Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2015) 44, 792—794

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LETTRE À LA RÉDACTION

État des lieux de la chirurgie onco-gynécologique dans les centres hospitaliers publics franc ¸ais : on (en) est là ! An updated overview of the onco-gynecologic surgery in the French public hospitals: There, we are. . . but we are here! Le dispositif d’autorisation spécifique concerne l’ensemble des établissements de santé (publics et privés) souhaitant l’exercice des activités de traitement des cancers. Il s’agit d’un préalable incontournable résultant d’une concertation multidisciplinaire reposant sur un cadre juridique défini en 2007, délivré par l’Agence régionale de santé et dont le déploiement a été finalisé en 2012—2013. Il comportait trois axes majeurs : les mesures transversales de qualité (incluant le dispositif d’annonce, les réunions de concertation pluridisciplinaire), les critères d’agrément spécifiques pour la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie définis par l’Institut national du cancer (INCa) ainsi que les seuils minima d’activité. Ces critères conditionnent la qualité et la sécurité des soins. Les deux premiers plans cancer ont modifié la cartographie de l’offre de soins en chirurgie oncologique notamment. Alors même que le troisième plan vient de voir le jour, la Fédération nationale des gynécologues-obstétriciens des centres hospitaliers publics a souhaité établir un état des lieux de la chirurgie oncologique gynécologique dans les établissements (« périphériques ») qu’elle fédère, à la lumière des récentes exigences conditionnant leurs activités. L’ensemble des centres hospitaliers a été sollicité au travers d’une enquête, menée par voie postale et relayée par voie électronique. Les conclusions ont été finalisées début 2013. Il en est ressorti que ces nouvelles dispositions ont profondément modifié le paysage de l’offre de soins. Nous souhaitons brièvement partager les principaux résultats et apporter quelques commentaires. S’agissant de la réalisation d’actes de chirurgie mammaire par les gynécologues, environ la moitié d’entre eux http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2015.06.017 0368-2315/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

en effectuait plus de 30. Quant aux cancers du corps utérin, 83 % d’entre eux en effectuaient plus de 20 par an. Ainsi, 77 % des établissements réalisaient entre 30 et 130 actes de chirurgie mammaire et 51 % d’entre eux effectuaient entre 21 et 50 actes de chirurgie du corps utérin. Notons également que moins de 5 % des services réalisaient plus de 20 actes de chirurgie ovarienne et près de 60 % effectuaient entre une et cinq interventions au niveau vulvaire. Toutes ces données s’entendent sur une année. La chimiothérapie et la radiothérapie étaient effectuées dans l’établissement lui-même, dans, respectivement 60 % et 22 % des cas. Notre enquête a révélé, aussi, que la plupart des établissements se situaient à moins d’une centaine de kilomètres d’une structure disposant d’une autorisation. Mais plusieurs d’entre eux se retrouvaient tout de même à plus de 100 km. Enfin, une large majorité de praticiens (71,5 %) jugeait le recrutement difficile voire très difficile (respectivement 52,9 % et 18,6 %). Ces résultats appellent réponse de notre part. . . Il va de soi que les centres de référence optimisent la qualité et la sécurité des soins. Par exemple, nous pouvons concevoir qu’une chirurgie d’intervalle ou de cytoréduction maximale dans le cadre d’un cancer de l’ovaire ne devrait se réaliser que dans ces centres, où ce type d’intervention est relativement fréquent et relève autant d’une expertise spécifique que de moyens conséquents. Qu’en est-il d’une hystérectomie pour cancer de bas grade du corps utérin, à un stade débutant ? Les seuils minimaux d’activité en chirurgie carcinologique (30 interventions pour la chirurgie mammaire et 20 pour la chirurgie gynécologique) auraient dû s’appliquer par praticien et non par service. En effet, un chirurgien qui effectue par exemple une vingtaine d’actes de chirurgie onco-mammaire par an (et qui en conséquence ne pourra plus opérer dans son établissement) ne vaut-il pas autant, en matière de qualité et de sécurité carcinologiques des soins qu’il prodigue, que plusieurs de ses collègues réunis, qui en effectuent 50, au sein d’une structure autorisée (chacun en réalisant deux ou trois fois moins) ? Nous ne souhaitons soulever aucune polémique. Dans un récent article, publié dans ce journal, nous portions notre réflexion sur les restructurations des services de gynécologie-obstétrique et de chirurgie menées

Lettre à la rédaction ces dernières années. Les plans de périnatalité (seuil du nombre de naissances notamment) pour le versant obstétrical et les seuils d’activité avec actes classant pour le versant chirurgical en ont constitué les axes majeurs. Celles-ci étaient vécues comme « nécessités incontournables pour les uns, fatalités des logiques économiques au détriment de la qualité et de l’accessibilité des soins pour d’autres » [1]. Le dispositif d’autorisation en cancérologie au travers du nombre d’actes en chirurgie carcinologique notamment a certainement imposé une nouvelle et nécessaire réorganisation des services et des établissements. Diverses pistes, d’efficacité inconstante, sont explorées afin de renforcer l’offre de soins, notamment dans des zones à faible densité médicale, et la mutualisation des moyens entre plusieurs établissements en est un exemple, mais qui demeure, hélas, encore trop souvent insuffisant. À travers ce remodelage du paysage sanitaire, les praticiens semblent confrontés à un pénible dilemme entre la préservation de la qualité de vie des patientes et la leur ! Cette vision peut paraître pathétique. Pour autant, lorsqu’elle fait état des réalités de terrain, elle permet d’en mesurer réellement les contraintes. Au-delà de la dissuasion potentielle des futurs candidats aux postes de praticien hospitalier, du fait de la perte de l’autorisation, il soulève la question des ressources nécessaires dont disposent les praticiens en place, dont l’effectif demeure bien souvent constant (voire diminue !), afin de s’adapter à ces nouvelles situations (contexte géographique et démographique : âge des praticiens, trajets en conditions hivernales extrêmes au lendemain d’astreintes parfois chargées, pressions financières de la gestion concomitante de plusieurs services. . .). Un nombre important de postes de praticiens hospitaliers demeure ainsi vacant pendant plus d’un an. Ceci dans un contexte de pénurie « organisée » par un numerus clausus longtemps inadapté aux besoins et actuellement, largement contourné [1]. Cela étant, nous constatons de manière croissante (et quelque peu âpre) que ces contraintes sont cumulatives. S’agissant des patient(e)s, les pertes d’agrément (au même titre que les fermetures de services) sont souvent vécues comme des décisions injustes et douloureuses, eu égard aux distances (villes parfois géographiquement enclavées) et au fait qu’elles contribuent, fatalement, à engendrer une perte d’attractivité pour l’établissement, la commune et au-delà, pour le bassin de population. Le chapitre « Préserver la continuité et la qualité de vie » du dernier plan prévoit le développement « des solutions d’hébergement à proximité des lieux de prise en charge (. . .) pour les personnes qui sont les plus éloignées des centres de soins et leur famille ». Il nous semble que la sauvegarde voire le renforcement des centres hospitaliers autorisés à la pratique de la chirurgie oncologique répond de manière adéquate à cette double nécessité de qualité des soins et de proximité, tant pour le malade que sa famille. Le maintien du patient dans son environnement géographique, son département d’origine, nous paraît en totale adéquation avec ce chapitre traitant de la continuité et de la qualité de vie, évitant autant que faire se peut, l’écueil de la « double peine » : être malade et loin de son milieu sociofamilial. L’inégale répartition de l’offre de soins en matière de cancérologie, source potentielle d’injustice sanitaire, est

793 reconnue [2,3]. Une publication de Gentil et al. fait état de facteurs de risque de non-accès des patients atteints de cancer du sein à des chirurgiens spécialisés en oncologie : vie en milieu rural, niveau socioéconomique précaire, résidence éloignée des centres de traitement spécialisés [4]. Ces inégalités ne sont pas uniquement sociales mais peuvent également être de « nature organisationnelle ». Enfin, dans un rapport intitulé « Programme régional d’accès à la prévention et aux soins des plus démunis », concernant le dispositif d’accès aux soins de premiers recours, l’ARS Aquitaine note que les catégories socioprofessionnelles les plus défavorisées vont principalement s’adresser aux établissements hospitaliers [5]. Est-il nécessaire de rappeler que plusieurs hebdomadaires établissent chaque année un classement des « meilleurs hôpitaux » selon des critères, pouvant certes prêter à discussion, mais avec un impact socio-politico-journalistique remarquable ?. . . Et que parmi ces établissements figurent bon nombre de centres hospitaliers, en matière d’onco-gynécologie chirurgicale notamment. Pour conclure, nous souhaitons partager un constat quelque peu amer : l’hôpital de proximité n’a que trop souffert des normes et contraintes de plusieurs ordres. . . Il convient, désormais, de se satisfaire de toutes ces restructurations plus ou moins bien consenties, même si des considérations louables de qualité et de sécurité en étaient les promoteurs. Restons tout de même lucides. Le contexte conjoncturel économique impose des économies et des restrictions budgétaires qui vont nécessairement impacter les centres hospitaliers aussi. En dépit de ces constatations, de notre point de vue, la proximité devrait rester un atout contribuant, aussi, à une équité en matière d’accès aux soins.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Nohuz E, Schumacher JC, Alaboud M, Dalkilic ¸ S, Lenglet Y, Varga J, et al. État des lieux des services de gynécologie-obstétrique dans les centres hospitaliers publics franc ¸ais. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2012;41:623— 30. [2] Les cancers en France en 2013. Collection état des lieux et des connaissances. Boulogne-Billancourt: ouvrage collectif édité par l’INCa; 2014 [Pages consultées le 7 mars 2015] http:// www.e-cancer.fr/publications/69-epidemiologie/629-lasituation-du-cancer-en-france-en-2012.pdf [3] Haut conseil de la santé publique — Rapport de 2009. « Les inégalités sociales de santé : sortir de la fatalité »; 2009 [Pages consultées le 7 mars 2015] http://www.hcsp.fr/explore. cgi/hcspr20091112 inegalites.pdf [4] Gentil J, Dabakuyo TS, Ouedraogo S, Poillot ML, Dejardin O, Arveux P. For patients with breast cancer, geographic and social disparities are independent determinants of access to specialized surgeons. A eleven-year population-based multilevel analysis. BMC Cancer 2012;12:351, http://dx.doi.org/10.1186/ 1471-2407-12-351.

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Lettre à la rédaction

[5] PRAPS. Programme régional d’accès à la prévention et aux soins des plus démunis; 2011 [Pages consultées le 7 mars 2015] http://www.ars.aquitaine.sante.fr/fileadmin/AQUITAINE/ telecharger/05 Pol reg sante/501, Projet regional sante/07 PRAPS ARS Aquitaine BD.pdf

J. Collet Y. Lenglet V. Zerr Service d’obstétrique et de gynécologie, hôpital général, route du Fau, 63300 Thiers, France

E. Nohuz ∗ J.-C. Schumacher

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Nohuz) Disponible sur Internet le 2 juillet 2015

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