Progrès en urologie (2014) 24, 132—137

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ARTICLE ORIGINAL

Description andrologique d’une population azoosperme avec une agénésie des canaux déférents consultant pour infertilité夽 Andrological description of a population of azoospermic men with agenesis of the vas deferens S. Bouyé a, F. Marcelli a,∗, T. Ghoneim a, L. Lemaitre b, G. Robin a,c, V. Mitchell d, G. Lalau e, J.-M. Rigot a a

Service d’andrologie, hôpital Calmette, CHRU de Lille, 59037 Lille, France Service d’uro-radiologie, hôpital Claude-Huriez, CHRU de Lille, 59000 Lille, France c Service de gynécologie et de biologie de la reproduction, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, Lille, France d Service de spermiologie, institut de biologie de la reproduction, hôpital Calmette, CHRU de Lille, Lille, France e Service de toxicologie et génopathies, centre de biologie pathologie, institut de biochimie et biologie moléculaire, CHRU de Lille, Lille, France b

ecembre 2011 ; accepté le 15 juin 2013 Rec ¸u le 11 d´

MOTS CLÉS Azoospermie ; Agénésie des déférents ; Gène CFTR ; Prélèvement chirurgical de sperme ; ICSI

夽 ∗

Résumé Contexte. — Depuis les années 1990, l’agénésie des canaux déférents est identifiée comme une forme mineure de mucoviscidose en raison de la fréquence des anomalies du gène CFTR. Elle est responsable d’infertilité masculine par azoospermie obstructive non curable chirurgicalement. Le prélèvement chirurgical de sperme et l’injection de spermatozoïde en intracytopasmique (ICSI) permettent désormais à ces patients infertiles de devenir pères. Patients et méthodes. — Cent quatre patients consécutifs étaient étudiés rétrospectivement, avec bilan complet clinique, spermiologique, hormonal, échographique et génétique. Les données des prélèvements chirurgicaux de sperme et des tentatives d’ICSI étaient colligées. Résultats. — Soixante-douze pour cent des patients avaient une ou des mutation(s) du gène CFTR, 20 % une anomalie rénale découverte en échographie, 84,5 % une anomalie des vésicules séminales. L’association d’un volume du sperme inférieur à 2 mL avec un pH inférieur à 7,2, un fructose inférieur à 2 et un chlore sudoral moyen supérieur à 60 mmol/L permettait d’identifier d’emblée 30 % des patients porteurs de mutation(s) et indemnes d’anomalie rénale. Le taux d’extraction de spermatozoïdes était de 98 %.

Niveau de preuve : 5. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Marcelli).

1166-7087/$ — see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.06.006

Azoospermie et Agénésie des canaux déférents

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Conclusion. — La recherche de mutations du gène CFTR et l’échographie de l’appareil génitourinaire sont indispensables au bilan de ces patients. La simple association d’un volume du sperme inférieur à 2 mL avec un pH inférieur à 7,2 et un fructose inférieur à 2 doit d’emblée orienter vers une forme mineure de mucoviscidose et déclencher la recherche d’anomalies génétiques et du chlore sudoral. La qualité d’extraction de spermatozoïdes associée aux progrès techniques de la FIV/ICSI permet désormais d’obtenir un excellent taux de grossesse de 66 % chez les compagnes de ces patients infertiles. © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS Azoospermia; Agenesis of the vas deferens; CFTR gene; Testicular sperm extraction; ICSI

Summary Context. — In the 1990’s, congenital agenesis of the vas deferens was identified as a minor form of cystic fibrosis in relation to the frequency of mutations of the CFTR gene associated. It is responsible for masculine infertility by obstructive azoospermia; which is not accessible to a surgical treatment. However, surgical sperm retrieval and injection de spermatozoïde en intracytopasmique (ICSI) allow fatherhood for these patients. Patients and methods. — A retrospective analysis of 104 consecutive patients from 1996 to 2006. A comprehensive clinical, spermiologic, hormonal, imaging and genetic workup was carried on. The data from the surgical extractions and the attempts of ICSI were collected. Results. — Seventy-five percent of the patients had a mutation of the CFTR gene; ultrasound imaging revealed a renal or a seminal vesicle abnormality in 20% and 84.5% of the patients, respectively. The association of a semen volume less than 2 mL with a pH less than 7.2, a fructose less than 2 and mean sudoral chlore greater than 60 mmol/L enabled an immediate identification of 30% of patients carrier of the mutation and without renal abnormality. The sperm extraction rate was 98%. Conclusion. — A search for the CFTR gene mutations and an ultrasound imaging of the genitourinary system are essential to the workup of these patients. The association of a semen volume less than 2 mL, a semen pH less than 7.2 and a fructose less than 2 must point towards a minor form of cystic fibrosis and prompt the workup of genetic abnormalities and sudoral chlore testing. The results of the sperm extraction combined to the technical advances of IVF/ICSI allow excellent pregnancy rates of 66% for the companions of these patients. © 2013 Published by Elsevier Masson SAS.

L’agénésie des canaux déférents est une cause relativement rare d’infertilité masculine qui concerne un homme sur 1000 dans la population générale. Elle est identifiée chez 1 à 2 % des patients consultant pour infertilité masculine et représente au moins 6 % des azoospermies obstructives [1]. Par analogie avec les problèmes de stérilité des hommes atteints de mucoviscidose, dès 1990 les mutations du gène CFTR (également appelé ABCC7) étaient recherchées chez les patients atteints d’agénésie déférentielle [2]. Les études extensives de ce gène mettaient ainsi en évidence des mutations chez 50 à 80 % des patients, confirmant que l’agénésie déférentielle est une forme mineure de mucoviscidose [3—8]. Les hommes atteints d’agénésie déférentielle ont une azoospermie obstructive non curable chirurgicalement. L’obtention d’une grossesse chez la partenaire passe obligatoirement par le prélèvement chirurgical de spermatozoïdes. Notre étude décrit les caractéristiques phénotypiques d’une population de 104 patients présentant un tableau clinique évocateur d’agénésie déférentielle. Les taux d’extraction de spermatozoïdes, les différences éventuelles selon le profil génotypique du patient, et les facteurs prédictifs permettant d’identifier les patients porteurs de mutation sont analysés.

Patients et méthodes Cent quatre patients étaient inclus dans cette étude rétrospective sur dix ans. Tous consultaient pour infertilité primaire par azoospermie obstructive entrant dans le cadre d’une agénésie des canaux déférents (canaux déférents impalpables ou atrésiques). Les paramètres andrologiques cliniques et hormonaux (testostérone totale entre 2,30 et 6,70 ng/mL, FSH entre 1 et 8 UI/L, inhibine B > 238 ± 32 pg/mL) étaient notés. Les paramètres spermatiques comprenaient : le volume (N : 2 à 6 mL), le pH (N > 7,2) et les marqueurs séminaux (fructose > 13 ␮moL/éjaculat, alpha-glucosidase > 20 mU/éjaculat). Une échographie génito-urinaire faisait partie systématiquement du bilan (mesure des volumes testiculaires, étude des épididymes, du carrefour vésiculodéférentiel, des reins). La recherche de mutations du gène CFTR était effectuée à partir d’ADN lymphocytaire extrait d’un prélèvement de sang périphérique sur EDTA. Un test de la sueur était réalisé : recueil de la sueur à l’aide de papiers filtre (au moins cinq échantillons) après stimulation thermique, pour dosage du chlore sudoral par titrimétrie selon la méthode de Schales. Le test était considéré comme positif pour un taux de chlore sudoral moyen supérieur à 60 mmol/L.

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S. Bouyé et al.

Tableau 1 Caractéristiques des d’agénésie des canaux déférents. n Âge Volume sperme pH sperme Fructose Alpha-glucosidase Testostérone FSH Inhibine B Volume testiculaire

104 101 102 78 56 99 100 47 95

patients

Moyenne ± DS 32,11 0,84 7,05 3,58 12,43 5 5,19 176,68 14,54

± ± ± ± ± ± ± ± ±

5,8 0,66 0,53 11,53 22,77 1,83 4,64 96,4 4,38

atteints

Extrêmes 22—50 0,1—3,8 6,4—8,7 0—76,5 0,75—148 2,07—10,2 0,8—36,2 15—459 1,2—27,5

L’extraction chirurgicale de spermatozoïdes était faite par microaspiration épididymaire (MESA : abord de l’épididyme par mini-incision scrotale puis aspiration du liquide obtenu par pression manuelle) éventuellement couplée à un prélèvement de pulpe testiculaire (TESE : ouverture de l’albuginée et excision d’une partie de la pulpe testiculaire). En cas de tableau mixte associant un profil sécrétoire, une TESE était réalisée de prime abord sans MESA. Une analyse histologique de la spermatogenèse n’était réalisée qu’en cas de TESE. L’analyse statistique utilisait le test t de Student pour la comparaison de variables quantitatives et le test de Pearson pour des variables qualitatives. Une différence était considérée comme statistiquement significatif si p < 0,05.

Résultats Les caractéristiques andrologiques de la population figurent dans le Tableau 1. L’hypotrophie testiculaire concernait 22 patients contre 82 ayant un volume normal supérieur à 15 mL. Les canaux déférents étaient absents bilatéralement chez 81 patients (79,4 %), unilatéralement chez 12 (11,8 %) et présents chez neuf patients (8,8 %). L’épididyme était dilaté dans la majorité des cas (86 versus 15 cas). La FSH moyenne était de 5,19 UI/L, dans 67 % des cas elle était inférieure à 5 UI/L. À l’inverse, l’inhibine B était abaissée avec une moyenne à 176,68 pg/mL, normale dans huit cas. Aucun cas d’hypogonadisme biologique n’était dépisté. Le volume spermatique était diminué avec une moyenne à 0,84 mL d’éjaculat. Il n’était supérieur à 2 ml que chez deux patients. Le pH moyen était acide à 6,8. Vingt-huit patients avaient un pH supérieur à 7,2. Le dosage du fructose était diminué avec une moyenne à 3,58 ␮mol/éjaculat, trois patients seulement avaient un dosage normal supérieur à 13. Le dosage de l’alpha-glucosidase, reflet du fonctionnement épididymaire, était abaissé dans 49 cas avec une moyenne à 12,43 mU/éjaculat. En imagerie, le volume testiculaire était sub-normal avec une moyenne à 14,54 cc. Les épididymes avaient un aspect anormal (dilatation de la tête épididymaire, aspect feuilleté, aspect kystique, absence du corps et/ou de la queue épididymaire) dans 80 % des cas. Les vésicules séminales étaient anormales (absence, dilatation, hypoplasie) dans 84,5 %. Le carrefour vésiculodéférentiel était anormal dans 76,5 %, un rein unique était retrouvé dans 15,8 % et

une anomalie de position était décrite dans 4,2 % des cas (ectopie unilatérale, anomalie de rotation). Soixante-dix-huit patients (75 %) étaient porteurs de mutations. L’analyse génétique du gène CFTR mettait en évidence 26 mutations différentes. Le profil de distribution du gène était le suivant : 66 hétérozygoties composites, neuf hétérozygoties simples, trois homozygoties et 26 patients (25 %) sans mutation détectée (Fig. 1). Les mutations les plus fréquentes étaient la mutation DF 508 (n = 51/78) ainsi que le polymorphisme de l’allèle 5 T (n = 19/78). Un test de la sueur était réalisé chez 97 patients avec 56 résultats positifs (58 %). Tous les patients ont bénéficié d’un prélèvement chirurgical de spermatozoïdes avec 43 MESA seules, 45 MESA suivies d’une TESE et 16 TESE seules (Fig. 2). Le taux d’extraction était de 98 %. L’analyse histopathologique de la pulpe testiculaire était réalisée pour 57 prélèvements : spermatogenèse normale dans 14 cas, hypospermatogenèse modérée à sévère dans 41 cas, et deux cas d’aplasie germinale qualifiée de sertoli cell only (SCO).

Analyse en sous-groupes de population Comparaison des patients porteurs de mutation(s) à ceux sans mutation identifiée Des différences statistiquement significatives existaient entre les deux groupes porteurs ou non de mutation concernant les anomalies dépistées en imagerie pour l’épididyme et les reins, la valeur du pH spermatique, le résultat du test de la sueur ainsi que sur le siège du prélèvement chirurgical (p < 0,05) (Tableau 2). Dans le groupe non muté, les anomalies échographiques épididymaires et rénales étaient plus fréquentes. Dans le groupe muté, le pH était plus acide (6,93 versus 7,35) et le test de la sueur anormal dans 71 % des cas contre 18 % dans le groupe non muté. Le siège du prélèvement était significativement différent selon les patients, avec un nombre de MESA plus important en cas de mutation alors que le recours à la TESE était majoritaire devant un génotype non muté (Fig. 2).

Détermination de paramètres biologiques prédictifs de la présence de mutation(s) du gène CFTR En associant les anomalies du volume et du pH spermatique, le sous-effectif obtenu était de 69 patients (66 %) avec un taux de mutation de 82,6 %. Avec l’ajout du dosage anormal du fructose du plasma séminal, cela permettait de sélectionner 37 patients (35 %) avec un taux de mutation de 86,5 %. En associant à ces trois paramètres le test de la sueur, l’effectif était de 23 patients (22 %) avec un profil de mutation génique de 100 % (Tableau 3).

Discussion Le profil andrologique et biologique de notre effectif est en accord avec les données des séries de la littérature comme celle rapportée par Daudin et al. [4].

Azoospermie et Agénésie des canaux déférents

135

80 N = 26

70 60

N = 78

50 40

Hétérozygotes composites N = 66

30 20

Hétérozygotes simples N =9

10 Homozygotes N = 3

0 Pas de mutation

Figure 1.

Mutations

Profil de distribution des mutations du gène CFTR rencontré chez les 104 patients (n = nombre de patients).

Tableau 2

Comparaison de deux sous-groupes de patients : porteurs de mutation (n = 78) versus sans mutation (n = 29). Profil muté

Clinique Testicule Épididyme Déférents Échographie Testicules (mL) Épididymes Vésicules séminales Carrefour déférentiel Reins Spermiologie Volume (mL) pH Fructose Alpha-glucosidase Test de la sueur (mmol/L) Prélèvement chirurgical de spermatozoïdes

n = 78

Profil non muté

n = 26

p

N 64/aN 14 N 12/aN 66 Aucd 8/ABCD 62/N 8

N 18/aN 8 N 4/aN 22 Aucd 4/abcd 21/N 1

0,12 0,99 0,29

15,1 N 17/aN N 10/aN N 13/aN N 64/aN

13,03 N 1/aN 25 N 3/aN 23 N 3/aN 15 N 10/aN 4/unique 12

0,6 0,04* 0,50 0,42 < 0,0001*

0,91 7,35 8,71 6,02 21 < 60/5 > 60 Epi 3/Epi + Test 13/Test 10

0,54 0,001* 0,17 0,06 < 0,0001* 0,0004

53 51 41 0/unique 3

0,81 6,93 1,92 14,37 18 < 60/54 > 60 Epi 41/Epi + Test 31/Test 6

N : normal ; aN : anormal ; AUCD : agénésie unilatérale de canal déférent ; ABCD : agénésie bilatérale des canaux déférents ; Epi : épididymaire ; Test : testiculaire. *p significatif test t de Student.

Tableau 3

Paramètres biologiques discriminants pour la présence de mutation(s)s du gène CFTR.

Nombre de patients Absence de mutation Homozygote Hétérozygote composite Hétérozygote simple % patient avec mutation

Vol < 2 mL pH < 7,2

Vol < 2 mL pH < 7,2 Fructose

Vol < 2 mL pH < 7,2 Test de la sueur > 60

69 12 1 42 14 82,6

37 5 1 24 7 86,5

41 1 1 29 10 97,6

Vol < 2 mL pH < 7,2 Fructose Test de la sueur > 60 23 0 1 17 5 100

136

S. Bouyé et al.

Figure 2. Siège du prélèvement chirurgical de spermatozoïdes selon le génotype du patient. MESA : prélèvement par microaspiration épididymaire ; TESE : extraction de pulpe testiculaire.

Les critères d’appel clinique étaient simples : l’absence de palpation de déférent ou l’impression d’un cordon atrésique. L’hypovolémie spermatique sévère était pratiquement constante, représentant un point d’appel spermiologique simple de lecture sur tout spermogramme. Elle est l’expression du dysfonctionnement de la voie épididymaire et de la vésicule séminale également traduite par l’acidité du pH spermatique. La normalité des dosages des marqueurs hormonaux de la spermatogenèse confirmait la prépondérance de l’origine obstructive de l’azoospermie. La volémie testiculaire mesurée en échographie confirmait ces données hormonales [5]. Depuis la découverte du gène CFTR en 1989, plus de 1500 mutations ont été mises en évidence. Actuellement, la mucoviscidose représente la forme la plus sévère de l’expression phénotypique de ces mutations mais il existe de nombreuses formes atypiques de la maladie telles que l’agénésie des canaux déférents, les oligozoospermies sévères (26 % de ces patients ont une mutation du gène à l’état hétérozygote) [9]. Dans notre série, nous rapportons 78 patients sur 104, porteurs d’au moins une mutation du gène CFTR, soit 75 % avec un profil de 26 mutations différentes. Ce polymorphisme génique a été répertorié dans différentes études. DF 508 est la mutation la plus fréquente avec l’allèle 5 T suivi de R117H. Les pourcentages de

mutation dans les grandes séries de la littérature apparaissent dans le Tableau 4. Le succès d’extraction de spermatozoïdes en cas d’azoospermie obstructive par agénésie des canaux déférents était excellent. Une tentative d’extraction par MESA était réalisée dans huit cas sur dix. Lors de l’analyse histologique de la pulpe testiculaire, deux patients présentaient une aplasie germinale ou SCO. Ces deux cas correspondaient aux échecs d’extraction. Meng et al. rapportaient aussi la présence de troubles marqués de la spermatogenèse associées au phénotype ABCD [16]. Dans sa série de 33 patients, le profil de spermatogenèse normale concernait 29 cas et quatre spermatogenèses anormales (un cas d’hypospermatogenèse, un cas de blocage de maturation et deux cas de SCO). Le mécanisme du trouble sécrétoire était dans ces situations très vraisemblablement plurifactoriel. Notre étude objectivait des différences statistiquement significatives entre les patients porteurs de mutation(s) et les non-porteurs : une plus grande fréquence d’anomalies épididymaires en échographie chez les non-mutés, résultat déjà décrit par Robert et al. [6]. Le pH spermatique était abaissé (6,93 versus 7,35) chez les mutés et le chlore sudoral plus élevé chez les mutés. Les patients non mutés avaient une plus grande fréquence d’anomalie rénale ou de rein unique, enfin le siège du prélèvement chirurgical était plus fréquemment épididymaire chez les mutés alors que les non-mutés bénéficiaient d’une TESE. La volémie testiculaire semblait également orienter le siège de la chirurgie en faveur de la TESE en cas de profil hypotrophique marqué. En revanche, l’absence de mutation n’était pas un facteur d’extraction négative. Seulement deux patients de notre série avaient un recueil négatif, le premier était hétérozygote simple DF 508 et le second était indemne de mutation. Dans les deux cas, il s’agissait de SCO à l’histologie. Le volume et l’acidité du sperme sont des éléments d’orientation diagnostique vers l’agénésie déférentielle. Daudin et al., dans une étude portant sur 41 patients porteurs de mutation du gène CFTR, décrivaient les patients avec volume spermatique inférieur à 1 mL et pH inférieur à 7 comme ayant un risque supérieur d’être porteurs de mutation sévère du gène CFTR [4]. Dans notre série, 55 % des patients avaient un pH spermatique inférieur à 7. Ils se

Tableau 4 Nombre et pourcentage de mutations retrouvées dans les principales séries de patients atteints d’agénésie des canaux déférents. Série

Nombre de patients

% de porteurs de mutation(s)

Nombre de mutations identifiées

Schlegel et al. [10] Patrizio et al. [11] Anguiano et al. [12] Robert et al. [6] Desideri-Vaillant et al. [13] Chillon et al. [1] Daudin et al. [4] Phillipson et al. [14] Josserand et al. [15] Notre série

36 44 25 47 291 102 41 25 50 104

55 59 64 63 66 72 75,5 80 82 72

Nr Nr Nr Nr 70 28 Nr Nr Nr 26

Azoospermie et Agénésie des canaux déférents différenciaient significativement de ceux ayant un pH supérieur à 7 concernant le taux de mutation, la positivité du test de la sueur, la présence d’anomalie rénale et le siège du prélèvement de spermatozoïdes. En tout, 62,5 % de patients de notre série avaient un volume spermatique inférieur à 1 mL. Lorsqu’on les comparait à ceux ayant un volume supérieur à 1 mL, aucune différence significative n’était mise en évidence. Dans notre série, les patients avec un volume spermatique inférieur à 1 mL et pH inférieur à 7 étaient 37 au total et ceux avec pH supérieur à 7 et volume spermatique supérieur à 1 mL étaient au nombre de 19. Ces deux sous-groupes présentaient des différences significatives en termes de taux de mutation, positivité de test de la sueur, taux du fructose séminal et présence d’anomalie rénale. Von Eckardstein et al. décrivaient un cutoff pour une valeur du fructose à 2 ␮mol/éjaculat concernant l’efficacité de détection des mutations [17]. Dans notre série, 50 patients avaient un fructose inférieur à 2 et 28 supérieur à 2 ; une différence significative existait entre ces deux sous-groupes pour les valeurs de pH du sperme avec respectivement 6,94 et 7,23. La détermination de paramètres spermatiques discriminants pour la présence de mutation(s) dans notre série mettait en évidence que l’association du volume spermatique, du pH et du fructose permettait de sélectionner 35 % de la population avec un taux de profil muté de 86,5 %. Ces trois données obtenues au décours du spermogramme doivent orienter vers une forme de mucoviscidose à expression génitale. En y adossant le test de la sueur, le sous-groupe défini était de 22 %, tous porteurs de mutation génique. Ainsi, dès le recueil du profil andrologique clinique et spermiologique, une orientation précise vers une étiologie de l’azoospermie était définissable. Un taux d’extraction supérieur à 90 % peut être renseigné à l’homme infertile.

Conclusion La recherche des mutations du gène CFTR et l’échographie urogénitale est incontournables dans le bilan d’une azoospermie obstructive à déférent(s) non palpé(s). L’association d’un pH acide avec une hypospermie rattachée à un effondrement du fructose séminal doit déclencher la réalisation du dépistage d’une forme mineure de mucoviscidose par un test de la sueur et une recherche de mutation(s), avec un taux de chlore sudoral corrélé à la présence de mutation. Dans ce profil d’azoospermie, l’extraction de spermatozoïdes est excellente avec un prélèvement de qualité.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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[Andrological description of a population of azoospermic men with agenesis of the vas deferens].

In the 1990's, congenital agenesis of the vas deferens was identified as a minor form of cystic fibrosis in relation to the frequency of mutations of ...
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