Modele + ANNDER-1922; No. of Pages 2

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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2015) xxx, xxx—xxx

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ÉDITORIAL

Les kératodermies palmo-plantaires aquagéniques Aquagenic palmoplantar keratodermas Un des bonheurs procurés par l’exercice de la dermatologie est de pouvoir reconnaître des signes cliniques fins, qui permettent ensuite d’évoquer des diagnostics systémiques, la peau étant le miroir de l’organisme. La kératodermie palmo-plantaire aquagénique (KPPA) est une entité récemment décrite dans la littérature par English et Mc Collough en 1996 [1]. Elle se traduit par l’apparition rapide de papules blanchâtres, translucides et confluentes avec un aspect ridé et œdématié de la peau des mains quelques minutes après immersion des mains dans l’eau. Un prurit peut être présent, ainsi que des sensations douloureuses ou de brûlures. Ces lésions cutanées de KPPA régressent spontanément une heure après l’arrêt du contact des mains avec l’eau. On peut retenir qu’il s’agit de l’aspect physiologique bien connu observé après une exposition prolongée à l’eau mais le phénomène apparaît beaucoup plus tôt et dure plus longtemps au cours de la KPPA. Les patients relatent parfois la KPPA, mais ils sont le plus souvent habitués à réagir ainsi et donc « oublient » de le signaler. La KPPA est aisément reproductible en mettant les mains (ou les pieds) des patients dans l’eau : c’est le signe du seau. Dans la littérature anglophone, la KPPA est rapportée sous le terme d’aquagenic palmoplantar keratoderma mais aussi d’aquagenic syringeal acrokeratoderma, aquagenic wrinkling of the palms ou transient reactive papulotranslucent acrokeratoderma. Probablement plus fréquente que le nombre d’articles publiés le suggère, la KPPA est assez rare et sa présence est donc significative. La KPPA a été rapportée au cours de circonstances assez banales, telles que la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, la dermatite atopique ou l’hyperhidrose. Son association à l’histiocytose langerhansienne ou à la présence d’une mutation conduisant à la mucoviscidose, comme ceci vient d’être rapporté dans les Annales de Dermatologie et de Vénéréologie [2,3], pose des questions intéressantes. La première observation [2] est celle d’une fille de 6 ans, qui avait depuis trois mois une KPPA typique. Elle était traitée depuis six mois par vinblastine, mercapto-purine et corticothérapie orale pour une histiocytose langerhansienne. Les symptômes ont régressé partiellement deux mois après l’arrêt de la chimiothérapie et de la corticothérapie orale. On peut donc se poser la question du lien avec l’histiocytose langerhansienne ou d’une origine iatrogène. Aucune mutation du gène CFTR n’était présente chez cette enfant. La présence d’une KPPA doit en effet probablement faire rechercher une mutation à l’état hétérozygote de ce gène, l’état homozygote correspondant à la mucoviscidose [4]. Dans les premières publications, de nombreux patients souffraient d’une mucoviscidose [4]. C’est pourquoi nous avions recherché systématiquement le signe du seau chez des patients atteints de cette maladie et nous l’avons trouvé chez 41 % d’entre eux [5], ce qui fait de la KPPA un symptôme dermatologique entrant dans les signes cliniques de la mucoviscidose. Une étude réalisée la même année a trouvé exactement la même fréquence [6]. Plus récemment, une fréquence de 78 % a été trouvée dans une étude angevine [7]. http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2015.04.011 0151-9638/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Misery L. Les kératodermies palmo-plantaires aquagéniques. Ann Dermatol Venereol (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2015.04.011

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Éditorial

Nous avions aussi rapporté dans les Annales de Dermatologie et de Vénéréologie le premier cas de KPPA chez un hétérozygote pour la mutation F 508 de CFTR, le gène de la mucoviscidose [8]. L’équipe d’Orléans rapporte le premier cas de KPPA associée à une mutation inédite du gène CFTR : c.3197G>C ou p.Arg1066Pro [3]. Une étude de petite taille retrouvait une hétérozygotie chez 2 patients ayant une KPPA sur 5, alors qu’aucun des patients n’avait d’antécédent familial de mucoviscidose connu [9]. Bien que ces résultats nécessitent une confirmation à plus grande échelle, ceci incite à rechercher une mutation de CFTR en cas de KPPA. Un conseil génétique doit alors être proposé. La protéine CFTR est une glycoprotéine transmembranaire de 1480 acides aminés constituant un canal chlore de faible conductance régulé par l’AMP cyclique et elle-même régulatrice d’autres canaux trans-membranaires [10]. Elle est présente dans l’épithélium respiratoire, la peau (glandes sudorales), le tractus digestif et le tractus génital. La KPPA est bien liée à une anomalie de cette protéine puisqu’elle peut disparaître après un traitement par ivacaftor, un potentialisateur de la fonction de CFTR utilisé dans le traitement de la mucoviscidose, ce qui pourrait même être un test d’efficacité [11]. Pourtant, l’implication de CFTR n’est pas si simple à comprendre. Il y aurait une rétention de chlorure de sodium par les kératinocytes et en conséquence une augmentation de la capacité de ces cellules à retenir l’eau [4,12], ce d’autant plus que TRPV4, notre osmorécepteur, serait inactivé en cas de dysfonctionnement de CFTR. Mais cela explique mal la localisation exclusive aux paumes et aux plantes et les troubles sensitifs souvent associés, ni la possibilité d’une KPPA non liée à des anomalies de CFTR. Le rôle d’une hyperactivation du système nerveux sympathique, en particulier par des médicaments, a été suggéré [12].

Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références

[2] Bonhomme A, Barbaud A, Schmutz JL, Bursztein AC. Kératodermie palmo-plantaire aquagénique au cours du traitement d’une histiocytose langerhansienne. Ann Dermatol Venereol 2015;142:197—200. [3] Nadal M, Laudier B, Malinge MC, Binois R, Estève E. Kératodermie aquagénique palmaire chez une patiente hétérozygote pour la mutation c.3197G>C du gène CFTR. Ann Dermatol Venereol 2015;142:201—5. [4] Misery L, Garc ¸on N, Roguedas AM. Kératodermie palmoplantaire aquagénique et mucoviscidose. Ann Dermatol Venereol 2009;136:491—2. [5] Garc ¸on-Michel N, Roguedas-Contios AM, Rault G, Le Bihan J, Ramel S, Revert K, et al. Frequency of aquagenic palmoplantar keratoderma in cystic fibrosis: a new sign of cystic fibrosis? Br J Dermatol 2010;163:162—6. [6] Tolland JP, Boyle J, Hall V, McKenna KE, Elborn JS. Aquagenic wrinkling of the palms in an adult cystis fibrosis population. Dermatology 2010;221:326—30. [7] Weil B, Chaillou E, Troussier F, Pelatan C, Chiffoleau M, Darviot E, et al. Kératodermie palmoplantaire aquagénique chez l’enfant mucoviscidosique. Arch Pediatr 2013;20: 1306—9. [8] Garc ¸on N, Roguedas AM, Misery L. Kératodermie palmoplantaire aquagénique chez un sujet hétérozygote pour la mutation F 508 de la mucoviscidose. Ann Dermatol Venereol 2008;135:232—4. [9] Rongioletti F, Tomasini C, Crovato F, Marchesi L. Aquagenic (pseudo) keratoderma: a clinical series with new pathological insights. Br J Dermatol 2012;167:575—82. [10] Férec C, Le Maréchal C, Audrézet MP, Farinha CM, Amaral MD, Gallati S, et al. Analysis of genomic CFTR DNA. J Cyst Fibros 2004;3:7—10. [11] Grasemann H, Ratjen F, Solomon M. Aquagenic wrinkling of the palms in a patient with cystic fibrosis. N Engl J Med 2013;369:2362—3. [12] Wilder-Smith EP. Aquagenic wrinkling of the palms is due to vasoconstriction of palmar skin vasculature. Med Hypotheses 2013;81:963—5.

L. Misery a,∗,b a

Service de dermatologie, CHU, 2, avenue Foch, 29200 Brest, France b Laboratoire de neurosciences de Brest (EA4685), université de Bretagne Occidentale, 22, rue Camille-Desmoulins, 29200 Brest, France ∗ Correspondance.

Adresse e-mail : [email protected] [1] English JC, McCollough ML. Transient reactive papulotranslucent acrokeratoderma. J Am Acad Dermatol 1996;34:686—7.

Pour citer cet article : Misery L. Les kératodermies palmo-plantaires aquagéniques. Ann Dermatol Venereol (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2015.04.011

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