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Rec¸u le : 15 juillet 2013 Accepte´ le : 21 mars 2014

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ScienceDirect www.sciencedirect.com



Mise au point

Chirurgie bariatrique et esthe´tique de l’adolescent obe`se : une the´rapeutique alternative Bariatric and plastic surgery in obese adolescents: An alternative treatment Be´atrice Duberna,*,b, Patrice Touniana,b a

Nutrition et gastroente´rologie pe´diatriques, hoˆpital Armand-Trousseau, AP–HP, 26, avenue du Dr Arnold-Netter, 75012 Paris, France b Inserm UMRS U872 (Eq. 7) nutriomique, centre de recherche des cordeliers, universite´ Pierre-et-Marie-Curie, Paris 6, institut de cardiome´tabolisme et nutrition (ICAN), 75005 Paris, France

Summary

Re´sume´

The increased frequency of extreme forms of obesity in adolescents and the disappointing results of conventional treatments are now leading pediatricians to consider bariatric or cosmetic surgery as the only real long-term effective therapeutic alternative. The two main techniques currently used for bariatric surgery in adolescents are gastric bypass and adjustable gastric banding. Whatever the technique, weight loss is significant with improvement of comorbidities and quality of life. In addition, the complications are identical to those in adults and equally frequent. However, because of the particularities of this age, caution is still required. Adolescence is indeed characterized by specific nutritional needs, but also changes in body image in which surgery could have a negative effect. Currently, all obese teenagers making a request for bariatric surgery should have a comprehensive assessment with global care for at least 6 months. The indication is then discussed on a case-by-case basis by multidisciplinary teams and experts. To date, the type of surgery (gastric banding, gastric sleeve, or bypass) is still widely discussed. Based on experience with adults, we believe that gastric sleeve and bypass should be preferred. In addition, obesity in adolescents almost always involves psychosocial consequences, while somatic complications are rare. Thus, the care of adipo- or gynecomastia, abdominal fat excess, and concealed penis is essential and therefore justifies cosmetic surgery. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

L’augmentation des formes extreˆmes d’obe´site´ chez l’adolescent et les re´sultats de´cevants des prises en charge classiques ame`nent actuellement les pe´diatres a` envisager la chirurgie bariatrique ou esthe´tique comme la seule vraie alternative the´rapeutique efficace a` long terme. Les deux principales techniques de chirurgie bariatrique utilise´es actuellement chez l’adolescent sont le by-pass gastrique et l’anneau gastrique ajustable. Quelle que soit la technique, la perte de poids est notable avec une ame´lioration des comorbidite´s et de la qualite´ de vie. De plus, les complications sont identiques a` celles des adultes et tout aussi fre´quentes. Cependant, en raison des particularite´s de cette tranche d’aˆge, la prudence reste de mise. L’adolescence est en effet caracte´rise´e par des besoins nutritionnels spe´cifiques mais aussi des modifications de l’image corporelle sur lesquels la chirurgie pourrait avoir un effet ne´gatif. Actuellement, tout adolescent obe`se faisant la demande d’une chirurgie bariatrique doit faire l’objet d’une e´valuation comple`te avec prise en charge globale pendant au moins 6 mois. L’indication est alors discute´e au cas par cas par des e´quipes multidisciplinaires aguerries et expertes. A` ce jour, le type de chirurgie (anneau gastrique ou manchon gastrique ou by-pass) reste toujours largement discute´. Nous pensons, qu’a` l’instar de ce qui est pre´conise´ chez l’adulte, les deux dernie`res techniques devraient eˆtre privile´gie´es. De plus, chez l’adolescent, l’obe´site´ entraıˆne presque toujours des conse´quences psychosociales lie´es au regard des autres, alors que les complications somatiques sont rares. Ainsi, la prise en charge des adiposogyne´comasties, des tabliers abdominaux et des verges enfouies est indispensable et justifie donc la place de la chirurgie esthe´tique. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (B. Dubern). http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.03.015 Archives de Pe´diatrie 2014;xxx:1-7 0929-693X/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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B. Dubern, P. Tounian

1. Introduction L’augmentation des formes extreˆmes d’obe´site´ chez l’adolescent pose la question de leur prise en charge the´rapeutique en raison du caracte`re constitutionnel de cette maladie et du risque de comorbidite´s a` court terme (syndrome d’apne´es du sommeil (SAS), hypertension arte´rielle, diabe`te de type 2, etc.). En effet, a` ce jour, l’efficacite´ des prises en charge classiques de l’obe´site´ pe´diatrique reste de´cevante ainsi que celle des traitements me´dicamenteux [1]. En attendant la mise au point e´ventuelle de nouveaux traitements, la chirurgie repre´sente donc aujourd’hui la seule vraie alternative the´rapeutique efficace a` long terme pour ces adolescents souffrant d’obe´site´ massive. Elle peut eˆtre bariatrique ou esthe´tique.

2. Chirurgie bariatrique La chirurgie bariatrique est devenue au cours des 15 dernie`res anne´es le traitement de re´fe´rence chez l’adulte obe`se [2,3] avec environ 20 000 interventions chaque anne´e en France [4]. Les trois principales techniques chirurgicales utilise´es sont le by-pass gastrique, l’anneau gastrique ajustable et le manchon gastrique (ou sleeve gastrectomy). Leur effet sur le poids est secondaire a` la modification anatomique modulant l’apport ou l’absorption des calories selon la technique utilise´e, avec un effet satie´toge`ne particulie`rement marque´ apre`s le by-pass gastrique. De plus, elles ont un effet be´ne´fique majeur sur le me´tabolisme glucidique via la restriction calorique et la perte de poids mais aussi via la re´duction de la se´cre´tion de glucagon-like peptide 1 (GLP-1) notamment pour le by-pass [5]. Ces 3 techniques ont chacune des avantages et des inconve´nients bien connus mais leur mortalite´ pe´riope´ratoire reste proche de ze´ro dans les centres experts [5] et leur efficacite´ sur l’exce`s de poids et sur les comorbidite´s n’est plus a` de´montrer [2,3,6]. Aussi, face aux situations d’obe´site´ massive chez l’adolescent, qu’elle soit complique´e ou non, la question d’une telle prise en charge chirurgicale est actuellement largement discute´e [1].

2.1. Indications Depuis les anne´es 1990, plusieurs milliers d’adolescents ont be´ne´ficie´ d’une chirurgie bariatrique aux E´tats-Unis, et cela de`s l’aˆge de 13 ans [7,8]. En Europe, le recours a` un tel traitement est plus re´cent [8]. Actuellement, selon les recommandations ame´ricaines, un adolescent peut eˆtre candidat en cas d’indice de masse corporelle (IMC) supe´rieur a` 40 kg/ m2 avec au moins une comorbidite´ associe´e ou en cas d’IMC supe´rieur a` 35 kg/m2 avec une ou plusieurs comorbidite´s potentiellement se´ve`res (tableau I) [9]. Sont exclus les adolescents ayant un de´veloppement pubertaire inacheve´ ou une taille infe´rieure a` 95 % de la taille attendue a` l’aˆge adulte, les adolescents incapables d’appre´hender les risques lie´s a` l’acte ope´ratoire ou dont la compliance postope´ratoire au plan

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Tableau I Crite`res d’inclusion et d’e´ligibilite´ pour une chirurgie bariatrique chez l’adolescent obe`se. Crite`res d’inclusion IMC > 35 kg/m2 avec une comorbidite´ se´ve`re (diabe`te, syndrome d’apne´es du sommeil se´ve`re, Pseudotumor cerebri, ste´atohe´patite se´ve`re) IMC > 40 kg/m2 avec une comorbidite´ mode´re´e (syndrome d’apne´es du sommeil mode´re´, hypertension arte´rielle, insulinore´sistance, intole´rance au glucose, dyslipide´mie, complications psychosociales lie´es a` l’obe´site´, alte´ration de la qualite´ de vie) Apre`s e´chec des autres prises en charge ayant dure´ au moins 6 mois Compliance de l’adolescent avant et apre`s la chirurgie pour la prise en charge me´dicale, die´te´tique et psychologique Crite`res d’e´ligibilite´ Stade de Tanner IV ou V (sauf en cas de comorbidite´ se´ve`re mettant en jeu le pronostic vital) Maturation de l’aˆge osseux avec une taille supe´rieure a` 95 % de la taille attendue a` l’aˆge adulte Capacite´ a` inte´grer les changements die´te´tiques et de mode de vie indispensables en postope´ratoire Maturite´ intellectuelle et encadrement de la famille avec compre´hension des risques encourus et des mesures the´rapeutiques ulte´rieures (supple´mentation nutritionnelle, suivi me´dical re´gulier) Absence de troubles psychiatriques ou en cours de traitement (de´pression, anxie´te´, compulsions alimentaires) D’apre`s Pratt et al. [9]. IMC : indice de masse corporelle.

me´dical, die´te´tique et familial risque d’eˆtre insuffisante, et enfin ceux pre´sentant des troubles psychiatriques (de´pression, anxie´te´, compulsions alimentaires) non traite´s (tableau I) [9]. D’autres recommandations, notamment australiennes, vont dans le meˆme sens [10,11]. En France, pour la Haute Autorite´ de sante´ (HAS), la chirurgie bariatrique n’est pas indique´e chez l’enfant et l’adolescent obe`se sauf situations exceptionnelles re´serve´es aux centres experts [12]. Ces recommandations, qui ne sont qu’un simple « avis d’expert » (niveau de preuve le moins e´leve´ dans la hie´rarchisation de la HAS), permettent de rester prudent et d’insister sur le fait qu’un tel traitement ne doit pas eˆtre envisage´ chez les plus jeunes ou en cas d’obe´site´ peu se´ve`re non complique´e. En revanche, chez l’adolescent, dans les situations extreˆmes d’obe´site´ qui sont de plus en plus fre´quemment rencontre´es dans les centres spe´cialise´s, la chirurgie bariatrique doit eˆtre discute´e et reste assez souvent indique´e.

2.2. Techniques Comme chez l’adulte, les deux principales techniques utilise´es actuellement chez l’adolescent obe`se sont le by-pass gastrique et l’anneau gastrique ajustable [7,8]. Si certains auteurs discutent l’inte´reˆt du manchon gastrique [13], ses effets a` moyen et long terme sont peu de´crits voire inconnus au-dela`

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Chirurgie chez l’adolescent obe`se

de 5 ans apre`s la chirurgie [8]. L’une ou l’autre de ces 2 techniques entraıˆne une perte de poids significative avec re´duction de pre`s de 15 points d’IMC a` 1 an chez les adolescents ope´re´s [8]. Peu de donne´es sont disponibles en ce qui concerne l’effet de la chirurgie sur les comorbidite´s comme le diabe`te ou le SAS [8]. En revanche, la qualite´ de vie est ame´liore´e a` court terme [8]. Les complications sont identiques a` celles de l’adulte et tout aussi fre´quentes [7,8]. Avec l’anneau quelques de´ce`s ont e´te´ de´crits et les complications sont essentiellement me´caniques (dilatation ou de´placement de la poche gastrique, dilatation de l’œsophage, e´rosion gastrique) conduisant souvent a` des re´interventions [8]. La seule e´tude prospective randomise´e publie´e a` ce jour a compare´ les effets d’une chirurgie par anneau ajustable a` ceux d’une approche me´dicale dite optimale dans un groupe de 50 adolescents aˆge´s de 14 a` 18 ans suivis pendant 2 ans [14]. Dans le groupe ope´re´, la perte de poids avait e´te´ de 36 kg, soit pre`s de 13 points d’IMC alors que dans l’autre groupe, la perte de poids avait e´te´ de 3 kg (1,3 points d’IMC). Bien que tre`s significatifs, ces re´sultats ne sont pas surprenants. Environ 40 % des adolescents pre´sentaient des anomalies me´taboliques (hypertriglyce´ride´mie, hypoHDL (high density lipoprotein), choleste´role´mie, etc.) au de´but de l’e´tude. Apre`s deux ans, toutes ces anomalies avaient re´gresse´ chez les adolescents ope´re´s contre 22 % dans l’autre groupe. De meˆme, leur qualite´ de vie avait e´te´ nettement ame´liore´e. Il faut cependant noter qu’une re´intervention avait e´te´ ne´cessaire pour un jeune sur trois en raison de complications lie´es au boıˆtier ou a` la tubulure ou en raison d’une dilatation de la poche gastrique [14]. Le remplacement de l’anneau gastrique par un by-pass a aussi e´te´ de´crit par d’autres e´quipes. Ainsi, dans une se´rie autrichienne de 18 adolescents obe`ses (IMC moyen 51,7  8,0 kg/m2), la moitie´ des patients qui avaient eu un anneau gastrique avait duˆ avoir un by-pass plus de 2 ans apre`s, principalement en raison d’une perte de poids insuffisante voire d’une reprise de poids [15]. Avec le by-pass, les complications ne sont pas plus fre´quentes qu’avec l’anneau mais potentiellement plus se´ve`res. Une de´nutrition parfois se´ve`re (de´nutrition prote´ino-e´nerge´tique, be´ribe´ri, neuropathie lie´e a` une carence vitaminique) a e´te´ initialement de´crite, mais cela n’est actuellement plus le cas en raison de la supple´mentation vitaminique syste´matique des adolescents [8]. Des complications digestives (ste´nose, saignement) ont e´galement e´te´ rapporte´es ainsi que quelques de´ce`s a` court ou moyen terme. L’e´mergence de la technique du manchon gastrique chez l’adulte ces dernie`res anne´es a eu pour conse´quence son utilisation chez l’adolescent obe`se [8,13]. Cette me´thode principalement restrictive a comme principales complications la fistule gastrique et les saignements postope´ratoires. Si son efficacite´ a e´te´ montre´e chez l’adulte, les donne´es chez l’adolescent sont limite´es, en particulier sur la perte de poids a` long terme [8]. Le choix du type de chirurgie est de´battu et variable selon les e´quipes et les pays. Dans une me´ta-analyse re´cente incluant

637 adolescents, la proportion d’anneaux gastriques e´tait proche de celle des by-pass (respectivement 42 % et 47 %) et cela pour un IMC moyen initial quasiment identique (respectivement 49,6 kg/m2 et 52,4 kg/m2) [8]. Si le recours a` l’anneau gastrique est de´fendu par certains avec pour arguments la re´versibilite´ de la proce´dure et sa relative facilite´ d’exe´cution, d’autres privile´gient le by-pass dont la re´versibilite´ est possible et l’efficacite´ supe´rieure dans l’expe´rience adulte en termes de perte de poids, notamment a` long terme, et de re´gression des comorbidite´s [3]. Cependant, le recours aux interventions avec malabsorption comme le by-pass soule`ve le proble`me ge´ne´ral des carences en micronutriments, et plus spe´cifiquement du retentissement potentiel sur la maturation osseuse et la croissance en fonction du stade de de´veloppement pubertaire [16]. De plus, une e´tude re´cente a sugge´re´ que l’anneau gastrique aurait une efficacite´ identique au by-pass sur l’e´volution ponde´rale chez l’adolescent, contrairement a` ce qui est de´crit classiquement chez l’adulte [17]. Cette divergence avec l’adulte demande cependant a` eˆtre confirme´e, notamment sur le long terme. Il n’existe donc pas a` l’heure actuelle d’argument formel pour privile´gier l’une ou l’autre de ces interventions. Cependant, a` l’instar de l’e´volution de la chirurgie bariatrique chez l’adulte, le by-pass est probablement pre´fe´rable chez de jeunes individus souffrant d’obe´site´ extreˆme avec des IMC supe´rieurs a` 50 voire 60 kg/m2, notamment s’il existe un diabe`te associe´. Dans les autres situations, le choix entre anneau gastrique, by-pass voire manchon gastrique doit eˆtre discute´ au cas par cas, en particulier pour les adolescents qui expriment un souhait de re´versibilite´. Si l’anneau gastrique est choisi, il est important de les pre´venir de la ne´cessite´ fre´quente d’une conversion en by-pass ou en manchon gastrique a` long terme pour le maintien de la perte de poids a` l’instar de l’e´volution chez l’adulte, meˆme si cela reste a` confirmer chez l’adolescent [17].

2.3. Limites Si les indications de la chirurgie bariatrique sont assez clairement e´tablies chez l’adolescent, certaines limites sont lie´es a` cette classe d’aˆge. L’adolescence est en effet marque´e par des modifications corporelles majeures (changements physiques lie´s a` la puberte´, acce´le´ration de la croissance staturoponde´rale, pic de masse osseuse) et par des pre´occupations importantes autour de l’image du corps. Il s’agit aussi d’une pe´riode de de´couverte et de construction de l’identite´ (prise de distance par rapport au statut d’enfant avec besoin d’autonomie ; pe´riode de tests, d’expe´rimentations avec prises de risque potentielles (alcool, cannabis, sexualite´) et modifications des gou ˆ ts (alimentaires, vestimentaires, musicaux, ide´ologiques) ; incapacite´ a` se projeter a` long terme). Enfin, l’impact psychologique d’une telle prise en charge dans cette classe d’aˆge doit eˆtre pris en compte. Quels que soient les be´ne´fices de l’intervention, les adolescents peuvent se

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sentir atteints par une angoisse envahissante et eˆtre perturbe´s dans leur inte´grite´ corporelle. Au niveau psychologique, on doit envisager l’impact potentiel de la chirurgie bariatrique dans la mesure ou` toute intervention chirurgicale est ve´cue avec side´ration comme une effraction sur le corps, accompagne´e plus ou moins de douleur et de mutilation. En effet, alors que chez les plus jeunes il existe toutes sortes de fantasmes de perse´cution, d’agression, de panique sur lesquelles la raison n’a plus de pouvoir, chez l’adolescent, ces fantasmes se de´ploient d’autant plus que la pe´riode qu’ils vivent repre´sente un moment de grande vulne´rabilite´ a` la chirurgie. Aussi, de`s le de´but de la prise en charge et surtout en amont de l’acte chirurgical, il faut mettre l’accent sur la ne´cessite´ d’une e´valuation rigoureuse de la personnalite´ de l’enfant et envisager un suivi re´gulier a` long terme a` la fois me´dical et psychologique avant de prendre la de´cision d’une telle chirurgie.

2.4. Prise en charge pre´- et postope´ratoire Afin de pre´parer les adolescents obe`ses a` cette chirurgie, il est indispensable de mettre en place un suivi pre´ope´ratoire d’au moins 6 mois, tout aussi important que le suivi postope´ratoire, avec une collaboration e´troite entre professionnels (pe´diatres, me´decins d’adultes, chirurgien, psychologues, die´te´ticiens) [7,11]. Les objectifs de cette prise en charge pre´ope´ratoire sont multiples : e´valuation de la situation me´dicale avec recherche de comorbidite´s (SAS, hypertension arte´rielle, recherche d’Helicobacter pylori, etc.) ; recherche de troubles du comportement alimentaire graves ou de troubles psychiatriques contre-indiquant la chirurgie ; e´valuation des capacite´s a` suivre les contraintes die´te´tiques secondaires a` la chirurgie et surtout e´valuation de la compliance, de la motivation, des attentes (ide´es magiques) et craintes de l’adolescent ainsi que du contexte familial (soutien du projet de chirurgie par les deux parents, la fratrie). Cette e´valuation doit eˆtre ide´alement re´alise´e au cours d’entretiens individuels avec chaque professionnel (me´decin, psychologue, die´te´ticien). La participation a` des groupes de paroles autour de la chirurgie en pre´sence ou non d’un adolescent ope´re´ peut aussi eˆtre organise´e selon les e´quipes [18]. Au cours de cette pe´riode, la capacite´ de compliance est e´value´e. En effet, l’adhe´sion pre´ope´ratoire au projet the´rapeutique est tout aussi importante que l’adhe´sion postope´ratoire, d’autant qu’une diminution significative de la compliance, notamment a` la supple´mentation vitaminique, a e´te´ de´crite de`s les premie`res semaines suivant la chirurgie malgre´ les pre´cautions prises en amont. Dans une e´tude re´cente concernant 41 adolescents ayant eu un by-pass pour la majorite´ d’entre eux, seulement 40 % d’entre eux continuaient a` prendre re´gulie`rement les supple´ments vitaminiques un mois apre`s la chirurgie et 27 % a` 6 mois [19]. De meˆme, la mise en place d’une contraception efficace est fortement recommande´e pendant au moins

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2 ans en pre´ope´ratoire en raison des cas de grossesse non programme´e de´crits dans la litte´rature apre`s chirurgie chez l’adolescente a` l’instar des e´tudes chez l’adulte [7,19]. Le suivi postope´ratoire doit eˆtre proche de celui des adultes avec une surveillance re´gulie`re de la perte de poids, du statut prote´ique et vitaminique. L’alimentation doit eˆtre reprise tre`s progressivement apre`s l’acte chirurgical [20] selon un sche´ma pre´cis avec re´introduction des aliments en petites quantite´s, initialement sous forme liquide puis mixe´e en surveillant de pre`s la tole´rance (vomissements, blocages alimentaires, dumping syndrome). Le retour a` une alimentation normale se fait le plus souvent en 6 a` 8 semaines [20]. En ce qui concerne les boissons, il est conseille´ de boire plutoˆt en dehors des repas et en petites quantite´s et de limiter certaines boissons plus particulie`rement consomme´es par les adolescents (boissons gazeuses, alcool). L’accent doit aussi eˆtre mis sur l’apport prote´ique qui doit rester optimal. Enfin, il doit eˆtre demande´ a` l’adolescent de maintenir un niveau d’activite´ physique re´gulie`re (marche, natation, etc.), voire de l’augmenter pour maintenir sa masse maigre au cours de l’amaigrissement [21]. La surveillance postope´ratoire de l’e´volution de la composition corporelle est indispensable pour s’assurer que la perte de poids concerne principalement la masse grasse alors que la masse maigre est conserve´e. Cette surveillance repose sur des bilans cliniques et biologiques syste´matiques et des consultations die´te´tiques re´gulie`res qui permettent d’ajuster les doses de supple´ments nutritionnels. Sur le plan psychologique, l’impact des modifications corporelles induites par la chirurgie et la perte de poids doit eˆtre particulie`rement e´value´ chez les adolescents qui ont par de´finition des pre´occupations importantes autour de l’image du corps. Enfin, la transition vers l’e´quipe adulte doit eˆtre anticipe´e pour la prise en charge ulte´rieure.

2.5. Cas des obe´site´s syndromiques ou monoge´niques Si la chirurgie bariatrique est envisageable chez la majorite´ des adolescents qui en font la demande, il existe des situations pour lesquelles la prudence est de mise comme les obe´site´s syndromiques et monoge´niques (syndrome de Prader-Willi, mutations du re´cepteur de la leptine, etc.). Elles sont caracte´rise´es par une obe´site´ massive et pre´coce de`s les premie`res anne´es, avec impulsivite´ alimentaire et retard mental pour certaines d’entre elles comme le syndrome de Prader-Willi. Actuellement, les donne´es de la litte´rature montrent que l’effet de la chirurgie bariatrique dans ces situations est limite´. Dans le cas du syndrome de Prader-Willi, la perte de poids reste me´diocre a` 5 ans (< 5 %), quelle que soit la technique utilise´e [22]. De plus, il existe des difficulte´s importantes inhe´rentes a` la pathologie (suivi et compliance difficiles en raison du retard mental, meˆme si la se´ve´rite´ de ce dernier est variable). Pour les autres obe´site´s syndromiques (dont le syndrome de Bardet-Biedl), peu de donne´es sont

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Chirurgie chez l’adolescent obe`se

disponibles, ce qui justifie de discuter l’indication d’un tel traitement de fac¸on tre`s prudente [23]. En ce qui concerne les mutations touchant des ge`nes de la voie leptine/me´lanocortines jouant un roˆle cle´ dans le controˆle hypothalamique de la prise alimentaire, elles sont responsables d’une obe´site´ massive de`s les premie`res anne´es de vie avec anomalies endocriniennes et impulsivite´ alimentaire [24]. L’indication d’une chirurgie bariatrique peut eˆtre discute´e dans les formes les plus se´ve`res. Cependant, les re´sultats en termes de perte de poids sont variables, probablement fonction de l’environnement familial comme cela a e´te´ re´cemment rapporte´ chez deux patients porteurs d’une mutation du re´cepteur de la leptine [25]. Pour les patients porteurs d’une mutation du re´cepteur de type 4 aux me´lanocortines (MC4R) (2–3 % des patients obe`ses), les re´sultats de la chirurgie sont e´galement

[(Figure_1)TD$IG]

variables selon les situations. Chez les rares patients homozygotes pour une mutation de MC4R avec interruption du signal me´lanocortine, les effets de la chirurgie sont me´diocres [26]. En revanche, en cas de mutation he´te´rozygote, la perte de poids apre`s chirurgie bariatrique est identique a` celle de´crite dans les populations d’adultes non porteurs de mutations MC4R [27,28].

3. Chirurgie esthe´tique Parmi les complications rencontre´es chez l’adolescent obe`se, les conse´quences psychosociales lie´es au regard des autres (me´sestime de soi, mauvaise image corporelle, isolement social, de´scolarisation, etc.) font aussi partie des plus fre´quentes

Figure 1. Adiposogyne´comastie avant et apre`s chirurgie esthe´tique (Photos Dr Jacques Buis).

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[29]. Ainsi, la prise en charge chirurgicale des complications morphologiques de l’obe´site´ telles que l’adiposogyne´comastie, le tablier abdominal ou la verge enfouie peut avoir une place essentielle et aider a` la prise en charge the´rapeutique de ces jeunes.

3.1. Adiposogyne´comastie L’adiposogyne´comastie est une accumulation de graisse au niveau de la re´gion mammaire simulant le de´veloppement inesthe´tique de seins chez le garc¸on. Elle existe surtout en cas d’obe´site´ importante, mais peut e´galement se rencontrer chez des garc¸ons ayant une surcharge ponde´rale mode´re´e [30]. Cette disgraˆce physique suscite souvent beaucoup de geˆne et entrave se´rieusement les activite´s ne´cessitant une exposition du torse comme la natation. Dans la mesure ou` l’ame´lioration obtenue apre`s re´duction ponde´rale reste le plus souvent limite´e [30], le recours a` une chirurgie plastique dans les cas les plus mal tole´re´s doit eˆtre propose´ aux adolescents demandeurs [31]. En pre´ope´ratoire, il est indispensable d’e´liminer toute autre cause de gyne´comastie (hormonale, ge´ne´tique, tumorale et me´dicamenteuse) [32]. De plus, une consultation psychologique doit eˆtre syste´matique afin d’appre´cier les capacite´s de l’adolescent a` tole´rer les modifications physiques que provoque l’intervention. A` ce jour, 20 patients ont e´te´ ope´re´s dans notre centre de re´fe´rence pour la prise en charge de l’obe´site´ pe´diatrique (donne´es personnelles) avec une grande satisfaction du re´sultat obtenu pour la grande majorite´ d’entre eux (fig. 1) [31].

4. Conclusion Selon notre expe´rience, tout adolescent obe`se faisant la demande d’une chirurgie, qu’elle soit bariatrique ou esthe´tique, doit eˆtre e´coute´ et faire l’objet d’une e´valuation globale (me´dicale, psychologique et die´te´tique). La discussion de la chirurgie bariatrique doit eˆtre effectue´e au cas par cas, par des e´quipes multidisciplinaires aguerries et expertes (me´decins, chirurgiens, psychologues, anesthe´sistes, die´te´ticiens), avec une collaboration e´troite entre e´quipes adultes et pe´diatriques. Sachant que cette prise en charge est la seule a` avoir montre´ a` ce jour un effet be´ne´fique a` long terme sur la perte de poids chez l’adulte [3], la chirurgie bariatrique est voue´e a` se de´velopper et a` eˆtre discute´e de plus en plus fre´quemment au cours de la prise en charge des adolescents obe`ses. De meˆme, le recours a` la chirurgie plastique est actuellement en plein essor avec un effet be´ne´fique net sur la qualite´ de vie de ces jeunes.

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

Re´fe´rences [1]

3.2. Tablier abdominal Certains adolescents obe`ses se plaignent davantage de l’existence d’un tablier abdominal singulie`rement inesthe´tique que de leur surcharge ponde´rale elle-meˆme. Cette disgraˆce se voit surtout apre`s chirurgie bariatrique chez l’adulte [33], mais elle peut e´galement eˆtre pre´sente en dehors de tout amaigrissement massif. La lipectomie peut permettre de re´cupe´rer de manie`re spectaculaire un abdomen satisfaisant. Dans notre expe´rience, le be´ne´fice d’une telle intervention est remarquable.

3.3. Verge enfouie La verge enfouie est aussi un proble`me assez fre´quent chez les garc¸ons souffrant d’obe´site´ se´ve`re. L’importante masse graisseuse hypogastrique recouvre en effet une verge souvent ellemeˆme re´tracte´e, la rendant partiellement ou totalement invisible. Bien que peu l’expriment, ce proble`me est la source d’une souffrance psychologique, surtout chez les adolescents les plus aˆge´s. Dans les cas les plus mal tole´re´s, un de´senfouissement de la verge par ablation chirurgicale de la graisse sus-pubienne en exce`s avec re´insertion de son attache pubienne peut eˆtre propose´, mais les re´sultats sont moins probants que pour les interventions pre´ce´demment de´crites [34,35].

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[Bariatric and plastic surgery in obese adolescents: an alternative treatment].

The increased frequency of extreme forms of obesity in adolescents and the disappointing results of conventional treatments are now leading pediatrici...
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