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Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2014) xxx, xxx—xxx

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ScienceDirect www.sciencedirect.com

HÉMORRAGIE DU POST-PARTUM

Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire) Antenatal management for patients with increased risk of post-partum hemorrhage (excluding abnormal placentation) A. Fournet-Fayarda, A. Lebretonb, M. Ruivardc,d, B. Stormea, B. Godeaue, M. Bonnina, A. Delabaeref,g, D. Gallotf,∗,g a

Service d’anesthésie-réanimation, hôpital Estaing, CHU de Clermont-Ferrand, 1, place Lucie-et-Raymond-Aubrac, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France b Service d’hématologie, hôpital Estaing, CHU de Clermont-Ferrand, 1, place Lucie-et-Raymond-Aubrac, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France c Service de médecine interne, hôpital Estaing, CHU de Clermont-Ferrand, 1, place Lucie-et-Raymond-Aubrac, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France d EA 4681 PEPRADE, faculté de médecine, université d’Auvergne, 28, place Henri-Dunant, BP 10448, 63000 Clermont-Ferrand, France e Centre de référence des cytopénies auto-immunes de l’adulte, service de médecine interne, CHU Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France f Pôle gynéco-obstétrique-reproduction humaine, hôpital Estaing, CHU de Clermont-Ferrand, 1, place Lucie-et-Raymond-Aubrac, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France g R2D2-EA7281, faculté de médecine, université d’Auvergne, 28, place Henri-Dunant, BP 10448, 63000 Clermont-Ferrand, France

MOTS CLÉS Hémorragie du post-partum ; Prise en charge anténatale ; Orientation ; Troubles de l’hémostase ;

Résumé Objectifs. — Préciser les éléments d’orientation et de dépistage en population générale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (HPP), ainsi que les éléments de prise en charge anténatale de l’anémie sévère, des thrombopénies, des patientes avec une pathologie de l’hémostase ou traitées par anticoagulants. Méthodes. — Recherche bibliographique en langue franc ¸aise et anglaise à partir de la base de données Medline et des recommandations de sociétés savantes. Résultats. — Le lieu d’accouchement doit être discuté de fac ¸on multidisciplinaire en tenant compte de la nature du risque (antécédent d’HPP sévère, pathologie de l’hémostase

∗ Auteur correspondant. Pôle gynécologie-obstétrique-reproduction humaine, hôpital Estaing, CHU de Clermont-Ferrand, 1, place Lucieet-Raymond-Aubrac, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France. Adresse e-mail : [email protected] (D. Gallot).

http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024 0368-2315/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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A. Fournet-Fayard et al. Coagulopathie ; Purpura thrombopénique immunologique ; Anémie ; Anticoagulants

KEYWORDS Post-partum hemorrhage; Prenatal management; Orientation; Bleeding disorders; Immune thrombocytopenic purpura; Anemia; Anticoagulant therapy

notamment) et de la rapidité d’accès à des produits sanguins labiles (accord professionnel). La prévention de l’anémie sévère repose sur une supplémentation en fer le plus souvent par voie orale (grade B). Des explorations sont recommandées devant toute thrombopénie inférieure à 100 Giga/L (grade C). Les patientes atteintes d’une pathologie de la coagulation doivent bénéficier d’un suivi de grossesse en étroite collaboration avec un médecin compétent en hémostase qui anticipera la prise en charge spécifique lors de l’accouchement (grade C). En cas d’anticoagulation à dose préventive, le risque d’HPP n’est pas augmenté et l’accès à l’anesthésie périmédullaire est le plus souvent possible compte tenu d’un délai suffisant (> 12 h) depuis la dernière injection (grade C). L’anticoagulation curative par HBPM s’accompagne d’une augmentation modeste du risque hémorragique et impose le respect d’un délai (> 24 h) avant d’avoir recours à l’anesthésie périmédullaire (accord professionnel). Conclusion. — L’identification des patientes à risque d’HPP doit conduire le plus souvent à une prise en charge multidisciplinaire et à une orientation vers une structure disposant des moyens techniques et humains adéquats. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Objectives. — To describe management and screening for high-risk patients concerning postpartum hemorrhage (PPH) and antenatal management for severe anemia, thrombopenia, bleeding disorders and anticoagulant therapy. Methods. — Bibliographic search restricted to French and English languages using Medline database and recommendations of medical societies. Results. — The appropriate place for delivery should be chosen after multidisciplinary concertation based on level of risk (especially past-history of severe PPH and bleeding disorder) and easy access to blood products (Professional Consensus). Prevention for severe anemia is mainly based on oral iron supplementation (grade B). Explorations are required in case of thrombopenia < 100 Giga/L (grade C). Patients with bleeding disorder require the assistance of a physician skilled in hemostasis for perinatal management (grade C). Preventive anticoagulant therapy has no impact on PPH risk and perimedullar analgesia is usually authorized 12 hours after last injection (grade C). Curative anticoagulant therapy slightly increases PPH risk and perimedullar analgesia is authorized only after 24 hours since last injection (Professional Consensus). Conclusion. — Prenatal identification of high-risk patients concerning PPH implies multidisciplinary concertation to determine the most appropriate birthplace where technical and human resources are available. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

L’orientation et la prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (HPP) sont destinées à réduire la survenue de l’HPP ou à en limiter la sévérité par une prise en charge spécifique adaptée. Ce chapitre développe les différents éléments qui déterminent l’orientation des patientes, les examens de dépistage proposés en population générale ainsi que les modalités de prise en charge de l’anémie sévère, des thrombopénies, des pathologies de la coagulation et des patientes relevant d’un traitement anticoagulant.

Matériel et méthodes La recherche bibliographique a été effectuée à l’aide des bases de données informatiques Medline et de la Cochrane Library sur une période de 1950 au 1er août 2013. Les termes de recherche ont été soit issus d’un thésaurus (descripteurs du MeSH pour Medline), soit tirés du titre ou du résumé (mots titres). Les mots clés suivants ont été utilisés et combinés entre eux : postpartum hemorrhage, prenatal, prevention, maternal anemia, thrombopenia, bleeding

disorders, anticoagulation. Les textes des sociétés savantes suivantes ont été consultés : Haute Autorité de santé (HAS) : www.has-sante.fr/publications ; National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) : www.nice.org.uk ; Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (RCOG) : www.rcog.org.uk ; American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) : www.acog.org et Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada (SOGC) : www.sogc.org. Les textes relatifs au sujet, avalisés par l’American Society of Anesthesiologists (ASA), le Collège national des gynécologues et obstétriciens franc ¸ais (CNGOF), la Société franc ¸aise d’anesthésie réanimation (Sfar) ont également été pris en compte. Les articles de langue anglaise et franc ¸aise ont été retenus.

Éléments d’orientation et dépistage en population générale Les différentes recommandations mentionnent que l’appréciation anténatale du risque hémorragique doit

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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Prise en charge anténatale des risques d’hémorragie du post-partum guider le choix du lieu d’accouchement avec l’objectif d’offrir à la mère et son(ses) enfant(s) la meilleure garantie d’une prise en charge optimale [1—4]. Il est important de distinguer des situations à risque modéré d’HPP des situations à risque très élevé. Lorsque l’élévation est modeste, la patiente peut être gérée dans sa maternité d’origine. C’est notamment le cas pour les grossesses multiples ou l’antécédent d’HPP n’ayant pas justifié de recours à des gestes d’hémostase par laparotomie ou radiologie interventionnelle. Les recommandations du CNGOF de 2009 avaient autorisé la naissance des jumeaux dans tout type de maternité à condition de répondre à un cahier des charges insistant sur la disponibilité immédiate d’un obstétricien, d’un anesthésiste et d’une équipe de pédiatrie ainsi qu’un accès facile aux produits sanguins labiles [5]. Il apparaît justifié d’encourager l’anesthésie locorégionale de type analgésie péridurale lors d’un accouchement par voie basse chez ces patientes à risque. En effet, l’ensemble des gestes obstétricaux recommandés en cas d’HPP nécessite une anesthésie. L’anesthésie locorégionale est alors essentielle puisqu’elle permet une exécution immédiate des gestes nécessaires sans attendre le délai de réalisation d’une anesthésie générale. Elle permet également de s’affranchir des risques d’inhalation et d’intubation difficile auxquels expose l’anesthésie générale de la femme enceinte. Il n’est cependant pas exclu qu’un recours à l’anesthésie générale soit nécessaire dans un second temps en cas d’hémorragie grave avec fort retentissement hémodynamique. Les situations où le risque est le plus élevé sont les anomalies d’insertion placentaire type placenta accreta/increta/percreta, les patientes ayant déjà présenté une HPP sévère avec recours à des gestes d’hémostase par laparotomie ou radiologie interventionnelle ainsi que celles présentant des anomalies de l’hémostase. Ces situations doivent être prises en charge dans un centre approprié disposant non seulement d’un accès facile et abondant en produits sanguins labiles mais aussi d’une maîtrise des techniques d’hémostase, de compétences spécifiques en pathologie de la crase sanguine si besoin voire d’une réanimation maternelle [6]. La prise de contact avec le centre qui réalisera l’accouchement doit avoir lieu rapidement après la mise en évidence du risque. L’existence d’une pathologie de l’hémostase se distingue des autres situations par deux aspects : d’une part, le risque de saignement se prolonge au-delà de la durée habituelle du séjour en maternité, d’autre part, les patientes sont susceptibles de transmettre la pathologie à leur enfant. La nécessité d’une prise en charge néonatale participe à la discussion sur le lieu d’accouchement [4]. Il apparaît judicieux que les situations les plus périlleuses conduisent à noter clairement dans le dossier obstétrical la stratégie retenue pour la prise en charge à l’issue d’une concertation multidisciplinaire entre obstétriciens et anesthésistes-réanimateurs parfois accompagnés de radiologues, hématologistes ou chirurgiens (urologues notamment) [2]. Le lieu de l’accouchement peut être remis en question même tardivement en fonction des conditions d’accueil de la maternité d’origine et de l’évolution de la situation clinicobiologique.

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Au total, il est recommandé que le choix du lieu d’accouchement soit anticipé dès que le risque est connu, souvent à l’issue d’une concertation multidisciplinaire selon la nature de l’augmentation du risque d’HPP et les modalités de déroulement de la grossesse (accord professionnel). Lorsque l’augmentation du risque d’HPP est confirmée (placenta accreta/increta/percreta, antécédent d’HPP sévère avec recours à des gestes d’hémostase par laparotomie ou radiologie interventionnelle, anomalies de l’hémostase), il est recommandé que la maternité où se déroule la prise en charge dispose d’un accès rapide à des produits sanguins labiles (accord professionnel). L’accès à un plateau de radiologie vasculaire interventionnel et à un service de réanimation adulte participe à la discussion (accord professionnel). Pour les patientes atteintes d’une pathologie de l’hémostase, un contact avec un médecin compétent en hémostase est recommandé (accord professionnel).

Situations particulières Le refus de transfusion, l’allo-immunisation ou l’appartenance à un groupe sanguin rare sont des situations particulières susceptibles d’influencer le lieu de naissance. Des études observationnelles américaine, anglaise et hollandaise ont établi que le refus de recourir à la transfusion augmente le risque de décès maternel en situation d’hémorragie (NP4) [7—9]. La prise en charge de ces patientes doit être formalisée une fois que l’obstétricien et l’anesthésiste ont rencontré la patiente, ainsi que son compagnon et éventuellement d’autres membres de l’entourage (avis d’experts) [2]. Dans ces situations, il est légitime d’avoir recours à une supplémentation martiale anténatale y compris par voie intraveineuse pour des valeurs seuils plus élevées que d’ordinaire afin d’aborder la période péripartum sans anémie (avis d’experts) [10]. Dans certaines situations, des stratégies peuvent faire appel à l’usage du cell saver, de l’érythropoïétine ou du facteur VII. Il est souvent utile de solliciter les collègues plus particulièrement habitués à ces prises en charge. Les comités de liaison hospitaliers des Témoins de Jéhovah sont composés de bénévoles au service des patients et des médecins. Ils couvrent l’ensemble du territoire franc ¸ais et les contacts locaux sont recensés sur le site [email protected]. Leurs missions comportent notamment la mise à disposition d’articles médicaux sur l’épargne transfusionnelle, l’accès à des confrères expérimentés dans ce domaine et l’aide au transfert du patient vers une autre structure. Il est établi que lorsque la survie de la patiente impose une transfusion, celle-ci doit être réalisée. Les situations d’allo-immunisation ou de groupes rares rendent plus difficile l’accès à du sang compatible. Ces situations sont abordées dans le chapitre de Rachid Djoudi [11].

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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A. Fournet-Fayard et al.

Au total, les patientes doivent être informées que le refus de recourir à la transfusion augmente le risque de décès maternel en situation d’hémorragie (accord professionnel). Lorsque la survie de la patiente impose une transfusion, celle-ci doit être réalisée (accord professionnel).

Dépistage en population générale des pathologies préexistantes La Haute Autorité de santé (HAS) a établi des recommandations sur les examens nécessaires et suffisants à pratiquer au cours d’une grossesse [12]. La carte de groupe sanguin A B O avec phénotype rhésus complet et Kell doit être faite en début de grossesse et doit être disponible le jour de l’accouchement. La recherche d’agglutinines irrégulières (RAI) est recommandée à la visite de déclaration de grossesse pour toutes les femmes. Elle doit être répétée aux 6e et 8e mois pour les femmes avec un passé transfusionnel et au 6e mois avant l’injection prophylactique d’immunoglobulines anti-D pour les patientes de rhésus négatif. À l’entrée en salle de naissance, il est recommandé de ne pas prescrire systématiquement une RAI si on dispose d’un contrôle de moins d’un mois et si la grossesse est normale. En présence de situations à risque hémorragique augmenté ou pour une césarienne programmée, il est recommandé de disposer d’une RAI datant de moins de 3 jours [13]. La positivité d’une RAI en dehors d’un anti-D passif doit faire anticiper la préparation de poches de sang compatibles dès l’entrée en travail de la parturiente, même en l’absence de risque hémorragique identifié (accord professionnel) [12]. Il est recommandé de doser l’hémoglobine en début de grossesse si des facteurs de risque existent tels que des ménorragies précédant la grossesse, des grossesses rapprochées notamment en cas de grande multiparité, une carence d’apports nutritionnels favorisée par la précarité socioéconomique, un régime alimentaire pauvre en fer animal (végétalien) ou une immigration depuis des pays en voie de développement (effet combiné des infections parasitaires), un défaut d’absorption lié à une maladie intestinale chronique inflammatoire, une résection digestive chirurgicale (duodénum, jéjunum) ou par chélation lors de l’absorption associée d’antiacides, phosphates ou phytates (contenus dans le thé ou le café) [14]. La mesure de l’hémoglobine doit avoir lieu pour toutes les patientes au 6e mois de grossesse [12]. L’objectif est d’identifier une anémie pour laquelle les seuils d’hémoglobine retenus par l’Organis ation mondiale de la santé (OMS) chez la femme enceinte sont < 110 g/L pour les premier et troisième trimestres et < 105 g/L pour le deuxième trimestre [15]. Le dépistage des troubles de l’hémostase pendant la grossesse a pour objectif d’identifier les patientes à risque d’hémorragie du post-partum ainsi que celles ne pouvant pas bénéficier d’une analgésie périmédullaire (APM). La Société franc ¸aise d’anesthésie réanimation (Sfar) a établi des recommandations formalisées d’experts (RFE) en 2012 [13]. Ces RFE ont été précisées pour la femme enceinte lors du congrès du Club d’anesthésie réanimation en obstétrique en 2013. Ce dépistage doit comporter une enquête personnelle et familiale sur les antécédents

hémorragiques, un examen clinique et éventuellement un bilan biologique. L’interrogatoire recherche des antécédents personnels et familiaux de symptômes hémorragiques ainsi que des pathologies ou des traitements pouvant interférer avec l’hémostase. Un questionnaire simple tel que le score de Tosetto peut probablement être proposé et mieux cibler les indications de bilan biologique [16]. Il doit dépister les tendances aux saignements prolongés, aux hématomes, les saignements lors d’une extraction dentaire, postopératoires ou post-partum. Le seul examen d’hémostase recommandé pendant la grossesse est le dosage des plaquettes au 6e mois de grossesse, qui permet essentiellement de dépister les thrombopénies gestationnelles et le purpura thrombopénique immunologique (PTI) [12]. Cependant 3 % des PTI se révèlent au 3e trimestre et un contrôle peut être effectué avant l’accouchement en cas de doute ou si le taux est inférieur à 150 Giga/L. Il est recommandé de ne pas prescrire de fac ¸on systématique un bilan d’hémostase chez les patientes enceintes dont l’anamnèse et l’examen clinique ne font pas suspecter un trouble de l’hémostase, quel que soit le type d’anesthésie choisi (anesthésie générale ou anesthésie périmédullaire) (grade B) [13,17]. Un bilan biologique est nécessaire si on suspecte une pathologie à risque de troubles d’hémostase, si l’interrogatoire est impossible ou en raison de signes cliniques évocateurs. Ce bilan comporte un dosage des plaquettes, le taux de prothrombine TP, le temps de céphaline activé (TCA) et le fibrinogène [13]. Cependant, ces tests n’explorent pas l’hémostase primaire ni certains facteurs dont le déficit est potentiellement dangereux tels que le facteur XIII. Ainsi, toute anomalie clinique sévère ou biologique doit faire prendre l’avis d’un médecin compétent en hémostase [13]. Il est recommandé de réévaluer régulièrement la situation de la patiente, notamment à l’arrivée en salle de naissance, car certaines situations sont à risque hémorragique et doivent faire contrôler l’hémostase : prééclampsie, hépatopathie de la grossesse, chorioamniotite, hémorragie antepartum, traitement anticoagulant, mort fœtale in utero [13].

Au total, les recommandations de la HAS et de la Sfar n’ont pas lieu d’être remises en cause concernant les examens biologiques requis au cours de la grossesse. L’appréciation de l’hémostase repose sur l’interrogatoire et sur la réalisation de tests biologiques pour les situations à risque. L’avis d’un médecin compétent en hémostase doit être sollicité en cas d’anomalie potentiellement sévère (accord professionnel).

Prise en charge anténatale de l’anémie sévère Le dépistage de l’anémie repose sur la réalisation systématique d’un dosage de l’hémoglobine au 6e mois de grossesse voire dès le premier trimestre si des facteurs de risque sont identifiés [12]. Compte tenu de l’hémodilution induite par la grossesse, les seuils de définition de l’anémie sont différents. L’OMS a retenu comme seuil d’anémie

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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Prise en charge anténatale des risques d’hémorragie du post-partum chez la femme enceinte 110 g/L pour les premier et troisième trimestres et 105 g/L pour le deuxième trimestre [15]. L’anémie est sévère si le taux d’hémoglobine est inférieur à 70 g/L. L’anémie ferriprive représente 90 % des anémies de la grossesse [15]. Elle est microcytaire (volume globulaire moyen < 80 femtolitre), hypochrome (concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine < 30 g/dL), non régénérative (taux de réticulocytes < 100 000 par millimètre cube) [14]. Ces anomalies ne deviennent franches qu’au bout de plusieurs mois en l’absence de traitement. Elle est en général associée à un taux effondré de ferritine sérique, inférieur à 15 ␮g/L. En raison de la grande fréquence de l’anémie ferriprive et des modifications tardives des constantes érythrocytaires, un dosage de la ferritine sérique sera volontiers réalisé en cas d’anémie chez la femme enceinte. Une autre cause d’anémie sera recherchée si la ferritine n’est pas abaissée à l’aide d’un bilan de seconde intention : dosage de l’haptoglobine et de la bilirubine, électrophorèse de l’hémoglobine (mise en évidence d’une bêta-thalassémie hétérozygote ou d’une drépanocytose hétérozygote) [14]. La drépanocytose homozygote est généralement très symptomatique et reconnue dès l’analyse du frottis sanguin (présence de drépanocytes) ; elle relève d’une prise en charge spécifique. Un examen parasitologique des selles à la recherche d’une helminthiase hématophage peut être utile chez les femmes en provenance d’une région endémique [14]. La supplémentation martiale systématique pendant la grossesse quel que soit le taux d’hémoglobine n’est pas recommandée en l’absence de preuves de bénéfices cliniques sur la santé de la mère et de l’enfant [14,18]. En revanche, il est recommandé de supplémenter les patientes présentant une anémie ferriprive car cela participe à réduire le recours à la transfusion même si les données sont insuffisantes pour affirmer que cette supplémentation permet d’améliorer le pronostic périnatal [14]. Le traitement martial est administré par voie orale préférentiellement, dès le diagnostic porté, à la dose de 50 à 200 mg/j en association avec de l’acide folique pour une durée prolongée (3 à 6 mois) [15]. L’administration non continue (2 à 3 jours non consécutifs par semaine) peut permettre une meilleure tolérance digestive pour une efficacité identique. L’indication du fer intraveineux n’est justifiée que si l’administration orale est mal tolérée, non observée, ou si une correction rapide est nécessaire. L’existence de complications allergiques graves a fait contre-indiquer cette voie en cas d’asthme sévère et réserver ce traitement à une pratique désormais exclusivement hospitalière. L’administration concomitante d’érythropoïétine à un traitement martial n’a pas sa place au cours de la grossesse en raison de l’absence de bénéfice clinique démontré et un coût élevé [14]. Il y a peu de données dans la littérature sur les seuils transfusionnels aussi bien pendant la grossesse qu’en post-partum immédiat [19]. La place de la transfusion sanguine est réservée aux anémies sévères (Hb < 70 g/L) mal tolérées cliniquement ou consécutives à un saignement aigu ou à proximité de la naissance lorsque le traitement par fer n’aura pas le temps d’être efficace [20]. L’utilisation de culots globulaires phénotypés est indispensable afin de prévenir l’allo-immunisation maternelle. Il est admis que pour une patiente de 70 kg, un culot remonte le taux d’hémoglobine de 10 g/L.

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Au total, la prévention de l’anémie sévère repose sur une supplémentation en fer le plus souvent par voie orale lorsqu’une carence martiale est identifiée (grade B). L’indication du fer intraveineux ne semble justifiée que si l’administration orale est mal tolérée, non observée, ou si une correction rapide est nécessaire (accord professionnel). Le recours à la transfusion anténatale est réservé aux anémies sévères, mal tolérées cliniquement ou consécutives à un saignement aigu ou à proximité de la naissance lorsque le traitement par fer n’aura pas le temps d’être efficace (accord professionnel).

Prise en charge anténatale des thrombopénies Dans la définition internationale établie en 2009, le purpura thrombopénique immunologique (PTI) primaire est défini comme un désordre auto-immun caractérisé par une thrombopénie isolée inférieure à 100 Giga/L en l’absence de toute autre pathologie pouvant s’accompagner d’une thrombopénie [21]. Il existe des PTI secondaires correspondant à des thrombopénies auto-immunes n’entrant pas dans la définition du PTI primaire : on les rencontre par exemple dans le lupus systémique ou la leucémie lymphoïde chronique. Le seuil de 100 Giga/L a été choisi car de nombreuses personnes apparemment en bonne santé présentent un chiffre de plaquettes entre 100 Giga/L et 150 Giga/L, particulièrement au cours de la grossesse (thrombopénie considérée comme physiologique ne justifiant pas de suivi particulier en l’absence d’autres éléments cliniques) [22]. L’acronyme PTI a été conservé mais le terme « idiopathique » a été remplacé par « immunologique » pour souligner le caractère auto-immun de la thrombopénie. Au cours de la grossesse, de l’accouchement et du post-partum, le PTI pose deux problèmes : le risque hémorragique chez la mère et le risque faible de thrombopénie auto-immune néonatale [23]. Dans la moitié des cas, la grossesse aggrave la thrombopénie le plus souvent sans complication hémorragique [24]. Nous ne traiterons ici que du diagnostic du PTI et des moyens de prévention des hémorragies du péripartum.

Diagnostic du purpura thrombopénique immunologique (PTI) et principaux diagnostics différentiels Lorsqu’une thrombopénie est constatée sur une numération formule (NF) sanguine, la valeur de plaquettes en dessous de laquelle des explorations sont nécessaires peut être fixée à 80 Giga/L ou 100 Giga/L. Les explorations ne seront débutées qu’après vérification des frottis par l’hématologiste de l’absence d’agrégat plaquettaire sur lame ou après un nouveau prélèvement fait sans EDTA (Éthylène Diamine Tétra Acétique) sur tube citrate ou au bout du doigt sur sang capillaire avec étalement immédiat sur lame. Cette éventuelle fausse thrombopénie par agglutination plaquettaire doit en particulier être suspectée sur un chiffre de plaquettes très bas en l’absence de signe hémorragique. Cette démarche est

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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A. Fournet-Fayard et al. Tableau 1 Explorations à visée diagnostique en cas de thrombopénie < 80—100 Giga/L pendant la grossesse [25]. Explorations for thrombopenia < 80—100 Giga/L during pregnancy [25]. Récupération des NF antérieures (en particulier en dehors de la grossesse) Anamnèse, examen clinique complet : signes de connectivite, adénopathies, splénomégalie, hypertension artérielle Analyse de frottis sur lame : vérification de l’absence d’agglutination des plaquettes, recherche de schizocytes NF sur tube citrate ou sur sang capillaire si doute sur fausse thrombopénie à l’EDTA Ionogramme, glycémie, créatinine, protéine C réactive Réticulocytes TP, TCA, fibrinogène Bilan hépatique (transaminases, bilirubine, gammaGT) Électrophorèse des protides Sérologie VIH Sérologie des hépatites B et C Ac antinucléaire TSH et anticorps antithyropéroxydase Groupe sanguin, agglutinines irrégulières Anticorps anticardiolipine, anticorps anti-béta2GP1, anticoagulant circulant

en revanche inutile si la thrombopénie est symptomatique avec un syndrome hémorragique évident. Si le chiffre des plaquettes est inférieur à 70 Giga/L, le diagnostic de thrombopénie gestationnelle est exclu a priori et il faudra s’attacher à éliminer une autre cause de thrombopénie (en particulier liée à une prééclampsie avec ou sans coagulation intravasculaire disséminée [CIVD]) avant de retenir le diagnostic de PTI. Dans tous les cas, le PTI est un diagnostic d’élimination et ne peut être affirmé qu’après exclusion des autres causes de thrombopénie par un examen clinique complet et des explorations biologiques obligatoires figurant dans le Tableau 1 (grade C) [25]. L’anamnèse et l’examen clinique doivent s’attacher à rechercher les antécédents familiaux de thrombopénie, les antécédents de thrombopénie pendant une grossesse précédente, les prises médicamenteuses et les signes de connectivite. La constatation d’une hypertension artérielle et d’œdème doit faire suspecter une prééclampsie et une thrombopénie sur CIVD. La prééclampsie est en effet la cause la plus fréquente de thrombopénie de fin de grossesse en dehors de la thrombopénie gestationnelle. Il convient de dépister un lupus systémique : arthralgies ou arthrites, rash malaire ou autre éruption, alopécie, ulcérations buccales. La palpation des toutes les aires ganglionnaires doit être systématique ainsi que la recherche d’une splénomégalie ou de signes d’hypertension portale. La récupération des NF antérieures, en particulier en dehors de la grossesse, permettra de s’assurer de la normalité du chiffre des plaquettes (> 150 Giga/L) pour retenir une thrombopénie gestationnelle. Les TP, TCA, fibrinogène permettent d’écarter une CIVD. L’absence de schizocytes, de signes d’hémolyse et la normalité des transaminases hépatiques permettent d’éliminer les complications graves de fin de grossesse que sont le HELLP syndrome et les microangiopathies thrombotiques et en particulier le purpura thrombotique thrombocytopénique ou syndrome de Moschowitz. La positivité des anticorps antinucléaires (> 1/80) est fréquente au cours du PTI primaire et n’est pas synonyme de lupus mais doit faire rechercher des anticorps anti-ADN natifs et anti-ENA. La

pratique de la sérologie antiphospholipide complète (anticorps anticardiolipine, anticorps anti-␤2GP1, anticoagulant circulant) figure dans les recommandations internationales [26]. Une positivité permettra en particulier de guider la prescription d’une prophylaxie antithrombotique malgré la thrombopénie. La réalisation systématique d’un myélogramme n’est pas recommandée pour le diagnostic de PTI pendant la grossesse (grade C). Elle est indispensable dès lors qu’il existe une anomalie des autres lignées ou des formes jeunes circulantes sur l’hémogramme. La recherche d’anticorps antiplaquettes par les techniques sérologiques n’est ni spécifique ni sensible pour le diagnostic de PTI et ne prédit pas le risque de thrombopénie néonatale : elle est donc habituellement inutile (grade C). Ce bilan n’est pas à répéter de fac ¸on exhaustive si le diagnostic de PTI a été établi en dehors de la grossesse, mais on doit alors bien noter : l’antécédent éventuel de splénectomie, le chiffre le plus bas des plaquettes atteint et l’existence de signes hémorragiques concomitants, ainsi que l’éventuelle sensibilité de ce PTI aux corticoïdes ou aux immunoglobulines intraveineuses (IgIV). Lorsque l’ensemble de ce bilan a permis d’exclure les autres causes de thrombopénie, on retiendra le diagnostic de PTI si les plaquettes sont inférieures à 70 Giga/L ou si elles sont entre 70 et 100 Giga/L avec une thrombopénie préexistante à la grossesse. Entre 70 et 100 Giga/L, le diagnostic de thrombopénie gestationnelle est retenu si la NF s’était complètement normalisée en dehors de la grossesse mais le diagnostic de PTI ne peut être formellement exclu surtout entre 70 et 80 Giga/L.

Quand et comment traiter un PTI avant l’accouchement Selon le protocole national de diagnostic et de soins franc ¸ais, il est recommandé de programmer l’accouchement afin de mettre en œuvre les traitements permettant d’obtenir un chiffre de plaquettes ≥ 75 Giga/L avant l’accouchement (Tableau 2) [25]. La programmation de l’accouchement est cependant remise en cause par de

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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Prise en charge anténatale des risques d’hémorragie du post-partum

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Tableau 2 Traitement du purpura thrombopénique immunologique en fin de grossesse à distance de l’accouchement (grade C). Therapeutic management of immune thrombocytopenic purpura during late pregnancy (grade C). Traitements utilisés (début 5 à 10 jours avant la date d’accouchement prévue ou, en pratique, à partir de 37 SA) Prednisone per os 1 mg/kg/j pendant 7 à 10 jours et/ou Immunoglobulines intraveineuses (IgIV) : 1 g/kg en perfusion de plusieurs heures à J1 puis à répéter si nécessaire à J2 ou J3 Pas de place pour les transfusions de plaquettes, sauf hémorragie menac ¸ant le pronostic vital Indications Plaquettes < 50 Giga/L ou < 75 Giga/L avec désir d’anesthésie locorégionale PTI sévère avec hémorragies actives : association IgIV + prednisone Autres cas : prednisone en première intentiona à évaluer rapidement et IgIV si échec a

En cas de résistance connue du PTI à la prednisone, on utilisera les IgIV.

nombreuses équipes. Le chiffre de 75 Giga/L peut permettre une anesthésie locorégionale sans risque avec des conditions optimales pour l’accouchement [25]. Les recommandations internationales demandent un chiffre de plaquettes > 70 Giga/L pour une anesthésie locorégionale [26]. Le mode d’accouchement ne doit pas être modifié et la voie d’accouchement doit dépendre uniquement des conditions obstétricales (grade B). En effet, la césarienne ne diminue pas le risque d’hémorragie chez le nouveau-né. La thrombopénie fœtale reste exceptionnelle au cours du PTI et s’observe surtout en cas d’allo-immunisation avec incompatibilité fœtomaternelle. Il est malgré tout recommandé d’éviter la ponction de cordon, le prélèvement au scalp du fœtus ou l’extraction instrumentale par ventouse en cas de suspicion de PTI (grade C). La surveillance des plaquettes chez une patiente avec un PTI doit être plus fréquente à l’approche de l’accouchement. On demande en général une NF chaque semaine si le nombre de plaquettes paraît stable. Cette surveillance doit être beaucoup plus rapprochée si on observe une chute rapide du nombre des plaquettes (grade C) [27]. Si les plaquettes restent supérieures à 30 Giga/L voire 20 Giga/L en l’absence de signe hémorragique, le PTI n’est habituellement pas traité aux premier et au deuxième trimestres de la grossesse [27]. À l’approche de l’accouchement, il n’est pas recommandé d’effectuer un traitement si les plaquettes restent supérieures à 75 Giga/L (grade C) [25]. À l’inverse, si les plaquettes restent inférieures à 50 Giga/L, il est recommandé de débuter un traitement dans le but de rendre possible l’accès à une anesthésie locorégionale si la patiente le souhaite (grade C) [25]. Pour un nombre de plaquettes entre 50 et 75 Giga/L, un traitement est discuté au cas par cas mais il semble logique de le proposer aux femmes désirant une anesthésie locorégionale (accord professionnel). Le chiffre de 50 Giga/L est habituellement retenu pour qu’une césarienne se déroule dans de bonnes conditions. Les traitements proposés en première intention sont les corticoïdes et/ou les IgIV. Si on utilise les corticoïdes, le choix se porte sur la prednisone (en raison d’une meilleure biodisponibilité que la prednisolone) à la dose de 1 mg/kg par jour avec nécessité d’un délai de 5 à 10 jours pour être efficace (grade C) [25]. En pratique, le traitement peut être initié à partir de 37 SA avec possibilité d’anticiper ou de retarder ce

traitement si le clinicien pressent ou non une naissance plus précoce (accord professionnel). On considère que le pourcentage de patientes répondant à la corticothérapie est le même qu’en dehors de la grossesse, c’est-à-dire d’environ 70 %. Si l’on sait que la patiente n’avait pas répondu antérieurement à la corticothérapie, il ne semble pas utile de réessayer pendant la grossesse : on s’orientera directement vers les IgIV. Certains auteurs proposent des doses plus faibles de prednisone de l’ordre de 10 à 20 mg par jour [27]. Dans le placenta, l’enzyme 11␤-hydroxystéroide déshydrogénase convertit le cortisol en des formes 11-keto relativement inactives et moins de 10 % de la prednisone atteint le fœtus. Si on utilise des IgIV, la dose est de 1 g/kg sur une journée (J1), que l’on peut renouveler une fois en l’absence d’efficacité suffisante à J2 ou J3 (grade C) [25]. L’effet indésirable le plus fréquent des IgIV est la survenue de céphalées, dépendant en partie de la vitesse de perfusion et parfois attribuées à une méningite aseptique. Les autres effets peuvent être une insuffisance rénale, une neutropénie transitoire habituellement sans conséquence, des thromboses (quelques cas décrits de thrombose veineuse cérébrale), parfois aussi des flushes, de la fièvre ou une tachycardie pendant la perfusion. Le risque de réactions anaphylactiques doit conduire à l’utilisation de préparations dépourvues d’immunoglobulines A (IgA) chez les patientes connues comme déficitaires en IgA. Le taux de réponse aux IgIV est d’environ 80 %. Le choix du traitement entre IgIV et prednisone dépend de plusieurs considérations et doit faire intervenir une équipe spécialisée : • si la patiente est déjà connue comme répondeuse aux corticoïdes, on utilise la prednisone en l’absence de contre-indication (accord professionnel) ; • si la patiente n’a jamais rec ¸u de traitement du PTI auparavant (situation non exceptionnelle pour des patientes présentant par exemple des plaquettes vers 50 Giga/L au long cours), on utilisera la prednisone en première intention, mais il est également possible d’utiliser d’emblée les IgIV si les plaquettes sont très basses (< 20 ou 30 Giga/L) (accord professionnel) ; • en cas d’hémorragie, le traitement le plus efficace fait appel à la prednisone (1 mg/kg) associée aux IgIV (dose totale de 2 g/kg sur 2 à 4 jours sans dépasser 1 g/kg/j).

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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A. Fournet-Fayard et al. Ce traitement constitue le traitement de référence des PTI graves en dehors de la grossesse (grade A) [28].

Les transfusions de plaquettes ne sont utilisées que dans des cas exceptionnels d’hémorragies majeures avec menace du pronostic vital. La destruction des plaquettes transfusées étant extrêmement rapide, les transfusions de plaquettes n’ont aucun intérêt prophylactique et comportent des dangers d’allo-immunisation pendant la grossesse. Toutes les patientes présentant un PTI et dont le risque thromboembolique est augmenté (en particulier celles présentant une sérologie antiphospholipide positive) devraient recevoir une thromboprophylaxie appropriée (grade C) [25]. On considère en général un chiffre des plaquettes supérieur à 50 Giga/L pour autoriser un traitement anticoagulant s’il est indiqué. Les traitements par IgIV ou par corticoïdes ne diminuent pas le risque de thrombopénie néonatale. Dans tous les cas (même si les plaquettes sont normales pendant la grossesse), il est impératif de vérifier l’absence de thrombopénie néonatale à la naissance par une numération au sang du cordon et de refaire systématiquement cet examen chez le nouveau-né entre le 3e et le 5e jour en raison du risque de thrombopénie néonatale retardée par transfert passif de l’anticorps de la mère à l’enfant [25]. En cas de thrombopénie néonatale inférieure à 20 Giga/L, il existe un consensus pour proposer un traitement par IgIV chez le nouveau-né (grade C). En cas d’échec, d’autres traitements sont à discuter mais leur emploi pendant la grossesse est mal évalué (comme les analogues de la thrombopoïétine) et un avis d’un centre de référence est dans ce cas nécessaire.

Au total, des explorations sont à envisager devant toute thrombopénie inférieure à 80—100 Giga/L découverte à l’occasion d’une grossesse (grade C). Lorsque le diagnostic de PTI est retenu, aucun traitement n’est nécessaire si les plaquettes restent supérieures à 75 Giga/L (grade C). En dessous de cette valeur, un avis précoce auprès d’une équipe spécialisée permettra d’anticiper la meilleure stratégie à mettre en œuvre pour le péripartum (avis d’experts).

Prise en charge anténatale des pathologies de la coagulation Les principales anomalies hémorragiques héréditaires affectent soit l’étape d’hémostase primaire, soit l’étape de coagulation plasmatique. Les troubles de l’hémostase primaire sont représentés par la maladie de von Willebrand, les anomalies quantitatives des plaquettes (thrombopénies) et les anomalies des fonctions plaquettaires (thrombopathies). Les troubles de la coagulation sont représentés par les déficits en facteurs de la coagulation (déficit en FXI, FVII, FVIII [hémophilie A] ou FIX [hémophilie B]). Différentes recommandations sur la prise en charge des femmes atteintes de maladies hémorragiques héréditaires ont été

publiées ces dernières années. Elles reposent généralement sur de faibles niveaux de preuve en raison de l’absence d’essais randomisés contrôlés [29—34]. Ce chapitre aborde dans un premier temps des recommandations générales valables pour toute femme atteinte de maladie hémorragique héréditaire puis traite de cas particuliers en raison de leur fréquence (maladie de Willebrand) ou de leur documentation dans la littérature (conductrices d’hémophilie). Enfin, un paragraphe est consacré aux maladies hémorragiques rares pour lesquelles les données de la littérature sont peu nombreuses. Le Tableau 3 résume la prévalence dans la population générale, les seuils hémostatiques suggérés (à titre indicatif) ainsi que les différentes molécules disponibles pour chaque anomalie de l’hémostase. La substitution prophylactique n’est en aucun cas systématique et dépend, entre autres, du type d’anomalie, du taux de facteur en fin de grossesse, de l’histoire familiale, du mode d’accouchement et du phénotype hémorragique.

Recommandations générales pour toute femme atteinte d’une maladie hémorragique héréditaire L’accouchement représente un challenge hémostatique majeur pour toute femme. Les femmes atteintes d’une maladie hémorragique héréditaire ont un risque plus élevé d’hémorragie du post-partum [35,36]. Ces femmes requièrent un suivi personnalisé et une prise en charge spécialisée pluridisciplinaire lors de la grossesse, de l’accouchement et de la période post-partum. Si les HPP retardées sont rares dans la population générale, l’HPP retardée (jusqu’à 6 semaines post-partum) est plus fréquemment rencontrée chez les femmes atteintes d’un trouble de l’hémostase [37]. D’une manière générale, les recommandations suivantes ont été émises par les sociétés savantes pour toute femme atteinte d’une maladie hémorragique héréditaire [31,34,38] : • la prise en charge de la grossesse et de l’accouchement doit être anticipée en concertation pluridisciplinaire (obstétricien, anesthésiste, médecin compétent en hémostase) afin de limiter la survenue et la sévérité de l’HPP (grade C). Il faut notamment tenir compte des facteurs de risque surajoutés d’HPP (grade C) ; • les femmes enceintes atteintes d’une maladie hémorragique doivent accoucher dans un hôpital disposant d’un site transfusionnel ou d’un dépôt de délivrance permettant un accès facile à des produits sanguins labiles en quantité suffisante et d’une réanimation maternelle (grade C). Selon le type de pathologie, il peut même être recommandé que l’accouchement soit réalisé dans un établissement disposant d’un laboratoire spécialisé d’hématologie-hémostase et d’une pharmacie apte à délivrer dans les meilleurs délais les produits sanguins de substitution nécessaires (grade C). Il est parfois judicieux que ces produits soient stockés en salle d’accouchement (grade C) ; • la délivrance doit faire l’objet d’une prise en charge active (grade A) [39].

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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Tableau 3 Principales anomalies hémorragiques héréditaires : prévalence, seuil hémostatique suggéré et substitutions disponibles. Most frequent bleeding disorders in women: prevalence, hemostatic cut-off and substitution. Prévalence (population générale) Maladies de l’hémostase primaire Maladie de Willebrand Type 1 1—10/1000 Type 2 1—5/10 000 Type 3 Thrombopathies

Maladies de la coagulation Déficit FVIII (HA) Déficit FIX (HB) Déficit FII Déficit FV Déficit FVII Déficit FX Déficit FXI Déficit FXIII Déficit combiné FV + FVIII Anomalies du fibrinogène

Seuil hémostatique suggéré (%)

Substitutions disponibles

50 50

1—5/1 000 000 1/1 000 000 (thrombopathie majeure)

50 NA

ddAVP, concentrés de FVW ± FVIII, AF ddAVP (si pas de CI) concentrés de FVW ± FVIII, AF ddAVP, concentrés de FVW ± FVIII, AF ddAVP, CP, AF, rFVIIa

1/10 000 1/50 000 1/1 000 000 1/1 000 000 1/500 000 1/1 000 000 1/1 000 000 1/2 000 000 1/1 000 000 1/1 000 000

50 50 25 15—25 20 10—20 20—70 20—30 15—25 (FV) 50 (FVIII) 1—1,5 g/L

ddAVP ou concentrés de FVIII Concentrés de FIX CCP, AF PFC, ddAVP rFVIIa, AF CCP, PFC AF ou concentrés de FXI Concentrés de FXIII PFC Concentrés de fibrinogène

AF : antifibrinolytiques ; CCP : concentrés de complexe prothrombinique ; CI : contre-indication ; CP : concentré de plaquettes ; ddAVP : 1-désamino-8-D-arginine vasopressine ; FII : facteur II ; FV : facteur V ; FVII : facteur VII ; FVIII : facteur VIII ; FIX : facteur IX ; FX : facteur X ; FXI : facteur XI ; FXIII : facteur XIII ; FVW : facteur von Willebrand ; HA : hémophilie A ; HB : hémophilie B ; NA : non applicable ; PFC : plasma frais congelé ; rFVIIa : FVII activé recombinant.

Au total, les patientes atteintes d’une pathologie de la coagulation doivent bénéficier d’un suivi de grossesse en étroite collaboration avec un médecin compétent en hémostase qui anticipera la prise en charge spécifique lors de l’accouchement (grade C). L’accouchement doit avoir lieu dans un établissement disposant d’un site transfusionnel ou d’un dépôt de délivrance permettant un accès facile à des produits sanguins labiles en quantité suffisante (grade C). Dans certains cas, il est même recommandé que l’accouchement soit réalisé dans un établissement disposant d’une réanimation maternelle, d’un laboratoire spécialisé d’hémostase et d’une pharmacie apte à délivrer dans les meilleurs délais les produits sanguins de substitution nécessaires (accord professionnel).

Cas particuliers Maladie de von Willebrand La maladie de von Willebrand (MVW) est la plus fréquente des maladies hémorragiques héréditaires [32,38]. Sa transmission se fait généralement selon le mode autosomique dominant, avec une pénétrance variable. Sa prévalence est

estimée jusqu’à 1 % de la population générale. Il existe trois types de MVW : le type 1 correspond aux anomalies quantitatives mineures et représente environ 70 % des cas de MVW. Le type 2 (et ses différents sous-types) correspond aux anomalies qualitatives et le type 3 correspond au déficit quantitatif sévère. Chaque femme enceinte atteinte d’une MVW doit bénéficier d’une consultation avec un médecin compétent en hémostase (ou un médecin du centre de traitement des maladies hémorragiques) pendant le troisième trimestre de grossesse de manière à évaluer les conditions hémostatiques pour l’accouchement (grade C) [34,38]. Le taux de FVW doit être évalué à 28 semaines d’aménorrhée (SA) ainsi qu’à 34—36 SA. En effet, la majorité des femmes atteintes de MVW de type 1 auront un taux normalisé (grade C). Les femmes ayant un taux de FVW qui ne s’est pas normalisé en fin de grossesse doivent accoucher dans une maternité disposant de spécialistes en hémostase voire d’une réanimation maternelle (grade C). Une anesthésie péridurale ne doit pas être réalisée si les taux de FVW et de FVIII sont inférieurs à 50 %. Au-dessus de 50 %, la décision doit être pluridisciplinaire, en tenant compte des taux de facteur au troisième trimestre, du phénotype hémorragique de la patiente et de l’expérience de l’équipe (grade C) [31]. L’anesthésie péridurale n’est pas recommandée en cas de MVW de type 2 et 3 (grade C). Les femmes atteintes d’une MVW ayant un taux de FVW < 50 % doivent faire discuter le recours à un traitement prophylactique par FVW ± FVIII (grade C) [29,34,38]. L’utilisation de la 1-désamino-8-D-arginine

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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A. Fournet-Fayard et al.

vasopressine (ddAVP) n’est pas formellement contreindiquée mais en raison du risque d’hyponatrémie et de rétention hydrique, son utilisation doit être extrêmement prudente (grade C) [38]. Les antifibrinolytiques (acide tranexamique) peuvent être utilisés pour prévenir ou traiter une HPP (grade C) [31,34,38]. Même si les taux de FVW et de FVIII s’élèvent pendant la grossesse, ils n’atteignent pas ceux atteints par les femmes sans MVW, ce qui explique en partie le risque persistant d’HPP. Après l’accouchement, les taux de facteur peuvent chuter à partir du 3e jour et retrouvent leurs taux initiaux en 3 semaines mais il existe une importante variabilité interindividuelle [40,41]. Chez les femmes ayant rec ¸u une prophylaxie pendant l’accouchement, cette dernière doit être poursuivie pendant au moins 3 à 5 jours selon le type d’accouchement (voire plus longtemps selon le contexte) (grade C). Il est important de préciser que le risque d’HPP chez les femmes atteintes de MVW persiste jusqu’à un mois après l’accouchement ce qui justifie de les informer pour faciliter un retour rapide en milieu obstétrical (grade C).

Au total, les femmes ayant un taux de FVW qui ne s’est pas normalisé en fin de grossesse doivent accoucher dans une maternité avec accès à un médecin compétent en hémostase et il sera discuté au cas par cas la nécessité de disposer d’une réanimation maternelle (accord professionnel). Une anesthésie péridurale ne doit pas être réalisée si les taux de FVW et de FVIII sont inférieurs à 50 % ni pour les MVW de type 2 et 3 (accord professionnel). Les femmes atteintes d’une MVW ayant un taux de FVW < 50 % doivent faire discuter le recours à un traitement prophylactique par FVW ± FVIII (accord professionnel). Le risque d’HPP chez les femmes atteintes de MVW persiste jusqu’à un mois après l’accouchement ce qui justifie de les informer pour permettre un retour rapide en milieu obstétrical (accord professionnel).

Femmes conductrices d’hémophilie L’hémophilie (A ou B, liée respectivement au déficit en FVIII et FIX) est une maladie hémorragique héréditaire de transmission liée au chromosome X. Si les formes sévères (taux de facteur < 1 %) touchent essentiellement les hommes, les femmes conductrices peuvent avoir des taux de facteur abaissés et souffrir d’une réelle maladie hémorragique. Ces femmes sont également à risque d’HPP notamment retardée [42,43]. Pour les conductrices d’hémophilie A, les mêmes recommandations que pour les femmes atteintes de MVW peuvent être émises en se basant sur le taux de FVIII en fin de grossesse. Pour les conductrices d’hémophilie B, le taux de FIX étant peu modifié pendant la grossesse, un dosage de FIX à 28 SA et 34 SA est recommandé afin de décider de la prise en charge appropriée et de la nécessité d’un traitement prophylactique (grade C) [31]. Cette prise en charge doit être personnalisée et pluridisciplinaire en étroite collaboration avec le centre de traitement des maladies hémorragiques.

Au total, les recommandations pour les conductrices d’hémophilie A sont comparables à celles pour les patientes atteintes de MVW. Pour les conductrices d’hémophilie B, la prise en charge est établie au cas par cas en collaboration avec le centre de traitement des maladies hémorragiques (accord professionnel).

Thrombopathies Les thrombopathies majeures sont des pathologies rares mais potentiellement graves de l’hémostase primaire. Il s’agit de la thrombasthénie de Glanzmann (anomalie du récepteur GpIIb-IIIa) et de la maladie de Bernard et Soulier (anomalie du récepteur GpIb-IX-V). Les thrombopathies mineures sont plus fréquentes mais leur prévalence est difficilement évaluable et largement sous-estimée. En raison de leur faible prévalence, les données concernant ces pathologies sont limitées. La thrombasthénie de Glanzmann et la maladie de Bernard et Soulier prédisposent fortement aux HPP [44,45]. La prise en charge de ces grossesses à risque doit être planifiée, pluridisciplinaire et se faire en étroite collaboration avec un centre de traitement des maladies hémorragiques (grade C). Les antifibrinolytiques (acide tranexamique), la ddAVP (avec toutes les précautions nécessaires à son utilisation pendant la grossesse) voire la transfusion en culots plaquettaires peuvent être utilisés chez les femmes atteintes de thrombopathies mineures pour réduire les saignements (grade C). Cette substitution n’est pas systématique et la décision doit être prise en collaboration avec le centre de traitement des maladies hémorragiques (grade C). Pour les thrombopathies majeures, le traitement préventif et curatif d’un saignement est basé sur la transfusion de culots plaquettaires et/ou de facteur VII activé recombinant (rFVIIa) (grade C).

Au total, la prise en charge des patientes atteintes de thrombasthénie de Glanzmann ou de la maladie de Bernard et Soulier doit être planifiée, pluridisciplinaire et se faire en étroite collaboration avec un centre de traitement des maladies hémorragiques (accord professionnel).

Autres déficits Les déficits en facteurs de coagulation ou les anomalies du fibrinogène sont des pathologies relativement rares qui représentent environ 3 à 5 % des anomalies hémorragiques héréditaires (Tableau 3). Ces déficits incluent les anomalies quantitatives et/ou qualitatives du fibrinogène (afibrinogénémies, dys- ou hypo-fibrinogénémies), les déficits en FII, FV, FV + FVIII, FVII, FX, FXI et FXIII. Les déficits les plus courants sont les déficit en FVII et FXI alors que les déficit en FXIII et FV + FVIII sont les plus rares [46]. La littérature concernant le risque d’HPP associé à ces pathologies est essentiellement constituée de cas cliniques ou de séries de cas. Il est important de signaler que pour certains déficits,

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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Prise en charge anténatale des risques d’hémorragie du post-partum le taux de facteur n’est pas corrélé au risque hémorragique : c’est le cas notamment des déficits en FXI, en FVII ou certaines anomalies du fibrinogène. De plus, certaines anomalies du fibrinogène et du FXIII sont parfois associées à des complications thrombotiques, y compris pendant la grossesse ou la période du post-partum. Pour l’ensemble de ces déficits qui exposent au risque d’HPP y compris retardée, une prise en charge personnalisée, pluridisciplinaire, intégrant entre autres le type de déficit, le taux de facteur, l’histoire familiale, le mode d’accouchement prévu et le phénotype de la maladie est recommandée (grade C) [47,48]. La substitution n’est pas systématique et une collaboration étroite avec le centre de traitement des maladies hémorragiques est indispensable. Au total, pour les patientes atteintes d’un déficit dans d’autres facteurs de coagulation ou d’une anomalie du fibrinogène, il est recommandé une prise en charge personnalisée, pluridisciplinaire, intégrant entre autres le type de déficit, le taux de facteur, l’histoire familiale, le mode d’accouchement prévu et le phénotype de la maladie (accord professionnel).

Prise en charge anténatale des patientes sous anticoagulants Les indications d’un traitement anticoagulant durant la grossesse sont multiples et clairement codifiées [49]. Elles sont souvent connues avant la grossesse (accident thromboembolique veineux, thrombophilie constitutionnelle, valve cardiaque mécanique. . .). Quels que soient la dose et le type d’anticoagulant prescrit, la période du péripartum impose une prise en charge multidisciplinaire entre obstétricien, anesthésiste, interniste, pneumologue et cardiologue selon l’indication thérapeutique. Il en va de même concernant les traitements antiplaquettaires introduits (insuffisance vasculoplacentaire) ou poursuivis (coronaropathie maternelle) pendant la grossesse. La gestion du risque hémorragique inhérent à ces types de traitement repose sur l’élaboration anticipée d’une stratégie définissant les modalités de l’accouchement tant sur le plan obstétrical qu’anesthésique, afin d’une part de favoriser l’accès à l’analgésie ou anesthésie périmédullaire (APM), et d’autre part éviter les complications hémorragiques de l’accouchement. Lors d’une APM, l’incidence des complications neurologiques liées à un trouble constitutionnel ou acquis de l’hémostase reste mal connue dans la littérature : elle serait estimée à 1/150 000 anesthésies péridurales et à 1/220 000 rachianesthésies [50]. Dans ce cadre, le traitement anticoagulant est un facteur de risque de complications hémorragiques notamment en cas de ponctions rachidiennes difficiles et d’insertion d’un cathéter péridural. Dans la méta-analyse de Kreppel, 75 % des hématomes périmédullaires accidentels se situeraient dans l’espace péridural et 16 % dans l’espace sous-arachnoïdien [51]. Il est à noter que la plupart des recommandations concernant les traitements anticoagulant/antiagrégant chez la parturiente est extrapolée d’études réalisées chez la femme non enceinte.

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Prise en charge des patientes sous anticoagulants à dose préventive L’héparine non fractionnée sous-cutanée (HNF SC, 2 fois par jour) ou les héparines de bas poids moléculaire (HBPM quotidienne) sont les molécules de choix pour la thromboprophylaxie chez la femme enceinte à risque (grade 1B) [49]. Elles sont introduites dès le 1er trimestre de la grossesse et poursuivies au moins 6 semaines dans le post-partum. Pour les HBPM à dose préventive (énoxaparine 4000 UI/j, daltéparine 5000 UI/j. . .), la surveillance de l’activité antiXa pendant la grossesse n’est pas recommandée ni en termes d’efficacité ni en termes de sécurité (grade C) [17,52,53]. Toutefois, une augmentation de la posologie peut être nécessaire aux 2e et 3e trimestres de grossesse chez la parturiente à haut risque (prescription d’une dose « intermédiaire »). Dans ce cas, l’ajustement de la posologie pourra être guidé par le monitorage de l’activité anti-Xa de l’HBPM bien qu’il n’existe aucune donnée validée dans la littérature à propos de la cible thérapeutique à atteindre dans ce cas précis (grade C) [53]. La thromboprophylaxie par HBPM durant toute la grossesse ne majore pas le risque d’HPP comparé à celui des femmes recevant ce traitement uniquement en post-partum [54]. Pour autoriser la pose d’une APM, le délai depuis la dernière injection d’HBPM ou d’HNF SC doit être de [17] : • 12 heures en cas d’injection unique quotidienne d’HBPM (accord professionnel) [17] ; • 12 heures en cas d’administration sous-cutanée d’HNF, ce délai pouvant être raccourci sous couvert d’une normalisation du TCA (accord professionnel) [17]. Ces délais ne sont valables qu’en l’absence d’autre cause d’anomalie de l’hémostase telle que la co-prescription HBPM—aspirine. En pratique, il faut informer les parturientes de ne pas s’injecter l’HBPM—HNF SC dès les premières contractions ressenties ou en cas de rupture de la poche des eaux et de consulter à la maternité. Avec cette précaution, le risque de ne pas avoir accès à l’APM est faible et apparaît équivalent, que le travail soit déclenché ou pas. De ce fait il est préférable de ne pas privilégier systématiquement le déclenchement au cours d’une fenêtre d’anticoagulant car il s’accompagne d’un taux de césarienne plus élevé (accord professionnel). Un contrôle de l’activité anti-Xa de l’HBPM à dose prophylactique n’est pas indispensable à la réalisation d’une APM si le délai d’arrêt préconisé est respecté et en l’absence de facteur retardant l’élimination de l’HBPM (insuffisance rénale. . .) [55].

Au total, pour les patientes sous anticoagulant à dose préventive, le risque d’HPP n’est pas augmenté et l’accès à l’APM est le plus souvent possible compte tenu d’un délai suffisant depuis la dernière injection (grade C). Il n’est pas recommandé de proposer systématiquement un déclenchement au cours d’une fenêtre d’anticoagulants parfois dénommée fenêtre « thérapeutique » (accord professionnel).

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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Prise en charge des patientes sous anticoagulants à dose curative Patientes sous AVK au long cours En raison du risque d’embryopathie, les antivitamines K oraux (AVK) sont contre-indiquées au cours du premier trimestre de la grossesse au-delà de 6 SA. Le passage transplacentaire des AVK exposerait également le fœtus à des complications hémorragiques en péripartum. Un relais par HNF ou mieux par HBPM doit être mis en place dès le diagnostic de la grossesse (grade 1A) [53], poursuivi pendant les 2e et 3e trimestres (grade 1B) [49] et en péripartum (grade 1A) [49]. Il est recommandé d’ajuster la posologie de l’HBPM choisie pour le relais en fonction de l’activité anti-Xa plutôt que d’opter pour une prescription en fonction du poids (risque de sous-dosage) (grade C) [49]. Les AVK sont une contre-indication absolue à l’APM. Par ailleurs, les nouveaux anticoagulants oraux (dabigatran, rivaroxaban, apixan) n’ont pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) chez la femme enceinte : il est recommandé de ne pas les prescrire (grade C) [49]. Patientes sous HBPM ou sous HNF à dose curative Les HBPM constituent le traitement de choix pour la prévention et le traitement des événements thromboemboliques durant la grossesse (grade B) [49]. En effet, l’HNF expose la patiente à un risque accru d’ostéoporose et surtout de thrombopénie induite par l’héparine (TIH). En cas de TIH chez la femme enceinte, le danaparoïde sodique est la seule molécule recommandée (grade C) [49]. Le recours au fondaparinux pourrait s’envisager seulement si le danaparoïde ne peut pas être disponible (grade C) [49]. On rappelle que le fondaparinux n’a pas d’AMM chez la femme enceinte en raison d’un probable passage transplacentaire, contrairement au danaparoïde dépourvu d’effet fœtotoxique [53]. Plusieurs équipes rapportent la réalisation d’analgésies péridurales pour le travail sans complication hémorragique chez des femmes traitées au long cours par fondaparinux [56,57]. Les données cliniques publiées concernant le délai entre l’arrêt du fondaparinux et l’accès à une APM sont issues de cas cliniques donc sont de faible niveau de preuve scientifique. Cette pratique doit rester marginale en l’absence de recommandations formelles des sociétés savantes. Les HBPM ont l’avantage de présenter une meilleure biodisponibilité, une demi-vie plasmatique plus longue et une meilleure prédictibilité de la « dose-réponse ». Chez le fœtus, les HNF et les HBPM n’ont pas d’effet anticoagulant car elles ne traversent pas la barrière placentaire. À dose curative, l’HNF est administrée soit en perfusion continue, soit en injection sous-cutanée trois fois par jour. Le monitorage biologique du TCA (6 h après l’injection, ratio patient/témoin entre 2 et 3) est indispensable au suivi thérapeutique de la patiente du fait des modifications pharmacocinétiques de l’HNF induite par la grossesse. En effet, on observe une diminution de l’aire sous la courbe de l’HNF conduisant à une augmentation de la posologie, sans toutefois une majoration du risque hémorragique [53]. En raison de l’augmentation du volume de distribution, du débit de filtration glomérulaire et de la prise de poids maternelle, le monitorage de l’activité anti-Xa s’avère indispensable lors de la prescription des HBPM à dose curative chez la femme

A. Fournet-Fayard et al. enceinte (grade B) [49] : le choix de la posologie uniquement en fonction du poids s’accompagne d’un sous-dosage fréquent. À dose curative, le pic d’activité anti-Xa 4 à 6 heures après l’injection doit être compris entre 0,6 et 1 UI/mL pour une administration biquotidienne. Cette recommandation est d’autant plus importante que la parturiente est obèse [52]. Rappelons que seul un taux d’activité anti-Xa très élevé (> 1,5 UI/mL) est prédictif du risque hémorragique lié au traitement anticoagulant. Concernant l’accouchement, qu’il s’agisse d’un travail déclenché ou d’une césarienne programmée, sauf cas exceptionnel, une fenêtre thérapeutique de 24 heures est réalisée afin de permettre la pratique d’une APM et d’éviter un éventuel sur-risque hémorragique lors de l’accouchement (grade B) [49]. Les recommandations de la Société franc ¸aise d’anesthésie-réanimation de 2006 rejoignent point par point les recommandations internationales [17,58]. Elles préconisent un arrêt du traitement curatif : • d’au moins 12 heures pour l’HNF administrée par voie sous-cutanée et d’au moins 4 heures pour l’HNF administrée par voie intraveineuse (accord professionnel) ; • et d’au moins 24 heures pour les HBPM (accord professionnel). Pendant cette phase, le monitorage répété du TCA (pour l’HNF) et de l’activité anti-Xa (pour les HBPM) peut s’avérer utile pour s’assurer de l’absence d’une activité anticoagulante résiduelle qui pourrait être antagonisée totalement (HNF) ou partiellement (HBPM) par du sulfate de protamine [53]. On rappelle que l’évaluation de l’activité anti-Xa ne permet pas de prédire le risque hémorragique (grade C) [17]. Si l’anticoagulation curative ne peut être interrompue, un relais par HNF IV est alors effectué puis arrêté 4 à 6 heures avant l’heure attendue de la naissance. Dans ce cas, l’APM est formellement contre-indiquée, laissant place aux alternatives type PCEA de rémifentanil par exemple.

Au total, l’anticoagulation curative par HBPM s’accompagne d’une augmentation modeste du risque hémorragique. Le recours à l’APM impose le respect d’un délai d’au moins 12 heures pour les HNF administrées par voie sous-cutanée, d’au moins 4 heures pour les HNF administrées par voie intraveineuse et d’au moins 24 heures pour les HBPM (accord professionnel). La possibilité de déclencher l’accouchement au sein d’une fenêtre d’anticoagulant sera discutée au cas par cas en tenant compte du risque thrombotique, du risque majoré de césarienne en cas de col défavorable et du souhait de la patiente de pouvoir disposer d’une APM (accord professionnel).

Prise en charge des patientes porteuses de valves cardiaques mécaniques Une programmation de l’accouchement est essentielle pour éviter un accouchement en période d’hypocoagulation

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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Prise en charge anténatale des risques d’hémorragie du post-partum majeure. L’état d’hypercoagulabilité de la grossesse accentue les risques thromboemboliques liés à la prothèse mécanique (surtout en position mitrale, variable selon le type de valve) ou ceux propres à la patiente (persistance de la fibrillation atriale, antécédent thromboembolique). Or le traitement anticoagulant comporte un risque hémorragique qui affectera aussi bien la mère que l’enfant à naître, en particulier en fin de grossesse et au moment du travail. En effet, l’équipe de Mc Lintock a rapporté un taux de complications hémorragiques immédiates de 19 % et secondaires de 13 % chez cette population cible liées à la nécessité d’une reprise précoce du traitement anticoagulant [59]. Il existe donc chez ces patientes un risque maximal concomitant thrombotique et hémorragique en péripartum. Plusieurs stratégies de gestion du traitement anticoagulant durant la grossesse ont été établies, sans supériorité formelle des unes par rapport aux autres [49] : • HBPM à dose curative tout au long de la grossesse en ajustant la posologie au pic d’activité anti-Xa cible > 1 UI/mL (4 h après l’injection sous-cutanée) (grade A) ; • HNF SC toutes les 12 heures avec un ratio TCA malade/témoin > 2 (ou une activité anti-Xa héparine comprise entre 0,35 et 0,7 UI/mL) (grade A) ; • HNF SC ou HBPM jusqu’à la 13e semaine de grossesse puis relais par l’AVK usuel jusqu’à l’approche de l’accouchement puis reprise de l’HNF SC ou HBPM selon les modalités suscitées (grade A). Les recommandations de la Société européenne de cardiologie parues en 2011 privilégient le recours aux anticoagulants oraux entre 13 et 36 SA (grade C) [60]. Pour les patientes les plus à risque, il est suggéré d’administrer en plus une faible dose d’aspirine (75 à 100 mg/j) (grade C). Au-delà de 36 SA, le relais est pris soit par de l’HNF SC, soit par HBPM (grade C). En péripartum, afin de minimiser la fenêtre thérapeutique et de permettre l’accès à l’APM, il est suggéré de programmer l’accouchement et de faire un relais par HNF IV 36 heures auparavant (grade C) [60,61]. En pratique il est proposé : • en cas d’accouchement voie basse : arrêt de la perfusion d’HNF dès la mise en route du travail et réalisation d’un TCA 4 à 6 heures après pour s’assurer du retour à un état d’iso-coagulation et autoriser une APM ; • en cas de césarienne, arrêt de la perfusion 4 à 6 heures avant la chirurgie et réalisation d’un TCA qui doit être inférieur à 1,2 pour autoriser une anesthésie rachidienne et le geste opératoire ; • reprise de l’HNF IV 4 à 6 heures après un accouchement voie basse, 6 à 12 heures après une césarienne. En post-partum, les propriétés pharmacocinétiques et la possibilité d’une antagonisation rapide par protamine font de l’HNF IV la molécule de choix dans ce contexte à haut risque de complications hémorragiques secondaires (hématome de paroi, thrombus périnéal). La mise en route spontanée du travail chez une parturiente traitée par AVK peut nécessiter une antagonisation soit par administration de complexe prothrombique humain (PPSB), soit par perfusion de plasma frais congelé (PFC).

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Dans ce contexte obstétrical, l’administration seule de vitamine K orale (5 mg) ne permet pas d’atteindre assez rapidement le seuil hémostatique requis (objectif d’un INR < 1,5). La posologie du PPSB à administrer dépend de l’INR avant traitement, de l’INR cible et du poids corporel de la patiente, selon les recommandations de la HAS [62]. À noter qu’aucun de ces traitements ne franchit la barrière placentaire et le fœtus reste hypocoagulé. Si la patiente est traitée par HNF SC ou HBPM à dose curative, l’utilisation de protamine (1 mg pour 1 mg d’HNF) réverse totalement l’activité antithrombinique de l’HNF et que très modestement l’effet anticoagulant des HBPM. Il n’y a pas d’indication au PFC. La réalisation d’une APM ne s’envisage qu’après correction totale de la coagulation en fonction de la balance bénéfices—risques.

Au total, la prise en charge péripartum des patientes porteuses de valves cardiaques mécaniques est rendue délicate par l’association d’un risque hémorragique élevé si le traitement anticoagulant est maintenu et d’un risque thrombotique élevé lorsque le traitement anticoagulant est modifié (NP1). Ceci justifie une prise en charge multidisciplinaire en collaboration étroite avec une équipe de cardiologie ayant l’expérience du péripartum chez ces patientes (accord professionnel).

Prise en charge des patientes sous antiagrégants plaquettaires La prescription d’aspirine est principalement recommandée chez les femmes à risque majeur de prééclampsie (grade B) [49]. À ces faibles doses (75 à 150 mg/j), l’aspirine n’a pas d’effet secondaire ni d’effet tératogène sur le fœtus exposé durant toute la grossesse et n’augmente ni la fréquence des hémorragies de la délivrance ni leur intensité (grade B) [63,64]. Dans le syndrome des antiphospholipides (SAPL), il est recommandé d’associer l’aspirine à un traitement prophylactique par HNF ou HBPM (grade B) [49,53]. Une telle association inhibant plusieurs voies de la coagulation peut augmenter le risque de saignement dans le péripartum (grade B) [50,64]. Aucun hématome rachidien n’est rapporté dans les grandes études qui ont associé ALR rachidienne et aspirine, en orthopédie et en obstétrique (grade B) [64]. L’aspirine ne contre-indique pas une APM (rachianesthésie et/ou péridurale) au cas par cas si l’on considère que son bénéfice est supérieur au très faible risque d’hématome médullaire, à la condition (grade C) [17,64] : ¸u aucun traitement anticoagulant • que la patiente n’ait rec avant la ponction ; • qu’il n’existe pas d’anomalie associée de l’hémostase ; • de préférer la rachianesthésie « en ponction unique » à l’analgésie péridurale ou à la rachianesthésie continue ; • que la surveillance neurologique postopératoire soit rigoureuse.

Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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A. Fournet-Fayard et al.

Chez toutes les patientes, les APM sont contre-indiquées avec les traitements par les thiénopyridines (ticlopidine, clopidogrel) (accord professionnel) [17].

Au total, la prise d’aspirine n’augmente pas la fréquence ni l’intensité des HPP (NP2) et ne contreindique pas le recours à une APM (rachianesthésie ou péridurale) (grade B).

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Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

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Pour citer cet article : Fournet-Fayard A, et al. Prise en charge anténatale des patientes à risque d’hémorragie du post-partum (hors anomalies de l’insertion placentaire). J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.024

[Antenatal management for patients with increased risk of post-partum hemorrhage (excluding abnormal placentation)].

To describe management and screening for high-risk patients concerning post-partum hemorrhage (PPH) and antenatal management for severe anemia, thromb...
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