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Neurophysiol Clin (1991) 2 1 , 2 4 5 - 2 6 5 © Elsevier, Paris

Revue

B ~ n ~ f i e e s et i n c o n v ~ n i e n t s des h y p n o t i q u e s O Benoit * URA CNRS 1159, hdpital de La SalpOtriOre, 47, bcl de l'H@ital, 75651 Paris Cedex 13, France (Regu le 1er aofit 1991 ; accept6 le 3 septembre 1991)

R6sum~ - A l'heure off se pose en France la question de rationaliser l'usage des hypnotiques, une revue des b6n6fices et inconv6nients que l'on peut attendre ~t ces substances s'irnpose. L'insomnie est un symptSme dont le passage/t la chronicit6 d6pend de multiples facteurs parmi lesquels la personnalit6 de l'individu joue un r61e important. Le traitement hypnotique est symptomatique mais son effet b6n6fique sur le sommeil s'estompe en quelques semaines, alors que des effets n6gatifs sur la journ6e du lendemain peuvent persister (d6t6rioration de la vigilance, des performances et de l'humeur). Les difficult6s majeures pos6es par les traitements hypnotiques, avec les benzodiaz6pines en particulier, sont li6s aux ph6nom~nes d'accoutumance pendant le traitement, aux insomnies rebond et aux syndromes de sevrage lors de son interruption. Les termes du consensus international sur le traitement de l'insomnie chronique sont rappel6s et des 616ments pratiques pour la conduite des traitements pr6sent6s. hypnotiques / tolerance / insomnies rebond / d~pendance

Summary - Benefits and risks of hypnotics. Rationalisation o f the war o f hypnotics has recently been

under discussion in France: a review o f the benefits and risks o f these substances may therefore be useful. Chronic insomnia is a result o f multiple factors, among which individual characteristics o f the personality play an important role. Hypnotic treatment is symptomatic; its beneficial influence on sleep progressively vanishes in f e w weeks, while some negative residual effects on daytime functioning (mood, alertness, performance, memory impairmen 0 may persist. The main problems posed by hypnotic treatment with benzodiazepines are related to tolerance effects during the treatment period and to rebound insomnia and withdrawal phenomena after discontinuation. Practical issues f o r the treatment o f insomnia, based on international consensus, are presented. hypnotics I tolerance I rebound insomnia I dependance

* Correspondance et tir6s ~t part: laboratoire d'6tude du sommeil, b~timent pharmacie-laboratoire, 47, bd de l'H6pital, 75651 Paris Cedex 13.

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Introduction A l'heure off se pose en France comme dans d'autres pays, la question de rationaliser l'usage des hypnotiques, il est utile de faire le point sur les effets sp6cifiques et non sp6cifiques de ces substances, d'appr6cier ce que recouvre le sympt6me insomnie pour situer correctement l'usage des hypnotiques dans le traitement des insomnies. La consommation r6guli6re d'hypnotiques est 61ev6e dans notre pays et se situe entre 10O7o(Quera-Salva et al, 1991 ; R6sch et al, 1989) et 15O7o(Haeusler et al, 1988). Le cofit social de l'insomnie est li6 ~ la consommation m6dicale, pour pattie inutile que cette pathologie entra~ne et, ~t la r6duction des capacit6s socioprofessionnelles de ceux qui en souffrent. L'am61ioration de la prise en charge des insomniaques passe certes par le d6veloppement des consultations et des centres sp6cialis6s pour les cas les plus difficiles mais surtout par une meilleure formation des m6decins praticiens pour que la r6ponse face ~ une plainte d'insomnie ne soit ni un haussement d'6paule ni une prescription syst6matique d'hypnotique. Cette derni6re tend en effet ~t induire des 6tats de d6pendance sans contr61e du sympt6me lui-m~me. Un cercle vicieux entra~ne l'escalade des prescriptions et le maintien de la demande. Changer l'6tat d'esprit tant des patients que des m~decins prescripteurs face ~t des substances en g6n6ral remarquablement bien tol6r6es et d6nu6es d'effets secondaires majeurs, au moins ~t court terme si l'on suit les conseils de prescription, demandera un effort d'6ducation de longue haleine et une formation des m6decins ~ l'6coute du patient. Cette revue se propose de faire le point sur l'int6r~t et les limites des traitements hypnotiques ~t partir des donn6es r6centes de la litt6rature.

L'insomnie: perspectives aetuelles L 7nsomnie

L'insomnie peut ~tre d6finie selon un crit~re subjectif: un sommeil consid~r~ c o m m e insuffisant ou non r~parateur, en d~pit de conditions de sommeil ad~quates. Cette d6finition diff6rencie donc les insomnies intrins6ques de celles li6es h des facteurs externes (bruit, environnement d6favorable, etc) mais inclue celles d6pendant de pathologies autres, m6dicales ou psychiatriques. I1 convient donc d'y ajouter, comme le veut la classification internationale des troubles du sommeil (ISDC, 1990), le terme en l'absence de cause m~dicale ou psychiatrique identifi~e. En pratique, les insomnies correspondent ~t une difficult6 d'initiation ou du maintien du sommeil, ainsi qu'~ une plainte de sommeil non r6parateur. Sa fr~quence

L'insomnie est un sympt6me tr6s courant puisque les enqu~tes effectu6es dans diff6rents pays occidentaux estiment selon les critbres choisis, sa fr6quence entre 20°70

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et 40% dans la population adulte, avec 17% des insomniaques se disant tr6s g~n6s (Bixler et al, 1976, 1979; Charon et al, 1989; Dement et al, 1984; Gillin and Byerley, 1990; Karacan et al, 1976; Mellinger et al, 1985). C'est un motif fr6quent de consultation chez le g6n6raliste mais aussi chez le psychiatre. Selon Bixler et al (1979) le tiers des patients consultant en psychiatrie se plaignent en premier lieu d'une insomnie. Les 6tudes 6pid6miologiques ont fait ressortir divers facteurs favorisants. Deux enqu~tes, l'une su6doise (Lijenberg et al, 1989) et l'autre am6ricaine (Ford and Kamerov, 1989), effectu6es respectivement sur environ 5 000 et 8 000 personnes recrut6es darts la population g6n6rale font ressortir certains facteurs favorisants : le ch6mage quel que soit l'fige ou le niveau socio-6conomique (fl l'exception de la tranche la plus 61ev6e), le sexe avec une nette pr6dominance des femmes, le statut marital (s6par6, divorc6, veuf), enfin dans l'6tude am6ricaine le niveau socio-6conomique le plus bas. L'effet de l'fige sur la fr6quence de l'insomnie appara~t plus complexe que l'on ne le supposait fl partir d'6tudes plus anciennes montrant que les plaintes augmentaient significativement avec l'fige. Si l'on d6finit l'insomnie par un seul sympt6me (difficult6 d'endormissement ou r6veils nocturnes par exemple), la relation entre l'fige et l'insomnie est significative, mais chez les femmes seulement. En revanche, si l'on choisit une d6finition plurisymptomatique de l'insomnie fond6e sur cinq questions au lieu d'une seule (sommeil insuffisant, difficult6 d'endormissement ou r6veils noctures, latence du sommeil ou/dur6e des r6veils sup6rieure fl 30 minutes, somnolence diurne, et d6ficit de sommeil estim6 fl 1 heure ou plus) on ne retrouve plus de corr6lation avec l'fige, ni en fonction du sexe ni sur l'ensemble des sujets 6tudi6s. L'6tude fran~aise r6cente (Querea-Salva et al, 1991) confirme l'importance des facteurs socio6conomiques, en particulier chez les sujets fig6s.

L'insomnie, motif de consultation La proportion des individus consultant pour leur trouble du sommeil est difficile fl appr6cier mais ne repr6sente certainement pas la totalit6 des gens qui dorment mal. Dans l'&ude am6ricaine pr6c6demment cit6e, deux entretiens ont eu lieu fl 6 mois de distance et l'on a 6valu6 le recours ~t des soins m6dicaux dans les 6 mois pr6c6dant chaque entretien. Ce recours a 6t6 significativement plus 61ev6 chez les sujets se plaignant d'insomnie (56,3%) que chez ceux ne s'en plaignant pas (50,9%). Chez les premiers un motif de consultation chez le g6n6raliste relatif fl un probl6me de sant6 mentale (31,2% contre 11,8%) ou le recours fl une consultation en milieu psychiatrique (9,8% contre 3,1%) 6taient plus fr6quents que chez les non-insomniaques. Lors du deuxi+me entretien, plus de la moiti6 des individus ayant d6clar6, au premier entretien, mal dormir sans avoir consult6 pour ce sympt6me, avaient consult6 entre-temps un service de sant6.

La personnalitO de l'insomniaque chronique De nombreuses 6tudes ont 6t6 consacr6es ~ ce probl~me. Toutes ont soulign6 le lien tr6s marqu6 de t'insomnie chronique avec la psychopathologie. Plus de la moiti6 des

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insomniaques chroniques relbvent d'un diagnostic psychiatrique dont le sympt6me insomnie peut &re le signe principal. En dehors de pathologies l~sychiatriques caract6ris6es, les patients pr6sentent en g6n6ral des troubles class6s dans les rubriques des pathologies d6pressives e t / o u anxieuses (phobies, troubles obsessionnels et compulsifs, attaques de panique). Si l'on compare les caract6ristiques du sommeil et les personnalit6s des patients adress6s par leur g6n6raliste ~ un centre des troubles du sommeil celles de ~ mauvais dormeurs ~, recrut6s dans le m~me centre ~t titre de volontaires pour des 6tudes pharmacologiques, on ne trouve entre les deux groupes aucune diff6rence en terme de sommeil (dur6e, composition ou organisation du sommeil) mais des diff6rences tr~s significatives au niveau de la personnalit6 et du retentissement de l'insomnie sur la vigilance diurne (fatigue, irritabilit6 et somnolence) (Stepanski et al, 1989). Cela reste vrai en excluant de l'analyse les patients ayant une insomnie secondaire ~ une pathologie psychiatrique. Compar6s ~ celui des volontaires ~ mauvais dormeurs >~, le degr6 de psychopathologie des consultants, mesur6 par diff6rentes 6chelles (Minnesota Multiphasic Personality Inventory, Profile of Mood States, 6chelles d'6motion et de sant6 physique du Cornell Medical Index) 6tait significativement plus 61ev6. Pour expliquer la pr6dominance de la psychopathologie chez les consultants, on peut penser qu'en dehors d'une psychopathologie manifeste, le mauvais sommeil aggrave les probl~mes d'adaptation psychologique d'individus fragiles ou porteurs d'une psychopathologie latente et qu'elle est donc plus mal tol6r6e.

L'abord clinique de l'insomnie L'exp6rience acquise dans les centres cliniques sp6cialis6s montre que dans la pratique, le facteur dur6e de l'insomnie reste le meilleur guide pour l'6valuation et le choix th6rapeutique. On distingue les insomnies transitoires ou aiguEs ( < 3 sem) li6es des situations de stress brutal ou ~ des perturbations de l'environnement (changement d'habitat, voyage, d6calage horaire, altitude, bruit, etc) et les insomnies chroniques. Ces derni6res correspondent ~ des insomnies install6es depuis plus de 3 semaines, th6oriquement tout au moins, ma!s en pratique s'6valuent en terme de mois et souvent d'ann6es. Pour les insomnies aigu~s la cause est en g6n~ral facile ~t mettre en 6vidence et la d6cision th6rapeutique d6pend de sa nature, du retentissement du mauvais sommeil sur le fonctionnement diurne et enfin du risque encouru en cas de somnolence secondaire au d6ficit de sommeil. En cas de stress aigu, la personnalit6 et les possibilit6s de ma~trise psychologique face au stress de l'individu doivent &re prises en compte. Plus complexe sera la conduite ~t tenir pour les insomnies chroniques. Leur d6terminisme est le plus souvent multifactoriel et l'6valuation doit permettre d'ordonner les principaux facteurs en cause afin d'essayer d'agir pr6f6rentiellement sur les plus importants d'ofl la n6cessit6, avant toute d6cision th6rapeutique, d'une 6valuation correcte de l'insomnie gr~tce ~ un bilan approfondi. Le d6veloppement de technologies nouvelles permettant l'enregistrement ambula-

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toire du sommeil et l'analyse automatique des trac6s polygraphiques devrait permettre ~t l'avenir une plus large utilisation de ces examens dans les bilans syst6matiques. On a en effet pu montrer qu'ils modifiaient dans pr+s de la moiti6 des cas le diagnostic clinique initial et donc influenqaient consid6rablement la r6ponse th6rapeutique (Jacobs et al, 1988). La classification internationale des troubles du sommeil, datant de 1979, a 6t6 r6cemment remise ~ jour (ISDC, 1990). Elle devrait apporter une aide substantielle aux recherches cliniques se proposant de mieux 6valuer, en fonction de crit6res diagnostiques de l'insomnie, les effets souhait6s ou ind6sirables des traitements pharmacologiques et des traitements non pharmacologiques. La place de ces derniers, n6gligeable actuellement, devrait s'accro~tre notablement. L'utilit6 de cette classification dans la pratique clinique reste pour l'instant limit6e.

L'action des hypnotiques et ses iimites

On appelle hypnotique toute substance capable d'induire ou de maintenir le sommeil. Les hypnotiques ont c o m m e propri6t6 commune leur action d6pressive sur le syst6me nerveux central qui selon la dose utilis6e va se traduire par un effet s6datif, du sommeil ou un coma... Ces substances appartiennent, comme on le sait, fi diff6rentes classes pharmacologiques : les barbituriques, s6rieusement critiqu6s depuis des ann6es, les benzodiaz6pines (BZD), et plus r6cemment les cyclopyrolones et imidazopyridines. D'autres hypnotiques ne rel6vent pas de ces families ou sont des associations de plusieurs substances (Goldenberg, 1984). Enfin, l'hydrate de chloral ou les antihistaminiques sont employ6s ~t titre d'hypnotiques sans que leur b6n6fice sp6cifique sur le sommeil par rapport aux hypnotiques classiques soit 6tabli et malgr6 des risques certains (mSmes risques que les barbituriques pour le premier et effets anticholinergiques pour la plupart des seconds). E f f e t s des hypnotiques sur le s o m m e i l E f f e t s it court terme Les hypnotiques sont tous efficaces/~ court terme. A l'occasion de leurs premi6res prises ils diminuent objectivement le temps mis ~ s'endormir, augmentent d'une demiheure/i une heure la dur6e du sommeil et diminuent le nombre et la dur6e des 6veils. Sur le plan subjectif, ils s'accompagnent en g6n6ral d'une perception d ' u n sommeil plus rapide, plus profond et plus continu. Ces substances agissent donc sur la balance veille-sommeil du fait de leurs propri6t6s anti-6veil. Mais, le sommeil induit par hypnotique diff6re plus ou moins fortement du sommeil physiologique par les caract6ristiques de sa composition ou de son organisation, c'est-/t-dire dans sa macrostructure, jug6e d'apr6s des crit6res polygraphiques. I1 en diff~re aussi dans sa microstructure telle que l'analyse fine des aspects E E G et de leurs corr61ats physiologiques et neurov6g6tatifs peut le r6v61er. L ' i m p o r t a n c e et la nature des modifications de l'architec-

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ture du sommeil d6pendent de la classe chimique, du type de mol6cule, de la dose et enfin de la dur6e du traitement. De nombreuses revues ont analys6 ces effets (en particulier: Gillin and Mendelson, 1981 ; Goldengerg, 1984, 1988; Nicholson, 1986; Oswald, 1983 ; Rogers, 1987). Les analyses de la microstructure du sommeil restent plus anecdotiques bien que certains effets soient tr6s caract6ristiques (par exemple augmentation des spindles et des rythmes rapides et diminution des ondes delta avec les benzodiaz6pines). Le d6veloppement des techniques d ' E E G quantifi6 devrait enrichir l'analyse des effets hypnotiques et permettre de d6finir des ((signatures polygraphiques )) distinctes selon les familles chimiques (Borb61y et al, 1991). La signification fonctionnelle des modifications pharmacologiques des structures macroscopiques et microscopiques du sommeil engendr6es par les hypnotiques est encore loin d'etre 6tablie.

Effets dt long terme On s'accorde en g6n6ral sur le fait que les effets positifs des hypnotiques sur la mesure objective de la balance veille-sommeil s'estompent assez rapidement en cas de traitement continu. Selon les substances et les m6thodes d'6valuation, l'accoutumance se fair dans l'espace de 2 ~t 4 semaines (Johnson et al, 1990a) alors que l'effet subjectif semble se prolonger bien au-del~ (Oswald et al, 1982). La discordance entre l'6valuation objective et subjective du sommeil sous hypnotique n'est qu'un cas particulier de celle trouv6e tr6s habituellement chez l'insomniaque et plus rarement chez le bon dormeur. Une 6tude a montr6 que sous placebo, les insomniaques chroniques surestiment leurs difficult6s de sommeil alors qu'au contraire sous hypnotique, et ind6pendemment de la substance consid6r6e, ils surestiment la qualit6 de leur sommeil (Schneidert-Helmert, 1985). La persistance des effets subjectifs pourrait d6pendre d'autres propri6t6s (anxiolytiques ou amn6siantes) de ces substances. On ne peut nier cependant le fait qu'un petit nombre de patients souffrant d'un retentissement sdv6re de leur insomnie dans la journ6e b~n~ficient d'un traitement s6datif au long cours, parfois tr6s sp6cifique (Regenstein, 1987). Lors des traitements prolong6s, des ph6nombnes de compensation vont se produire en particulier dans le sommeil paradoxal. Ces changements, d'abord mis en 6vidence pour les barbituriques avec lesquels ils s0nt caricaturaux, se retrouvent ~t des degr6s plus ou moins marqu6s avec les autres hypnotiques. Le blocage initial du sommeil paradoxal va entra~ner un rebond compensateur dans la marne nuit avec les mol6cules d'action brbve, ou lors des nuits ult6rieures pour les autres substances. La normalisation de la quantit6 de sommeil paradoxal se fait au cours de la nuit marne dans le premier cas et au fil des nuits dans le second. I1 s'agit bien d'un ph6nom6ne d'6chappement car les m6canismes compensateurs de l'effet pharmacologique qui sont mis en jeu pendant le traitement, vont entra~ner, ~t l'arr~t du traitement, un excbs de sommeil paradoxal ou un exc6s de certaines de ses caract6ristiques phasiques. Cet exc6s peut se traduire cliniquement par la survenue ou la recrudescence de r~ves angoissants et de cauchemars. Les insomnies rebond du petit matin observ6es avec les mol6cules ~ demi-vie courte sont un cas particulier des ph6nom6nes d'accoutumance qui se d6veloppent lots des traitements hypnotiques prolong6s (Kales et al, 1983).

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D'autres effets des BZD, c o m m e la suppression des ondes delta entra~nant une r6duction du sommeil lent profond, ou l'augmentation des rythmes rapides et des spindles persistent aussi longtemps que le traitement. Ils peuvent m~me durer des jours et des semaines apr6s l'arr~t du traitement surtout si celui-ci a comport6 des doses 61ev6es pendant des dur6es prolong6es. En conclusion, un premier facteur & prendre en compte dans l'utilisation des hypnotiques est l'6puisement, en quelques semaines, de l'effet sp6cifique b6n6fique sur le sommeil.

Effets des hypnotiques clans la journ~e Vigilance et performances Par d6finition les hypnotiques ont tous une action s6dative nocture (effet ((th6rapeutique))). Mais cette influence peut persister dans la journ6e qui suit et devient un effet r6siduel. Les conditions actuelles de vie demandent des efforts accrus de vigilance avec en particulier l'accroissement des fftches exigeant un m a x i m u m de vigilance dans des conditions difficiles (immobilit6, signaux abstraits, monotonie, bruit, etc) et, pour beaucoup de travailleurs, exig6 quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit. Un effort important a 6t6 fait au cours des 10 derni6res ann6es pour mesurer l'incidence d'une prise d'hypnotique sur la journ6e du lendemain. De mani~re un peu sch6matique on peut dire : 1) que l'effet s6datif r6siduel d6pend des caract6ristiques pharmacologiques du produit (rapidit6 d'absorption, demi-vie d'61imination, pr6sence de m6tabolites actifs, etc) ; 2) que, pour une substance donn6e, cet effet d6pend de la dose et sans doute aussi de la dur6e du traitement. Un effet d'accoutumance pourrait s'observer avec certaines BZD. D'autres 6tudes, au contraire, signalent une d6t6rioration progressive des performances, en particulier pour les BZD avec m6tabolites actifs qui s'accumulent. Enfin les ph6nom~nes d'accoutumance se d6velopperaient ~t des rythmes diff6rents pour les effets s6datifs et anxiolytiques des BZD. Une r6cente revue fait le point sur l'incidence des BZD sur les fftches d'attention et souligne ~t la fois l'h6t6rog6n6it6 des 6tudes et des r6sultats obtenus (Koelega, 1989). La plupart des travaux consacr6s & ce th~me ont 6t6 conduits apr6s des prises isol6es ou des traitements & court terme, souvent chez le sujet bon dormeur, plus rarement chez l'insomniaque. Tr6s peu d'6tudes s6rieuses ont 6t6 faites lors de traitements prolong6s chez l'insomniaque chronique, ce qui s'explique par la grande difficult6 de mener, sur des bases objectives, de telles 6tudes. Les autoestimations des niveaux de performance ou de vigilance ne permettent pas d'appr6cier correcternent l'effet diurne d ' u n e substance pharmacologique. On sait en effet qu'il n'existe pas de corr61ation & un moment donn6 entre l'autoestimation du niveau de vigilance, quelle que soit la technique choisie, et les mesures objectives telles que la probabilit6 de s'endormir 0 u le temps mis ~t s'endormir aux tests de latence multiple d'endormissement ou aux tests de r6sistance au sommeil (Clodor6 et al, 1990). I1 n'existe pas non plus de correspondance syst6matique entre le niveau de vigilance et l'efficience aux 6preuves de performance. Dans le cas des performances les plus

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simples, on admet un parall61isme entre performance et vigilance d'une part et entre l'~volution circadienne de la vigilance et de la temp6rature interne d'autre part. Mais il n'en est plus de meme des que les performances deviennent plus complexes : ~ chaque type de performance et selon la nature de l'6preuve, correspond un optimum de vigilance. L'efficience est diminu6e lors des niveaux inf6rieurs et sup~rieurs. La relation performance-vigilance suit une courbe en U invers6e. D ' u n e mani~re g6n6rate ce sont les t~ches simples, monotones et de longue dur6e qui se d6t6riorent le plus vite quand le degr6 de somnolence augmente. Pour les t~ches les plus complexes jouent aussi le degr6 de motivation et le type d'environnement. Dans ces cas, en r~gle gen6rale, la qualit6 de la performance se maintient au prix d ' u n changement de la strat6gie utlis~e pour la r6aliser. Pour compliquer encore les choses, la capacit6 d'autoestimation de la performance varie avec le niveau de vigilance. Aux 6tats extremes de vigilance, elle est de route faqon mauvaise. Elle se modifie aussi apres prise d'hypnotique: on a observe que des d6t& riorations marqu6es des performances peuvent ne pas etre ressenties, etre sur- ou sousestim6es ou encore que des differences sur l'infiuence de deux produits peuvent etre not6es sur le plan subjectif et non v6rifi6es sur le plan objectif. L'extrapolation des donn6es de laboratoire aux situations de la vie r6elle doit de ce fait etre prudente. Deux arguments sont souvent cit6s ~t l'appui d ' u n 6ventuel effet b6n6fique des hypnotiques sur l'amelioration de la performance diurne. L ' u n correspond ~ l ' a m & lioration du sommeil nocturne et l'autre ~t la correction de niveaux d'anxi6t6 61ev6s, responsables en eux-memes de d6t6riorations de la performance. Dans l'6tat actuel des donn6es disponibles il n'existe pas de faits r6ellement convaincants ~t l'appui de ces hypoth6ses (Ansseau, 1989; Johnson et al, 1990b). I1 n'existe pas de relation claire entre les modifications du sommeil de nuit induites par l'hypnotique, qu'elles soient 6tablies objectivement ou estim6es par le patient, et l'efficience diurne mesur6e par des tests de performance. Chez le sujet sain, on a pu mettre en 6vidence une corr61ation n6gative entre l'appr6ciation subjective de la somnolence et la qualit6 de l'humeur et des performances. En revanche, on ne trouvait pas de relation entre la mesure objective de la somnolence et les memes variables(Johnson et al, 1990b). Cela confirme, s'il en est besoin, la complexit6 des relations entre les diff6rentes composantes impliqu6es dans la qualit6 du fonctionnement diurne. S'il n'existe pas de preuve convaincante que l'efficience diurne s'ameliore lors d ' u n traitement au long cours avec un hypnotique chez l'insomniaque chronique (en dehors, peut-etre, des cas associ6s ~t une pathologie psychiatrique caract6ris6e), il semble certain, par contre, qu'elle peut dans certaines conditions se d6grader. Humeur Les traitements prolong~s avec des hypnotiques benzodiaz~piniques peuvent s'accompagner d'effets n6gatifs sur le plan de l'humeur. Les plus connus sont le risque de rebond d'anxi6t6, parfois le matin, mais plus g6n6ralement en fin d'apr~s-midi avec les BZD ~ demi-vie tr~s courte (midazolam, triazolam et brotizolam). Ce rebond peut se voir aussi avec des BZD ~t demi-vie interm6diaire (loprazolam et loraz~pam) (Adam

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and Oswald, 1982; Kales et al, 1983a, 1983b, 1991 ; Morgan and Oswald, 1982; Scharf and Jacoby, 1982; Tan et al, 1985). Outre l'exag6ration de l'anxidt6, des ph6nom6nes d'hostilit6, de ddtresse psychique, de panique et m~me de d6r6alisation ont pu ~tre observ6s aprbs 10 jours de triazolam ~t 0,5 mg. Cet effet s'apparente vraisemblablement aux effets de sevrage. Le niveau d'anxi6t6 initial du patient (state anxiety) pourrait jouer un r61e important dans le d6clenchement de ce ph6nombne puisqu'une autre 6tude chez des insomniaques volontaires mod6r6ment anxieux n ' a pas mis en 6vidence de rebond d'anxi6t6 lors d'un traitement de 5 semaines avec le triazolam (Bliwise et al, 1988). En revanche cette dernibre 6tude fait ressortir le matin une ddtdrioration significative de l'humeur /t type de d6pression et de fatigue. Des 6tudes approfondies devraient faire le point sur l'incidence des traitements hypnotiques prolong6s sur t ' h u m e u r en tenant compte du type d'insomnie, du type de produit, de la dur6e du traitement et de la dose. M~me si les effets ndgatifs sur l ' h u m e u r 6taient l'exception plut6t que la r6gle, ils doivent ~tre connus car le profil de l'insomniaque chronique non psychiatrique se caract6rise d6j~ par une 616vation des notes aux 6cbelles de d6pression e t / o u d'anxi6t6. L'exag6ration de ces tendances par un traitement hypnotiqu e au long cours risque d'aggraver I'insomnie au lieu de la traiter. De telles 6tudes permettraient sans doute de mieux comprendre pourquoi certains patients b6n6ficient r6ellement de traitements hypnotiques sp6cifiques au long cours (Regenstein, 1987). Si l ' o n souhaite que l'effet s6datif et/ou anxiolytique se prolonge dans la journ6e, l'effet r6siduel de l'hypnotique peut dans certains cas 8tre inclus dans le b6n6fice th6rapeutique. Mais l'on doit savoir que ce gain se fera au d6triment de la vigilance et de la performance diurne et peut ~tre de l'humeur. Dans tous les cas o~, dans la journ6e, les niveaux de vigilance et de performance sont d'importance cruciale, la prise en consid6ration du risque d'effet s6datif diurne est indispensable. On devra en outre tenir compte de facteurs majorants 6ventuels lids aux conditions de travail (d6ficit plus ou moins chronique de sommeil ou d6calages horaires frdquents) ou ~ la consommation d'alcool. La prolongation de l'effet s6datif sur la journ6e du lendemain peut parfois ~tre b6n6fique mais elle constitue le plus souvent un inconv6nient. Pour les traitements ~ court terme l'efficacit6 et la bonne tol6rance des hypnotiques modernes, pris aux doses usuelles, ne peuvent atre mises en doute. Pour les traitements g long terme la question reste pos6e : alors qu'il n ' y a pas de preuve formelle que l'utilisation quotidienne, au long cours, des hypnotiques apporte un b6n6fice quelconque sur le plan du sommeil, un certain nombre de faits indiquent qu'elle peut aggraver les problbmes. C o m m e n t se fait-il alors que tant de patients continuent/t utiliser les hypnotiques au long cours ? Diff6rentes r6ponses sont possibles : un rdel effet s6datif non objectiv6 sur les trac6s polygraphiques par les techniques actuelles (?), un effet placebo (?), une d6pendance physique e t / o u psychique (?). I1 est difficile de trancher entre ces hypotheses et il semble plus vraisemblable que, seton les individus, l'un ou l'autre de ces facteurs entrent en jeu de fagon pr6pond6rante ce qui n'exclue pas l'influence des autres.

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Probl~mes li~s ~t I'utilisation des hypnotiques

Les difficult6s majeures pos6es par les traitements hypnotiques sont li6es pendant le traitement aux ph6nom6nes d'accoutumance et plus rarement d'anxi6t6 rebond (voir l'action des hypnotiques et ses limites), et, ~t l'arr~t de ce dernier, ~t la survenue d'insomnies rebond et de syndromes de sevrage. Ph~nomknes d"accoutumance

L'accoutumance est facile ~ identifier puisque le patient se plaint de ne plus dormir correctement avec une dose qui jusque-l~t 6tait efficace. L'exp6rience a prouv6 que chez la plupart des insomniaques chroniques le changement de mol6cule hypnotique sera suivi au bout d'un temps plus ou moins long de la m~me perte d'efficacit6. Le diagnostic pr6cis des principaux facteurs responsables de l'insomnie et leur traitement s'imposent donc pour une r6elle efficacit6 th6rapeutique. On sait en outre que le d6veloppement d'une accoutumance n'exclue pas pour autant les risques d'insomnie rebond et de syndrome de sevrage lors d'un changement du type de traitement (passage aux antid6presseurs par exemple) ou ~ l'arr~t de celui-ci. Dans ce chapitre nous ferons pr6f6rentiellement r6f6rence aux benzodiaz6pines pour lesquelles le recul est suffisant et les donn6es bien 6tablies. Du fait de leur mise r6cente sur le march6, les hypnotiques de type zolpidem et zopiclone, ne peuvent pas encore valablement ~tre compar6s avec les BZD, en terme de ph6nom6nes de sevrage et de d6pendance. On ne peut donc pas affirmer qu'ils apportent, de ce point de vue, un avantage certain par rapport aux BZD dans les traitements prolong6s. Des 6tudes syst6matiques et ~t grande ~chelle avec des m6thodologies appropri~es (groupes parall61es incluant un groupe placebo) restent indispensables pour appr6cier l'incidence r6elle de ces ph6nom6nes et mettre en 6vidence les facteurs de risque. Ces connaissances sont indispensables ~ une meilleure ma~trise des traitements hypnotiques. Les ~ insomnies rebond~ ou insomnies de sevrage

On appelle ~(insomnie rebond )) une forte aggravation des probl6mes de sommeil (par rapport h l'insomnie initiale) cons6cutive ~t l'arr~t d'un traitement hypnotique. D6crite initialement par Kales et al (1978) cette insomnie est g6n6ralement isol6e, ~ la diff6rence du sympt6me insomnie observ6 dans la majorit6 (57,7%) des syndromes de sevrage benzodiaz6pinique (Onyett, 1989). On peut la d6finir comme une augmentation de plus de 40%, par rapport ~t la ligne de base, de la quantit6 d'6veils dans la, ou les nuits, qui suivent un sevrage d'hypnotique. Ce rebond (~absolu)) est surtout une mesure adapt6e ~t la recherche car, dans la majeure partie des travaux cliniques et, afortiori pour le praticien, l'insomnie initiale est difficile ~ appr6cier chez l'insomniaque chronique qui passe d'un traitement /~ l'autre pendant des ann6es. On d6finit alors un rebond ~ relatif~, c'est-~-dire une

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d6t6rioration transitoire du sommeil par rapport h celui des derniers jours de traitement. L'6volution permet de diff6rencier l'insomnie rebond d'une rechute: la premi6re doit s'estomper en quelques jours au maximum, sauf peut-~tre aprbs des traitements tr6s prolong6s o~ un syndrome de sevrage peut succ6der /~ l'insomnie rebond. L'am61ioration se fait alors en quelques semaines. L'insomnie rebond/~ l'arrSt d ' u n traitement hypnotique s'apparente aux exag6rations transitoires de l'anxi6t6 not6es lors de la cessation des traitements anxiolytiques. Les deux ph6n0m6nes peuvent s'observer apr6s des traitements courts, voire mSme pour l'insomnie apr6s une seule prise d'hypnotique ce qui les diff6rencie des syndromes de sevrage qui ne se voient qu'apr6s des traitements de longue dur6e (en g6n6ral sup6rieure h 1 an). Plusieurs articles ont pr6sent6 une synth6se critique des donn6es existantes (Bixler et al, 1985, Gillin et al, 1989; Kales et al, 1983b ; Lader and Lawson, 1987 ; Roehrs et al, 1990). D'apr6s ces travaux, il appara~t que selon les individus, l'insomnie se traduit soit par un allongement important du temps mis ~t s'endormir, soit par une r~duction de la dur6e du sommeil, soit le plus souvent, par une augmentation du nombre et de la dur6e des r6veils nocturnes. Cette variabilit6 individuelle rend parlois difficile une mise en 6vidence statistique. Ce ph6nom6ne a 6t6 observ6 aussi bien chez le volontaire sain lors d'6tudes pharmacologiques que chez le mauvais dormeur et l'insomniaque.

Les facteurs de risque sont d'abord pharmacologiques Toutes les BZD h demi-vie courte et interm6diaire sont susceptibles d'entra~ner une insomnie rebond. La dose joue probablement un r61e i l'insomnie rebond serait facilit6e par les doses fortes en particulier quand elles n ' a p p o r t e n t plus de gain d'efficacit6. La dur6e du traitement ne joue pas un r61e essentiel, la probabilit6 de rebond est la m~me apr6s une, six ou 12 nuits de traitement avec 0,50 mg de triazolam, par exemple (Roehrs et al, 1990). I1 est possible que la dur6e du traitement puisse interagir avec d'autres facteurs, c o m m e par exemple la dose, pour modifier la s6v6rit6 du rebond. Le m o m e n t de survenue de l'insomnie rebond est tr6s clairement li6/~ la demi-vie d'61imination du produit et de ses m6tabolites actifs. Avec les BZD ~t tr6s courte demi-vie, il survient la premi6re nuit et peut ~tre intense (Kales et al, 1991). Avec celles ~ demi-vie interm6diaire, il se situe en g6n6ral entre la 1re et la 4 e nuit. Ce rebond ne dure habituellement q u ' u n e / t deux nuits. La question des insomnies rebond avec les BZD $ demi-vie longue reste pos6e car, d'une part le rebond s'il existe, survient ~ des moments variables dans les 2 semaines qui suivent le sevrage, et d'autre part il est souvent moins marqu6. On l'admet possible mais habituellement moins fr6quent ou moins intense. Des facteurs individuels pourraient aussi jouer un r61e dans l'incidence des insomnies rebond: les sujets sains qui ont pr6sent6 ce rebond avaient un sommeil de moins bonne qualit6 que ceux qui n ' e n ont pas eu. Enfin, il semble n'exister aucun lien entre le d6veloppement d'une accoutumance et le risque d'insomnie de sevrage. Afin de minimiser le risque d'insomnie rebond tousles auteurs recommandent d'uti-

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liser la plus petite dose efficace au cours du traitement et de faire un sevrage lent par diminution progressive des doses, m~me et surtout avec les BZD fl demi-vie courte et intermddiaire. Des paliers d'une semaine ou plus, entre deux diminutions, quart de dose par quart de dose, substance par substance, sont fl prdvoir. Ces paliers doivent 6tre d ' a u t a n t plus longs que le traitement a 6td plus prolong6, les doses plus 61evdes ou que diff6rents hypnotiques ont 6t6 utilis6s concurremment, ce qui est loin d'etre une exception chez l'insomniaque chronique. On doit aussi allonger les paliers lorsqu'on arrive aux derni6res fractions (moiti6 et quart) du dernier comprimd d'hypnotique pour tenir compte des phdnombnes psychologiques plus encore que pharmacologiques. I1 a dtd proposal, afin de faciliter le sevrage, de remplacer les hypnotiques fl demi-vie courte par des substances fl demi-vie longue en fin de traitement. Cette solution n'apparaTt pas d'embl6e comme la meilleure : l'insomnie rebond n'est pas toujours couverte lors de la substitution d ' u n hypnotique par un autre ; en outre cela ne rdsout pas le problbme du conditionnement psychologique lid fl la prise d'hypnotique. Lors des sevrages apr6s traitement prolongd, il est indispensable que le mddecin suive r6guli6rement le patient, lui exp!ique ce qui peut arriver en insistant sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une rechute mais d ' u n 6tat passager de l'ordre de quelques nuits. La mdconnaissance de l'insomnie rebond conduit, dvidemment, un certain nombre de patients fl reprendre un traitement hypnotique. L e s y n d r o m e de sevrage Ce syndrome correspond fl un ensemble de sympt6mes physiologiques, cognitifs, dmotionnels et comportementaux qui surviennent peu aprds l'arrat d ' u n traitement sddatif ou anxiolytique chez quelqu'un qui a pris ce traitement de fagon continue pendant un temps relativement long, de l'ordre d'une annde ou plus. II se diffdrencie d ' u n retour des troubles initiaux par la survenue de sympt6mes nouveaux (malaise physique et hypersensitivitd perceptuelle en particulier), par l'aggravation des autres troubles au-dessus de ieur niveau initial et enfin par la rdcession spontande des troubles en quelques semaines. Les caractdristiques de ce syndrome lots du sevrage de BZD hypnotique sont les m~mes que celles ddc'rites plus gdndralement avec les traitements anxiolytiques et sddatifs utilisant les BZD. Plusieurs revues (Noyes et al, 1988 ; Owen and Tyrer, 1983; Rickels et al, 1988; Roy-Byrne and H o m m e r , 1988; SchneidertHelmert, 1988; Uhlenluth et al, 1988, et tout particuli6rement celle de Hanin et Marks, 1988), ont ddtailld ce phdnom6ne et ont insistd sur le fair qu'il dtait lid fl l'apparition d'une ddpendance physique e t / o u psychique. I1 peut s'observer avec toutes tes BZD. A la diffdrence de l'insomnie rebond, la dur6e du traitement et la dose utilisde jouent un r61e majeur dans sa survenue, d'ofl !e conseil de faire des sevrages progressifs. Un certain nombre d'autres points peuvent avoir un intdrSt plus direct pour les traitements hypnotiques. La personnalit6 de l'individu joue certainement un r61e dans le ddveloppement d'une ddpendance. Rickels et al (1988) ont trouvd que les meilleurs prddicteurs sont le degrd de psychopathologie, mesurd par le score global au M M P I , les personnalitds anxioddpressives et plus encore celles se caract6risant par un man-

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que de confiance en soi, du conformisme et une certaine passivit6 associ6e fl une d6pendance fl l'6gard d'autrui. Le contexte associ6 ~t la prise de BZD pourrait aussi jouer un r61e dans le d6veloppement de la d6pendance, comme cela a pu ~tre montr6 chez l'animal, avec les BZD comme avec les opiac6s. Si les conditions d'environnement associ6es fl la prise, et donc fl l'effet des BZD, sont fr6quemment les m~mes, les risques de d6veloppement d'une accoutumance et de d6pendance avec difficult6 au sevrage sont beaucoup plus grands que lorsque les effets BZD sont associ6s fl des contextes plus vari6s (Roy-Byrne and H o m m e r , 1988). Le traitement hypnotique est par d6finition toujours associ6 au coucher et entre donc dans ta premi6re cat6gorie. On pourrait ainsi expliquer que la d6pendance aux hypnotiques est un ph6nom6ne plus courant que cetle associ6e fl la prise d'anxiolytique dans la journ6e, parfois avec la m~me BZD.

La d~pendance ~t faible dose Des ph6nom6nes de d6pendance fl faible dose de BZD ont 6t6 mis en 6vidence en particulier chez l'insomniaque chronique. On note chez ces patients une perte totale de l'efficacit6 de l'hypnotique quelle que soit la BZD employ6e avec un d6ficit marqu6 du sommeil lent profond et du sommeil paradoxal. Ces stades r6apparaissent progressivement lors du sevrage alors que l'insomnie ne s'accro~t pas beaucoup. Mais malgr6 l'am61ioration relative de leur sommeil les patients pensent dormir moins longtemps qu'avec l'hypnotique. Tout se passe donc chez ces patients comme si l'insomnie n'6tait pas perque de la m~me mani6re sous hypnotique (Schneidert-Helmert, 1988). Enfin, il est possible que l'abus fl long terme de s6datifs et hypnotiques puisse ~tre associ6 fl de petits dysfonctionnements c6r6braux, comme le sugg6rent les anomalies aux tests neuropsychologiques persistant apr6s plusieurs ann6es d'abstinence (Bergman et al, 1989). Cela rapprocherait les effets de l'abus b, long terme de ces substances de ceux qui sont connus avec l'alcool. En somme, les traitements hypnotiques prolong6s ne sont pas sans quelques risques, du fait du d6veloppement de ph6nom6nes d'accoutumance, de d6pendance et donc de difficult6s de sevrage. Les troubles engendr6s restent habituellement peu s6v6r e s e t peuvent dans une large mesure ~tre 6vit6s par la prescription de la plus petite dose utile pendant le minimum de temps, suivie d ' u n sevrage progressif et contr616. Une certaine prudence de prescription s'impose chez les insomniaques fl personnalit6 d6pendante.

Le co~.sensus international concernant le traitement des i n s o m n i e s

La substitution des benzodiaz6pines aux barbituriques pour le traitement des insomnies a repr6sent6 un progrbs indiscutable, essentiellement du fait de leur marge de s6curit6 plus grande. En 1979, un comit6 de l'Institut of Medicine (IOM) of the National Academy of Sciences a confirm6 l'int6r~t des BZD en rant qu'hypnotiques avec

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les pr6cisions suivantes : leur efficacit6 fl court terme est similaire fl celle des barbituriques, l'accoutumance est moins rapide lors d'administration prolong6e, mais la probabilit6 d'effets secondaires fl type de troubles psychomoteurs est sup6rieure (Sleeping pills, Insomnia and Medical practice, 1979). Le probl6me de leur utilisation dans le traitement des insomnies a 6t6 abord6 en 1981 et en 1983 par le conseil des affaires scientifiques de l'American Medical Association. Un consensus a 6t6 6tabli e t a depuis regu l ' a p p r o b a t i o n et le soutien des scientifiques et des cliniciens de la sp6cialit6 dans le monde entier (Hypnotic Drugs and Treatment of Insomnia, 1981 ; Drugs and Insomnia, 1981). Les travaux publi6s depuis cette date rant sur la nature de l'insomnie, ses facteurs 6pid6miologiques ou la personnalit6 de l'insomniaque, que sur les effets des hypnotiques n ' o n t fait que renforcer la base de ce consensus dans les milieux sp6cialis6s. Dans certains pays c o m m e aux l~tats-Unis, sous l'6gide de l'American Association of Sleep Disorders Centers, et en Grande-Bretagne en particulier, l'6ducation des praticiens et du public a permis de r6duire notablement la consommation des hypnotiques. I1 n'en n'est pas de m~me en France off le taux de prescription, s'il se ralentit, ne d6cro~t pas encore.

Les termes du consensus La conclusion de la conf6rence de consensus est la suivante:

[Benefits and risks of hypnotics].

Rationalisation of the war of hypnotics has recently been under discussion in France: a review of the benefits and risks of these substances may there...
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