Revue des Maladies Respiratoires (2014) 31, 721—728

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REVUE GÉNÉRALE

L’annonce de mauvaises nouvelles en oncologie : l’expérience belge Breaking bad news in oncology: The Belgian experience F. Delevallez a,b, A. Lienard a,b, A.-S. Gibon a,b, D. Razavi a,∗,b a b

Université libre de Bruxelles, avenue F.-Roosevelt, 50—CP 191, B-1050 Bruxelles, Belgique Institut Jules Bordet, Bruxelles, Belgique

Rec ¸u le 4 f´ evrier 2014 ; accepté le 23 avril 2014 Disponible sur Internet le 7 aoˆ ut 2014

MOTS CLÉS Annonce de mauvaises nouvelles ; Communication ; Formation ; Cancer

KEYWORDS Breaking bad news; Communication;



Résumé L’annonce de mauvaises nouvelles est une tâche clinique complexe et fréquente dans la pratique oncologique des médecins. Les situations d’annonce de mauvaises nouvelles ont un impact négatif tant sur les patients que sur leurs proches qui sont souvent présents lors de ces consultations. De nombreux facteurs influencent la manière dont cette annonce va être vécue et particulièrement les stratégies de communication utilisées par les médecins. Un modèle d’annonce de mauvaises nouvelles en 3 phases (phase de pré-annonce, phase d’annonce et phase de post-annonce) a été développé afin d’aider les médecins à réaliser cette tâche. Les formations à la communication et à l’annonce de mauvaises nouvelles sont nécessaires et efficaces. Une étude récente menée en Belgique a montré leur impact sur la durée des phases du processus d’annonce, les stratégies de communication utilisées, l’inclusion du proche dans la consultation d’annonce et l’activation physiologique des médecins. Ces résultats plaident indéniablement en faveur de formations intensives à la communication et à l’annonce de mauvaises nouvelles destinées aux professionnels de la santé. © 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Breaking bad news is a complex and frequent clinical task for physicians working in oncology. It can have a negative impact on patients and their relatives who are often present during breaking bad news consultations. Many factors influence how the delivery of bad news will be experienced especially the communication skills used by physicians. A three-phase process (post-delivery phase, delivery phase, pre-delivery phase) has been developed to help physician

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Razavi).

http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.07.003 0761-8425/© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Training; Cancer

F. Delevallez et al. to handle this task more effectively. Communication skills and specific breaking bad news training programs are both necessary and effective. A recent study conducted in Belgium has shown their impact on the time allocated to each of the three phases of this process, on the communication skills used, on the inclusion of the relative in the consultation and on physicians’ physiological arousal. These results underscore the importance of promoting intensive communication skills and breaking bad news training programs for health care professionals. © 2014 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction L’annonce de mauvaises nouvelles est une tâche clinique complexe et fréquente dans la pratique oncologique des médecins. Ainsi, chaque médecin annonce en moyenne 35 mauvaises nouvelles par mois : l’annonce d’un diagnostic, d’une récidive ainsi que de l’arrêt des traitements à visée curative [1]. Ces situations d’annonce de mauvaises nouvelles sont hautement stressantes tant pour les médecins que pour les patients [2]. Une annonce de mauvaises nouvelles mal formulée peut avoir un impact négatif sur la perception par les patients de leur réalité clinique et de l’objectif des traitements [3], les décisions concernant les options de traitement [4], l’adhésion au traitement [5] et l’adaptation psychologique [6]. Une étude a mis en évidence qu’une annonce de mauvaises nouvelles augmente l’anxiété des patients directement après la consultation [7]. De nombreux facteurs peuvent influencer la manière dont la mauvaise nouvelle est vécue : des facteurs liés à la maladie (type, contexte, gravité), des facteurs liés aux patients et à leurs proches (sociodémographique, état émotionnel, souhait d’information, volonté de participer aux décisions. . .) [8]. Ils doivent donc être pris en considération lors d’une annonce de mauvaises nouvelles. Ainsi, la pneumologie comporte certaines spécificités qui complexifient la tâche d’annonce de mauvaises nouvelles. En effet, l’annonce d’un cancer pulmonaire est très souvent associée à un pronostic davantage réservé que pour d’autres pathologies cancéreuses [9]. De plus, les causes potentielles du cancer pulmonaire sont mieux connues du grand public et sont souvent associées à certains comportements des patients tel que le tabagisme. Ces patients peuvent ressentir une stigmatisation et une culpabilité en lien avec leur comportement [10]. L’annonce de mauvaises nouvelles se complique encore lorsque les patients sont accompagnés d’un proche. Selon les études, entre 16 % et 75 % des consultations oncologiques se font en présence d’un proche [11—13]. Celui-ci est souvent le preneur en charge principal des patients : conjoint, enfant, parent ou membre de la fratrie. Lors de ces consultations, le proche peut apporter un soutien tant émotionnel qu’informationnel, permettant une meilleure compréhension et la rétention des informations transmises [13,14]. Toutefois, tant le patient que le proche peuvent être touchés par l’annonce de mauvaises nouvelles. En effet, une étude a publié que l’augmentation de l’anxiété des patients suite à ces consultations d’annonce de mauvaises nouvelles est associée à l’augmentation de l’anxiété des proches qui les accompagnent [15]. Il est donc nécessaire que le médecin

puisse prendre en compte les besoins et les préoccupations des deux personnes présentes lors de la consultation, ce qui rend plus complexe la communication. Des stratégies de communication efficaces peuvent être utilisées pour réduire l’impact négatif associé à l’annonce de mauvaises nouvelles (détresse émotionnelle, incompréhension. . .) : l’évaluation, l’information et le soutien. Les entretiens avec les patients associent ces trois types de stratégies de communication. Ces entretiens doivent en effet permettre à la fois d’évaluer la situation des patients, de les informer, de les conseiller et de les soutenir [8]. Certaines stratégies de communication ont un impact direct sur la manière dont les patients vont vivre cette annonce de mauvaises nouvelles. Une étude a notamment montré que l’évaluation de l’ensemble des préoccupations des patients permet de diminuer leur anxiété durant la consultation d’annonce [7]. Des recommandations concernant l’annonce de mauvaises nouvelles sont actuellement proposées [16—20]. En se basant sur ces recommandations, un modèle considérant l’annonce de mauvaises nouvelles comme un processus en trois phases a été construit. Cet article rapporte l’expérience belge dans le domaine des formations à l’annonce de mauvaises nouvelles et à la communication. Dans un premier temps, un nouveau modèle de processus d’annonce de mauvaises nouvelles en trois phases sera présenté. Dans un second temps, les différents résultats d’une étude randomisée belge portant sur l’efficacité d’une formation à la communication considérant l’annonce de mauvaises nouvelles comme un processus en trois phases seront résumés. En effet, ce découpage en trois phases du processus d’annonce comporte des avantages didactiques. Il permet aux apprenants de déconstruire l’annonce de mauvaises nouvelles et de se concentrer sur le but et les stratégies de communication de chacune des phases successives du processus.

Processus d’annonce de mauvaises nouvelles : un modèle en trois phases Il s’agit d’un modèle qui considère l’annonce de mauvaises nouvelles comme un processus en trois phases : pré-annonce, annonce, post-annonce. Chaque phase du processus d’annonce de mauvaises nouvelles inclut différentes tâches communicationnelles (Fig. 1). La première phase, dénommée phase de pré-annonce, est consacrée à la préparation du patient à l’annonce et à l’évaluation de la situation du patient. La préparation implique de rappeler succinctement le but de la

L’annonce de mauvaises nouvelles en oncologie

Figure 1.

723

Processus d’annonce de mauvaise nouvelle en trois phases consécutives (pré-annonce, annonce, post-annonce).

consultation, de résumer la situation médicale actuelle et d’introduire l’annonce concernant les résultats des examens. Pendant cette phase, il est primordial que le médecin évalue ce que le patient sait déjà, ce qu’il souhaite savoir ainsi que son état émotionnel. Les représentations du patient de sa situation médicale vont avoir un impact direct sur la manière dont le patient va vivre l’annonce de la mauvaise nouvelle. Cette évaluation permettra de fournir au patient une information et un soutien adéquat et adapté tout au long du processus d’annonce [8]. Durant cette phase, le médecin dispose principalement comme outils communicationnels de stratégies d’évaluation (recherche d’information et clarification) qui vont lui permettre de se représenter l’état cognitif et émotionnel du patient. Si un proche est présent durant la consultation, cette première phase permettra également d’évaluer son ressenti par rapport à la situation médicale et de le préparer à l’annonce. Le Tableau 1 illustre une phase de pré-annonce. Dans cet exemple, le médecin prépare le patient à l’annonce de la mauvaise nouvelle, en définissant le contexte de la consultation. Le médecin évalue ensuite ce que le patient perc ¸oit et connaît de sa situation médicale (recherche d’information, clarification) avant de résumer le contexte médical actuel et d’introduire l’annonce de la mauvaise nouvelle. La deuxième phase, dénommée phase d’annonce, est consacrée à l’annonce en tant que telle. La mauvaise nouvelle doit être annoncée de manière concise avec des mots précis afin d’éviter que le patient ne soit submergé par un flot d’informations qu’il n’est, au moment même, pas en mesure de traiter. La mauvaise nouvelle doit aussi être annoncée de manière précise (nommer clairement la maladie). Il convient d’éviter d’utiliser des termes médicaux trop spécifiques qui risqueraient d’être hors de portée du patient et de son proche ainsi que des stratégies de réassurance, de minimisation et de banalisation qui ne sont pas appropriées à cette phase du processus [8]. Il faut bien sûr éviter de se montrer moralisateur lors d’une éventuelle

transmission d’informations par rapport aux causes potentielles de la maladie [10]. Durant cette phase, le principal outil communicationnel sera la transmission d’information qui va permettre que l’annonce soit comprise par le patient et le proche. Le Tableau 2 illustre une phase d’annonce. Dans cet exemple, le médecin transmet la mauvaise nouvelle de manière concise avec des mots précis. La troisième phase, dénommée phase de post-annonce, est consacrée à apporter un soutien informationnel et émotionnel au patient et au proche en fonction de leurs besoins spécifiques. Après l’annonce, le médecin va vérifier que le patient a compris l’annonce qui lui a été faite. Si celui-ci a une mauvaise compréhension de la situation, le médecin fournit un complément d’information afin de lui permettre de comprendre la nouvelle. Le médecin va également évaluer son état émotionnel afin de lui apporter du soutien (reconnaissance, empathie, réassurance). En effet, le patient peut présenter des signes de détresse psychologique (état de choc, pleurs, colère, angoisse. . .). Si le soutien est particulièrement important durant cette troisième phase, il doit également être présent tout au long du processus d’annonce. Si un proche est présent durant la consultation, cette phase permettra également d’évaluer sa compréhension et son état émotionnel afin de pouvoir lui apporter le soutien nécessaire. Le Tableau 3 illustre une phase de post-annonce. Dans cet exemple, le médecin utilise la reconnaissance afin d’apporter un soutien au patient et clarifie son ressenti par rapport à sa situation médicale. Ces trois phases sont étroitement liées. En effet, une préparation efficace lors de la phase de pré-annonce va permettre d’adapter le contenu et la manière de transmettre l’information lors de la phase d’annonce. De plus, le soutien émotionnel et informationnel de la phase de postannonce sera d’autant plus efficace que la préparation aura été adéquate et que l’annonce de la mauvaise nouvelle aura

724 Tableau 1

F. Delevallez et al. Exemple de stratégies de communication efficaces utilisées lors de la phase de pré-annonce. S. Bonjour madame P. Bonjour S. Donc vous êtes madame W ? P. Oui S. D’accord. Bonjour. Je suis le docteur Z. C’est votre médecin traitant qui m’a téléphoné pour avoir un rendez-vous avec vous, pour qu’on discute des résultats

Contexte Recherche d’information

S. D’accord. Donc, est-ce que vous pouvez un petit peu m’expliquer tout ce qui s’est passé ? Pourquoi on a fait ces examens ? Dans quelles circonstances ? Expliquez-moi un petit peu comment ¸ ca s’est passé P. Patiente explique S. Donc, c’est votre médecin traitant qui vous a envoyé faire les examens. A part votre toux, vous, vous n’avez rien ressenti de particulier. D’accord

Recherche d’information sur le ressenti

ca, comment vous avez ressenti les choses. À quoi S. Et quand il vous a dit tout ¸ avez-vous pensé ? P. Patiente explique

Reconnaissance

S. Mais vous m’avez l’air assez angoissée

Clarification de l’anticipation

S. Vous pensez à quelque chose de particulier ? P. Patiente explique

Clarification

¸ a va. Et votre médecin a dit qu’on faisait des examens pour s’assurer qu’il n’y S. C avait pas de problème. C’est ce qu’il vous avait expliqué ? P. Patiente explique

Résumé de la situation

S. Et puis, on fait une fibroscopie pour déterminer de quel type de masse il s’agit. Tout à fait. Donc ¸ ca c’est tout à fait correct. Mais je voulais voir comment vous, vous voyez les choses. D’accord ? Dans votre famille, vos parents ont eu des problèmes pulmonaires, des antécédents de cancer ? Jamais dans la famille ? P. Non

Préparation à l’annonce

S. Très bien. C ¸ a va. Donc, moi je suis en possession des résultats des examens que votre médecin traitant a effectués P. Mh, mh

S. : soignant ; P. : patient.

été adaptée. Donc, comme décrit ci-dessus, des stratégies de communication spécifiques sont nécessaires pour chaque phase du processus [21]. Cette séquence en trois phases peut se répéter au cours d’une consultation. En effet, lors d’une consultation Tableau 2

d’annonce de mauvaises nouvelles, plus d’une information doit être transmise au patient : son diagnostic, la nécessité de traiter, le type de traitement (chimiothérapie, intervention chirurgicale. . .), les examens complémentaires à faire. . . Des retours de la phase de post-annonce à la phase

Exemple de stratégies de communication efficaces utilisées lors de la phase d’annonce.

Résumé de la situation

S. On a obtenu les résultats des derniers examens. Donc, le but de ces examens, c’est de voir s’il s’agit d’une tumeur bénigne ou d’une tumeur maligne et pouvoir voir ce qu’on peut faire P. Ok

Transmission

S. Donc, les résultats nous sont parvenus. Et malheureusement, ils sont en faveur d’une tumeur maligne. Et donc la toux que votre médecin traitant a détectée est très suspecte P. Suspecte de quoi ? S. Dans la masse qu’on a examinée avec les différents examens, on a trouvé des cellules malignes, qui sont donc des cellules cancéreuses ca veut dire que j’ai un cancer du poumon ? P. Heu oui, ¸

Transmission

S. Effectivement, oui. Donc ¸ ca veut dire que la masse que vous avez, c’est un cancer au niveau de votre poumon (pause de 6 secondes)

S. : soignant ; P. : patient.

L’annonce de mauvaises nouvelles en oncologie Tableau 3

725

Exemple de stratégies de communication efficaces utilisées lors de la phase de post-annonce.

Complément d’information

S. La masse que vous avez, c’est un cancer au niveau de votre poumon P. (pause de 9 secondes) (soupir) Bien. (pause de 7 secondes) S. Mais donc, il va quand même falloir qu’on refasse d’autres examens pour compléter un petit peu le bilan avant que vous ne soyez opérée. (pause de 5 secondes)

Reconnaissance état émotionnel

Je me rends bien compte que ce que je vous annonce là aujourd’hui, c’est pas facile

Clarification du ressenti

P. Ben. (soupir) C’est plus que pas facile. C’est S. À quoi est-ce que vous pensez pour le moment ? P. Patiente explique

S. : soignant ; P. : patient.

de pré-annonce vont donc s’opérer à plusieurs reprises durant la consultation. En effet, une fois qu’une mauvaise nouvelle, par exemple un diagnostic de cancer pulmonaire, a pu être annoncée et que le médecin a pu vérifier la compréhension du patient ainsi que son état émotionnel, il va passer à la transmission d’autres informations qui peuvent-elles aussi être difficiles pour le patient. Peut-être la nécessité de subir une chirurgie lourde ou une chimiothérapie. Le médecin va donc évaluer ce que le patient sait déjà des traitements et ce qu’il souhaite savoir à leur sujet (phase de pré-annonce). Il va ensuite les expliquer de manière claire (phase d’annonce). La même évaluation de la compréhension et de l’état émotionnel sera nécessaire (phase de post-annonce). L’annonce de mauvaises nouvelles a classiquement lieu lors d’une consultation prévue à cet effet. Dans ce cas, un lieu adéquat est prévu permettant notamment d’être dérangé le moins possible. La consultation s’organise ensuite selon le processus d’annonce de mauvaises nouvelles en trois phases. Lorsque la transmission d’informations est terminée, le médecin synthétise le contenu de la consultation, évalue les besoins du patient en termes de soutien ou de complément d’informations et prévoit avec lui le décours des événements à venir (traitements, rendezvous. . .). Cependant, ce processus en trois phases peut aussi être utilisé dans d’autres contextes : au lit d’un patient, en réponse à une demande d’informations. . . De nombreuses études ont montré que l’acquisition de stratégies communicationnelles, essentielle à l’annonce de mauvaises nouvelles, se fait grâce à des formations spécifiques [17,22—24]. En effet, l’expérience professionnelle du médecin n’est pas toujours associée à de bonnes compétences communicationnelles [25]. Les formations à la communication et plus spécifiquement à l’annonce de mauvaises nouvelles répondent à la fois aux besoins des médecins et de leurs patients.

• L’annonce de mauvaises nouvelles comporte trois phases : pré-annonce, annonce, post-annonce, ces phases sont interdépendantes et permettent de procurer une information et un soutien adaptés.

• Au cours de la phase de pré-annonce, le médecin doit se représenter l’état cognitif et émotionnel du patient, en essayant d’appréhender ce que le patient sait déjà, ce qu’il souhaite savoir et son état émotionnel. Il en est de même pour le proche si celui-ci est présent lors de la consultation. • L’annonce proprement dite doit se faire de manière concise, avec des mots précis, afin d’éviter que le patient soit submergé par un flot d’informations qu’il n’est à ce moment pas en mesure de traiter. • Il faut à ce stade rester objectif et éviter toute stratégie de réassurance, de minimisation et de banalisation. • La troisième phase, phase de post-annonce, doit apporter un soutien informationnel et émotionnel au patient et à ses proches. • Au cours de la consultation, cette annonce en trois phases peut être répétée à plusieurs reprises en fonction des différentes informations à transmettre concernant par exemple le traitement. • L’annonce de mauvaises nouvelles doit faire l’objet d’une consultation prévue à cet effet, en suivant le processus d’annonce de mauvaises nouvelles en trois phases, et s’achever par une synthèse du contenu de la consultation et une prévision des événements à venir (traitements, rendez-vous. . .).

Processus d’annonce de mauvaise nouvelle : formations Un programme de formation à l’annonce de mauvaise nouvelle et à la communication (Belgian Interuniversity Curriculum-Communication Skills Training) a été développé par une équipe inter-universitaire en Belgique [26]. Ce programme suit les recommandations de la littérature en matière d’organisation des formations à la communication. Ce programme est centré sur les participants (organisé en petit groupe), sur les stratégies de communication (jeux de rôle avec un feed-back immédiat) et sur la pratique clinique (annonce de mauvaises nouvelles et situations cliniques quotidiennes) [27].

726 Ce programme de formation à la communication inclut 30 h de formation à la communication et 10 h de formation à la gestion du stress. Le module de formation à la communication comprend 17 h de formation à la communication dyadique (entretien médecin-patient) et 10 h de formation à la communication triadique (entretien médecin—patient—proche). Une dernière séance de 3 h permet l’intégration des acquis des compétences en gestion du stress et en communication. Lors du module de formation à la communication, les trois phases du processus d’annonce de mauvaises nouvelles sont introduites graduellement aux participants. Des jeux de rôle prédéfinis sont proposés sur le thème de l’annonce d’un diagnostic de cancer ainsi que sur l’annonce de la transition d’une phase curative à palliative. Une étude randomisée a permis de tester l’efficacité de ce programme auprès de médecins sur le processus d’annonce de mauvaises nouvelles, l’acquisition des stratégies de communication ainsi que l’activation physiologique associée [21,28,29]. L’efficacité a été testée lors d’entretiens simulés dyadiques (médecin rencontrant une actrice jouant le rôle d’une patiente) et triadiques (médecin rencontrant une actrice jouant le rôle d’une patiente et un acteur jouant le rôle de son époux). Les médecins disposaient de 20 minutes pour annoncer un diagnostic de cancer et aborder la question des traitements. Les entretiens ont été enregistrés et retranscrits afin d’analyser d’une part, le processus d’annonce de mauvaise nouvelle et, d’autre part, l’inclusion des proches et les stratégies de communication. Celles-ci ont été analysées par le logiciel d’analyse de la communication LaComm (LaComm, Belgique) [21]. L’activation physiologique a été évaluée tout au long des entretiens simulés par la mesure de la fréquence cardiaque ainsi que par la prise de cortisol salivaire. Premièrement, la formation a permis une amélioration de la répartition du temps consacré à chaque phase du processus d’annonce de mauvaise nouvelle durant les entretiens simulés dyadiques. La phase de pré-annonce est deux fois plus longue chez les médecins ayant participés à la formation. Elle est passée de presque 2 minutes avant la formation à presque 4 minutes après la formation. Ils évaluent davantage avant l’annonce ce que le patient sait déjà, ce qu’il ressent et ce qu’il imagine. La formation a également permis de diminuer la durée de la phase d’annonce. La phase d’annonce est passée de 42 secondes avant la formation à 23 secondes après la formation. Cette diminution est liée au fait que les médecins formés informent le patient simulé de fac ¸on plus précise et concise en évitant les réassurances prématurées et les minimisations [21]. Deuxièmement, la formation a permis l’acquisition de stratégies de communication lors des entretiens simulés dyadiques. Les médecins formés utilisaient davantage d’évaluation et de soutien, c’est-à-dire de stratégies de communication centrées sur le patient [21]. Troisièmement, la formation a permis une augmentation de l’activation physiologique (cortisol et rythme cardiaque) des médecins formés lors d’entretiens dyadiques simulés. Cette activation physiologique reflète le niveau d’engagement cognitif et émotionnel nécessaire pour réaliser l’annonce de mauvaises nouvelles et utiliser les stratégies communicationnelles nouvellement apprises [28].

F. Delevallez et al. Finalement, cette formation a permis la même amélioration de compétences durant les entretiens simulés triadiques tant au niveau de l’amélioration de la répartition du temps consacré à chaque phase du processus d’annonce (augmentation de la phase de pré-annonce) qu’au niveau de l’acquisition de stratégies de communication (évaluation et soutien). De plus, suite à cette formation, les médecins sollicitaient la participation du proche près de trois fois plus et évaluaient également davantage ses préoccupations par rapport à la maladie et ce dès la phase de pré-annonce [29]. Les résultats de l’étude présentés ci-dessus montrent que cette formation à la communication permet aux médecins d’acquérir des compétences communicationnelles dans un contexte d’annonce de mauvaises nouvelles, d’améliorer la répartition du temps consacré à chaque phase du processus d’annonce de mauvaises nouvelles, d’accroître leur niveau d’activation physiologique nécessaire à l’implication dans l’entretien dyadique simulé et d’inclure davantage le proche dans une consultation triadique simulée d’annonce de mauvaises nouvelles. • Le médecin en charge de l’annonce doit être spécifiquement formé à cette tâche, pour acquérir de bonnes compétences en communication. • Il existe en Belgique un programme de formation à l’annonce de mauvaise nouvelle et à la communication (Belgian Interuniversity CurriculumCommunication Skills Training) qui a été testé par une étude randomisée. Les principaux résultats en sont les suivants : ◦ amélioration de la répartition du temps consacré à chaque phase du processus d’annonce, avec multiplication par deux du temps de la phase de pré-annonce et diminution de la durée de la phase d’annonce ; ◦ acquisition de stratégies de communication efficaces centrées sur le patient ; ◦ meilleur engagement cognitif et émotionnel, attesté par des mesures physiologiques (cortisol et rythme cardiaque) et recours aux stratégies communicationnelles nouvellement apprises des médecins formés. • Suite à cette formation, les médecins sollicitaient près de trois fois plus souvent la participation du proche.

Conclusion et perspectives L’annonce d’un diagnostic de cancer, d’une récidive ou d’un arrêt des traitements à visée curative a un impact aussi bien sur le patient que sur son proche. L’annonce de mauvaises nouvelles est donc un enjeu majeur de la médecine d’aujourd’hui. Cet article propose un modèle considérant l’annonce de mauvaises nouvelles comme un processus en trois phases qui permet de structurer l’annonce et de la personnaliser à chaque patient et aux proches qui l’accompagnent.

L’annonce de mauvaises nouvelles en oncologie Ce processus d’annonce de mauvaises nouvelles est composé de trois phases. La première phase est consacrée à la préparation du patient à l’annonce et à l’évaluation de la situation du patient (phase de pré-annonce). La seconde phase est consacrée à l’annonce proprement dite de la mauvaise nouvelle (phase d’annonce). La troisième phase est consacrée à l’apport de soutien informationnel et émotionnel (phase de post-annonce). À chaque phase correspond principalement une des trois fonctions de la communication que sont l’évaluation, l’information et le soutien. Ce modèle d’annonce de mauvaises nouvelles a plusieurs avantages. Premièrement, ce processus d’annonce permet non seulement aux médecins de transmettre une information claire et précise mais aussi d’adapter le soutien informationnel et émotionnel aux besoins des patients et de leurs proches. Deuxièmement, ce processus est également adaptable à différentes situations médicales et à différents professionnels de la santé. Aujourd’hui, la prise en charge multidisciplinaire des patients nécessite de former non seulement les médecins mais aussi les autres professionnels de la santé (médecin généraliste, radiologues, infirmières. . .) qui se retrouvent de plus en plus souvent impliqués dans l’annonce du diagnostic. Troisièmement, ce modèle est directement applicable à la clinique quotidienne des médecins. Les formations à la communication et à l’annonce de mauvaises nouvelles résumées dans cet article ont permis l’intégration de ce modèle d’annonce de mauvaises nouvelles lors d’entretiens simulés, l’acquisition de stratégies de communication adaptées (évaluation, information, soutien) et l’inclusion du proche et la prise en compte de ses préoccupations [21,28,29]. Cependant, l’analyse du transfert des compétences acquises suite à ces formations dans la pratique clinique quotidienne des soignants ainsi que le maintien dans le temps de ces nouvelles compétences ainsi que l’impact de ces formations sur les patients (satisfaction, perception de la gravité de la maladie, prise de décision partagée. . .) sont encore à évaluer. Pour conclure, la médecine et l’oncologie en particulier sont à un tournant majeur en termes d’annonce de mauvaises nouvelles. Les médecins se trouvent amenés à devoir annoncer de nombreuses mauvaises nouvelles notamment dans des situations de maladies qui se chronicisent et où les incertitudes sont de plus en plus nombreuses. Cette chronicisation implique des choix de traitements complexes devant intégrer prolongation de la vie et préservation de la qualité de vie. Le contexte sociétal place la communication au centre de la pratique médicale et demande des médecins que cette communication soit à la fois réaliste et permette le maintien de l’espoir. Les concepts et recherches rapportés dans cet article plaident indéniablement en faveur de formations intensives à la communication et à l’annonce de mauvaises nouvelles destinées aux professionnels de la santé. Dès lors, la généralisation de ces formations intensives s’avère indispensable. Cette généralisation implique que l’analyse de la relation soignant-soigné tout comme la formation à la communication des médecins et autres soignants occupent une place à part entière tant au sein des facultés universitaires et hautes écoles que des institutions de soins.

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Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. POINTS ESSENTIELS • L’annonce de mauvaises nouvelles représente un enjeu majeur en médecine et en oncologie en particulier autant pour les médecins que pour les patients et leurs proches. • L’annonce de mauvaises nouvelles augmente l’anxiété des patients et de ses proches directement après la consultation. • La perception d’une mauvaise nouvelle dépend du type de cancer et de facteurs propres au patient (facteurs sociodémographiques, état émotionnel, souhait d’information, volonté de participer aux décisions. . .). • L’annonce d’un cancer du poumon est suivie d’un sentiment d’anxiété du patient et de ses proches, et parfois de culpabilité du fait du mode de vie antérieur du patient (tabagisme). • L’annonce de mauvaises nouvelles est plus difficile à réaliser quand les patients sont accompagnés d’un proche. • Durant l’annonce, le proche peut toutefois apporter un soutien tant émotionnel qu’informationnel. • Pour minimiser l’impact négatif de l’annonce de mauvaises nouvelles, la communication doit comporter une évaluation, une information et un soutien personnalisé. • La formation à ces processus d’annonce devrait pouvoir être proposée non seulement aux médecins spécialistes mais aussi à d’autres professionnels de la santé (médecin généraliste, radiologues, infirmières. . .), et ce au niveau universitaire et en formation professionnelle.

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[Breaking bad news in oncology: the Belgian experience].

Breaking bad news is a complex and frequent clinical task for physicians working in oncology. It can have a negative impact on patients and their rela...
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