Revue des Maladies Respiratoires (2013) 30, 856—867

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ScienceDirect www.sciencedirect.com

SÉRIE « EXPLORATION FONCTIONNELLE À L’EXERCICE » Coordonnée par B. Aguilaniu et B. Wallaert

Exploration fonctionnelle à l’exercice (EFX) et dyspnée inattendue Cardiopulmonary exercise testing and unexpected dyspnea B. Aguilaniu a,∗,b, G. Tercé c,d, B. Wallaert c,d a

Faculté de médecine, université Joseph-Fourrier, domaine de La Merci, avenue des Maquis de Grésivaudan, 38706 La Tronche cedex, France b Department of Physical Education, McGill University, Montréal, Canada c Service de pneumologie, centre hospitalier de Beuvry, rue Delbecque, 62408 Beuvry, France d Service de pneumologie et immunoallergologie, centre de compétence maladies pulmonaires rares, université Lille-2, cliniques des maladies respiratoires, hôpital Calmette, CHRU de Lille, boulevard Leclercq, 59037 Lille, France Rec ¸u le 20 aoˆ ut 2013 ; accepté le 25 septembre 2013 Disponible sur Internet le 6 novembre 2013

MOTS CLÉS Exercice ; Dyspnée ; Exploration fonctionnelle

KEYWORDS Cardiopulmonary exercise testing; Exercise; Dyspnea



Résumé L’EFX est l’examen de choix pour comprendre la dyspnée d’un patient sans antécédent notable. Les trois observations présentées illustrent l’intérêt majeur de l’EFX face à cette situation clinique fréquente. Un homme de 68 ans qui se plaint d’une dyspnée marquée au cours d’activités sportives de cyclotourisme l’empêchant de suivre le rythme de ses amis, un cycliste néo-professionnel de 25 ans handicapé par une dyspnée intense survenant lorsque la puissance de l’exercice est importante ; et une femme de 37 ans qui présente une dyspnée persistante 6 mois après son accouchement. Au cours de ces 3 situations, l’EFX permet de comprendre l’origine du symptôme et de proposer au patient des recommandations utiles sans multiplier les examens paracliniques. © 2013 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Cardiopulmonary exercise testing (CPET) is the examination of choice to understand mechanisms responsible for dyspnea in patients without significant medical history. The three observations illustrate the major interest of the CPET in this frequent situation in clinical practice. A 68-year-old man who has severe dyspnea in her leisure time hiking in

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Aguilaniu).

0761-8425/$ — see front matter © 2013 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2013.09.012

Interprétation illustrée des EFX

857 the mountains, a 25-year cyclist presenting disabling dyspnea follow competitors racing neoprofessional cyclists, and a 37-year woman who developed a persistent dyspnea, 6 months after delivery. In these three situations, CPET determined the disorder responsible for the symptoms without increasing the diagnostic tests. © 2013 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

L’EFX est l’examen de choix pour comprendre la dyspnée d’un patient sans antécédent notable. Les trois observations présentées illustrent l’intérêt majeur de l’EFX face à cette situation clinique fréquente. Dans ces 3 situations, l’EFX permet de comprendre l’origine du symptôme et de proposer au patient des recommandations utiles sans multiplier les examens paracliniques.

Cas clinique 1. Intolérance à l’effort persistante chez un vétéran sportif Mr. Rey âgé de 69 ans (1,75 m, 72 kg), décrit une difficulté grandissante à suivre ses congénères lors des ballades en moyenne montagne et surtout au cours des sorties de vélo. Il parcourt environ 800—1000 km de vélo par an depuis 3 ans, et fait 20 min de gymnastique le matin. La plainte est décrite comme une intolérance à l’effort associant un essoufflement important et une fatigabilité musculaire. Ce qui est plus douloureux pour lui, c’est qu’il arrive difficilement à suivre son épouse « qu’il ne souhaite pas quitter des yeux ». Il n’a aucun symptôme évocateur d’une pathologie musculaire et l’examen clinique est normal. Il ne prend aucun traitement pouvant interférer avec la fonction musculaire. Il a consulté un neurologue et un cardiologue qui n’ont pas retenu d’anomalies. L’hémogramme est normal, ainsi que les EFR (Tableau 1). Devant cette plainte persistante, une EFX est réalisée pour mieux comprendre cette situation (Tableau 2).

Tableau 1 Cas clinique 1. Valeurs fonctionnelles respiratoires et gaz du sang au repos en air ambiant.

CVF (L) VEMS (L) VEMS/CV (%) CPT (L) CRF (L) VR (L) VR/CPT (%) Dlco (mL.min1 .mmHg−1 ) PaO2 (mmHg) PaCO2 (mmHg) SaO2 (%) pH

Mesure

% prédite

4,98 3,59 72 8,67 4,18 3,26 37,5 29 87 38 97 7,42

126 118 96 126 115 126 91 110

Étape 1 : analyser les réponses fonctionnelles de l’EFX en répondant aux 7 questions suivantes Le VO2 est-il cohérent avec la puissance mécanique développée ? Les mesures de VO2 sont cohérentes avec les puissances mécaniques développées et la pente VO2 /Watt est satisfaisante à 9,9 mLO2 .watt−1 [1,2].

L’exercice est-il maximal ? Les symptômes sont très marqués avec une prédominance de la dyspnée qui augmente considérablement de 140 watts (Borg : 3/10) jusqu’à la puissance maximale de 190 watts (Borg : 10/10). La FCmax est 94 % de la FMT et la réserve ventilatoire est de 30 %. La lactatémie à 10 mmol.l−1 indique un effort intense au plan métabolique mais l’acidose est très modérée en raison de la baisse importante de PaCO2 à 29 mmHg [3].

Quelle est la signification clinique de VO2max ? La puissance mécanique maximale rapportée à la masse corporelle est élevée de 2,64 watt.kg−1 . La puissance métabolique maximale de 2,16 LO2 .min−1 ou 31,3 mLO2 .kg−1 .min−1 est supérieure d’environ 20 % aux valeurs moyennes de sujets sains de son âge. L’analyse de ses sorties de vélo indiquera que la puissance moyenne soutenue par le groupe est de l’ordre de 20 mLO2 .kg−1 .min−1 avec vraisemblablement des pointes de quelques minutes proches de 30 mLO2 .kg−1 .min−1 . On rappelle qu’un sujet en bonne condition physique est généralement capable de soutenir des puissances relatives de VO2max d’environ 75—80 %, 65—70 % et 55—60 % pour des durées respectives de 1, 2 et plus de 3 heures. Un cycliste rodé à la compétition amateur (parcourant 20—30 000 km/an) peut soutenir pendant une heure des intensités de 40 à 50 mLO2 .min−1 .kg 1 .

La réponse ventilatoire est-elle adaptée à l’exercice incrémental ? Le SV est repéré visuellement vers 140 watts alors que la dyspnée devient marquée (Borg > 5) vers 160 watts et un VO2 de 1,80 LO2 .min−1 . On ne retient pas d’hyperventilation disproportionnée mais elle devient franche à l’exercice maximal (VE/VO2max : 46). En dépit de cette HV marquée, la réserve ventilatoire est de 30 %, car les volumes pulmonaires de base sont élevés (CV : 126 % et VEMS : 118 %). Ainsi, la mesure de la courbe débit volume d’exercice (non montrée) ne retrouve pas de limitation expiratoire ou inspiratoire de débit, ni hyper-inflation dynamique (voir

858 Tableau 2

B. Aguilaniu et al. Cas clinique 1. Valeurs enregistrées au cours de l’EFX avec un incrément de 20 watts.min−1 . Repos stable

SV intermédiaire

Max

Max attendues

Puissance mécanique (watts) Dyspnée (Borg) Fatigue (Borg)

40 0,5 0

140 3 1

190 10 7,5

160

Réponse métabolique VO2 (LO2 .min−1 ) VO2 (mLO2 .min−1 .kg−1 ) RER pH Lactatémie (mmol.L−1 )

0,67 9,7 0,87 7,42 1,1

1,62 23,5 1,01 7,38

2,16 31,3 1,1 7,37 10,7

1,84 25,6

Réponse ventilatoire VE (L.min−1 ) VE/VO2 VE/VCO2 RV (%) VT (mL) VT/CVmax (%) FR (cpm)

27 40 46 81 1174 24 23

51 31 31 64 2217 45 23

100 46 42 30 2941 59 34

Échanges gazeux PAiO2 (mmHg) PaO2 (mmHg) P(Ai-a)O2 (mmHg) SaO2 (%) PaCO2 (mmHg) VD/VT (%)

108 97 11 97 34 27

110 94 16 98 36 23

121 97 24 97 29 25

Réponse cardio-circulatoire TAS/TAD (mmHg) FC (bpm) VO2 /FC (mLO2 .battement−1 )

120/70 80 8,4

180/100 128 12,7

200/110 156 13,8

> 15 60—70

33

28

165 11,1

Valeurs calculées VO2 /Watt (mLO2 .watt−1 ) FC/VO2 (batt.LO2 −1 )

Cas no 2). Le mode ventilatoire est d’ailleurs harmonieux sans tachypnée excessive (FR : 34) [4].

Les échanges gazeux pulmonaires sont-ils normaux ? En raison de l’HV PAiO2 augmente progressivement de 108 à 121 mmHg. La PaO2 reste stable à 97 mmHg de sorte que P(Ai-aO2 ) atteint une valeur maximale normale (par rapport à l’âge et la puissance) de 24 mmHg. L’espace mort rapporté au volume courant (VD/VT) est normal du repos (27 %) jusqu’à l’exercice maximal (25 %).

9,9 51

10,2 ± 2 < 50

Existe-t-il une acidose métabolique ? On ne constate pas d’acidose métabolique franche de fin d’exercice car le pH est à 7,37 en raison de l’hypocapnie à 29 mmHg. Néanmoins, le calcul confirme une diminution de la réserve alcaline de 20 à 190 watts de respectivement 21,3 à 16,2 mmol.L−1 [3].

Étape 2 : hiérarchiser les réponses fonctionnelles les plus significatives (de +++ à +) en se basant sur leur ampleur et leur pertinence par rapport à la plainte +++ : la capacité maximale aérobie normale

La réponse cardio-circulatoire est-elle adaptée et/ou limitante ? L’augmentation de la FC est normale jusqu’à une valeur maximale de 156 bpm (94 %) avec un pouls d’O2 satisfaisant. Le débit cardiaque maximal estimé est de 16,9 L.min−1 . L’évolution de la PA et de l’ECG était normale.

La capacité maximale aérobie est normale mais la dyspnée est très marquée. Elle est nette vers la puissance sousmaximale de 160 watts, soit à un VO2 de 1,80 LO2 .min−1 (25 mLO2 .kg−1 .min−1 ). Cette puissance correspond à la puissance moyenne soutenue par sa femme et le groupe avec lequel il fait ses sorties.

Interprétation illustrée des EFX

++ : les réponses fonctionnelles normales Les réponses fonctionnelles sont normales permettant d’éliminer formellement une pathologie cardio-pulmonaire.

Étape 3 : à partir des réponses fonctionnelles les plus significatives, proposer le (les) mécanisme(s) physiopathologique(s) en cause La dyspnée peut être attribuée à l’importance de l’hyperventilation au-delà de 140 watts. Aucune anomalie n’est retrouvée et il semble que la plainte soit essentiellement liée à la sollicitation trop importante du groupe face à son aptitude aérobie maximale et sa capacité endurante.

Étape 4 : quelles explorations supplémentaires ou quelles propositions thérapeutiques proposez-vous pour conforter vos hypothèses étiologiques ? • Aucune exploration complémentaire n’a été proposée au patient. • On suggéra au patient que ces compagnons de route dont sa femme avaient un entraînement très supérieur au sien, et on le rassura sur l’absence de pathologies à l’origine de ses symptômes.

Épilogue Le patient expliquait un peu plus tard : Docteur, vous aviez raison ! Vous me disiez « si votre femme est devant, elle a un entraînement supérieur au votre ». Je vous répondais « ben non, c’est pas possible, je le saurais, je ne la quitte pas des yeux ». En effet, nous roulons et marchons ensemble. J’oubliais simplement qu’elle fait une heure de jogging par semaine de l’année scolaire (pas les congés, il y a les petits enfants) au petit matin sur le plateau de Champagnier. . .Voila ! Bien cordialement. On apprenait que ses compagnons de route totalisaient annuellement environ 2500—3000 km par an, et que son épouse (plus jeune de 8 ans), en plus d’une sortie hebdomadaire de vélo (que son mari fait irrégulièrement), fait un footing hebdomadaire d’une heure à une vitesse moyenne estimée de 8,5 km.h−1 soit à une puissance de course d’environ 30 mLO2 .min−1 .kg−1 , suggérant un VO2max d’environ 36—39 mLO2 .min−1 .kg−1 car un footing de cette durée se court à une puissance d’environ 70—80 % de VO2max [1].

Conclusion du cas 1 Dans cette observation, l’EFX permettait d’éliminer formellement une pathologie cardio-pulmonaire et de rassurer le patient et le médecin généraliste qui craignait que la persistante de la plainte soit un argument en faveur d’une pathologie sous-jacente. Le décalage d’aptitude entre ce patient de 69 ans et les membres du groupe plus jeune, comme son épouse de 8 ans, doit faire aussi évoquer le déclin de la fonction musculaire qui devient significatif au cours de cette décade [5].

859

Cas clinique 2. Dyspnée inexpliquée chez un jeune cycliste de compétition Mr. Agr, âgé de 25 ans (1,75 m, 61 kg), est adressé par son pneumologue pour une EFX afin de répondre à l’inquiétude de ce jeune sportif qui ressent depuis environ 16 mois des difficultés à suivre les concurrents de courses cyclistes néo-professionnelles. Il avait pourtant connu des succès jusqu’à l’an dernier, mais le passage dans la catégorie supérieure ne s’avère pas aussi satisfaisant que prévu. Il décrit précisément un blocage respiratoire au moment des sprints en côte, suivi presque systématiquement par une sensation de jambes coupées. Compte tenu de l’intensité de la course, la survenue de ces symptômes entraîne un décrochage immédiat et parfois l’abandon de la compétition. Il n’a pas d’antécédent médical récent mais il relate des problèmes bronchiques dans l’enfance mis sur le compte d’une prématurité légère. Un asthme a été évoqué à plusieurs reprises avec la prescription de Ventoline® d’autant qu’un test à la métacholine était positif avec une chute du VEMS de 20 % pour une concentration de 4 mg.mL−1 (technique de Wright). Les tests cutanés aux pneumallergènes étaient négatifs. La radiographie thoracique, le bilan cardiaque (ECG effort — échographie cardiaque) étaient normaux à plusieurs reprises. Plusieurs tests d’effort, bilans biologiques incluant les dosages de vitamines et d’oligo-éléments ont été réalisés par différents laboratoires hospitaliers spécialisés dans le suivi des sportifs de haut niveau. L’ensemble des examens était normal et le diagnostic concluait à un entraînement insuffisant pour la catégorie actuelle. L’examen clinique est normal et l’hémoglobine était à 14,5 g.dL−1 . Les valeurs fonctionnelles respiratoires (EFR) sont rapportées dans le Tableau 3. L’EFX (Tableau 4) était réalisée pour reproduire les symptômes et comprendre la(les) cause(s) de la dyspnée et de la limitation de la capacité fonctionnelle retenue alors que ce sujet parcourait 17 à 19 000 km par an.

Tableau 3 Cas clinique 2. Valeurs fonctionnelles respiratoires et gaz du sang au repos en air ambiant.

CVF (L) VEMS (L) VEMS/CV (%) CPT (L) CRF (L) VR (L) VR/CPT (%) Dlco (mL.min1 .mmHg−1 ) PaO2 (mmHg) PaCO2 (mmHg) SaO2 (%) pH

Mesure

% prédite

4,58 3,86 84 6,62 3,25 2,04 31 29,5 90 39 98 7,43

90 89 102 96 101 121 124 87

860 Tableau 4

B. Aguilaniu et al. Cas clinique 2. Valeurs enregistrées au cours de l’EFX avec un incrément de 20 watts.min−1 . Stable

Intermédiaire

Max

Valeurs maximales attendues

Puissance mécanique (watts) Dyspnée (Borg) Fatigue (Borg)

40 0 0

240 4 2

280 7 4

250

Réponse métabolique VO2 (LO2 .min−1 ) VO2 (mLO2 .min−1 .kg−1 ) RER pH Lactatémie (mmol.L−1 )

0,89 14,6 0,94 7,5 1,2

3,04 49,8 0,97 7,45

3,566 58,5 1,08 7,4 7,4

2,83 46,3

Réponse ventilatoire VE (L.min−1 ) VE/VO2 VE/VCO2 RV (%) VT (mL) VT/CVmax (%) FR (cpm)

28 31 33 82 1273 28 22

77 25 26 50 2484 54 31

105 29 27 32 2561 56 41

Échanges gazeux PAiO2 (mmHg) PaO2 (mmHg) P(Ai-a)O2 (mmHg) SaO2 (%) PaCO2 VD/VT (%)

109 89 20 97 36 17

108 72 36 94 38 7

112 69 43 93 38 13

Réponse cardio-circulatoire TAS/TAD (mmHg) FC (bpm) VO2 /FC (mLO2 .battement−1 )

150/70 88 10,1

160/80 178 17,1

180/90 186 19,2

> 15 60—70

26

10

194 14,6

Valeurs calculées VO2 /Watt (mLO2 .watt−1 ) FC/VO2 (batt.L.O2 −1 )

Étape 1 : analyser les réponses fonctionnelles de l’EFX en répondant aux 7 questions suivantes Le VO2 est-il cohérent avec la puissance mécanique développée ? Les mesures de VO2 sont cohérentes avec la puissance mécanique développée avec une pente VO2 /Watt satisfaisante à 11,2 mLO2 .watt−1 .

L’exercice est-il maximal ? L’arrêt de l’exercice est essentiellement lié à la dyspnée jugée très sévère (Borg : 7/10). On ne retient pas de critère formel de limitation fonctionnelle surtout chez un sportif de haut niveau (FCmax = 186 vs FNT 196 bpm, réserve ventilatoire de 32 %). Enfin, on s’attendrait à une acidose métabolique franche alors que le pH reste vers 7,40 alors que la PaCO2 est relativement élevée à 38 mmHg en raison d’une hypoventilation alvéolaire relative (cf.infra).

11,2 37

10,2 ± 2 < 50

Quelle est la signification clinique de VO2max ? La puissance mécanique maximale rapportée à la masse corporelle est élevée de 4,6 watt.kg−1 . La puissance métabolique maximale de 3,5 LO2 .min−1 et 58 mLO2 .kg−1 .min 1 est élevée mais insuffisante pour le niveau de compétition auquel il prétend. Le passage de cols en sprint peut correspondre à des puissances métaboliques supérieures.

La réponse ventilatoire est-elle adaptée à l’exercice incrémental ? Le SV n’est pas déterminé car la transition de l’hyperpnée à l’hyperventilation n’est pas franche en raison d’une hypoventilation alvéolaire relative. Ceci est reflété par VE/VO2max à 29 alors que VE pourrait atteindre 40 fois la valeur de VO2 soit 140 L.min 1 , mais aussi le maintien de la PaCO2 à la valeur de départ. On retient que l’hyperventilation au cours des 40 derniers watts est due essentiellement à l’augmentation de FR (FR : de 31 à 41 cyc.min−1 ) alors que le volume courant stagne à 2,56 L. soit 56 % de la CVmax .

Interprétation illustrée des EFX

Les échanges gazeux pulmonaires sont-ils normaux ? On constate la constitution progressive d’une hypoxémie d’exercice (PaO2max = 69 mmHg et SaO2max = 93 %) conséquence de l’hypoventilation alvéolaire, mais surtout d’un trouble de diffusion de l’oxygène qui s’accentue de l’état stable à l’exercice maximal avec P(Ai-aO2 ) de 20 à 43 mmHg. L’espace mort rapporté au volume courant (VD/VT) est normal du repos jusqu’à l’exercice maximal avec une augmentation légère due à la tachypnée.

La réponse cardio-circulatoire est-elle adaptée et/ou limitante ? L’augmentation de la FC est normale jusqu’à une valeur maximale de 186 bpm avec un pouls d’O2 maximal supérieur à la valeur attendue. Le débit cardiaque maximal estimé est de 24,6 L.min−1 . Le volume d’éjection systolique peut aussi être estimé vers 140 mL à partir du calcul de Qc et de FC mais aussi en attribuant une valeur attendue de D(av)O2 de 140 mLO2 .mL−1 . L’évolution de la PA et de l’ECG était normale.

Existe-t-il une acidose métabolique ? On ne constate pas d’acidose de fin d’exercice car le pH est à 7,40. Néanmoins, le calcul confirme une baisse légère de la réserve alcaline (de 40 à 280 watts) de respectivement 28,6 à 22,8 mmol.L−1 .

Étape 2 : hiérarchiser les réponses fonctionnelles les plus significatives (de +++ à +) en se basant sur leur ampleur et leur pertinence par rapport à la plainte +++ : la limitation de l’aptitude aérobie La capacité aérobie maximale est principalement limitée par la dyspnée qui évolue rapidement de Borg 4 à Borg 7 en 40 watts, ce qui est inhabituel chez le sportif de compétition.

++ : le mode ventilatoire Même si l’hypoventilation alvéolaire relative peut être considérée comme une adaptation d’épargne de l’hyperventilation, on remarque que le mode ventilatoire devient tachypnéique avec un plafonnement de VT alors que la réserve ventilatoire est encore conséquente. Cela suggère la présence d’une contrainte ventilatoire à l’origine de la réponse ventilatoire atténuée.

+ : les échanges gazeux Le trouble de diffusion pulmonaire est franc et traduit probablement la présence d’une déficience structurelle ou fonctionnelle pulmonaire. Néanmoins, on ne peut retenir ce désordre comme la cause de la dyspnée en l’absence d’hyperventilation compensatrice.

861

Étape 3 : A) À partir des réponses fonctionnelles significatives, proposer le (les) mécanisme(s) physiopathologique(s) en cause. B) Proposer les étiologies qui paraissent compatibles avec le contexte clinique et les explorations morphologiques (et EFR) disponibles A : en l’absence d’hyperventilation excessive, la dyspnée peut être attribuée à une contrainte ventilatoire survenant au-delà de 240 watts ou d’un débit ventilatoire de 80 L.min−1 . B : les antécédents de prématurité, l’hyperréactivité bronchique et la présence d’une distension thoracique légère (VR/CPT : 124 % prédite) doivent faire rechercher une pathologie obstructive périphérique pouvant se traduire par une distension thoracique d’exercice à l’origine de la dyspnée même si la CRF de repos est normale. Par ailleurs, le trouble de diffusion pulmonaire pourrait être due aussi à une inhomogénéité de la mixique alvéolaire au cours de l’exercice après avoir éliminé une cause vasculaire pulmonaire, voire interstitielle. Il peut s’agir d’une limitation ventilatoire (peut être aussi diffusionnelle) liée à un phénomène de synmorphose, c’està-dire d’un décalage entre la capacité fonctionnelle et la demande.

Étape 4 : quelles explorations supplémentaires ou quelles propositions thérapeutiques proposez-vous pour conforter vos hypothèses étiologiques ? Le scanner thoracique avec injection en coupes millimétriques, couplées à une étude en expiration permettra de reconnaître une éventuelle pathologie bronchiolo-alvéolaire compatible avec l’augmentation du VR et le trouble de diffusion de l’oxygène et d’éliminer une embolie pulmonaire. L’analyse des courbes débit/volume à l’exercice lors d’une deuxième EFX incrémentale est proposée pour obtenir une puissance plus élevée et vérifier si la suspicion de limitation ventilatoire se confirme. Elle sera complétée par une mesure répétée de la capacité inspiratoire pour vérifier s’il existe une distension thoracique et son ampleur.

Épilogue Le scanner thoracique était normal sans argument morphologique pour une atteinte bronchique périphérique, interstitielle ou vasculaire. L’analyse des courbes débits-volumes successives jusqu’à la puissance précédemment atteinte de 280 watts (Fig. 1) confirmait la reproductibilité du mode ventilatoire avec un plafonnement de VT à 2,6 L et un débit ventilatoire de 10 L.min−1 . On ne mettait pas en évidence d’hyperinflation dynamique (HDy) car le volume pulmonaire de fin d’expiration était inchangé à chaque puissance, malgré la possibilité d’une limitation expiratoire de débit (LED) suspectée par le dépassement du VT au-delà de la courbe enveloppe maximale de repos (en rouge). Sur le versant inspiratoire, le débit inspiratoire maximal (DIM) atteint

862

B. Aguilaniu et al. Tableau 5 Cas clinique 2. Estimations du débit cardiaque (Qc), du volume capillaire pulmonaire (VC) du temps de transit pulmonaire moyen (TTP) à 3 puissances d’exercice successives [6]. Puissance (watts) −1

Qc (L.min ) VC (mL) TTP (s)

Figure 1. Évolution de la courbe débit volume du volume courant au cours de l’exercice incrémental jusqu’à la puissance de 280 watts avec un débit ventilatoire de 107 L.min−1 .

par la courbe débit volume d’exercice était à 76 % du débit inspiratoire de pointe (DIP) mesurée au repos. À la puissance supérieure de 300 watts (Fig. 2), le volume courant restait à 2,6 L. alors que VE atteint 130 L.min−1 par l’accentuation de la tachypnée (FR : 51 cyc.min−1 ). La LED était cette fois-ci nette, marquée par la rectitude de la partie expiratoire de VT qui trac ¸ait (trait bleu en pointillé) la véritable « butée des débits ». Le dépassement du VT d’exercice au-delà de la CDV forcée de repos pouvait témoigner d’un phénomène physiologique de bronchodilation induit par l’exercice ou d’une compression dynamique des bronches lors de la manœuvre expiratoire forcée. En dépit de ces contraintes expiratoires, on ne constatait pas d’hyper-inflation dynamique, voire même une légère diminution du volume pulmonaire de fin d’expiration de sorte que la capacité inspiratoire gagnait environ 100 mL en fin d’exercice passant de 800 à 900 mL. Ceci était possible grâce à la forte activation des muscles abdominaux au cours de

Figure 2. Évolution de la courbe débit volume du volume courant au cours de l’exercice incrémental mené jusqu’à la puissance de 300 watts et un débit ventilatoire de 130 L.min−1 .

40

240

280

9,9 88 0,54

21,7 102 (+15 %) 0,28

24,6 115 (+30 %) 0,28

l’expiration. L’absence de distension thoracique dynamique était vraisemblablement la conséquence d’une limitation inspiratoire de débit suspectée visuellement par la superposition des débits inspiratoires du volume courant d’exercice et de la courbe débit volume forcée, et par un rapport pif/DIP voisin de 1. Sans mesure des pressions inspiratoires et expiratoires maximales, on pouvait néanmoins estimer que les pressions intrathoraciques générées au cours de l’exercice atteignaient quasiment les pressions maximales générées au cours de la manœuvre de la courbe débit volume forcée. On constatait donc que l’augmentation du débit ventilatoire et particulièrement des débits expiratoires et inspiratoires étaient contraints par les capacités ventilatoires intrinsèques du système thoraco-pulmonaire. La limitation ventilatoire et la dyspnée étaient bien la conséquence d’un phénomène de synmorphose chez un sujet dont les dimensions structurelles du thorax ne permettent pas de générer une réponse ventilatoire adaptée à la demande de l’exercice. L’ensemble de ces mécanismes se traduit par une charge inspiratoire élevée proche de la capacité maximale du système thoraco-pulmonaire. Il est probable que la sensation de « jambes coupées » décrite par ce jeune patient soit en rapport avec une réduction relative à l’exercice intense du débit sanguin des membres inférieurs. Ce mécanisme a en effet été démontré chez l’athlète soumis expérimentalement soit à une charge résistive inspiratoire soit au contraire à une aide inspiratoire ajustée [7]. Dans ces deux circonstances, on observait respectivement une accentuation ou une réduction de la dyspnée et de la fatigue musculaire concomitamment à la réduction ou à l’augmentation du débit sanguin des membres inférieurs. Si le trouble de diffusion ne pouvait pas être incriminé dans la genèse de la dyspnée, on pouvait faire l’hypothèse que la dimension de la capacité de diffusion était, elle aussi, sous-dimensionnée pour le débit cardiaque atteint. En effet, la valeur de Dlco permettait de prédire un volume capillaire pulmonaire de 88 mL (Tableau 5). En admettant une augmentation de VC de 15 à 30 %, on observait, au-delà d’un débit cardiaque de 20 L.min−1 , que le temps de transit pulmonaire moyen était trop bref (0,28 s) pour permettre de maintenir un transfert d’oxygène équivalent à celui observer pour un débit cardiaque inférieur. On voit donc que la valeur dite normale de la Dlco (90 % prédite) ne doit pas faire penser que la capacité de diffusion est adaptée forcément à la demande. L’origine de cette limitation est peut être en rapport avec les antécédents de prématurité. Comme la dyspnée et la limitation à l’exercice ne sont pas en rapport avec cette limitation, nous n’avons pas engagé ce patient dans cette réflexion qui n’aboutira pas à une proposition susceptible de répondre à sa plainte.

Interprétation illustrée des EFX

863

Figure 4. Tomodensitométrie thoracique coupe axiale en fenêtre parenchymateuse pulmonaire, au niveau des veines pulmonaires inférieures. Adénopathies hilaires bilatérales. Micronodulation (Pr Rémy-Jardin).

Figure 3. Radiographie thoracique de face. Hypertrophie hilaire bilatérale.

Conclusion du cas 2 Dans cette observation, l’EFX permettait de comprendre le mécanisme de l’intolérance à l’effort intense en démontrant l’impossibilité de développer un volume courant et de générer des débits ventilatoires inspiratoires et expiratoires plus élevés. Il s’agit donc d’une limitation ventilatoire pure alors que la présence d’une réserve ventilatoire (estimée par le calcul empirique : VEMS × 40) ne permet pas de le suspecter. La dyspnée, décrite comme une blockpnée à l’exercice maximal est probablement en rapport avec l’augmentation brutale des résistances au flux inspiratoires et expiratoires. Il existe aussi probablement une accentuation de la charge élastique pulmonaire en raison de la diminution du volume de réserve inspiratoire.

Cas clinique 3. Dyspnée d’effort et sarcoïdose médiastino-pulmonaire Mme Had, âgée de 37 ans (1,62 m, 41 kg), consultait en mai 2009 pour toux sèche trainante et dyspnée d’effort. Elle était enceinte de 5 mois. La toux évoluait depuis environ 3 ans mais s’était majorée ces dernières semaines, résistant à une corticothérapie inhalée. La dyspnée gênait sa vie quotidienne. On retrouvait dans les antécédents l’existence d’une parotidite dont l’évolution avait été spontanément favorable. L’examen clinique était normal. La radiographie du thorax (Fig. 3) mettait en évidence une fine micronodulation avec des adénopathies médiastinales. La spirométrie montrait : CVF : 65 % ; VEMS : 76 %. Le test quantiféron et l’IDR à la tuberculine étaient négatifs. Il existait une

anémie ferriprive (hémoglobine : 9,1 gr/dl). Le diagnostic de sarcoïdose était évoqué. La dyspnée était rattachée à la grossesse (dyspnée aggravée par l’anémie), la toux était rattachée à la sarcoïdose, possiblement aggravée par un reflux gastro-œsophagien (grossesse en cours). La patiente était revue 3 mois après l’accouchement. Cliniquement la dyspnée d’effort persistait pour les activités de la vie quotidienne (MRC 2) sans amélioration depuis l’accouchement. Le scanner thoracique sans injection était compatible avec une sarcoïdose (Fig. 4) confirmant la micronodulation et les adénopathies médiastinales. Le diagnostic histologique de granulome sarcoïdosique était affirmé sur par la biopsie de glandes salivaires labiales. L’examen clinique restait normal. L’hémoglobine était normale à 14,5 g.dL−1 et l’enzyme de conversion de l’angiotensine était élevée à 94 UI/L. Les valeurs fonctionnelles respiratoires (EFR) sont rapportées dans le Tableau 6. Elle parcourait 330 m en 6 min avec un nadir de SpO2 à 94 %. L’EFX était réalisée pour la

Tableau 6 Cas clinique 3. Valeurs fonctionnelles respiratoires et gaz du sang au repos en air ambiant.

CVF (L) CVL (L) VEMS (L) VEMS/CV (%) CPT (L) CRF (L) VR (L) VR/CPT (%) Dlco (mL.min1 .mmHg−1 ) VA He (L) VC (mL) PaO2 (mmHg) PaCO2 (mmHg) SaO2 (%) pH

Mesure

% prédite

2,97 2,97 2,52 85 4,60 2,91 1,63 35 14,1 3,79 45 93 31 96 7,45

89 88 88 103 94 109 107 104 54 80 63

864 Tableau 7

B. Aguilaniu et al. Cas clinique 3. Valeurs enregistrées au cours de l’EFX avec un incrément de 10 watts.min−1 . Repos stable

SV intermédiaire

Max

Valeurs attendues au pic

Puissance mécanique (watts) Dyspnée (Borg) Fatigue (Borg)

0 0 0

50 4 2

70 7 4

97

Réponse métabolique VO2 (LO2 .min−1 ) VO2 (mL.min−1 .kg−1 ) RER pH Lactatémie (mmol.L−1 )

0,252 7,3 0,73 7,42 1,1

0,820 16,7 1,01 7,43

1,07 26 1,10 7,38 6,2

1,371 34

Réponse ventilatoire VE (L.min−1 ) VE/VO2 VE/VCO2 RV (%) VT (mL) VT/CVmax (%) FR (cpm)

9,1 30 41 91 621 21 16

30,5 44 44 70 847 28 38

50,5 47 43 50 1232 41 43

Échanges gazeux PAiO2 (mmHg) PaO2 (mmHg) SaO2 (%) P(Ai-a)O2 (mmHg) PaCO2 (mmHg) VD/VT (%)

103 94 95 9 35 26

118 101 96 17 33 30

118 97 96 21 35,5 35

Réponse cardio-circulatoire FC (bpm) TAS/TAD (mmHg) VO2 /FC (mLO2 .batt −1 )

76 106/70 3,9

107 116/70 6,4

131 140/80 8,1

VO2 /watt (mLO2 .batt FC/VO2 (batt.LO2 −1 )

−1

)

limitation sévère de la capacité fonctionnelle de travail et comprendre les mécanismes responsables de la dyspnée d’effort (Tableau 7).

Étape 1 : analyser les réponses fonctionnelles de l’EFX en répondant méthodiquement aux questions suivantes. Le VO2 est-il cohérent avec la puissance mécanique développée ? Les mesures de VO2 sont cohérentes avec la puissance mécanique développée (environ 1 L de VO2 pour une puissance de 70 watts). Le rapport VO2 /watt est normal à 11 mLO2 /watt.

> 15 60—70

17—19 16 182

Valeurs observées

Théoriques

11 71

10,2 ± 2 < 50

cardiaque maximale n’est pas atteinte (Fc = 72 % de la FMT), et la réserve ventilatoire est de 50 % soit 50 L.min−1 . Néanmoins, il existe une hyperventilation excessive franche car VE/VO2 à 50 watts est de 44 et 47 à 70 watts. Le RER est cependant relativement peu élevé à 1,10 et la baisse du pH est légère (−0,04 unité).

Quelle est la signification clinique de VO2max ? La puissance mécanique maximale rapportée à la masse corporelle est modeste de 1,71 watt.kg−1 . Le VO2SL est de 26 mLO2 .min−1 .kg−1 soit 7,4 METs. Cette puissance métabolique maximale correspond à une vitesse de marche maximale estimée à 6,4 km.h−1 en terrain plat. À 50 watts, la dyspnée est « peu sévère » alors que la puissance métabolique correspond à une vitesse de marche de 3,8 km.h−1 en terrain plat.

L’exercice est-il maximal ? L’exercice est jugé maximal sur des critères de tolérance clinique puisque le sujet justifie son arrêt par une dyspnée très sévère (Borg : 7/10). En revanche, on ne retient pas de critère de limitation fonctionnelle. En effet, la fréquence

La réponse ventilatoire est-elle adaptée à l’exercice incrémental ? L’hyperventilation au niveau du SV est légèrement excessive d’environ 23 % par rapport à la valeur attendue (à 50 watt,

Interprétation illustrée des EFX VE est de 30 L.min−1 pour une valeur moyenne attendue d’environ 23 L.min−1 ). À l’exercice maximal, l’hyperventilation excessive persiste (VE/VO2 = 47), mais la réserve ventilatoire reste malgré tout importante (50 L.min−1 ). L’hyperventilation est à tendance tachypnéique (FR : 43 cyc.min−1 ) pour un volume courant à 39 % de la CV alors que l’exercice est sous-maximal.

Les échanges gazeux pulmonaires sont-ils normaux ? PaO2 , P(Ai-aO2 ) et SaO2 sont normaux du repos à l’exercice maximal. La PaCO2 est basse du repos à l’exercice maximal. L’espace mort rapporté au volume courant (VD/VT) est normal au repos puis augmente jusqu’à 35 % en fin d’exercice, pour une valeur attendue à cet âge aux alentours de 15 %, suggérant la présence de zones pulmonaires ventilées et peu ou pas perfusées.

La réponse cardio-circulatoire est-elle adaptée et/ou limitante ? À partir d’une valeur de repos normale, l’augmentation de la FC est normale jusqu’à une valeur maximale de 131 bpm laissant une réserve chronotrope de 18 %. Le pouls d’O2 maximal est normal. Le rapport FC/VO2 est élevé (71) en faveur d’une réponse cardiaque hyperkinétique. Le profil tensionnel et l’ECG sont normaux.

Existe-t-il une acidose métabolique ? Le pH est normal au repos et baisse légèrement en fin d’exercice.

Étape 2 : hiérarchiser les réponses fonctionnelles les plus significatives (de +++ à +) en se basant sur leur ampleur et leur pertinence par rapport à la plainte +++ : l’augmentation progressive de VD/VT L’augmentation progressive de VD/VT est l’anomalie fonctionnelle la plus marquante, même si l’augmentation plus marquée de la FR peut expliquer une partie de ce phénomène.

++ : la capacité maximale La capacité maximale est modeste avec un SV qui survient à une puissance métabolique faible.

+ : l’hyperventilation modérée et la tachycardie L’hyperventilation modérée et la tachycardie (FC/VO2 : 70) sont notables alors que les réserves ventilatoire (50 %) et cardiaque (30 %) sont importantes, ce qui attestent d’un ajustement inadapté des réponses fonctionnelles compatibles avec un déconditionnement à l’exercice.

865

Étape 3 : A) À partir des réponses fonctionnelles les plus significatives, proposer le (les) mécanisme(s) physiopathologique(s) en cause. B) Proposer les étiologies qui paraissent compatibles avec le contexte clinique et les explorations morphologiques (et EFR) disponibles. A : l’augmentation significative de l’espace mort au cours de l’effort est évocatrice d’un déficit de la perfusion dans des zones ventilées (zones à rapport VA/Q élevé). B : l’augmentation de VD/VT, sans trouble de diffusion de l’oxygène (gradient alvéolo-artériel en oxygène normal) est en faveur d’un déficit de perfusion focalisé et périphérique. Parmi les étiologies possibles, certaines peuvent être éliminées ou orientées par le contexte clinique : • une embolie pulmonaire. La survenue d’une embolie pulmonaire dans un contexte de grossesse est fréquente (1 pour 1000 à 1 pour 2000) [8], alors que la grossesse n’est pas un facteur d’aggravation de la sarcoïdose. Les poussées évolutives se font à distance le plus souvent [9]. Il existe, par contre, une association privilégiée entre embolie pulmonaire et sarcoïdose [10,11]. Elle serait attribuée à la présence de facteurs pro-coagulants (activation de la thrombine et formation de fibrine par les macrophages et les leucocytes), à la présence d’anticorps antiphospholipides, plus fréquemment associés à la sarcoïdose (38 % dans la sarcoïdose contre 2 à 5 % dans la population générale) ou à l’utilisation des corticoïdes. Certains ont décrit la survenue de thromboses vasculaires secondaires à des granulomes vasculaires. Parfois, la compression extrinsèque de l’arbre vasculaire par une adénomégalie montre un aspect de défect perfusionnel à la scintigraphie de ventilation perfusion, sans EP retrouvée à l’angioscanner thoracique [12] ; • une hypertension pulmonaire (HTP) débutante. Toutes étiologies confondues, la prévalence de l’HTP dans la sarcoïdose n’excède pas 5 %. Elle est fréquente chez les patients au stade de fibrose pulmonaire (IV) en attente de transplantation (jusque 75 % des patients). À ce stade, elle est liée à la destruction du lit artériel associée à la fibrose pulmonaire ainsi qu’à la vasoconstriction de l’hypoxémie chronique [13]. Plus rarement, elle peut survenir à un stade précoce de la maladie et d’autres mécanismes sont alors possibles : compression extrinsèque des structures vasculaires par des adénopathies ou par de la fibrose médiastinale, obstruction vasculaire au niveau septal par des granulomes ou de la fibrose périvasculaires, destruction vasculaire par une vascularite granulomateuse nécrosante, dysfonction cardiaque gauche avec HTP post-capillaire lors d’une atteinte cardiaque de la sarcoïdose, ou hypertension porto-pulmonaire, secondaire à une atteinte hépatique, sarcoïdosique ou autre [14]. Notons cependant qu’au cours de l’HTP, le trouble de diffusion pulmonaire est au premier plan ce qui n’est pas le cas ici ; • une inadéquation ventilation/perfusion à haut VA/Q : par diminution relative du débit sanguin pulmonaire dans des zones à ventilation conservée [15].

866

B. Aguilaniu et al. Tableau 8 Cas clinique 3. Évolution des grandeurs de l’EFX avant et après traitement anticoagulant.

Puissance (watts) VO2 (L.min−1 ) VE (L.min−1 ) VD/VT (%) P(Ai-a)O2 (mmHg)

Mars 2010

Novembre 2010

70 1,07 51 35 21

75 1,11 46 27 14

• le bilan de thrombophilie mettait en évidence un déficit en Protéine S. L’échographie cardiaque était normale sans arguments directs ou indirects pour une HTP ou une localisation cardiaque de la sarcoïdose. L’IRM cardiaque n’a pas été réalisée en l’absence d’argument en faveur de ce diagnostic (ECG, pouls d’oxygène normal).

Épilogue Après 6 mois de traitement anticoagulant et à distance de l’embolie pulmonaire, la dyspnée était améliorée. L’EFX de contrôle confirmait la diminution du rapport VD/VT de 35 à 27 % (Tableau 8), témoignant de l’amélioration de la perfusion pulmonaire. L’hyperventilation à charge identique était moindre. Le scanner confirmait la normalité de l’arbre vasculaire pulmonaire jusqu’en sous-segmentaire. Figure 5. Scintigraphie de perfusion. Cliché en oblique postérieure gauche. Défect lingulaire (flèche).

La réserve chronotrope importante avec une valeur normale du pouls d’oxygène peut être liée à l’arrêt précoce de l’exercice pour dyspnée sans critère formel de maximalité malgré l’hyperventilation. On ne retient pas d’argument faisant suspecter une limitation cardio-circulatoire. Néanmoins, dans le contexte de sarcoïdose, on peut évoquer une insuffisance chronotrope [16].

Étape 4 : quelles explorations supplémentaires ou quelles propositions thérapeutiques proposez-vous pour conforter vos hypothèses étiologiques ? La patiente est jeune et se plaint de la dyspnée au cours de la grossesse. Il s’agit d’une situation fréquente et les mécanismes de la dyspnée ont été récemment décrits [17]. Dans cette observation la constatation d’une augmentation de VD/VT doit faire évoquer plutôt l’hypothèse d’une embolie pulmonaire car une HTP symptomatique s’accompagnerait d’un trouble de diffusion franc, même si la sarcoïdose médiastino-pulmonaire est parfois associée à une hypertension pulmonaire ou d’une localisation cardiaque : • la scintigraphie confirmait l’embolie pulmonaire lingulaire (Fig. 5) ; • l’écho-Doppler veineux des membres inférieurs ne montrait pas de signe de thrombophlébite ;

Conclusion du cas 3 Dans cette observation, l’intérêt de l’EFX est d’orienter le diagnostic étiologique de la dyspnée vers d’autres étiologies que la sarcoïdose médiastino-pulmonaire ou le déconditionnement à l’exercice [18]. L’augmentation isolée de l’espace mort, non expliquée par un mode ventilatoire tachypnéique a fait rechercher une thrombose vasculaire pulmonaire périphérique. La valeur basse de la Dlco (14 mL.min1 .mmHg−1 ) liée essentiellement à la raréfaction vasculaire pulmonaire (VC : 45 mL), serait responsable d’une hypoxémie si la patiente était capable de développer un débit cardiaque plus élevé [6]. L’étiologie de cette valeur basse n’a pas été recherchée mais il peut s’agir de micro thromboses distales infra scintigraphiques.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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[Cardiopulmonary exercise testing and unexpected dyspnea].

Cardiopulmonary exercise testing (CPET) is the examination of choice to understand mechanisms responsible for dyspnea in patients without significant ...
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