Annales de dermatologie et de vénéréologie (2014) 141, 164—166

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

DOCUMENT ICONOGRAPHIQUE

Syndrome de Buschke-Ollendorff Buschke—Ollendorff syndrome Y. Socrier a, A.-R. Wann a, M.-L. Sigal b, M. Grossin a, E. Mahé b,∗ a

Service d’anatomie et cytologie pathologiques, centre hospitalier Victor-Dupouy, 69, rue du Lieutenant-Colonel-Prudhon, 95107 Argenteuil cedex, France b Service de dermatologie, centre hospitalier Victor-Dupouy, 69, rue du Lieutenant-Colonel-Prudhon, 95107 Argenteuil cedex, France Rec ¸u le 2 septembre 2013 ; accepté le 4 octobre 2013 Disponible sur Internet le 9 novembre 2013

Observation Un garc ¸on de 11 ans consultait pour des papules des cuisses et des fesses évoluant depuis plusieurs années. Il ne se plaignait d’aucune gêne fonctionnelle et pratiquait le cyclisme en compétition. À l’interrogatoire, des lésions similaires étaient connues chez sa sœur et son grand-père paternel. Ses deux parents souffraient de psoriasis. L’examen clinique retrouvait des nappes de papules de couleur peau normale, à peine visible sur la fesse gauche (Fig. 1), la région lombaire droite et la face externe de la cuisse gauche (ces lésions n’étaient pas connues de la maman). Le reste du tégument, des muqueuses, des phanères et de l’examen clinique était strictement normal. L’hypothèse émise était celle d’hamartomes conjonctifs. L’examen histologique d’une biopsie d’une papule de la fesse montrait un épiderme sensiblement normal. Dans le derme sous-jacent, il existait une importante fibrose intéressant toute l’épaisseur du derme et s’étendant à la partie superficielle de l’hypoderme (Fig. 2). La coloration au trichrome de Masson soulignait des faisceaux collagéniques très épaissis. La coloration de l’Orcéine mettait en évidence un réseau de fibres élastiques dystrophiques, épaissies,



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Mahé).

enchevêtrées sur toute l’épaisseur du derme (Fig. 3). Cet aspect confirmait le diagnostic de fibro-élastome. Une radiographie des os longs réalisée secondairement mettait en évidence des ponctuations de l’épiphyse tibiale supérieure (Fig. 4) et inférieure, appelée ostéopoïkilose. Le diagnostic de syndrome de Buschke-Ollendorff était donc posé.

Commentaires Le syndrome de Buschke-Ollendorff est une affection héréditaire bénigne, à transmission autosomique dominante, d’expressivité variable, décrite initialement en 1928 [1]. Il associe des hamartomes conjonctifs cutanés et osseux. Au sein d’une même famille, les lésions cutanées ou osseuses peuvent être absentes. L’âge de découverte peut être extrêmement variable, soit dans l’enfance, soit plus tardivement. Le diagnostic est confirmé par la notion d’atteinte familiale, l’analyse histologique des lésions cutanées et l’examen radiologique des os [2—5]. Les lésions cutanées du syndrome de Buschke-Ollendorff correspondent à des hamartomes conjonctifs, collagénomes ou fibro-élastomes en fonction de l’aspect histologique prédominant. Elles sont de couleur peau normale ou légèrement jaunâtre. Elles peuvent passer inaperc ¸ues car sont asymptomatiques et souvent à peine visibles. Leur nombre peut

0151-9638/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2013.10.027

Syndrome de Buschke-Ollendorff

Figure 1. Lésions papuleuses couleur peau normale, en nappe, de la fesse (le halo inflammatoire est secondaire à l’application de crème EMLA® ).

varier de quelques lésions à plusieurs centaines, soit isolées, soit en nappes comme dans notre observation. Leur localisation est mal systématisée bien que des formes symétriques aient été rapportées. Les localisations les plus souvent décrites sont les épaules, les coudes, les poignets, le bassin, les genoux et les chevilles [2,3]. L’atteinte osseuse, appelée « ostéopoïkilose » (« os ponctués »), ou « ostéopoécilie », se caractérise par de petites taches rondes, linéaires ou lenticulaires, de 2 à 10 mm de grand axe. Elle se développe dans l’enfance et persiste toute la vie. Elle se localise principalement aux régions épiphysaires des os tubulaires. Les phalanges des mains seraient atteintes dans 100 % des cas, les os longs des avant-bras et des mains dans plus de 90 % des cas, les os longs des membres inférieurs dans 20 à 70 % des cas [6]. Elle correspond histologiquement à des zones d’ostéosclérose. Ces nodules osseux sont le plus souvent asymptomatiques et de découverte fortuite. Des douleurs voire une limitation de la mobilité articulaire ont cependant été rapportées chez certains patients. À l’examen histologique de la biopsie cutanée les anomalies du tissu conjonctif sont variables ; elles touchent les fibres de collagène et/ou les fibres élastiques. Les fibres

Figure 2. Fibrose intéressant le derme, constituée de trousseaux collagéniques épaissis (HES, × 20).

165

Figure 3. Réseau de fibres élastiques épaissies et enchevêtrées dans le derme (Orcéine, × 10).

Figure 4. « Taches » de l’épiphyse tibiale supérieure gauche correspondant à une ostépoïkilose.

de collagène peuvent être épaissies, groupées ou normales. Les fibres élastiques peuvent être nombreuses ou raréfiées, larges et entrecroisées, fragmentées ou normales. Récemment, le spectre lésionnel des hamartomes conjonctifs cutanés a fait l’objet d’une classification morphologique et génétique [7] permettant de mieux préciser le diagnostic anatomoclinique, selon le composant de la matrice extracellulaire majoritairement altéré (collagène, élastine, protéoglycane) et selon le mode de transmission (héréditaire ou acquis). Cette classification peut aider le clinicien devant la découverte fortuite de telles lésions (Tableau 1). Le syndrome de Buschke-Ollendorff (ORPHA1306/OMIM #166700) est secondaire à des mutations avec perte de fonction du gène LEMD3 (LEM Domain-Containing-3) situé en 12q14.3. Ce gène code pour la protéine membranaire nucléaire LEMD3, qui interagit avec les voies de

166 Tableau 1

Y. Socrier et al. Classification des hamartomes conjonctifs selon McCuaig et al. [7].

Mode de transmission

Composant altéré majoritaire de la matrice extracellulaire Collagène

Élastine

Protéoglycane

Acquis

Collagénomes éruptifs Collagénomes « isolés » Syndrome de Protée

Élastome « isolé »

Nævus mucineux « isolé »

Forme familiale

Collagénomes familiaux Syndrome de Buschke-Ollendorff Néoplasies endocriniennes multiples de type 1 Plaque peau de chagrin de la sclérose tubéreuse de Bourneville

Élastomes familiaux Syndrome de Buschke-Ollendorff

Nævus mucineux familial

signalisation activées par les BMPs (bone morphogenic protein) et le TGF-beta (tumour growth factor-beta) [8]. Il est important d’établir le diagnostic, afin d’éviter les erreurs diagnostiques en particulier les lésions osseuses pouvant être confondues avec des métastases condensantes notamment lorsque l’ostéopoïkilose est révélatrice ou découverte à l’âge adulte.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Buschke A, Ollendorff H. Ein fall von dermatofibrosis lenticularis disseminata und osteopatha condensans disseminata. Derm Wochenschr 1928;86:257—62.

[2] OMIM. Buschke—Ollendorff syndrome. Disponible à: http://omim.org/entry/166700#reference12. (Date d’accès : 20 août 2013). [3] Waller B, Al-Jasser M, Lam JM, C FR. An 8-year-old boy with multiple yellow papules and bony lesions. Buschke—Ollendorff syndrome. Pediatr Dermatol 2013;30:261—2. [4] Kotulska A, Kucharz EJ. Osteopoikilosis and Buschke—Ollendorff syndrome. Case Rep Clin Pract Rev 2002;3:290—3. [5] Foo CC, Kumarasinghe SP. Juvenile elastoma: a form fruste of the Buschke—Ollendorff syndrome? Australas J Dermatol 2005;46:250—2. [6] Kim GH, Dy LC, Caldemeyer KS, Mirowski GW. Buschke—Ollendorff syndrome. J Am Acad Dermatol 2003;48:600—1. [7] McCuaig CC, Vera C, Kokta V, Marcoux D, Hatami A, Thuraisingam T, et al. Connective tissue nevi in children: institutional experience and review. J Am Acad Dermatol 2012;67: 890—7. [8] Hellemans J, Preobrazhenska O, Willaert, Debeer P, Verdonk PCM, Costa T, et al. Loss-of-function mutations in LEMD3 result in osteopoikilosis. Buschke—Ollendorff syndrome and melorheostosis. Nature Genet 2004;36:1213—8.

[Buschke-Ollendorff syndrome].

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