girl: A fortuitous association? M. Cotillona,*, A. Lebasb, T. Blancc, P. Schneidera, J.-P. Vanniera, N. Buchbindera a

Service d’onco-immuno-he´matope´diatrie, CHU Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France b Service de neurophysiologie, CHU Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France c Service de re´animation pe´diatrique et ne´onatale, CHU Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France

Summary

Re´sume´

Primary immune thrombocytopenia (ITP) is an autoimmune disorder characterized by autoantibody-mediated peripheral platelet destruction. It is rarely accompanied by thrombosis. Here, we describe a wide cerebral venous thrombosis that occurred at the onset of a primary ITP in a 7-year-old girl. ITP was confirmed by the presence of anti-platelet antibodies. Whether ITP is a risk factor for venous thrombosis is a matter of debate. The platelet microparticles released during the platelet destruction and the interaction between the autoantibodies and the platelet glycoproteins may contribute to platelet activation. Increased risk of thromboembolic events should be considered in all patients with ITP, including children. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le purpura thrombope´nique immunologique (PTI) est une maladie he´morragique lie´e a` la production d’auto-anticorps dirige´s contre certaines glycoprote´ines membranaires plaquettaires. La survenue de thromboses n’est pas un e´ve´nement classique au cours du PTI. Cependant, de re´centes e´tudes ont montre´ une augmentation du risque thrombotique dans cette situation. Nous rapportons le cas d’une enfant de sept ans ayant pre´sente´ une thrombose veineuse ce´re´brale e´tendue re´ve´latrice d’un PTI aigu. Au cours du PTI, les thromboses pourraient eˆtre favorise´es par la libe´ration de microparticules plaquettaires pro-thrombotiques et par l’activation plaquettaire secondaire a` l’interaction entre les auto-anticorps et les glycoprote´ines plaquettaires. L’augmentation du risque thromboembolique devrait eˆtre prise en compte chez tous les sujets atteints de PTI, y compris chez les enfants. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1. Introduction Le purpura thrombope´nique immunologique (PTI) est une maladie he´morragique lie´e a` la production d’auto-anticorps dirige´s contre certaines glycoprote´ines membranaires. Chez l’enfant, le PTI est le plus souvent isole´ et d’e´volution

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (M. Cotillon).

spontane´ment favorable. Malgre´ la destruction plaquettaire massive, les complications he´morragiques, notamment les he´morragies intracraˆniennes, sont rares [1]. De re´centes e´tudes e´pide´miologiques sugge`rent une augmentation du risque thrombotique chez les patients adultes pre´sentant une thrombope´nie immune chronique [2–5]. Quelques observations de thromboses ont e´galement e´te´ de´crites chez des enfants atteints de PTI [6–8]. Elles e´taient ge´ne´ralement survenues apre`s l’administration d’immunoglobulines intraveineuses (IgIV) qui entraıˆnent une augmentation

http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.09.014 Archives de Pe´diatrie 2014;xxx:1-3 0929-693X/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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de la viscosite´ sanguine [9]. Nous rapportons le cas d’une enfant de sept ans ayant pre´sente´ une thrombose veineuse ce´re´brale e´tendue spontane´e re´ve´latrice d’un purpura thrombope´nique immunologique aigu.

2. Observation 2.1. Clinique Cette enfant de sept ans avait e´te´ amene´e au service d’accueil des urgences pour une gingivo-stomatite ve´siculeuse fe´brile associe´e a` un purpura cutane´ peu e´tendu. L’examen clinique e´tait normal. L’he´mogramme avait montre´ une thrombope´nie a` 65 000/mm3, une concentration d’he´moglobine a` 13,4 g/dL et une nume´ration des leucocytes a` 9100/mm3 avec une formule normale. Un traitement ambulatoire par acyclovir avait e´te´ instaure´. Quarante-huit heures plus tard e´taient apparus des ce´phale´es frontales, des vomissements puis une faiblesse du membre supe´rieur gauche, sans fie`vre. L’enfant pre´sentait une hypertension intracraˆnienne, une he´mipare´sie gauche, un ralentissement psychomoteur, un torticolis ainsi qu’un purpura pe´te´chial du tronc et des membres infe´rieurs. L’imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) ce´re´brale avait re´ve´le´ une thrombophle´bite des veines corticales de la convexite´, du sinus longitudinal supe´rieur et du sinus late´ral droit, s’e´tendant jusqu’a` la veine jugulaire interne homolate´rale et complique´e d’un ramollissement ische´mo-he´morragique temporal droit. Un nouvel he´mogramme avait montre´ une thrombope´nie isole´e a` 9000/ mm3. Le taux de prote´ine C re´active (CRP) e´tait a` 12 mg/dL. Devant l’importance de la thrombope´nie, l’existence d’une thrombophle´bite ce´re´brale ayant une composante he´morragique et la ne´cessite´ d’instaurer rapidement une he´parinothe´rapie, l’enfant avait rec¸u en urgence une transfusion plaquettaire associe´e a` une perfusion d’immunoglobulines polyvalentes (IgIV ; 1 g/kg). Une anticoagulation par he´parine non fractionne´e intraveineuse a` doses efficaces avait e´te´ mise en route de`s l’obtention d’une nume´ration plaquettaire supe´rieure a` 50 000/mm3 avec relais pre´coce par he´parine de bas poids mole´culaire.

(TP), le temps de ce´phaline active´e (TCA), les taux de fibrinoge`ne, d’haptoglobine, de lactates de´shydroge´nases (LDH) et de bilirubine e´taient normaux. Le frottis sanguin n’avait montre´ ni schizocytes, ni cellules anormales et le dosage de la prote´ase ADAMTS13 (a disintegrin and metalloprotease with thrombospondin type I repeats-13) e´tait normal. La recherche d’anticoagulants circulants avait e´te´ ne´gative. En revanche, le temps de thromboplastine dilue´e e´tait positif au 1/508 et le taux des anticorps antiphospholipides de type IgM e´tait a` la limite de la positivite´ (18 UMPL/mL). Les anticorps antiphospholipides de type IgG, les anti-cardiolipides et les antib2 glycoprote´ine I e´taient ne´gatifs, tout comme les facteurs anti-nucle´aires, la recherche de cryoglobuline´mie et d’he´moglobinurie paroxystique nocturne. Le temps de thromboplastine et les anti-cardiolipides s’e´taient normalise´s au controˆle re´alise´ a` l’arreˆt du traitement anticoagulant. La recherche de thrombophilie (prote´ines C et S, homocyste´ine´mie et taux d’anti-thrombine) avait e´te´ ne´gative. La recherche des mutations thromboge`nes du facteur V Leiden et du ge`ne de la prothrombine 20210A avait e´te´ ne´gative, ainsi que la mutation V617F du ge`ne JAK2.

2.3. E´volution Le taux plaquettaire s’est rapidement ame´liore´ a` 106 000/ mm3 au controˆle post-transfusionnel imme´diat, atteignant 528 000/mm3 en une semaine, sans nouvelle transfusion. Trois mois apre`s l’e´pisode, les anticorps anti-plaquettaires n’e´taient plus pre´sents. Les taux d’immunoglobulines G, A et M e´taient normaux ainsi que les diffe´rentes sous-populations lymphocytaires. Dans les jours qui avaient suivi son admission, l’enfant avait pre´sente´ plusieurs crises convulsives partielles controˆle´es par l’association d’oxcarbaze´pine et de topiramate. L’he´mipare´sie avait progressivement re´gresse´ en quelques semaines. Apre`s trois mois d’anticoagulation curative, l’IRM avait montre´ une perme´abilisation des sinus initialement thrombose´s et la pre´sence de se´quelles parenchymateuses temporo-parie´tooccipitales droites. Le traitement anticoagulant a e´te´ interrompu apre`s 6 mois. L’enfant n’avait pre´sente´ aucune re´cidive thrombotique ou thrombope´nique 18 mois apre`s l’e´pisode initial.

2.2. Bilan e´tiologique La recherche d’anticorps anti-plaquettes avait identifie´ des auto-anticorps dirige´s contre les complexes glycoprote´iques plaquettaires IaIIa, IIbIIIa et IbIX. La ponction lombaire re´alise´e apre`s normalisation plaquettaire e´tait normale. Les mesures de charge virale pour les virus herpe`s simplex, Ebstein-Barr, herpesvirus humain type 6 et virus de l’immunode´ficience humaine e´taient ne´gatives, tout comme la se´rologie pour le parvovirus B19 et la culture du pre´le`vement de gorge. La recherche d’anticorps anti-streptodornase re´alise´e au bout de trois semaines e´tait faiblement positive, probablement en rapport avec la perfusion d’IgIV. Le taux de prothrombine

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3. Discussion Il s’agit a` notre connaissance de la premie`re observation de thrombose veineuse ce´re´brale spontane´e au cours d’un PTI aigu de l’enfant. Conforme´ment aux crite`res diagnostiques, le diagnostic de PTI avait e´te´ e´voque´ devant le caracte`re isole´, brutal et profond de la thrombope´nie et l’exclusion des diagnostics diffe´rentiels. En particulier, devant l’association d’une thrombope´nie et d’une thrombose ce´re´brale, un purpura thrombotique thrombocytope´nique (PTT) avait e´te´ e´carte´ en raison de l’absence de signes d’he´molyse me´canique

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Thrombope´nie immune et thrombose

tandis qu’un syndrome de Lemierre avait e´te´ infirme´ par l’absence d’angine et la ne´gativite´ de la culture du pre´le`vement de gorge [10]. La tre`s bonne re´ponse au traitement par IgIV constitue e´galement un crite`re diagnostique important dans cette observation. Enfin, le diagnostic de thrombope´nie immune avait e´te´ conforte´ par la pre´sence d’auto-anticorps dirige´s contre les complexes glycoprote´iques plaquettaires. Une quantite´ croissante de donne´es indique une augmentation du risque thrombotique au cours du PTI. De re´centes e´tudes portant sur des cohortes d’adultes ont montre´ l’existence d’une relation entre thrombope´nie immune et thrombose, initialement identifie´e par des e´tudes observationnelles qui avaient rapporte´ une pre´valence de pre`s de 5 % d’accidents thrombo-emboliques dans cette population [11]. Plus re´cemment, des e´tudes mene´es au Danemark et au Royaume-Uni ont montre´ un doublement du risque relatif d’e´ve´nements thrombotiques veineux ou arte´riels chez ces patients en comparaison d’une population te´moin [2–4]. La survenue concomitante d’une thrombope´nie immune et d’une thrombose ce´re´brale soule`ve la question du lien de causalite´ entre ces deux e´ve´nements. Diffe´rentes hypothe`ses ont e´te´ avance´es pour expliquer cette association [2–4,9–10]. En premier lieu, les glycoprote´ines plaquettaires, cibles des principaux auto-anticorps, sont potentiellement implique´es. Ces prote´ines jouent un roˆle important dans l’activation et l’agre´gation plaquettaire. Les glycoprote´ines gpIaIIa et gpIbIX interagissent respectivement avec le collage`ne et le facteur de Willebrand et participent a` l’adhe´sion plaquettaire au sousendothe´lium. Ces interactions entraıˆnent une activation plaquettaire qui permet la formation du complexe dime´rique gpIIbIIIa, re´cepteur du fibrinoge`ne. Ces e´tapes sont cruciales pour la formation du caillot. Par ailleurs, certains auteurs ont sugge´re´ que la pre´sence d’anticorps a` la surface des plaquettes pourrait entraıˆner la formation d’agre´gats plaquette-plaquette et plaquette-leucocyte-macrophage, favorisant l’initiation du caillot [5]. Une e´tude re´cente a montre´ une augmentation notable du risque thrombotique chez les patients pre´sentant une thrombope´nie immune associe´e a` la pre´sence d’anticorps antiphospholipides, meˆme en l’absence de crite`res diagnostiques pour un syndrome des antiphospholipides [12]. D’autres de´terminants potentiels de la thrombose au cours du PTI sont les microparticules plaquettaires. Ce sont des ve´sicules membranaires pro-coagulantes d’origine plaquettaire jouant un roˆle protecteur vis-a`-vis du risque he´morragique [2,5,13,14]. Leur taux circulant est augmente´ au cours du PTI [15]. Ces microparticules participeraient a` l’augmentation du risque thrombotique.

4. Conclusion Le risque thrombotique au cours du PTI est encore me´connu et n’est probablement pas identique chez tous les sujets. Bien que les donne´es indiquant une augmentation du risque

thrombotique chez des adultes souffrant de thrombope´nie immune chronique ne soient pas directement extrapolables a` l’enfant, une thrombose doit eˆtre e´voque´e devant tout signe neurologique survenant au cours de l’e´volution de cette pathologie.

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

Re´fe´rences [1] [2]

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[Cerebral venous thrombosis and immune thrombocytopenia in a 7-year-old girl: a fortuitous association?].

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