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L’Encéphale xxx (2016) xxx–xxx

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Cas clinique et revue brève

Aripiprazole, jeu pathologique et sexualité compulsive Aripiprazole, gambling disorder and compulsive sexuality D. Mété ∗ , C. Dafreville , V. Paitel , P. Wind Service d’addictologie, CHU Félix-Guyon, route de Bellepierre, 97405 Saint-Denis cedex, Réunion

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 20 janvier 2014 ´ Accepté le 18 decembre 2014 Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Aripipazole Jeu pathologique Sexualité compulsive Orientation sexuelle Agonistes dopaminergiques

r é s u m é L’aripiprazole est un antipsychotique atypique bien toléré qui a la particularité d’être le seul antipsychotique agoniste du récepteur dopaminergique D2. Nous rapportons le cas d’un patient schizoïde de 27 ans qui a été traité par 15 mg d’aripiprazole à la suite de plusieurs épisodes délirants. Sous traitement, il a développé une pratique de jeu pathologique pour les machines à sous en casino, puis pour les jeux de grattage. Ce trouble s’est accompagné d’un changement de l’orientation sexuelle avec une sexualité compulsive et des pratiques sadomasochistes. Les troubles ont régressé de fac¸on complète à l’arrêt de l’aripiprazole. Ces manifestations sont des effets secondaires connus des agonistes dopaminergiques utilisés dans le traitement de la maladie de Parkinson. Le mécanisme proposé est la stimulation du système dopaminergique méso-cortico-limbique dont le rôle est établi dans les addictions. L’attention des prescripteurs et de leurs patients devrait être attirée sur le risque de survenue de ces troubles comportementaux. © L’Encéphale, Paris, 2015.

a b s t r a c t Keywords: Aripiprazole Gambling disorder Hypersexuality Sexual orientation Dopamine Partial agonist

Introduction. – Aripiprazole, an atypical or second-generation antipsychotic, is usually well tolerated. It is an approved treatment for schizophrenia and mania in bipolar disorder type 1. Unlike the other antipsychotics, it has high affinity agonist properties for dopamine D2 and D3 receptors. It has also 5HT1A partial agonist and 5-HT2A antagonist properties. Aripiprazole is a first or second line treatment frequently used because it has reduced side effects such as weight gain, sleepiness, dyslipidemia, insulin resistance, hyperprolactinemia and extrapyramidal symptoms. Case-report. – We report the case of a 28-year-old male patient diagnosed with schizoid personality disorder. He was a moderate smoker with occasional social gambling habits. After several psychotic episodes, he was first treated with risperidone, but he experienced excessive sedation, decreased libido, erectile dysfunction and was switched to 15 mg aripiprazole. He developed an addiction habit for gambling at casino slot machines. Due to large gambling debts, he requested placement on a voluntary self-exclusion list. Thereafter, he turned his attention towards scratch card gambling. The patient described his experience of gambling as a “hypnotic state”. He got several personal loans to obtain money to continue gambling. He was then referred to an addiction unit. Before being treated with aripiprazole, he was an exclusive heterosexual with a poor sexual activity. Under treatment, he switched to a homosexual behavior with hypersexuality, unprotected sex and sadomasochistic practices. The craving for gambling and compulsive sexual behavior ceased two weeks after aripiprazole was discontinued and he was switched to amisulpride. Thereafter, he reported a return to a heterosexual orientation. Discussion. – Compulsive behaviors such as gambling, hypersexuality and new sexual orientation are common in patients with Parkinson’s disease treated with dopaminergic agonists. These behaviors involve the reward system, with an enhanced dopaminergic activity in the mesolimbic pathways and occur more frequently in young subjects, males with previous gambling habits and tobacco use. A few cases of aripiprazole-induced pathological gambling as well as aripiprazole-induced hypersexuality have been reported. To our knowledge, we are the first to report a case of gambling disorder associated with hypersexuality and change of sexuality orientation. Aripiprazole is the only antipsychotic with agonist

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Mété). http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.01.003 0013-7006/© L’Encéphale, Paris, 2015.

Pour citer cet article : Mété D, et al. Aripiprazole, jeu pathologique et sexualité compulsive. Encéphale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.01.003

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properties for the D2 dopamine receptor. It may also act as an enhancer in the mesolimbic dopaminergic pathways. Aripiprazole also has 5-HT1A partial agonist and 5-HT2A antagonist properties that may promote sexual activity. Conclusion. – Aripiprazole is an antipsychotic associated with reduced side effects compared to other antipsychotics. We report the case of a patient who experienced gambling disorder, hypersexuality and a new sexual orientation under treatment. These side effects are little known. They are usually difficult for patients to mention due to feelings of guilt. The consequences on social life, family and health may be serious. Clinicians and patients should be aware about the possible issue of these behavior disorders with aripiprazole. © L’Encéphale, Paris, 2015.

1. Introduction L’aripiprazole est un antipsychotique de seconde génération, dit atypique, indiqué dans le traitement de la schizophrénie et des épisodes maniaques chez le sujet bipolaire de type I. Il se caractérise par une action agoniste partielle pour les récepteurs dopaminergique D2, D3 [1] et sérotoninergique 5-HT1A, une activité antagoniste sur le récepteur sérotoninergique 5-HT2A. Il a pour ces récepteurs une haute affinité. Son action spécifique d’agoniste partiel D2 le distingue de tous les autres neuroleptiques en usage qui ont une action antagoniste D2 [2]. L’aripiprazole est une molécule souvent proposée en première intention ou en relais d’autres antipsychotiques classiques ou atypiques pour de moindres effets secondaires [3] tels que les signes extrapyramidaux, les effets métaboliques (prise de poids, hypercholestérolémie, hyperprolactinémie, insulinorésistance), la sédation et les dysfonctions sexuelles. Nous rapportons le cas d’un patient traité par aripiprazole qui a développé une pratique de jeu pathologique ainsi qu’une modification majeure de ses pratiques sexuelles. 2. Cas clinique L.B. est un homme de 27 ans, célibataire sans enfant, en activité professionnelle. Il s’agit d’une personnalité schizoïde qui a présenté plusieurs épisodes délirants, traité dans un premier temps par rispéridone. En raison d’une sédation excessive, d’une baisse de la libido et de troubles de l’érection, un relais est proposé par aripiprazole à la posologie quotidienne de 15 mg. La seule comorbidité addictive était un tabagisme modéré. Une pratique récréative occasionnelle de jeux de grattage était mentionnée ainsi que l’expérience de quelques passages en casino. Sous aripiprazole, il développe une pratique excessive des machines à sous en casino avec 4 sessions de jeu hebdomadaires. L’accumulation de dettes le conduit à effectuer une procédure d’interdiction volontaire de jeux qui l’empêche alors d’accéder aux casinos. Ses pratiques de jeu se déplacent alors vers les jeux de grattage, avec une pratique compulsive dans un état qualifié par le sujet d’ « hypnotique ». La souscription à plusieurs crédits à la consommation amène à discuter l’opportunité d’une mesure de protection des biens. Un suivi addictologique est débuté. Avant la mise sous aripiprazole, ce patient avait une orientation hétérosexuelle stricte avec une sexualité peu active. Sous traitement, il développe une pratique homosexuelle avec sexualité compulsive, rapports non protégés et pratiques sadomasochistes. Ces derniers éléments ne seront rapportés par le patient qu’après plusieurs entretiens et l’établissement d’une bonne alliance thérapeutique. L’évolution a été favorable par arrêt de l’aripiprazole, remplacé par un traitement par amisulpride. En une quinzaine de jours, le craving pour le jeu disparaît et progressivement une libido

strictement orientée vers le sexe opposé se manifeste à nouveau avec l’arrêt des pratiques à risque. 3. Discussion Le jeu pathologique, l’hypersexualité et la modification de l’orientation sexuelle font partie des effets secondaires connus des agonistes dopaminergiques utilisés dans le traitement de la maladie de Parkinson [4]. Ils résultent d’une stimulation des voies dopaminergique méso-cortico-limbiques qui ont un rôle établi dans les addictions [5]. Ces effets secondaires comportementaux concernent près de 15 % des patients traités, principalement des sujets jeunes et de sexe masculin. Plusieurs facteurs favorisants sont identifiés : la pratique antérieure de jeux de hasard et d’argent, le tabagisme et la recherche de sensations. Certaines de ces situations ont été à l’origine de procédures judiciaires médiatisées à l’encontre de l’industrie du médicament [6]. Quelques publications ont rapporté des cas de jeux pathologiques parmi des patients traités par aripiprazole [7–9] alors que d’autres ont décrit des cas d’hypersexualité [10,11]. À notre connaissance, nous sommes les premiers à rapporter une situation de jeu pathologique associée à une modification de l’orientation sexuelle avec sexualité compulsive survenue sous aripiprazole et ayant complètement disparu à l’arrêt du traitement. L’aripiprazole est le seul antipsychotique en usage aux propriétés agonistes D2. Les mécanismes en cause sont vraisemblablement identiques à ceux des autres agonistes dopaminergiques, à savoir une stimulation des voies dopaminergiques méso-corticolimbiques. La prescription préalable d’un autre antipsychotique antagonise les récepteurs dopaminergiques D2 qui sont hypersensibilisés et en densité augmentée [12], ce qui favoriserait la réponse à l’aripiprazole. De plus, son action sérotoninergique agoniste 5HT1A et antagoniste pour 5-HT2A favoriserait la sexualité [13]. Dans le cas de l’aripiprazole, il s’agit d’effets secondaires méconnus pour une molécule souvent proposée d’emblée ou en relais d’autres neuroleptiques pour ses moindres effets indésirables. Il s’agit également d’un traitement qui suscite de l’intérêt dans le traitement des addictions [14]. De tels effets ont été décrits pour d’autres antipsychotiques atypiques mais avec une fréquence nettement moindre que pour l’aripiprazole [15]. La prévalence de ces effets secondaires comportementaux n’est pas connue, elle semble faible au regard de la littérature. Vu la communauté des mécanismes physiopathologiques avec les agonistes dopaminergiques utilisés dans la maladie de Parkinson, il est vraisemblable que les facteurs favorisants soient identiques. L’attention des prescripteurs d’aripiprazole et de leurs patients doit être attirée sur la possible survenue d’un comportement de jeu pathologique, voire d’une modification des pratiques sexuelles. Ces problématiques ne sont souvent pas mentionnées spontanément par le patient ou ses proches du fait d’un sentiment de culpabilité et de honte. Leurs conséquences peuvent être graves et multiples :

Pour citer cet article : Mété D, et al. Aripiprazole, jeu pathologique et sexualité compulsive. Encéphale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.01.003

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familiales, financières, judiciaires, psychiatriques ainsi que le risque d’infections sexuellement transmissibles. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Costentin J. Nouvelle stratégie pharmacologique dans la schizophrénie : les agonistes partiels des récepteurs dopaminergiques D2. Caractéristiques principales de l’aripiprazole. Encéphale 2009;35(1):66–72. [2] Stahl S. Stahl’s Essential Psychopharmacology: Neuroscientific Basis and Practical Applications. 4th ed. Cambridge, UK: Cambridge University Press; 2013. [3] Khanna P, Komossa K, Rummel-Kluge C, et al. Aripiprazole versus other atypical antipsychotics for schizophrenia. Cochrane Database Syst Rev 2013;2:CD006569. [4] Witjas T, Eusebio A, Fluchère F, et al. Addictive behaviors and Parkinson’s disease. Rev Neurol (Paris) 2012;168(8–9):624–33. [5] Koob GF, Le Moal M. Drug abuse: hedonic homeostatic dysregulation. Science 1997;278:52–8.

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[6] Parkinson : la justice franc¸aise confirme la condamnation de GSK. Le Monde.fr, 28 novembre 2012; 2012 http://www.lemonde.fr/sante/article/ 2012/11/28/parkinson-la-justice-francaise-confirme-la-condamnation-degsk 1797172 1651302.html. [7] Roxanas MG. Pathological gambling and compulsive eating associated with aripiprazole. Aust NZ J Psychiatry 2010;44(3):291. [8] Cohen J, Magalon D, Boyer L. Aripiprazole-induced pathological gambling: a report of 3 cases. Curr Drug Saf 2011;6(1):51–3. [9] Smith N, Kitchenham N, Bowden-Jones H. Pathological gambling and the treatment of psychosis with aripiprazole: case reports. Br J Psychiatry 2011;199(2):158–9. [10] Schlachetzki JC, Langosch JM. Aripiprazole induced hypersexuality in a 24year-old female patient with schizoaffective disorder? J Clin Psychopharmacol 2008;28(5):567–8. [11] Cheon E, Koo BH, Seo SS, et al. Two cases of hypersexuality probably associated with aripiprazole. Psychiatry Investig 2013;10(2):200–2. [12] Seeman P. All roads to schizophrenia lead to dopamine supersensitivity and elevated dopamine D2(high) receptors. CNS Neurosci Ther 2011;17(2):118–32. [13] Hull EM, Muschamp JW, Sato S. Dopamine and serotonin: influences on male sexual behavior. Physiol Behav 2004;83(2):291–307. [14] Brunetti M, Di Tizio L, Dezi S, et al. Aripiprazole, alcohol and substance abuse: a review. Eur Rev Med Pharmacol Sci 2012;16(10):1346–54. [15] Prescrire, Rédaction. Neuroleptiques « atypiques » : troubles compulsifs. Rev Prescrire 2013;33(359):673–4.

Pour citer cet article : Mété D, et al. Aripiprazole, jeu pathologique et sexualité compulsive. Encéphale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2016.01.003

[Aripiprazole, gambling disorder and compulsive sexuality].

Aripiprazole, an atypical or second-generation antipsychotic, is usually well tolerated. It is an approved treatment for schizophrenia and mania in bi...
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