Table ronde

Anxiolyse et sédation en soins palliatifs (Soins palliatifs)

Entre anxiolyse et sédation : de quoi parle-t-on ? O. Noizet-Yverneau*, M. Schell Équipe Régionale Ressource de Soins Palliatifs Pédiatriques Champagne-Ardenne, Institut Alix de Champagne, ChU, 46 rue Cognacq-Jay, 51100 Reims, France

L

es soins palliatifs (SP) ont pour finalité l’accompagnement médical et humain de patients gravement malades, permettant le meilleur confort global, physique et psychologique en particulier, jusqu’à la mort. Face à une mort proche, une anxiolyse est souvent nécessaire, et la question d’une sédation peut se poser. Dans ce contexte, il est essentiel de rappeler en quoi la sédation et l’anxiolyse sont deux démarches de soin distinctes, aux frontières parfois ténues.

vigilance et donc de la vie relationnelle, alors que l’anxiolyse vise à dissoudre un sentiment d’insécurité en conservant, sauf effet non désiré de la molécule, la vigilance du patient. La sédation passe par l’utilisation de médicaments hypnotiques (hypnos : en grec, sommeil) qui ont également des propriétés anxiolytiques et peuvent être dépresseurs respiratoires : ainsi, selon les posologies utilisées, le Midazolam pourra être, à posologie croissante, anxiolytique, puis sédatif, puis dépresseur respiratoire.

1. Définitions par les sociétés savantes

2. Confusion entre sédation et anxiolyse

L’anxiolyse (du grec anxius-lyticos : qui dissout l’anxiété) permet de traiter l’anxiété, expérience émotionnelle et sensorielle à type d’« état de désarroi psychique ressenti en face d’une situation et s’accompagne d’un sentiment d’insécurité » [1]. En médecine, la sédation (du latin sedatio : apaiser) est définie dans les champs des SP et de la réanimation, sans recouvrir totalement la même entité (Tableau  I). Alors que les réanimateurs parlent de sédation-analgésie, « ensemble des moyens pharmacologiques ou non, mis en œuvre pour assurer le confort et la sécurité de la prise en charge du patient dans un milieu source d’agressions physiques et/ou psychologiques »  [2], la sédation en SP renvoie principalement à la situation de détresse en phase terminale. En 2009, la Société Française d’Accompagnement et de SP (SFAP) la définissait comme « la recherche par des moyens médicamenteux d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience. Son but est de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en oeuvre sans permettre d’obtenir le soulagement escompté.» [1]. Elle peut être profonde ou non, continue ou intermittente, curative ou préventive. Le Midazolam, anxiolytique, narcotique et amnésiant, en est la molécule de première intention, à la posologie minimale efficace pour l’objectif de profondeur de sédation fixé. La sédation regroupe donc des modalités et objectifs différents selon le contexte médical (soins palliatifs ou non). Elle vise à apaiser (faire perdre la notion de souffrance) en diminuant la

En pratique, la confusion entre anxiolyse et sédation n’est pas rare, liée à l’utilisation fréquente d’un terme pour un autre  et la difficulté d’évaluer les symptômes  d’anxiété, ce diagnostic étant difficile car polymorphe et sans échelle validée en SP, et nécessitant une démarche diagnostique rigoureuse, à laquelle les soignants ne sont peut-être pas assez formés ; or c’est la séméiologie qui, en déterminant le symptôme, en indique le remède et ses objectifs (Tableau I). La fréquente confusion des mots et des maux peut alors amener à vouloir diminuer la vigilance d’un patient là où il nécessiterait seulement un traitement anxiolytique. Malgré tout, les frontières entre anxiolyse et sédation sont parfois ténues, surtout lorsqu’on utilise une même molécule. Une enquête française auprès de 7 soignants d’un service d’oncologie adulte a montré qu’aucun ne disait être troublé par l’utilisation du Midazolam comme anxiolytique, au lieu d’utiliser un autre anxiolytique per os, pouvant faciliter la transition avec une sédation lorsqu’elle devient indiquée, le traitement et le dispositif d’administration étant déjà en place  [3]. Cette pratique a été mentionnée dans une récente enquête française auprès des Equipes Régionales Ressources de Soins Palliatifs Pédiatriques portant sur les pratiques en termes de sédation à domicile, soulignant sa commodité : la posologie du Midazolam, débuté à visée anxiolytique (0,01 mg/kg/h), est augmentée si nécessaire pour une sédation (communication personnelle). Le risque peutêtre alors au gommage des frontières entre les deux, alors que l’intentionnalité (apaiser en conservant le contact ou apaiser en faisant dormir) et les modalités décisionnelles (collégialité ou non) diffèrent.

*Correspondance : [email protected]

139 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):139-140

O. Noizet-Yverneau, M. Schell

Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):139-140

Tableau I Comparaison des caractéristiques de la sédation en soins palliatifs et/ou en réanimation et de l’anxiolyse. Terminologie Lieu Collégialité requise Action sur

Sédation en soins palliatifs

Sédation en anesthésie-réanimation

Anxiolyse

Sédation pour détresse en phase terminale et dans des situations spécifiques et complexes [1] Hôpital/domicile/réanimation Oui

Sédation – analgésie [2]

– 

Réanimation/SMUR Non, hors SP

Hôpital/domicile Non

La vigilance*

L’anxiété

Objectif

Apaisement global par une diminution de la vigilance/un coma

Selon les situations : – Thérapeutique Ex : neuro-sédation – Sécurité – Confort – Prévention d’un inconfort en SP Ex : extubation, arrêt d’alimentation-hydratation

Sérénité

Echelles d’évaluation

Rudkin

Ramsay et autres

HAD, m-YPAS, RM-Smith**

Recours au MIDAZOLAM 1re intention Posologies

Titration : 0,03 mg/kg à répéter jusqu’au score de Rudkin désiré Puis dose horaire : 50 % de la posologie totale de titration

Modalités

Continu/discontinu

Pas exclusivement Titration ; dose minimale efficace, selon les situations et objectifs voulus : jusqu’à 10 mg/kg/h (patient ventilé)

Préopératoire : 0,3 mg/kg [4] Soins palliatifs : 0,01 mg/kg/h***

Effets du MIDAZOLAM Diminution de la vigilance

recherchée

Dépression respiratoire

Non voulue, mais possible : Recours à une ventilation mécanique non indiqué (obstination déraisonnable)

indésirable Non voulue, mais possible : sauf contexte de SP, recours possible à la ventilation mécanique

Très peu probable à posologie anxiolytique

SP : soins palliatifs ; * : en agissant sur la vigilance, l’anxiété peut être diminuée ; ** : non validées en SP pédiatriques ; *** : posologie rapportée par certaines équipes Régionales Ressources Soins Palliatifs Pédiatriques (données personnelles).

3. Du bon usage de la sédation On constate actuellement une systématisation et banalisation de la sédation chez le patient en fin de vie. A l’heure où il est question d’introduire dans la loi le droit à une sédation profonde, il est plus que jamais nécessaire pour le médecin confronté à la fin de vie d’être au clair avec ces questions : de quoi l’enfant devant qui je suis a-t-il besoin ? Ai-je recherché et traité une anxiété ? Une bonne qualité de fin de vie pour lui nécessite-telle la diminution voire la suppression de sa vigilance  ? Que viendrait-elle alors masquer, occulter, lui dérober ? Qui soigne-t-on alors : le patient, l’entourage, le soignant ? Quelle intention se cache derrière celle d’une sédation ?

4. Conclusion Parce que le glissement sémantique et parfois pratique entre anxiolyse et sédation induit une confusion dans l’intention, les remèdes, et les procédures décisionnelles, il est plus que 140

jamais nécessaire d’être rigoureux dans la séméiologie –  les maux  – et la terminologie –  les mots  –, afin de ne pas se tromper d’objectif pour permettre une fin de vie la plus apaisée possible. Un travail pédagogique de clarification auprès du patient, des proches et des soignants est à chaque fois nécessaire.

Références [1] Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs, 2009. Sédation pour détresse en phase terminale et dans des situations spécifiques et complexes : recommandations de bonne pratique. http://www.sfap.org/content/les-recommandations-de-la-sfap. [2] Sauder P, Andreoletti M, Cambonie G, et al. Sédation et analgésie en réanimation (nouveau-né exclu). Conférence de consensus commune (SFAR-SRLF). Ann Fr Anesth Réanim 2008;27:541-51. [3] Keesmann K. Confusion entre anxiolyse et sédation dans certaines situations en phase terminale ? Med Palliat 2012;11:173-80. [4] Baillard C, Beydon L. La prémédication en anesthésie. SFAR, 52e congrès national d’anesthésie et de réanimation, Paris, 2010.

[Between anxiolytics and sedation: what are we talking about?].

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