@ Masson, Paris. Ann Fr Anesth Reanim, 11 : 705-710, 1992

REUNION

Antibioprophylaxie des plaies cranioc6r6brales Antibiotics prophylaxis in penetrating craniocerebral trauma M. ALAZIA, N. BRUDER D~parternent d'Anesth#sie-R6anirnation Adultes, CHU Timone, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille Cedex 05 RESUME: Les mEningites bactEriennes sont le risque infectieux dominant des plaies cramocdrEbrales. Pour prEvenir ce risque, l'antibiotique ideal doit diffuser d a n s le liquide c6phalorachidien, possEder une bonne activit6 bactericide, 6tre administrE h doses suffisantes et prouver son efficacit6 en pratique elinique. La plupart des infections cErEbromEningEes, associEes ~ ces traumatismes crfiniens, sont dues h des germes sensibles et le niveau de resistance est en gEnEral faible. Les c6phalosporines, les pEnicillines serni-synthEtiques, les quinolones, les imidazolEs, les phEnicolEs et les sulfamides sont largement utilisEs dans ce type de lesions. En dEpit d'un certain nombre d'Etudes contradictoires, il ressort que les traumatismes de la base du crhne avec rhinorrhEe ou otorrhEe constituent une des principales indications de l'antibioprophylaxie. En effet, le risque pneumococcique est important et bon nombre d'auteurs conseiUent d'administrer prEcocement de la pEnicilline en attendant que la br~che mEningEe se refermc. Les gros dElabrements cutanEs et osseux, observes dans les traumatismes cr~niens ouverts avec issue de mati~re cErEbrale, doivent faire l'objet d'une antibioprophylaxie h large spectre en raison du caractSre polymicrobien de l'infection et de la revision chirurgicale qui dolt 6tre aussi prEcoce que possible. Enfin, les plaies cranioc6r6brales p6nEtrantes par projectiles se contaminent volontiers par la peau et l'os, et une protection antistaphylococcique est conseillEe lors de l'extraction chirurgicale des fragments osseux inclus dans le parenchyme cErEbral. L'utilisation d'antiseptiques ou d'antibiotiques locaux est proposEe au moment de la revision chirurgicale, sans en d6montrer formeUement l'efficacit6. En revanche, une prophylaxie antitEtanique est souhaitable dans tous les cas. Malgr6 ces recommandations thErapeutiques, l'antibioprophylaxie dans les plaies craniocEr6brales reste une affaire d'Ecoles. Mots-clEs : A N T I B I O T I Q U E S : antibioprophylaxie ; C H I R U R G I E : neurochirurgie ; T R A U M A T I S M E : plaie cranioc~r~brale, traumatisme cr~mien.

INTRODUCTION

L'infection dans les plaies cranioc6r6brales est un r6el probl~me en raison du risque vital de m6ningite et/ou d'abc~s cErEbral et de la controverse sur l'usage des antibiotiques en prophylaxie dans ces indications. Le manque d'Etudes rEcentes permettant d'6valuer l'efficacit6 d'une telle prophylaxie entretient la polEmique. LES ANTIBIOTIQUES PEUVENT-ILS R#DUIRE LE RISQUE INFECTIEUX D'UN ACTE CHIRURGICAL ?

Les travaux expErimentaux de BURKE [7] et d'ALEXANDER et coll. [1] ont dEmontr6 l'efficacit6 des antibiotiques utilisEs h la phase pEriopEratoire en chirurgie rEglEe et ont dEfini le meilleur moment de leur administration. L'infection est en effet supprimEe lorsqu'ils sont administrEs avant l'intervention chirurgicale et lorsque les taux tissulaires sont suffisants au moment de la contamination bactErienne. En revanche, certains auteurs [9, 30] ont rapport6 que des conditions locales ou Communication prEsentEe lors des XIV ~ JournEes de NeuroAnesthEsie-REanimation de Langue Franqaise, Marseille, 1992_

g6nErales modifiaient l'efficacit6 des antibiotiques au moment de l'inoculation bact6rienne ; en effet, l'adrEnaline, la d6shydratation et l'hypoxie [31] augmentent sensiblement la gravit6 de l'infection en dEpit de l'utilisation des antibiotiques. PEUT-ON COMPARER LA TRAUMATOLOGIE CFL~NIENNE D'AUTRES SPI=CIALIT#S CHIRURGICALES?

MSme s'il existe une liste exhaustive d'indications de l'antibioprophylaxie en milieu chirurgical [15], peu de travaux fondamentaux ont 6t6 consacr6s h la traumatologie crfinienne. Pour mieux juger de l'efficacit6 des antibiotiques, CHOI)AK et PLAUT [10] ainsi que GUGLIELMO et coll. [16] ont tent6 de classer la chirurgie en quatre groupes : la chirurgie propre, la chirurgie propre contaminEe, la chirurgie contaminEe et la chirurgie infectEe. Les plaies craniocErEbrales se rapprochent d'une chirurgie propre contaminEe pour les fractures de la base du cr~ne avec ou sans fistule de liquide cEphalorachidien, et d'une chirurgie contaminEe en ce qui concerne les plaies pEnEtrantes avec ou sans TirOs ~ part: M_ Alazia.

706

projectiles. Dans ce dernier cas, l'usage des antibiotiques correspond davantage h u n traitement curatif que prophylactique, comme dans les fractures ouvertes et souill6es des membres [44].

E'VALUATION DE L'EFFICACIT# D'UNE ANTIBIOPROPHYI.AXlE

M. ALAZIA, N. BRUDER

plupart des antibiotiques. Ainsi les ana6robies Gram positif, les plus fr6quemment trouv6s au niveau des plaies souill6es, sont pour la plupart sensibles h la p6nicilline G [24]. De m6me, les pneumocoques redout6s dans les fractures de la base du crane avec issue du liquide c6phalorachidien sont en g6n6ral sensibles ~ la p6nicilline. Les c6phalosporines

Evaluer l'efficacit6 d'une antibioprophylaxie est difficile pour deux raisons: d'abord il faut un nombre 61ev6 de malades dans chacun des deux groupes (antibiotiques versus placebo ou comparaison de deux traitements antibiotiques) pour d6montrer une r6duction significative des infections. KAISER [29] donnait un chiffre de presque 900 patients pour mettre en 6vidence une r6duction de 50 % du taux d'infection (p = 0,05). Ensuite se posent les probl~mes d'6thique m6dicale soulev6s par les essais th6rapeutiques, lorsqu'une antibioprophylaxie est compar6e ~ un placebo. Afin d'61iminer les biais susceptibles d'apparaitre lors de la publication de ces 6tudes, des recommandations en 10 points sont propos6es [29]: - - l ' 6 t u d e doit 8tre prospective, randomis6e et faite en double aveugle ; - - les infections chirurgicales trait6es doivent 6tre clairement d6finies ; - - l e s facteurs de risque doivent 6tre comparables ; - - les proc6dures chirurgicales doivent 6tre pr6cis6es ; - - l e s antibiotiques choisis doivent ~tre justifi6s par rapport aux germes suspect6s ; - - la dose des antibiotiques, la voie d'administration, la fr6quence des injections et la dur6e du traitement doivent ~tre d6taill6es ; l'utilisation d'antibiotiques et/ou d'antiseptiques utilis6s de fa~on concomitante doit 6tre connue ; - - l e s antibiotiques utilis6s doivent comporter le moins de risque toxique ou allergique ; - - les cofits doivent ~tre comparables (y compris celui des infections constat6es) ; - - le nombre des patients doit ~tre suffisant pour d6montrer une diff6rence significative entre les deux attitudes th6rapeutiques. -

En raison de leur spectre d'action 61argi aux bacilles Gram positif (y compris les staphylocoques coagulase positif et n6gatif) et aux bacilles Gram n6gatif, les c6phalosporines sont en th6orie des agents de choix dans les plaies cranioc6r6brales o~ la flore cutan6e peut devenir pathog~ne. N6anmoins, il existe in vivo des diff6rences importantes entre les c6phalosporines de 1re et de 2 e g6n6ration concernant leur diffusion m6ning6e, qui est en g6n6ral faible, et leur activit6 sur les staphylocoques. Le choix doit ~tre bas6 sur leur CMI respective et les r6sultats d'essais cliniques de qualit6. Le c~fazoline, c6phalosporine de 1~e g6n6ration, a 6t6 tr~s 6tudi6 [12] dans la prophylaxie en milieu chirurgical en raison de sa demi-vie de 1 h 30 min, mais son passage dans le liquide c6phalorachidien est faible. Le c6famandole, c6phalosporine de 2 e g6n6ration, est plus indiqu6 lorsqu'une infection ~ staphylocoque est ~i pr6venir, mais la diffusion dans le liquide c6phalorachidien est nulle. Les c6phalosporines de 3c g6n6ration sont int6ressantes en raison de leur large spectre et de leur capacit6 atteindre des concentrations efficaces dans le liquide c6phalorachidien. La prophylaxie des m6ningites ~i bacilles Gram n6gatif s'est av6r6e efficace avec le e6fotaxime et le moxalaetam. Les p6nicillines semi-synth6tiques

-

CHOIX DE L'ANTIBIOPROPHYLAXIE

L'antibiotique id6al pour pr6venir une infection c6r6brom6ning6e doit avoir pour caract6ristiques une bonne p6n6tration dans le liquide c6phalorachidien, une activit6 bact6ricide et avoir d6ja prouv6 son efficacit6 en pratique clinique. Bien que les germes pathog~nes responsables de l'infection des plaies Cranioc6r6brales soient nombreux, la majorit6 des infections document6es sont dues h u n petit nombre de germes, sensibles ~ la

L'ampicilline est largement utilis6e dans la prophylaxie des m6ningites suspect6es ~t Haemophilus influenzae de type B ou a streptocoques. En revanche, l'oxacilline et la m6ticilline sont plut6t r6serv6es h la prophylaxie de la neurochirurgie r6gl6e dite ~ propre ~. Les d6riv6s imidazol6s ne semblent pas avoir d6montr6 leur sup6riorit6 sur les c6phalosporines de 3e g6n6ration r6centes vis-a-vis des ana6robies Gram n6gatif, et ne sont utilis6s que lorsque ces derni~res ne peuvent 6tre employ6es. Les quinolones diffusent de faqon excellente dans le liquide c6phalorachidien, le parenchyme c6r6bral et l'os. Leur spectre d'action est 6tendu aux staphylocoques m6thi-sensibles. Elles peuvent ~tre utilis6es seules ou associ6es aux b~ta-lactamines et aux imidazol6s. Les aminosides p6n~trent tr6s mal dans le liquide c6phalorachidien, et le rapport concentration dans le liquide c6phalorachidien- concentration minimale bact6ricide est trop bas. De plus, ils

PLAIES CRANIOCI~REBRALES ET ANTIBIOPROPHYLAXlE

sont inactiv6s en milieu acide, ce qui les contreindique dans les abc6s c6r6braux. Leur indication doit ~tre r6serv6e ~ un traitement curatif en association avec une ampicilline ou une c6phalosporine de 3e g6n6ration lorsque des m6ningites ~ bacille Gram n6gatif sont suspect6es. Ils tendent ~ 6tre remplac6s actuellement par les quinolones. Les ph6nicol6s et les sulfamides sont utilis6s seuls ou en association dans la pr6vention du risque m6ning6 en raison de leur bonne p6n6tration intrac6r6brale et de leur spectre d'action 6tendu aux cocci Gram positif. Ils peuvent repr6senter une alternative h la prescription d'ampicilline lorsqu'une allergie aux b6ta-lactamines est suspect6e ou reconnue. La vancomyeine ne peut ~tre utilis6e que darts le cadre d'interventions neurochirurgicales o~ le risque de staphylocoque m6thi-r6sistant est hautement probable (hospitalisation de longue dur6e, r6interventions multiples, antibioth6rapie prolong6e...). TRAUMATISMES DE LA BASE DU CRANE AVEC RHINORRHEE OU OTORRHEE

Le risque infectieux majeur est repr6sent6 par les m6ningites bact6riennes qui surviennent apr6s

707

les fractures du sinus frontal ou ethmoidal. Ces fistules de liquide c6phalorachidien, provoqu6es par une d6chirure de la dure-m6re, constituent une porte d'entr6e pour des microorganismes provenant des sinus paranasaux. Les quatre cinqui6mes de ces infections sont caus6s par le pneumocoque; quelques rares cas de m6ningites ti Haemophilus influenzae et h m6ningocoque ont 6t6 rapport6s. Des 6pisodes de m6ningites, r6cidivantes, associ6es ~ des traumatismes crgmiens sans fuite de liquide c6phalorachidien, sont dus aussi dans la plupart des cas au pneumocoque [43]. Les m6ningites peuvent se d6velopper h n'importe quel moment, quelques heures apr6s le traumatisme cr~nien et m~me quelques ann6es apr6s. Le risque le plus grand se situe souvent dans les premi6res semaines qui suivent l'accident [45] et il n'est pas conseill6 de l'aggraver par la mise en place de corps 6trangers dans le nez, comme la pose d'une sonde gastrique [35]. L'intervention chirurgicale est souvent report6e, en g6n6ral 2 ~ 6 semaines apr6s l'identification de la fistule, car entre temps bon Hombre de celles-ci se tarissent spontan6ment. Pendant cette p6riode, 500 mg ti 1 g de p6nicilline peuvent 6tre administr6s oralement toutes les 6 heures pour pr6venir le risque pneumococcique.

Tableau I. - - Antibioprophylaxie dans les traitements de la base du cr&ne. Revue de la litterature.

Auteurs

BRAWLEY et KELLY [6]

LEECH [33] LEECH et coll. [34]

Nombre de patients 300

155

Antibiotiques utilis6s (n = Hombre de patients trait6s)

• P6nicilline G • Streptomycine

D6but h J0 (trauma) ~ 5 j Apr~s arr6t fistule

• Chloramph6nicol

D6but 48 h apr~s trauma --~ 5 j

• P6nicilline G + sulfamides (n = 97) • Autres ATB (n = 58)

M6ningites d6clar6es (n)

Commentaires

0

Le d6but du traitement doit ~tre aussi pr6coce que possible

des auteurs

10 1 5

L'association p6nicilline + sulfamides parait efficace

12

La p6nicilline seule parait inefficace

MINCY [40]

54

• P6nicilline G

RASKXND et DORIA [46]

33

• Divers (n = 27) • Placebo (n = 6)

1 0

L'antibioprophylaxie n'emp6che pas la survenue de m6ningite

MAC GEE et coll. [36]

58

° Divers (n = 41) • Placebo (n = 17)

1 2

Les auteurs expriment leur r6serve sur l'antibioprophylaxie

ICNELZI et VAN DER ARK [25]

179

• Ampicilline ou c6phalotine (n = 54) • Placebo (n =50) • ATB pour autres raisons que fistule de LCR (n = 75)

HOFF et coll. [22]

160

• Placebo

0

Les patients avec fracture de la base sans fistule 6vidente de LCR peuvent se passer d'une antibioprophylaxie

KLASTERSgY et coll. [30]

104

• P6nicilline G (n = 52) • Placebo (n = 52)

0 1

II n'existe pas de vraies r6ponses au probl6me de la prophylaxie dans les fistules traumatiques de LCR

(LCR = liquide c6phalorachidien)

1 + 1 abc6s c6r6bral L'antibioprophylaxie n'est pas 0 indiqu6e darts les fractures de la base avec ou sans fistule ND de LCR

708

Si cette pratique empirique est utile, elle est souvent m6connue [43]. La dur6e maximale de l'antibioprophylaxie est fix6e par certains auteurs [39, 49] ~ une semaine m6me si l'6coulement de liquide c6phalorachidien persiste. N6anmoins, elle n'emp6che pas la survenue des m6ningites [49]. En effet, une revue de la litt6rature rapport6e dans le tableau I met en 6vidence qu'il n'y a p a s de vraies r6ponses au problame de l'antibioprophylaxie dans les fractures de la base avec fistule de liquide c6phalorachidien. Aucune s6rie publi6e n'est susceptible d'apporter des conclusions d6finitives ; la seule information qui ressort de ces travaux est que l'incidence des m6ningites n'est pas significativement diff6rente dans les groupes des patients non trait6s et trait6s. En revanche, il ne paralt pas n6cessaire d'utiliser une antibioprophylaxie dans les fractures de la base sans 6coulement 6vident de liquide c6phalorachidien [6]. Malgr6 Cette grande divergence dans les attitudes th6rapeutiques, le pronostic des m6ningites bact6riennes posttraumatiques reste bon [43].

TRAUMATISMES CFL~NIENS OUVERTS ET PLAIES C#R#BRALES

Les gros d61abrements cutan6s et osseux constituent par excellence une porte d'entr6e intracrhnienne oO le risque de m6ningite, d'abc~s c6r6bral et d'empy~me domine. Des infections polymicrobiennes sont /~ redouter, et dans ces circonstances une antibioprophylaxie par c6phalosphorine de 3e g6n6ration est recommand6e seule ou associ6e des quinolones. S'il parait acceptable d'6viter une antibioprophylaxie dans les petits d61abrements cutan6s sans perte de substance osseuse [47, 48], l'inverse il est recommand6, dans les gros fracas, de pratiquer, sous couvert d'une antibioprophylaxie, une r6vision chirurgicale comprenant d6bridement, mise ~ plat et plastie de la dure-m6re. Durant la guerre de Cor6e [21], les patients victimes de plaies cranioc6r6brales, qui 6taient trait6s par une antibioprophylaxie pr6coce en attente d'une intervention chirurgicale tardive faite h I'H6pital de Tokyo, pr6sentaient un taux d'infection m6ning6e de 4 1 % , alors que ce taux chutait 1 % lorsque des unit6s mobiles de neurochirurgie r6alisaient des interventions chirurgicales pr6coces. Au total, l'antibioprophylaxie est r6serv6e aux plaies cranioc6r6brales lorsque, en raison de l'importance du d61abrement cutan6 et osseux, l'infection est suspect6e et dans les cas o/1 la mise plat chirurgicale est retard6e. En revanche, l'antibioprophylaxie dans le traitement des embarrures est controvers6e. En effet, si certains auteurs sont partisans d'une antibioprophylaxie syst6matique [27, 32, 41], d'autres ne le sont pas [4, 5, 26]. Le taux respectif d'infections m6ning6es n'est pas

M. ALAZIA, N. BRUDER

significativement diff6rent e n t r e l'antibioprophylaxie et l'abstention th6rapeutique (5,4 contre 7,3 %) pour en tirer une conclusion d6finitive. Cependant, il est difficile de comparer ces travaux, sans connaitre le d6tail des 16sions observ6es, car si personne n'h6site h traiter par antibiotique une plaie cranioc6r6brale contamin6e [18], il est moins 6vident de proposer ce traitement h un patient qui a une perte de substance propre superpos6e /a une~ embarrure.

PLAIES CRANIOC#R#BRALES P#NCTRANTES PAR PROJECTILES

Bien qu'aucune 6tude prospective, randomis6e, en double aveugle n'ait prouv6 formellement l'efficacit6 de l'antibioprophylaxie, le risque de m6ningites et d'abc6s c6r6bral [50] sur le trajet des projectiles incite ~ l'utiliser au d6cours de ce type de 16sions. Les r6sultats bact6riologiques rapport6s par CAREY et coll. [8] au tours de la guerre du Vietnam font ressortir une dominance de staphylocoques isol6s au niveau de la peau et des fragments osseux. Dans ce travail, il existe une faible incidence de surinfections superficielles ~ streptocoque (7 %) et l'absence totale de clostridium. Les cocci Gram n6gatif ne sont trouv6s que dans de faibles proportions, de l'ordre de 27 %. Ces r6sultats indiquent que la source de contamination pr6f6rentielle reste la peau plus que le projectile lui-m~me. La st6rilit6 des missiles p6n6trants dans le cerveau a pu expliquer les succ6s de CusmNG [11] qui traitait les blessures de guerre sans antibiotique. L'antibioprophylaxie ne doit pas 6tre consid6r6e comme une alternative au traitement chirurgical. La contamination du cerveau par les germes contenus dans la peau et les fragments osseux est d'autant plus grande que l'intervalle entre la survenue de la plaie cranioc6r6brale et l'acte chirurgical est important [3, 14]: 75 ~ 80 % des cultures sont positives sl l'intervention est programm6e trois semaines apr~s la plaie cranioc6r6brale. La r6vision chirurgicale doit ~tre aussi pr6coce que soigneuse. ASCROFr et PULVERTAFr [3] ont rapport6 pendant la deuxi~me guerre mondiale que 19 patients sur 23 (83 %) 6taient contamin6s par des morceaux d'os qui avaient migr6 le long du trajet du projectile. De m6me, MARTIN et CAMPBELL [37] ont montr6 que 20 patients sur 49 ( 4 1 % ) qui gardaient des fragments d'os intrac6r6braux d6veloppaient secondairement une infection profonde, alors que seulement 2 des 45 (4,5 %) qui n'en avaient pas, ne pr6sentaient pas d'infection. Pendant la guerre de Cor6e, HARSh [21] a 6tudi6 110 patients qui d6veloppaient une infection postop6ratoire dans la moiti6 des c a s ; des fragments d'os 6taient indus dans le parenchyme c6r6bral. Dans certaines circonstances et compte tenu

PLAIES CRANIOCI~REBRALES ET ANTIBIOPROPHYLAXIE

du risque des r6interventions, MEIROWSKY [38] a propos6 d'accepter le risque infectieux tardif plut6t que de r6p6ter un geste chirurgical. Au total, il convient de souligner d'une part que la contamination c6r6brale peut survenir m6me apr~s une blessure cutan6e mineure et d'autre part qu'il est souhaitable de pratiquer d'embl6e une r6vision chirurgicale minutieuse destin6e h retirer un par un t o u s l e s fragments d'os inclus. En fonction des germes trouv6s dans les diff6rents pr61~vements effectu6s par CAREY et coll. [8], il semble q u ' u n e couverture antistaphylococcique soit conseill6e ~ l'aide de mol6cules comme les quinolones. L'utilisation de la p6nicilline G seule parait insuffisante malgr6 les travaux de JENNETr et coll. [27, 28] qui trouvaient au niveau m6ning6 des germes habituellement sensibles ~ la p6nicilline. HAGAN [17] n'h6sitait pas au contraire h pr6ner l'utilisation de chloramph6nicol ou de moxalactam en raison du caract~re plurimicrobien de l'infection. Dans t o u s l e s cas, une prophylaxie antit6tanique parait souhaitable. Enfin, l'utilisation d'antiseptiques locaux a 6t6 conseill6e par HAINES [19] comme adjuvant dans les gros d61abrements cutan6s avant d'aborder secondairement la r6vision chirurgicale. COMPLICATIONS DE L'ANTIBIOPROPHYLAXIE

De nombreuses 6tudes rapportGes par KAISER [29] ont montr6 que l'antibioprophylaxie a peu d'effets secondaires. Seule la colite pseudomembraneuse a 6t6 dGcrite comme une complication inhabituelle du traitement conduit par des ampicillines, de la clindamycine, des cGphalosporines, du mGtronidazole, des aminosides, de l'Grythromycine et de la nGomycine. Des troubles de la coagulation portant sur l'allongement du temps de saignement ont 6t6 publiGs avec le cGfamandole [2], et des modifications du taux de prothrombine ont 6t6 rapportGes avec le moxalactam. En revanche, la durGe de l'antibioprophylaxie joue secondairement un r61e sur l'Gmergence d'une flore multirGsistante ; ainsi, lorsqu'elle est prolong6e au del~ d'une semaine, elle alt6re la sensibilit6 des germes aux antibiotiques. De m6me, une dur6e de traitement inf6rieure fi 48 heures a des cons6quences sur la flore bact6rienne du patient. Pour NELSON et coll. [42], l'antibioprophylaxie prolong6e n'offre aucune protection suppl6mentaire vis-h-vis du risque nosocomial, surtout en cas de proc6dures invasives. Pour HOJER [23], au contraire, elle r6duit la dur6e des traitements antibiotiques, utilis6s secondairement, et raccourcit ainsi la dur6e d'hospitalisation. PROPHYLAXIE PAR VOlE LOCALE

L'efficacit6 respective de l'antibioprophylaxie locale et de l'antibioprophylaxie par voie systGmi-

709

que n'a pas 6t6 suffisamment 6valuGe au cours d'essais thGrapeutiques pour apporter des conclusions valables. HALASZ [20] a cependant montr6 l'efficacit6 de l'antibiotique local dans 11 6tudes randomisGes sur 13, portant sur des plaies chirurgicales infect6es. Par ailleurs, DUFF et coll. [13] ont montr6 que l'utilisation de la gentamicine locale permettait d'obtenir des taux thGrapeutiques susceptibles de provoquer des rGactions allergiques et de sGlectionner des germes rGsistants. CONCLUSION

En dGpit d'un certain nombre d'Gtudes contradictoires, il ressort que, dans les plaies craniocGrGbrales, l'antibioprophylaxie dolt ~tre essentiellement dirigGe : -contre le pneumocoque dans les fractures de la base avec rhinorrhGe ou otorrhGe ; - - c o n t r e une infection plurimicrobienne, et ~tre associGe h une rGvision chirurgicale prGcoce dans les traumatismes crfiniens ouverts, avec issue de mati~re cGrGbrale ; - - c o n t r e le staphylocoque, et 6tre associGe l'exGr~se prGcoce des fragments osseux dans les plaies pGnGtrantes provoquGes par des projectiles. Dans les autres 16sions, l'antibioprophylaxie est souvent une affaire d'Gcoles.

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