Revue des Maladies Respiratoires (2014) 31, 230—236

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ARTICLE ORIGINAL

Troubles anxiodépressifs et dilatation des bronches Anxiety-depressive disorders and bronchiectasis L. Boussoffara ∗, N. Boudawara , Z. Gharsallaoui , M. Sakka , J. Knani Service de pneumologie, hôpital Tahar Sfar de Mahdia, 5100 Mahdia, Tunisie Rec ¸u le 23 janvier 2013 ; accepté le 29 avril 2013 Disponible sur Internet le 18 juillet 2013

MOTS CLÉS Dilatation des bronches ; Anxiété ; Dépression



Résumé Introduction. — La dilatation des bronches (DDB) est une pathologie pulmonaire chronique pouvant être associée à des troubles anxiodépressifs et une altération de la qualité de vie des patients. Détecter ces troubles anxiodépressifs pourrait s’avérer nécessaire dans une démarche de prise en charge globale d’un patient présentant une DDB. Buts. — Évaluer la prévalence des troubles anxiodépressifs chez les patients présentant une DDB et rechercher une éventuelle corrélation entre la sévérité de la maladie et la présence de ces troubles psychiques. Patients et méthodes. — Il s’agit d’une étude prospective ayant inclus 53 patients présentant une DDB à l’état stable sans autres comorbidités. Tous ces patients avaient bénéficié d’un interrogatoire, d’un examen clinique complet, d’une spiromètrie et d’une tomodensitométrie thoracique. Les 53 patients ont tous répondu au questionnaire Hospital Anxiety and Depression Scale (HAD). Résultats. — L’anxiété était présente chez 22,7 % des patients et la dépression chez 20,8 % des cas. La comparaison des patients ayant un trouble anxieux par rapport à ceux n’ayant pas de troubles anxieux avait permis de constater que les sujets ayant un trouble anxieux avaient une symptomatologie faite essentiellement de dyspnée (p = 0,001), un VEMS bas (p = 0,04) et une insuffisance respiratoire chronique au stade d’oxygénothérapie à domicile (p = 0,009). De même la comparaison des patients ayant un trouble dépressif par rapport aux patients n’ayant pas de troubles dépressifs avait permis de retrouver une prédominance de la dyspnée (p = 0,003), un VEMS bas (p = 0,04), et une insuffisance respiratoire chronique essentiellement chez les sujets ayant des troubles dépressifs. Conclusion. — Les symptômes de la dépression et de l’anxiété sont fréquents chez les patients atteints de DDB. Une détection précoce est nécessaire dans une perspective de prise en charge globale de ces patients. © 2013 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : leila [email protected] (L. Boussoffara).

0761-8425/$ — see front matter © 2013 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2013.04.028

Troubles anxiodépressifs et dilatation des bronches

KEYWORDS Bronchiectasis; Anxiety; Depression

231

Summary Introduction. — Bronchiectasis is a chronic lung disease that may be associated with anxietydepressive disorders affecting the quality of life of patients. Detecting these anxiety-depressive disorders may be necessary in the support and overall management of a patient with bronchiectasis. Aims. — To evaluate the prevalence of anxiety and depression in patients with bronchiectasis and to investigate the possible correlation between the severity of the disease and the importance of these psychological disorders. Patients and methods. — This was a prospective study that included 53 patients with stable bronchiectasis and without other comorbidities. All the patients underwent a complete clinical examination, spirometry and chest computed tomography. All the 53 patients responded to the Hospital Anxiety and Depression Scale (HAD) questionnaire. Results. — Anxiety was present in 22.7% of patients and depression in 20.8%. Subjects who had an anxiety disorder had symptoms primarily of dyspnoea (P = 0.001), a low FEV (P = 0.04) and respiratory failure at a stage requiring home oxygen therapy (P = 0.009). A similar comparison of patients with and without depressive disorder again found a high prevalence of dyspnea (P = 0.003), a low FEV (P = 0.04), and chronic respiratory failure in the depressive patients. Conclusion. — Symptoms of depression and anxiety are common in patients with bronchiectasis and appear to be associated with dyspnoea. Early detection is necessary in the context of the overall management of these patients. © 2013 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La dilatation des bronches (DDB) est définie par une augmentation irréversible du calibre de l’arbre bronchique caractérisée histologiquement par une destruction de l’armature cartilagineuse de la bronche. Chez les patients avec DDB, les activités quotidiennes peuvent être sérieusement entravées par les hémoptysies intercurrentes, la dyspnée, les infections respiratoires, les hospitalisations fréquentes et éventuellement la dépendance d’une oxygénothérapie et/ou d’une ventilation à domicile. Ces différentes manifestations et/ou complications de la DDB peuvent être associées à des troubles psychiques et éventuellement de troubles anxiodépressifs qui pourraient eux-mêmes altérer la qualité de vie de ces patients. Ainsi détecter ces troubles anxiodépressifs pourrait s’avérer nécessaire dans une démarche de prise en charge globale d’un patient présentant une DDB. Le but de notre travail est de relever la prévalence des troubles anxiodépressifs chez des patients présentant une DDB en dehors de la mucoviscidose et l’existence éventuelle d’une corrélation entre l’étendue et le stade évolutif de la maladie et la présence de ces troubles psychiques.

Patients et méthodes Il s’agissait d’une étude prospective portant sur des patients tunisiens présentant une DDB et suivis à la consultation externe de pneumologie de l’hôpital universitaire Tahar Sfar de Mahdia. Les patients ayant été inclus dans cette étude sont des patients à l’état stable présentant une DDB confirmée par une tomodensitométrie thoracique. Les patients qui avaient été exclus de l’étude sont les patients présentant une autre pathologie respiratoire ou extrarespiratoire aiguë

ou chronique, ainsi que les patients ayant été hospitalisés un mois auparavant pour exacerbation aiguë. Les caractéristiques démographiques, les antécédents personnels et le tabagisme avaient été précisés pour tous les patients. Ces patients ont répondu à l’autoquestionnaire Hospital Anxiety and Depression Scale (HAD) de Zigmond et Snaith [1] qui a l’avantage d’avoir été construit en excluant tout item concernant les aspects somatiques Ceux-ci pourraient être confondus entre la maladie physique et mentale. Ce questionnaire, rapide et facile d’utilisation, a été validé dans plusieurs langues [2] et utilisé dans diverses pathologies (cancer, maladies cardiaques, démence, insuffisance rénale chronique, troubles musculosquelettiques, diabète, etc.) [3,4]. La structure bidimensionnelle du questionnaire HAD [5,6] permet de discriminer des troubles anxieux ou dépressifs. Le HAD contient 14 items et se compose de deux sous-échelles : anxiété et dépression. Chaque item est évalué sur une échelle de quatre points cotée de 0 à 3, ce qui donne des scores maximum de 21 pour l’anxiété et 21 pour la dépression. Un score supérieur ou égal à 11 signifie des troubles anxiodépressifs très probablement présents. Si le score est entre 8 et 10 le trouble est probablement présent. Enfin, un score de moins de 8 caractérise un trouble absent. Un examen clinique avait été réalisé pour tous les patients et cela à la recherche de signes d’insuffisance respiratoire aiguë, de sibilants ou d’une autre anomalie physique respiratoire ou extrarespiratoire. Tous les patients avaient bénéficié d’une spirométrie ainsi que de la mesure du poids et de la taille avec calcul de l’indice de masse corporelle (IMC). Une radiographie thoracique de face ainsi qu’une tomodensitométrie thoracique (scanner spiralé type Somatom plus 4) ont été réalisées pour tous les patients. Les données ont été saisies et analysées par un logiciel type « SPSS 11.0 ». Des analyses univariées et multivariées ont été réalisées. Les résultats sont présentés en

232 Tableau 1 d’étude.

L. Boussoffara et al. Caractéristiques générales de la population n = 53

Âge (ans)

54 ± 17

Sexe Homme Femme

19 (36 %) 34 (64 %)

DDB Unilatérale Bilatérale

11 (20,8 %) 42 (79,2 %)

Hémoptysie Non Oui

24 (45,3 %) 29 (54,7)

Dyspnée (échelle de Sadoul) Stade I Stade II Stade III Stade IV

9 (17 %) 31 (58,5 %) 10 (19,9 %) 3 (5,6 %)

IMC (Kg/m2 )

23,3 ± 4,32

VEMS (L/min)

1,6 ± 0,81

Nombre d’hospitalisations ≤1 >1

40 (75,5 %) 13 (24,5 %)

Traitement Mucolytique Mucolytique + bronchodilatateur Mucolytique + bronchodilatateur + corticothérapie inhalée

8 (15,1 %) 31 (58,5 %) 14 (26,4 %)

IRC au stade d’oxygène à domicile

3 (5,6 %)

DDB : dilatation des bronches.

moyenne ± écart-type. La comparaison des moyennes avait été effectuée au moyen du test t de Student et une comparaison des pourcentages à l’aide du test Chi2 . Les résultats ont été considérés comme significatifs si p ≤ 0,05. Pour identifier les facteurs associés de manière indépendante à la survenue de troubles anxieux ou dépressifs chez les patients ayant une DDB, les variables différents entre les groupes de patients présentant ou non l’un de ces troubles en analyse univariée avec p < 0,2 ont été introduit dans un modèle de régression logistique binaire.

Figure 1.

Nombre d’hospitalisations dans les 12 mois précédents.

1,47 ± 1,85 hospitalisations avec des extrêmes de 0 à 7. Quarante patients soit 75,5 % des cas ont été hospitalisés une fois ou n’ont jamais été hospitalisés et 24,5 % des patients (n = 13) ont été hospitalisés plus d’une fois (Fig. 1). La majorité des patients, soit 77,3 % (n = 41), n’avaient pas d’anxiété avec un score compris entre 0 et 7. Une anxiété très probable n’était par ailleurs retrouvée que dans 4 % des cas (n = 2) (Tableau 1). La dépression était absente chez 79,2 % des patients (n = 42) qui avaient un score entre 0 et 7. Deux patients seulement, soit 3,8 % des cas, avaient une dépression très probable avec un score supérieur ou égal à 11 (Tableau 2). La comparaison des patients ayant un trouble anxieux par rapport à ceux n’ayant pas de troubles anxieux n’a pas permis de retrouver une différence statistiquement significative concernant l’âge, le sexe et l’étendue scannographique de la DDB. Par ailleurs, les patients ayant un trouble anxieux avaient essentiellement une symptomatologie faite d’une dyspnée d’effort (p = 0,001). L’hémoptysie était retrouvée de fac ¸on comparable entre les patients ayant un trouble anxieux et ceux n’ayant pas ce trouble. L’IMC était de même comparable. Le VEMS était significativement plus bas chez les patients ayant un trouble anxieux (p = 0,049). Le nombre d’hospitalisations et le traitement étaient comparables indépendamment de l’existence ou non de troubles anxieux. Par ailleurs, une anxiété était plus fréquemment retrouvée chez les patients au stade d’insuffisance respiratoire chronique avec oxygène à domicile (Tableau 3). Une régression logistique nous a permis de constater que les caractéristiques influenc ¸ant la survenue des troubles anxieux chez les patients présentant une DDB

Tableau 2 Fréquences et moyennes de l’anxiété et de la dépression (n = 53 patients).

Résultats Cinquante-trois patients ont été inclus dont 19 (36 %) hommes et 34 (64 %) femmes avec un sex-ratio égal à 0,5. L’âge moyen de la population d’étude était de 54,16 ± 17,76 ans. Le tabagisme a été trouvé dans 24 % des cas (n = 13) avec un tabagisme moyen de 32 paquets— années. Toutes les autres données cliniques spirométriques, radiologiques et thérapeutiques sont résumées dans le Tableau 1. Le nombre moyen d’hopitalisations dans les 12 mois précédents l’étude avait été de

n

%

Score d’anxiété 0—7 8—10 ≥ 11

41 10 2

77,3 18,9 3,8

Score de dépression 0—7 8—10 > 11

42 9 2

79,2 17 3,8

Troubles anxiodépressifs et dilatation des bronches Tableau 3

233

Caractéristiques des patients avec des troubles anxieux (n = 41). Absence de troubles anxieux (Score ≤ 7)

Présence de troubles anxieux (Score > 7)

p

Âge (ans)

55,09

51

0,488

Sexe Homme (n) Femme (n)

16 25

3 9

0,502

DDB Unilatérale (n) Bilatérale (n)

9 32

2 10

Hémoptysie Non (n) Oui (n)

18 23

6 6

0,751

Dyspnée Stade I (n) Stade II (n) Stade III (n) Stade IV (n)

9 25 7 0

0 6 3 3

0,001

IMC (kg/m2 )

23,2

23,7

0,762

VEMS (L/min)

1,74

Nombre d’hospitalisations ≤1 >1 Traitement Mucolytique (n) Mucolytique + Bronchodilatateur (n) Mucolytique + bronchodilatateur + corticothérapie inhalée (n) IRC au stade d’oxygène à domicile Non (n) Oui (n)

1

1,29

0,049

31 10

9 3

1

8 23 10

0 8 4

0,103

41 0

9 3

0,009

DDB : dilatation des bronches.

sont le sexe féminin, le stade de la dyspnée et l’insuffisance respiratoire chronique (Tableau 4). La comparaison des patients avec ou sans trouble dépressif n’a pas permis de retrouver une différence statistiquement significative concernant l’âge, le sexe et l’étendue scannographique de la DDB. Par ailleurs, les patients ayant un trouble dépressif avaient essentiellement une dyspnée d’effort (p = 0,003). L’hémoptysie était retrouvée de fac ¸on

Tableau 4 Facteurs de risque d’anxiété selon le modèle de régression logistique.

Sexe féminin Âge IMC Dyspnée Nombre d’hospitalisations IRC au stade d’oxygène à domicile

Odds ratio

p

3,17 0,961 1,067 2,809 0,511 4,1

0,342 0,139 0,480 0,159 0,589 0,999

comparable dans les deux groupes de patients. L’IMC était significativement plus augmenté (p = 0,039) et le VEMS significativement plus bas chez les patients ayant un trouble dépressif (p = 0,049). Le nombre d’hospitalisations et le traitement étaient comparables quelle que soit l’existence ou non de troubles dépressifs. Par ailleurs, une dépression était plus fréquemment retrouvée chez les patients au stade d’insuffisance respiratoire chronique avec oxygène à domicile (Tableau 5). Une régression logistique nous a permis de constater que les caractéristiques influenc ¸ant la survenue de troubles dépressifs chez les patients présentant une DDB sont le stade de la dyspnée, le nombre d’hospitalisations et le stade d’oxygénothérapie à domicile (Tableau 6).

Discussion L’anxiété et la dépression sont considérées comme des troubles fréquents chez les personnes présentant une pathologie pulmonaire chronique. L’évaluation de ces troubles est particulièrement difficile car certains symptômes

234 Tableau 5

L. Boussoffara et al. Caractéristiques des patients ayant des troubles dépressifs. Absence de troubles dépressifs (Score ≤ 7)

Présence de troubles dépressifs (Score > 7)

p

Âge (ans)

52,75

58,53

0,389

Sexe Homme (n) Femme (n)

15 25

4 9

0,749

DDB Unilatérale (n) Bilatérale (n)

9 31

2 11

0,711

Hémoptysie Non (n) Oui (n)

18 22

6 7

1

Dyspnée Stade I (n) Stade II (n) Stade III (n) Stade IV (n)

9 24 7 0

0 7 3 3

0,003

IMC (kg/m2 )

22,4

25,9

0,042

VEMS (L/min)

1,75

Nombre d’hospitalisations ≤1 >1 Traitement Mucolytique (n) Mucolytique + bronchodilatateur (n) Mucolytique + bronchodilatateur + corticothérapie inhalée (n) IRC au stade d’oxygène à domicile Non (n) Oui (n)

1,28

0,039

33 7

7 6

0,061

8 23 9

0 8 5

0,067

40 0

10 3

0,012

DDB : dilatation des bronches.

Tableau 6 Facteurs de risque de dépression selon le modèle de régression logistique.

Sexe féminin Âge IMC Dyspnée Nombre d’hospitalisations IRC au stade d’oxygène à domicile

Odds ratio

p

1,001 0,960 1,41 2,307 9,59 1,9

0,999 0,314 0,019 0,328 0,065 0,999

somatiques liés à la pathologie physique se confondent avec certains symptômes somatiques liés à la pathologie psychiatrique. La plupart des études dans la littérature se sont intéressées aux troubles anxiodépressifs chez les patients présentant une bronchopneumopathie chronique obstructive ou une insuffisance respiratoire chronique quelle que soit son étiologie mais peu d’études sont disponibles concernant la DDB en dehors de la mucoviscidose.

Dans notre série, la fréquence de l’anxiété était de 22,7 %, cette proportion est comparable à celle retrouvée [7] dans l’étude de Goldbeck et al. (20,6 %), alors qu’elle est plus basse que dans l’étude de Havermans et al. (30 %) [8] et que dans l’étude de Oliveira et al. (38 %) [9]. Par ailleurs, la fréquence de la dépression était de 20,9 %, une proportion plus élevée que dans les études de Goldbeck et al. (9,6 %) ou de Havermans et al. (13 %), mais comparable à celle de Oliveira et al. (22,8 %). Dans l’ensemble, ces résultats indiquent que les symptômes de la dépression et l’anxiété sont fréquents chez les patients atteints de DDB. Dans une autre étude réalisée par Goldbeck et al. [7], 670 patients atteints de DDB secondaire à la mucoviscidose, avaient rempli le questionnaire HAD. Les différentes données des patients de cette étude avaient été comparées avec celles d’un groupe témoin de la population générale. Des scores d’anxiété élevés étaient retrouvés chez 20,6 % des patients, et 9,6 % avaient déclaré des niveaux élevés de symptômes de dépression. Les patients adultes avaient signalé des symptômes plus élevés d’anxiété que

Troubles anxiodépressifs et dilatation des bronches les sujets témoins en bonne santé. Les jeunes patients avaient rapporté moins de symptômes d’anxiété et de dépression que les patients plus âgés et les femmes ont rapporté plus de symptômes d’anxiété que les hommes. Les facteurs influenc ¸ant l’anxiété étaient l’hémoptysie, la survenue d’un pneumothorax, et la découverte récente d’un diabète, alors que la dégradation de la fonction respiratoire et la mise dans une liste d’attente de transplantation pulmonaire, ont été associées à des taux plus élevés de dépression. T. Havermans et al. [8] ont colligé 57 patients présentant une DDB et qui avaient répondu au questionnaire HAD. Parmi ces patients, 30 % avaient des scores d’anxiété élevés (> 7) et 13 % avaient des scores élevés (> 7) de dépression. Les patients qui avaient signalé des symptômes d’anxiété et/ou dépression avaient les plus pauvres scores de qualité de vie concernant surtout l’activité, l’état émotionnel, le fonctionnement social, la plus mauvaise perception des symptômes respiratoires et de leur état de santé. Cette étude a prouvé le rôle déterminant de l’anxiété et la dépression dans la qualité de vie chez les patients atteints de DDB. Une étude récente de Oliveira et al. [9] portant sur 93 patients porteurs de DDB, parfois dans le cadre d’une mucoviscidose, a également évalué le score HAD dans cette population. Des scores élevés de dépression et d’anxiété étaient retrouvés respectivement chez 22,8 % et 38 % des patients. Aucune différence n’a été observée en rapport avec le diagnostic de bronchectasies entre les deux groupes (mucoviscidose/non mucoviscidose). Pour la dépression, les patients âgés de 25 ans et plus avaient déclaré plus de symptômes de dépression que les patients de moins de 25 ans. Pour l’anxiété, les patients de plus de 25 ans avaient des exacerbations plus fréquentes et éprouvaient plus de symptômes d’anxiété que les patients plus jeunes ou ceux qui avaient moins d’exacerbations, mais sans différence en rapport avec le diagnostic (mucoviscidose/non mucoviscidose). Les patients qui étaient au chômage (n = 19) avaient des scores de dépression (5,8 ± 4 vs 2,9 ± 3,4 ; p < 0,01) et d’anxiété (8,8 ± 5,4 vs 5 ± 4,3, p < 0,01) significativement plus élevés que ceux qui avaient un emploi. Les patients qui avaient moins d’éducation (n = 27) rapportaient plus de symptômes de dépression (4,9 ± 3,9 vs 2,9 ± 3,5, p < 0,05), et moins d’anxiété que ceux qui étaient plus instruits. Par ailleurs, dans notre étude nous n’avons pas noté de différence dans les taux de dépression et d’anxiété en ce qui concerne l’âge, contrairement à d’autres études qui ont trouvé que les adolescents avaient tendance à présenter les taux les plus bas [10]. Le sexe féminin influencerait la survenue des troubles anxieux, mais pas la dépression, or la littérature a aussi montré que les femmes qui avaient moins d’éducation et qui ne travaillaient pas, avaient rapporté plus de symptômes de dépression que les hommes ayant des caractéristiques similaires [11]. De même, dans la population générale et chez les patients souffrant d’autres maladies chroniques, le sexe féminin et l’absence d’emploi étaient également liés à des symptômes dépressifs plus fréquents [9]. Des différences génétiques, neurohormonales, psychobiologiques et sociales expliquent cette différence [10]. Il existerait donc une corrélation significative entre la dégradation de la fonction pulmonaire et la survenue des troubles anxiodépressifs [12]. La littérature abordant cette question avait donné des

235 résultats différents. Riekert et al. [11] avaient mené une étude sur 66 patients présentant une DDB confirmée. Parmi ces patients, 30 % avaient des troubles dépressifs. Les symptômes dépressifs et la fonction pulmonaire étaient inversement corrélés (p < 0,05). De même Cruz et al. [10] trouvaient que l’anxiété et la dépression étaient faiblement liées à l’altération de la fonction respiratoire mais fortement associées à une qualité de vie et une évolution ultérieure médiocres.

Conclusion Dans notre série, la sévérité de la dyspnée, la baisse du VEMS et le stade d’insuffisance respiratoire chronique seraient associés à des troubles anxiodépressifs chez cette population de patients tunisiens présentant une DDB hors mucoviscidose. La prise en charge thérapeutique visant à réduire les symptômes et à améliorer la fonction respiratoire chez ces patients ne permettrait pas à elle seule de réduire les niveaux d’anxiété et de dépression, qui ont besoin d’une thérapie alternative. Des études prospectives seraient donc nécessaires afin d’évaluer l’impact d’une prise en charge spécialisée de la dépression et de l’anxiété sur la qualité de vie, la fréquence des hospitalisations et la survie.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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[Anxiety-depressive disorders and bronchiectasis].

Bronchiectasis is a chronic lung disease that may be associated with anxiety-depressive disorders affecting the quality of life of patients. Detecting...
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