Rec¸u le : 19 aouˆt 2014 Accepte´ le : 20 janvier 2015 Disponible en ligne 3 mars 2015

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Cas clinique Bilateral chronic dislocation of the temporomandibular joints and Meige syndrome L. Arzul*, M. Henoux, F. Marion, P. Corre Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, Hoˆtel-Dieu, CHU, 1, place

Luxation chronique bilate´rale des articulations temporo-mandibulaires et syndrome de Meige

Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 1, France

Summary

Re´sume´

Introduction. Chronic dislocation of the temporo-mandibular joint (TMJ) is rare. It occurs when an acute dislocation is left untreated, in certain situations, including severe illness, neurologic or psychiatric diseases or prolonged oral intubation. Case report. A 79 years old woman, with Meige syndrome, suffered from bilateral dislocation of the TMJ for over 1 year. Surgical repositioning of the mandibular condyles and temporal bone eminectomy were performed. At the 18 postoperative months control, no recurrence has been noted. Discussion. Treatment of chronic TMJ dislocations often requires a surgical procedure. Manual reduction, even under general anaesthesia, often fails because of severe muscular spasm and periarticular fibrotic changes. The management of this disorder is still controversial. We review available surgical procedures. ß 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction. La luxation chronique de l’articulation temporomandibulaire (ATM) est rare. Elle de´coule de la ne´gligence d’une luxation aigue¨ de l’ATM dans un contexte de pathologie se´ve`re, d’atteinte neurologique ou psychiatrique, ou d’intubation orotrache´ale prolonge´e. Observation. Une patiente de 79 ans pre´sentait une luxation bilate´rale de l’ATM e´voluant depuis un an, dans le cadre d’un syndrome de Meige. Elle a e´te´ re´duite chirurgicalement par repositionnement des condyles mandibulaires et re´section des tubercules articulaires temporaux. Dix-huit mois apre`s l’intervention, la patiente n’a pas pre´sente´ de re´cidive. Discussion. Les luxations ne´glige´es deviennent progressivement irre´versibles, imposant souvent une re´duction chirurgicale. La re´duction manuelle meˆme sous anesthe´sie ge´ne´rale est souvent un e´chec compte tenu d’un spasme musculaire intense et des remaniements fibreux articulaires. La prise en charge de cette pathologie ne fait pas l’objet d’un consensus dans la litte´rature. Nous discutons les diffe´rents traitements chirurgicaux. ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Keywords: Temporomandibular joint, Dislocation, Meige syndrome

Mots cle´s : Articulation temporo-mandibulaire, Luxation, Syndrome de Meige

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (L. Arzul). http://dx.doi.org/10.1016/j.revsto.2015.01.004 Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Orale 2015;116:106-110 2213-6533/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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Luxation chronique bilate´rale des ATM et syndrome de Meige

Introduction La luxation de l’articulation temporo-mandibulaire (ATM) est de´finie par le de´placement du condyle mandibulaire hors de la cavite´ gle´noı¨de, le plus souvent en avant du condyle temporal. Elle est plus rarement poste´rieure, supe´rieure ou late´rale. Elle peut eˆtre uni- ou bilate´rale. Les facteurs de´clenchants habituellement retrouve´s sont l’ouverture buccale extreˆme lors du baˆillement, la manipulation mandibulaire sous anesthe´sie ge´ne´rale (AG) (intubation, extubation), les traumatismes, les syndromes extrapyramidaux secondaires aux traitements antie´me´tiques ou neuroleptiques, et certaines pathologies psychiatriques ou neurologiques [1,2]. Les luxations chroniques de l’ATM de´coulent souvent de la ne´gligence d’une luxation aigue ¨ ou d’un traitement inadapte´ de celle-ci [2,3]. L’allongement de la dure´e de la luxation augmente les difficulte´s de re´duction, imposant souvent un traitement chirurgical. Nous rapportons le cas d’une femme de 79 ans ayant pre´sente´ une luxation ante´rieure chronique bilate´rale des ATM dans le cadre d’un syndrome de Meige idiopathique.

Observation Une patiente de 79 ans a e´te´ adresse´e en consultation pour une luxation chronique bilate´rale des ATM e´voluant depuis environ un an. La patiente e´tait suivie en neurologie pour un syndrome de Meige (dystonie cranio-cervicale segmentaire idiopathique). Elle de´crivait des douleurs articulaires et musculaires lors de l’ouverture buccale. L’alimentation e´tait exclusivement molle compte tenu de l’impossibilite´ de mastiquer. L’examen retrouvait une face allonge´e, une inocclusion labiale au repos et une de´pression pre´tragienne bilate´rale (fig. 1). Des signes de dystonie oro-faciale e´taient retrouve´s, a` type de mouvements permanents labiaux et mandibulaires associe´s a` un ble´pharospasme.

Figure 1. Patiente pre´sentant une luxation ante´rieure bilate´rale des articulations temporo-mandibulaires : a et b : photographies de face et de profil montrant l’allongement de la face, l’inocclusion labiale et la de´pression pre´tragienne, c : photographie de face montrant une be´ance dentaire totale.

L’examen endobuccal montrait une be´ance dentaire totale avec un e´dentement mandibulaire poste´rieur bilate´ral. L’examen tomodensitome´trique retrouvait une luxation ante´rieure des deux condyles mandibulaires (fig. 2). Les condyles e´taient de morphologie normale.

Figure 2. Scanner cranio-facial avec reconstructions tridimensionnelles mettant en e´vidence la luxation ante´rieure des condyles mandibulaires droit (a) et gauche (b).

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Figure 3. Photographies perope´ratoires montrant le tubercule articulaire temporal gauche avant (a) et apre`s re´section (b).

Suite aux e´checs successifs de re´duction manuelle sous se´dation par inhalation de MEOPA, puis sous AG, une re´duction chirurgicale a e´te´ de´cide´e. L’intervention a e´te´ re´alise´e de fac¸on bilate´rale par une voie d’abord pre´tragienne. Le repositionnement des condyles mandibulaires a e´te´ obtenu progressivement par de´sinsertion du muscle pte´rygoı¨dien late´ral au niveau de la capsule articulaire et du col du condyle mandibulaire et curetage de la cavite´ gle´noı¨de. Une re´section bilate´rale des tubercules articulaires temporaux de type Myrhaug a e´te´ associe´e, afin de faciliter la re´duction en cas de re´cidive dans ce contexte de dystonie oromandibulaire (fig. 3). La capsule articulaire et le disque ont e´te´ remis en tension. Il persistait une petite infraclusie ante´rolate´rale droite. Des vis de blocage intermaxillaire ont e´te´ mises en place permettant la re´alisation de tractions e´lastiques postope´ratoires de type classe III dans les secteurs late´raux. La qualite´ de la re´duction et des re´sections des tubercules articulaires temporaux a e´te´ constate´e par un controˆle radiologique par Cone Beam CT (fig. 4). Les suites ope´ratoires ont e´te´ simples. Les tractions e´lastiques ont e´te´ conserve´es une semaine apre`s l’intervention. Le traitement de la dystonie par injections de toxine botulique de type A au niveau des muscles peauciers de´ja` initie´ avant l’intervention

par l’ophtalmologue et le neurologue de la patiente a e´te´ poursuivi et comple´te´ par des injections dans les muscles masse´ters et temporaux. Dix-huit mois apre`s l’intervention, les re´sultats sur le plan fonctionnel e´taient satisfaisants. Aucune re´cidive de luxation n’a e´te´ observe´e (fig. 5).

Discussion Nous de´crivons un cas de luxation ante´rieure bilate´rale des ATM survenue dans le cadre d’un syndrome de Meige ou dystonie cranio-cervicale segmentaire idiopathique [4]. La dystonie se traduit par des contractions musculaires soutenues et involontaires entraıˆnant des mouvements re´pe´titifs associe´s a` des torsions et des postures anormales. La dystonie segmentaire affecte deux ou plusieurs re´gions du corps adjacentes. Le syndrome de Meige associe ble´pharospasme et dystonie oro-mandibulaire. Les mouvements involontaires de la partie infe´rieure de la face sont des mouvements des le`vres, des grimaces et des mouvements mandibulaires de mastication, d’ouverture et fermeture ainsi que de propulsion [4]. Le risque de luxation ante´rieure des ATM est e´leve´.

Figure 4. Cone Beam CT avec reconstructions tridimensionnelles mettant en e´vidence la re´duction de la luxation des condyles mandibulaires et la re´section des tubercules articulaires temporaux a` droit (a) et a` gauche (b).

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 re´duction ferme´e (sous anesthe´sie locale ou ge´ne´rale) par manipulation digitale ou traction par fil d’acier ou crochet au niveau de l’angle mandibulaire. Elle peut eˆtre facilite´e par l’infiltration des muscles manducateurs avec de la toxine botulique ou par la section du muscle pte´rygoı¨dien late´ral ;  re´duction ouverte (sous AG) : repositionnement du condyle par abord direct de l’ATM et e´videment gle´noı¨dien, re´section du tubercule articulaire temporal (technique de Myrhaug), condylotomie, condylectomie, parfois associe´es entre elles.

Figure 5. Photographies de la patiente de face (a), de profil (b) et de face en occlusion (c) 18 mois apre`s le traitement chirurgical.

De plus, lors de la luxation, la contraction des muscles e´le´vateurs de la mandibule empeˆche le retour spontane´ du condyle dans la cavite´ gle´noı¨de. Comme dans de nombreux cas de luxation chronique de´crits, la luxation ante´rieure bilate´rale n’a pas e´te´ de´tecte´e pendant plusieurs mois par les me´decins re´alisant la prise en charge habituelle de la patiente [1–3,5]. La symptomatologie, pourtant invalidante, a e´te´ rattache´e aux mouvements dystoniques oro-mandibulaires permanents. La de´finition de la chronicite´ de la luxation de l’ATM n’est pas formellement e´tablie. Huang a de´fini les luxations chroniques de l’ATM comme e´tant des luxations aigue ¨s non traite´es ou traite´es de fac¸on inade´quate apre`s 72 heures ou plus [6]. Celles-ci sont parfois me´connues dans des circonstances particulie`res telles que les intubations lors d’interventions sous AG ou d’hospitalisations en re´animation, et certaines pathologies psychiatriques ou neurologiques [2,7,8]. Les luxations ne´glige´es deviennent progressivement irre´versibles, imposant souvent une re´duction chirurgicale [1–3]. La litte´rature rapporte de nombreux traitements, sans e´tablir de consensus. Mercier de´crit de fac¸on non exhaustive diffe´rentes options chirurgicales [7], qu’il classe en :

La plupart des auteurs rapportent les e´checs de re´duction ferme´e, notamment par spasme des muscles manducateurs et envahissement fibreux de la fosse articulaire, rendant ne´cessaire au minimum un abord direct pre´-auriculaire de l’ATM [1–3,6–8]. Le repositionnement chirurgical par abord direct de l’ATM de´crit par Leyder est une technique conservatrice des structures anatomiques, facilite´e par la de´sinsertion du muscle pte´rygoı¨dien late´ral [1,8]. Elle implique un geste d’e´videment gle´noı¨dien du tissu fibreux qui l’a envahie. En cas d’e´chec de cette technique, d’autres interventions peuvent eˆtre propose´es. La condylectomie mandibulaire a e´te´ de´crite, notamment en cas de remaniements importants du condyle mandibulaire et lorsqu’il existe une classe III squelettique. Elle entraıˆne toutefois une late´ro-de´viation mandibulaire lorsqu’elle est pratique´e de fac¸on unilate´rale et une infraclusie ante´rieure lorsqu’elle est bilate´rale [2,3]. Pour y pallier, Baur a pre´sente´ le remplacement de l’ATM luxe´e par une prothe`se totale [3]. Certains auteurs de´crivent des oste´otomies des branches montantes, afin de retrouver une occlusion satisfaisante, lorsque la mobilite´ du condyle mandibulaire luxe´ dans une ne´o-gle`ne est conserve´e [2,5]. En 2011, Huang a pre´sente´ une se´rie de 6 cas de luxation chronique de l’ATM. Il propose diffe´rents traitements en fonction de l’anciennete´ de la luxation [6]. Les luxations e´voluant depuis moins de 3 ou 4 semaines peuvent eˆtre traite´es par re´duction ferme´e sous anesthe´sie locale en premie`re intention, puis sous AG en cas d’e´chec. Les luxations d’anciennete´ comprise entre 4 et 12 semaines ne peuvent pas eˆtre re´duites par manipulations conventionnelles meˆme sous AG. Elles sont traite´es par re´duction ouverte (repositionnement du condyle facilite´ par un de´collement musculope´rioste´ et une traction au niveau de l’angle mandibulaire). Les luxations e´voluant depuis plus de 6 mois ne´cessitent ge´ne´ralement un traitement chirurgical plus complexe (condylotomie, condylectomie, oste´otomies des branches montantes, prothe`se totale d’ATM). Pour une anciennete´ de luxation entre 3 et 6 mois, Huang sugge`re de tenter d’abord le traitement pre´conise´ pour le groupe « 4–12 semaines » puis celui du groupe « plus de 6 mois » en cas d’e´chec. La technique de Myrhaug (re´section du tubercule articulaire temporal) est largement pre´conise´e dans le cadre des luxations re´cidivantes de l’ATM [2,5]. Nous l’avons re´alise´e dans ce contexte dystonie faciale, pour permettre une re´duction

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spontane´e des condyles en cas de nouvelle luxation. D’autres interventions pre´ventives ont pour but de limiter les de´placements ante´rieurs du condyle mandibulaire en augmentant la hauteur du tubercule articulaire temporal, comme la proce´dure de Dautrey [9]. Des injections de toxine botulique de type A dans les muscles manducateurs sont e´galement propose´es par certains auteurs [10]. Enfin, bien que les condyles mandibulaires aient re´inte´gre´ les cavite´s gle´noı¨des, dont le tissu fibreux a e´te´ re´se´que´, celles-ci pre´sentaient des modifications morphologiques dues a` l’anciennete´ de la luxation, qui expliquent probablement le trouble occlusal constate´ apre`s re´duction. Certains auteurs proposent un traitement orthodontique postope´ratoire chez les patients dente´s [1].

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De´claration d’inte´reˆts [8]

Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. [9]

Re´fe´rences [1]

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Satake H, Yamada T, Kitamura N, Yoshimura T, Sasabe E, Yamamoto T. Post-surgical unilateral temporomandibular joint

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[Bilateral chronic dislocation of the temporomandibular joints and Meige syndrome].

Chronic dislocation of the temporo-mandibular joint (TMJ) is rare. It occurs when an acute dislocation is left untreated, in certain situations, inclu...
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