Synthèse General review

Volume 100 • N◦ 11 • novembre 2013 John Libbey Eurotext

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Métastases osseuses : les nouvelles techniques d’irradiation et traitements combinés ablatifs décalent-ils les standards ? Advances in radiation oncology for metastatic bone disease Juliette Thariat1 , Danièle Fric2 , Christine Kerr3 , Axel Leysalle1 , Gaelle Angellier1 , Catherine Dejean1 , Titien Tuillier4 , René-Jean Bensadoun4 , Jean-Léon Lagrange5 1

Article rec¸u le 09 juillet 2013, accepté le 01 aoˆut 2013 Tirés à part : J. Thariat

Centre Antoine-Lacassagne – Institut universitaire de la face et du cou, université Nice–Sophia-Antipolis, department of radiation oncology, 33, avenue Valombrose, 06300 Nice Cedex 2, France 2 Institut Daniel Hollard – Groupe hospitalier Mutualiste, department of radiation oncology, rue du Docteur-Calmette, 38028 Grenoble Cedex 1, France 3 Institut du cancer de Montpellier, Service de radiothérapie, 34000 Montpellier, France 4 CHU de Poitiers, Service d’oncologie radiothérapique, BP 577, 86021 Poitiers Cedex, France 5 Hôpital Henri-Mondor, AP-HP, Université Paris-XII, département of radiation oncology, 94000 Créteil, France

doi : 10.1684/bdc.2013.1849

Pour citer cet article : Thariat J, Fric D, Kerr C, Leysalle A, Angellier G, Dejean C, Tuillier T, Bensadoun RJ, Lagrange JL. Métastases osseuses : les nouvelles techniques d’irradiation et traitements combinés ablatifs décalent-ils les standards ? Bull Cancer 2013 ; 100 : 1187-97. doi : 10.1684/bdc.2013.1849.

Résumé. Introduction. Les standards actuels d’irradiation de métastases osseuses visent essentiellement à une antalgie et à la prévention du risque fracturaire à court terme. Cependant, l’index thérapeutique des nouvelles techniques d’irradiation (doses plus élevées avec épargne des tissus sains) et des traitements combinés avec radiologie interventionnelle permet d’envisager un traitement local optimisé dans un nombre croissant de situations cliniques. Matériel et méthodes. Une recherche de la littérature anglaise et franc¸aise a été effectuée avec les mots clés : métastases osseuses, radiothérapie, radiologie interventionnelle, cimentoplastie, radiofréquence, chimioembolisation. Résultats-discussion. Les traitements réalisés à visée ablative conduisent à des taux de soulagement de la douleur supérieurs à 90 % dans des essais de phase I/II et des études rétrospectives. La stéréotaxie, la RCMI (statique, rotationnelle, hélicoïdale) permettent d’envisager de délivrer des doses élevées dans un objectif de contrôle local durable (75-90 % à 2 ans) voire de prolongation de la survie. Certaines situations évaluées antérieurement comme strictement palliatives sont actuellement traitées de fac¸on plus maximaliste par des modalités d’irradiation optimisées parfois combinées à une modalité de radiologie interventionnelle. Des situations de métastases étendues pourraient bénéficier de techniques optimisées dans un but de préservation des organes sains. Conclusion. Les données actuelles suggèrent, même en l’absence d’essais randomisés pour ces techniques récentes, un service rendu au patient par l’utilisation des techniques conformationnelles de radiothérapie et des traitements Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

Abstract. Introduction. Irradiation of bone metastases primarily aims at alleviating pain, preventing fracture in the short term. The higher doses and more conformal dose distribution achievable while saving healthy tissue with new irradiation techniques have induced a paradigm shift in the management of bone metastases in a growing number of clinical situations. Materials and methods. A search of the English and French literature was conducted using the keywords: bone metastases, radiotherapy, interventional radiology, vertebroplasty, radiofrequency, chemoembolization. Results-discussion. Stereotactic irradiation yields pain relief rates greater than 90% in Phase I/II and retrospective studies. IMRT (static, rotational, helical) and stereotactic irradiation yield local control rates of 75-90% at 2 years. Some situations previously evaluated as palliative are currently treated more aggressively with optimized radiation sometimes combined modality interventional radiology. Conclusion. A recommendation can only be made for stereotactic irradiation in vertebral oligometastases or reirradiation. In the absence of a sufficient level of evidence, the increasing use of conformal irradiation techniques can only reflect the daily practice and the patient benefit while integrating economic logic care. The impact of these aggressive approaches on survival remains to be formally demonstrated by interventional prospective studies or observatories including quality of life items and minimal 2-year follow-up. 

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combinés. Il ne s’agit pas de proposer une recommandation en l’absence de niveau de preuve suffisant mais de refléter la pratique quotidienne rendue possible par les nouvelles techniques d’irradiation dans le sens d’un service rendu au patient tout en intégrant une logique économique des soins. L’impact de ces « approches maximalistes » sur la survie reste à démontrer formellement par des études prospectives interventionnelles ou des observatoires incluant des critères de qualité de vie et un recul d’au moins deux ans.  Mots clés : oligométastase, os, cancer, traitement local, traitement ablatif, irradiation, chirurgie, cimentoplastie, ablation par radiofréquence, survie, contrôle local, qualité de vie, curatif, palliatif

Introduction L’os est un site préférentiel de métastases pour divers cancers primitifs. La prise en charge des métastases osseuses constitue, de fait, un problème de santé publique et une importante part de l’activité des établissements de soin en radiothérapie. Il a été schématiquement considéré que la maladie métastatique osseuse, une fois présente, était diffuse ou indicative d’un stade terminal et, à ce titre, à traiter de fac¸on palliative avec un objectif dans le court terme. L’antalgie et la prévention des événements fracturaires ont donc longtemps été les seuls objectifs d’une irradiation osseuse. L’irradiation conventionnelle et la chirurgie des métastases combinées ou non à une irradiation ont fait l’objet de précédents articles dans ce même numéro [1]. Or, dans certains types de cancers comme ceux de la prostate et du sein, la fréquence des métastases isolées peut atteindre 30 % [2]. De plus, la survie d’un cancer métastatique mammaire est supérieure à 30 mois en cas de métastases uniquement osseuses ; avec quelques longs survivants au-delà de cinq ans et 1-3 % de « guérison » ; ce qui contraste avec les survies observées en cas de métastases viscérales. Ces chiffres amènent à « repousser les limites du palliatif », voire à envisager le cancer métastatique osseux comme ayant un potentiel de survie prolongée justifiant d’utiliser des techniques d’irradiation optimisées pour des patients sélectionnés. Le recours à des techniques optimisées d’irradiation par radiothérapie stéréotaxique (monofractionnée aussi appelée radiochirurgie ou multifractionnée appelée radiothérapie stéréotaxique [SBRT]) ou irradiation conformationnelle par modulation d’intensité (RCMI) de type statique (autrement nommée RCMI), rotationnelle (avec pour appellations courantes RapidArcR ou VMAT) ou hélicoïdale (essentiellement représentée par la tomothérapie) est croissant en pratique clinique. Dans certaines situations cliniques, des techniques de radiologie interventionnelle peuvent être

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Key words: oligometastasis, oligometastases, bone, osseous, cancer, metastases/metastatic, local treatment, irradiation, surgery, cementoplasty, survival, local control, quality of life, ablative, curative, palliative

associées à la radiothérapie (cimentoplastie, ou plus rarement radiofréquence, cryoablation, chimioembolisation). Néanmoins, leur réalisation dépend de l’accessibilité à des plateaux techniques spécialisés, du site osseux et des expertises institutionnelles. Le niveau de preuve de ces nouvelles techniques optimisées reste faible, en l’absence d’essais prospectifs et randomisés, malgré leur service rendu au malade, qui apparaît élevé dans la pratique courante. Ainsi, par exemple, une indication de traitement local « radical » ou « ablatif » peut-être nécessaire en cas d’oligométastase, un traitement par inhibiteurs des ostéoclastes peut être prescrit seul (en plus du traitement spécifique du cancer par chimiothérapie et/ou hormonothérapie selon les cas) en présence d’une métastase osseuse non compliquée, et l’association/la séquence d’une thérapie ciblée doit être discutée. La prise en charge de métastases osseuses doit donc être globale et pluridisciplinaire. Nous avons évalué, à travers la littérature, s’il existait une évolution des concepts traduite par un changement des pratiques au cours du temps dans la prise de la maladie métastatique osseuse. Nous avons, pour cela, réalisé une analyse critique de la littérature anglaise et franc¸aise en utilisant les mots clés : métastases osseuses, radiothérapie, radiologie interventionnelle, cimentoplastie, radiofréquence, chimioembolisation, et en focalisant nos recherches sur la période 2000-2013. Il ne s’agit pas ici de proposer une recommandation en l’absence de niveau de preuve suffisant mais de donner un reflet de la pratique quotidienne actuelle en évolution rapide grâce aux progrès apportés par les nouvelles techniques d’irradiation. Il s’agit d’illustrer dans quelle mesure ces techniques s’imposent dans le sens d’un service rendu au patient, avec ces critères de qualité des traitements dictés, à juste titre, par nos instances comme l’agence de sureté nucléaire (ASN), tout en intégrant une logique économique des soins et de cotation à l’acte. Leur impact sur la survie reste à démontrer formellement par des études prospectives Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

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interventionnelles ou des observatoires intégrant l’évaluation d’un faisceau d’arguments ayant un recul de plus de deux ans et évaluant le service rendu afin de déployer les moyens nécessaires le cas échéant pour proposer au patient le meilleur soin possible.

Évolution des concepts de traitement Dans le contexte de la métastase osseuse, les modalités d’irradiation que l’on pourrait qualifier de maximaliste ou optimisée, sont habituellement réalisées en hypofractionnement, c’est-à-dire en fractions de plus de 2,5 Gy (et allant jusqu’à 20 Gy en une fraction en stéréotaxie), permettant un traitement moins étalé en nombre de jours dans le temps. Pour définir une dose comme ablative lorsqu’un hypofractionnement est utilisé, une dose efficace (antitumorale) doit être délivrée soit une dose totale (cumul de toutes les séances) équivalent à plus de 50 Gy si elle était délivrée en séances de 2 Gy par fraction. Il existe, en fait, deux cas de figure que l’on pourrait schématiser ainsi, les indications de radiothérapie stéréotaxique et les indications d’irradiation étendue par des techniques optimisées par RCMI (statique, rotationnelle ou hélicoïdale).

Irradiation stéréotaxique Par opposition à des schémas hypofractionnés à dose « hypo-efficace » à visée symptomatique [3], une irradiation ablative, le plus souvent par irradiation stéréotaxique, est également délivrée à dose tumoricide avec un objectif de contrôle local durable, voire dans des cas sélectionnés de prolongation de la survie. Cette démarche concerne le plus souvent des patients dont l’espérance de vie est supérieure à six mois, qui sont en bon état général (PS 0-2), dont le nombre de métastases reste limité (mais le curseur du « nombre seuil » change très rapidement), l’intervalle libre depuis le diagnostic du cancer primitif est d’au moins trois mois (voire plus pour certains), absence de métastases viscérales évolutives. Cette indication est posée a fortiori si des organes sains sont proches et ne seraient pas épargnés par une irradiation conventionnelle réalisée à dose efficace. L’histologie n’est plus un facteur limitant car la « radiorésistance » de tumeurs comme les mélanomes, les sarcomes et les adénocarcinomes rénaux est « contournée » par la possibilité d’augmenter considérablement la dose par fraction (jusqu’à 20 Gy en irradiation stéréotaxique). Le corollaire d’une dose plus élevée par fraction est double. Il faut que l’irradiation soit délivrée de fac¸on conformationnelle, « sculptant » la dose autour du volume cible tumoral, épargnant alors, en contrepartie, de fac¸on plus contrainte et prudente, les tissus sains avoisinants. Il faut qu’un système d’imagerie de repositionnement garantisse à chaque fraction la conformité de l’irradiation délivrée à l’irradiation prévue lors de la planification afin de ne pas avoir de surdosages involonBull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

taires sur des organes à risque proches ou des défauts d’irradiation de la tumeur. Les indications d’irradiation stéréotaxique sont classiquement réservées à des métastases osseuses limitées en taille et en nombre, de volume bien délimité en imagerie scanner ou IRM et/ou une localisation rachidienne proche de la moelle chez des patients dont l’espérance de vie est estimée supérieure à trois mois voire six mois. Le score (recursive partioning analysis [RPA]) de Chao [4] permet d’estimer la survie des patients en fonction de leur âge, leur état général et l’intervalle libre entre diagnostic initial et traitement de la localisation osseuse. Ce score permettrait de guider l’indication du fractionnement et de la modalité d’irradiation. Néanmoins, Amdur et al., dans une étude de phase II de stéréotaxie monofractionnée (15 Gy) pour des tumeurs proches de la moelle (dont 12 pré-irradiées), ont montré des taux de couverture du volume cible tumoral de 95 % avec un taux de contrôle local de 95 % et de soulagement de 43 %. Malgré un taux de survie sans progression de seulement 5 %, et 60 % des patients décédés à un an, les auteurs concluaient à un intérêt de réaliser une irradiation stéréotaxique dans leur population [5]. Cette indication d’irradiation stéréotaxique peut, en effet, aussi être justifiée par sa bonne tolérance, importante chez des patients dont la qualité de survie (courte) prime. La pertinence du choix des indications est donc possiblement fonction de l’accessibilité à la technique et du rapport cout/bénéfice en vigueur dans les établissements de choix respectifs. Cette attitude est probablement « excessive » dans le contexte médical et économique franc¸ais. Cette attitude « agressive », dans le sens laudatif anglo-saxon du terme, soulève la question du rapport bénéfice/risque, qui pourrait être basé sur un critère composite de survie et de qualité de vie (incluant indirectement l’évaluation des symptômes, des toxicités et du contrôle local), voire de coût. Le choix de la technique d’irradiation dépend aussi de l’histologie. Ainsi, une tumeur nécessitant de fortes doses par fraction (comme les sarcomes, de faible rapport alpha/bêta) justifierait plus volontiers une irradiation stéréotaxique ablative alors qu’une tumeur dite radiosensible (de type lymphome ou localisation vertébrale primitive de myélome) contrôlable par de doses conventionnelles (1,8-2 Gy) par séance serait traitée par irradiation conventionnelle « sans perte de chance » (figure 1). Le rapport alpha/bêta, issu du modèle linéaire quadratique des courbes de survie cellulaire, représente la sensibilité des tissus a la dose délivrée par séance (= par fraction). Si le rapport est élevé (1020 comme c’est le cas des tissus compartimentaux responsables d’effets précoces ou aigus et à prolifération rapide que sont l’épiderme et les muqueuses), cette sensibilité est « faible ». Si le rapport est bas (2-5), cette sensibilité est « élevée ». Par ailleurs, il peut être avantageux d’utiliser de fortes doses par

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Espérance de vie ≥3-6 mois & intervalle primitif-métastase ≥ 30 mois & âge < 70 ans & indice de Kamosky ≥ 70: attitude optimisée

Histologie “radiorésistante” Carcinome rénal Mélanome Sarcome...

Kamosky < 70 & intervalle < 30 mois & âge < 70 ans: discuter

Compression

Ostélyse ≥ 50%

Chirurgie

Cimentoplastie vertébrale

Histologie intermédiaire de potentiel évolutif lent Carcinome mammaire Prostatique Colique...

Si compression ou cimentoplastie première, irradiation adjuvante

Radiothérapie stéréotaxique forte dose

Radiothérapie stéréotaxique ou RCMI forte dose

Kamofsky < 70, espérance de vie < 3 mois & intervalle < 30 mois et fragilité gériatrique

Histologie radiosensible Myélome Lymphome Tumeur germinale...

Toutes histologies

Si compression une irradiation d’emblée peut se discuter: rôle de la RCP

Radiothérapie conventionnelle hypofractionnée

Figure 1. Arbre décisionnel pour métastases vertébrales.

fraction pour des tumeurs dites radiorésistantes de rapport alpha/bêta bas. Le mécanisme prépondérant de mort cellulaire avec la radiothérapie conventionnelle est la mort clonogénique secondaire à des cassures double brin de l’ADN. Une irradiation ablative stéréotaxique induit des mécanismes supplémentaires impliquant l’apoptose des cellules endothéliales par la voie des céramides et des mécanismes immunitaires pour induire un effet antitumoral. Cela est néanmoins remis en cause [6]. En effet, des auteurs suggèrent de réaliser une irradiation stéréotaxique monofractionnée exclusive en cas de compression médullaire de myélome. Le contrôle tumoral (réponse complète radiologique 81 %) avec un recul de 11 mois et antalgique (86 % dont 54 % de réponse antalgique complète) rapporté est similaire à celui historiquement observé en cas d’irradiation conventionnelle et sept patients avaient un déficit neurologique postirradiation) [6]. Les critères de sélection pour des indications de stéréotaxie devront être codifiés et pesés au regard du contexte oncologique du patient, des complications

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(parfois initialement non anticipées comme les tassements vertébraux post-radiques) et de la balance bénéfice-risque. On comprend bien ici la nécessité d’une évaluation prospective rigoureuse du rapport bénéfice/risque individuel et sociétal des indications d’irradiation dans le contexte de la modernisation massive des plateaux techniques de radiothérapie. La radiothérapie ablative par stéréotaxie a été surtout évaluée pour son efficacité antalgique mais encore rarement pour son impact sur le contrôle local et la survie. En effet, ce critère de réponse antalgique a été celui utilisé dans les études d’irradiation symptomatique. Le choix de ce critère (avec des réserves liées à des échelles d’évaluation de la douleur différentes) permet des comparaisons historiques par rapport à la méthode de référence qu’est la radiothérapie conventionnelle bidimensionnelle. De plus, l’évaluation du contrôle local est basée sur des mesures en imagerie. Or, les métastases osseuses sont difficiles à mesurer avec les critères d’évaluation classiques RECIST. Ceux-ci utilisent, en effet, une mesure des diamètres en coupes axiales scanographiques. La mesure des métastases Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

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osseuses nécessite souvent des reconstructions tridimensionnelles. Cela est d’autant plus vrai que les métastases osseuses examinées sont condensantes ou lytiques compliquées de fracture, situations dans lesquelles l’évaluation de la réponse est aléatoire. Des critères RECIST modifiés sur le PET/FDG ou des critères de modification de densité tels que ceux proposés par Choi pour les GIST, sont à l’étude. L’IRM corps entier pourrait être une autre voie d’avenir.

Irradiation stéréotaxique des localisations rachidiennes Une irradiation stéréotaxique ablative peut être proposée pour une maladie osseuse limitée à deux segments vertébraux, pour un reliquat tumoral postopératoire, ou pour une métastase en territoire irradié. Une instabilité rachidienne (score SINS [3]), une compression médullaire non opérée, un déficit neurologique progressif, une radiothérapie métabolique dans le mois précédent en raison du risque hématologique, une progression tumorale dans les trois mois d’une précédente irradiation et/ou une espérance inférieure à trois mois sont des contre-indications classiques. D’autres contreindications mentionnées dans les essais thérapeutiques, à savoir un rétrécissement du diamètre du canal médullaire > 25 %, une distance cordon médullaire - tumeur ≤ 5 mm, ou une contre-indication à l’IRM et au myéloscanner (fortement recommandée en cas de localisation rachidienne et indispensable en cas de compression), sont relatives au vu des avantages dosimétriques de la radiothérapie stéréotaxique. Efficacité d’une irradiation ablative exclusive rachidienne Les métastases rachidiennes limitées sont une indication principale de radiothérapie conformationnelle par RCMI ou SBRT lorsqu’une décompression chirurgicale n’est pas retenue en l’absence d’instabilité rachidienne [3]. Des doses de 20 (8 à 24) Gy sont délivrées en dose unique, ou en plurifractionné de 21 à 30 Gy en trois à cinq fractions sur des isodoses variables (∼75-80 % en multifractionné) [7]. Actuellement, il n’existe pas de preuve pour privilégier un schéma thérapeutique plutôt qu’un autre. Dans le cadre d’un essai de phase I-II, 149 patients (166 lésions) sans compression ont été traités par SBRT à la dose de 27-30 Gy en trois fractions et leurs symptômes évalués par le Brief Pain Inventory (BPI) et le M D Anderson Symptom Inventory (MDASI) à 6 mois. Ce taux varie de 43 % à 97 % dans un délai de quelques semaines, avec une efficacité plus durable que celle d’une radiothérapie à dose conventionnelle (12 versus 3-6 mois) [8]. Le taux de survie sans progression était de 81 % à un an et 72 % à deux ans. Il n’y avait pas de toxicité neuroloBull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

gique de grade 3 ni 4 [9]. Dans une série rétrospective de 348 lésions chez 228 patients traités par CyberKnife, le contrôle local était meilleur en cas de traitement multifractionné (21 Gy en 3 fractions à 25 Gy en 5 fractions) à deux ans (96 % versus 70 %, p = 0,001), de même que le taux de retraitement plus faible (1 % versus 13 %, p < 0,001) et la survie à un an meilleure (63 % versus 46 %, p = 0,002) [10]. La radiothérapie ablative hypofractionnée est également efficace pour des histologies « radiorésistantes » (rein, mélanome, sarcome). Ainsi, la réponse radiologique est de 88 % dans une série de 500 patients (sein [100 %], poumon [100 %], rein [87 %], mélanome [75 %]) [11]. La réponse antalgique est similaire ou supérieure notamment dans le moyen - long terme (plus de 6 mois). Néanmoins, alors que les toxicités aiguës en irradiation conventionnelle sont minimes et transitoires sans séquelle et les toxicités tardives exceptionnelles, le taux de tassement vertébral est de l’ordre de 20 à 38 % en irradiation stéréotaxique. Il est corrélé à une dose de 20 Gy en irradiation stéréotaxique monofractionnée. La survenue d’un tassement vertébral secondaire est favorisée par une localisation entre T10 et sacrum, un aspect lytique, et un envahissement du corps vertébral ≥ 20 % (30). Ces tassements sont associés à une importante morbidité car extrêmement difficiles à soulager. Irradiation stéréotaxique combinée à des modalités de radiologie interventionnelle Compte-tenu de ces nouveaux profils de toxicités, certaines situations imposent de recourir à des associations thérapeutiques comme une stéréotaxie du corps vertébral puis cimentoplastie en cas de lyse de plus de 40-50 % du corps vertébral. Une analyse prospective de ces traitements sera nécessaire dans les années à venir mais le service rendu de cette association transparaît en routine. Le ciment est un matériau très dense, qui lorsque injecté avant irradiation pourrait modifier la dose rec¸ue à la moelle. Là encore, un principe de précaution et d’enregistrement prospectif s’impose lorsque les pratiques cliniques sont modifiées par le biais de l’amélioration des techniques. Nous avons vérifié l’impact en termes de distribution de dose avec et sans ciment en irradiation conventionnelle et stéréotaxique (figure 2). La dose à la moelle était augmentée de 7 % en irradiation conventionnelle (champs antéropostérieurs et obliques) alors qu’elle était de moins de 3 %, et jugée négligeable à la moelle, en stéréotaxie, ce très probablement imputable à la multiplicité des faisceaux (et donc points d’entrée ne passant pas par les zones cimentées), propre à la stéréotaxie. Cependant, les logiciels de calcul de dose utilisés en radiothérapie ne prennent pas bien en compte certains matériaux très denses (hors de la courbe d’étalonnage) et cette estimation est imparfaite. Une cimentoplastie

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Figure 2. Tomothérapie en larges champs. Patient de 60 ans PS 0, très grand sportif, traité par hormonothérapie première et biphosphonates pendant trois mois pour cancer prostatique localement avancé et métastatique osseux. Devant l’apparition de douleurs réfractaires aux antalgiques du bassin et du rachis lombaire s’accompagnant d’un handicap fonctionnel, une décision d’irradiation en larges volumes a été prise collégialement. La tomothérapie permet une épargne considérable des anses digestives par rapport à l’irradiation 2D. La conformation de l’isodose 30 Gy aux volumes cibles est meilleure avec la tomothérapie (images de droite) qu’en irradiation conformationnelle conventionnelle (images de gauche) (flèches blanches).

pouvant indifféremment être réalisée avant et après irradiation, il paraît préférable de débuter le traitement par la radiothérapie. Néanmoins, l’effet antalgique du ciment (quelques heures) étant plus rapide que celui de l’irradiation (plusieurs jours, parfois même avec une exacerbation transitoire liée à une inflammation aiguë), il peut être nécessaire, si les antalgiques et corticoïdes ne sont pas suffisants à soulager le patient, de débuter par une cimentoplastie puis de réaliser une irradiation stéréotaxique (observation prospective avec corrélations dose-effets de l’effet de matériaux denses chez plus de patients requise). Après irradiation stéréotaxique, des complications neurologiques aiguës et subaiguës telles qu’une radiculite transitoire, une exacerbation transitoire de la douleur (flare-up), et des paresthésies ont été décrites de fac¸on anecdo-

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tique [12]. Sept cas de myélopathie radio-induite ont été rapportés sur un total de 400 tumeurs traitées [12]. Dans la série de Shagal et al., une myélopathie a été observée à des doses maximales (ponctuelles avec les réserves que cela sous-entend) de 25,6 Gy en deux fractions, 30,9 Gy en trois fractions, et 14,8, 13,1, et 10,6 Gy en une fraction [13]. Les auteurs suggèrent de ne pas dépasser une dose maximale de 10 Gy en une seule fraction et une dose équivalente normalisée de 35 Gy2 donnée en cinq fractions [13]. Définition des volumes cibles et contraintes en irradiation stéréotaxique Le volume irradié est soit limité au volume macroscopiquement visible en imagerie (scanner + IRM et/ou Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

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myéloscanner) [14, 15] soit comprend tout le segment rachidien ± une expansion de 0-10 mm, ou encore le corps vertébral, en excluant le cordon médullaire. La seule étude comparative retrouvée semble être en faveur de l’irradiation du corps vertébral (seul en l’absence d’envahissement des pédicules) entier plutôt que seulement le volume tumoral visible en imagerie [16]. Les sites d’échec local les plus fréquents sont les pédicules, les apophyses et l’espace épidural, notamment en cas de volume cible réduit [17, 18] et de distance minimale entre tumeur et canal médullaire < 1 mm [14]. Du fait des caractéristiques de la technique, la couverture des volumes cibles tumoraux irradiés en stéréotaxie peut être dégradée au-delà de grands diamètres tumoraux de l’ordre de 6 cm (2 corps vertébraux). Dans ces cas, les techniques dérivées de la RCMI semblent mieux adaptées bien qu’il n’y ait pas d’étude comparative à notre connaissance. Parmi les autres principes de précaution, une vérification de la qualité du repositionnement est indispensable pour délivrer avec exactitude la dose planifiée et obtenir les corrélations dose-effets (efficacité, toxicité) attendues. En effet, ces techniques permettent de conformer la dose au volume cible avec des gradients de dose abruptes en regard de structures sensibles comme la moelle. Toute imprécision dans la délivrance du traitement peut se traduire par un décalage géométrique de ce gradient et par un excès de toxicité. Toutes ces techniques optimisées sont donc couplées à des systèmes d’imagerie en position de traitement, ce qui traduit le concept de radiothérapie guidée par l’image (IGRT). Le système de contention (immobilisation pendant le traitement) est également essentiel pour garantir une minimisation des mouvements d’une fraction à l’autre ou à l’intérieur d’une même fraction [19], certaines pouvant être longues (de 5 minutes en RCMI rotationnelle à 10 en tomothérapie à 45 minutes en CyberKnife selon les situations cliniques et volumes). Certaines formes d’épidurite localisée bien circonscrites pourraient faire l’objet d’une discussion d’irradiation focalisée au cas par cas.

Irradiations étendues optimisées Il s’agit d’un deuxième cas de figure en plein bouleversement car les possibilités techniques des nouvelles modalités d’irradiation amènent à repenser les irradiations comprenant de larges volumes cibles et à discuter, dans ces cas, des techniques de RCMI dans un but d’épargne des tissus sains et de qualité de vie. Ce champ constitue aussi un domaine des pratiques où interviennent de fac¸on prépondérante des enjeux économiques, aussi bien au niveau du temps passé sur la planification de ces irradiations optimisées en RCMI par rapport à une irradiation conventionnelle que sur la cotation et le remboursement des séances. Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

La pratique clinique semble contraster avec les données disponibles dans la littérature. En effet, les irradiations du bassin ou de plusieurs vertèbres sont de plus en plus volontiers irradiées en RCMI en pratique. Cela pose la question de plus en plus fréquemment aux institutions non pourvues dans ces techniques d’orienter le patient vers d’autres circuits de soin si un bénéfice clinique est attendu. Ces techniques restent le plus souvent réalisées en hypofractionnement modéré de l’ordre de 3 Gy.

Irradiation en RCMI de larges volumes tumoraux Ainsi, la tomothérapie (30-84 Gy par fractions de 3 Gy) permettrait d’irradier de fac¸on synchrone un nombre plus grand de métastases avec un contrôle de la douleur chez 76 % des patients. Elle est supérieure à une irradiation conventionnelle en termes d’homogénéité dans le volume cible car elle permet d’épargner les volumes sains tout en délivrant la dose effectivement planifiée aux volumes cibles (figure 3). En cas d’irradiation d’importants volumes osseux notamment pelviens, une toxicité hématologique est cependant à craindre en cas d’irradiation conventionnelle ou par RCMI [20, 21]. Celle-ci dépend du volume tumoral, de la durée totale du traitement, du pourcentage de moelle osseuse irradiée mais aussi de l’âge du patient, des traitements antérieurs (chimiothérapies aplasiantes, radiothérapie métabolique) et d’une certaine susceptibilité individuelle [22]. La modification des points d’entrée des faisceaux et de leurs contributions doit inciter à la prudence car l’expérience de la RCMI en ORL a montré des profils de toxicités jugulables mais inattendus (alopécie postérieure par exemple). Ces larges volumes peuvent également poser la question du fractionnement, c’est-à-dire de diminuer la dose par fraction dans le but de diminuer la toxicité tardive. Cette décision est actuellement non étayée par la littérature ; elle doit donc idéalement être argumentée sur des critères d’espérance de vie, de taux prévisible de complications, etc. et de préférence validée en RCP spécifique métastases osseuses. Certaines questions cliniques font se poser la question des limites des volumes, lorsque ceux-ci paraissent rédhibitoires sur la tolérance. Le cas illustré sur la figure 3 est déjà une situation limite mais la tolérance a été satisfaisante avec un terrain et un contexte favorables. Lorsque les volumes à irradier sont très importants, des combinaisons thérapeutiques doivent être envisagées. Ainsi, si les vertèbres sus-jacentes au volume irradié pour raison algique ne sont ni douloureuses ni à risque fracturaire, doit se poser la question, en plus du traitement spécifique du cancer, d’une prescription d’inhibiteurs des ostéoclastes. Cette décision doit être posée en RCP.

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à la présence d’un reliquat minimal, au mieux microscopique, dans un contexte postopératoire [23]. L’impact de l’implantation de matériel métallique de stabilisation rachidienne lors d’une décompression rachidienne devra être évalué. En effet, ce matériel est très artéfactant avec toutes les conséquences sur la délinéation des volumes cibles et le calcul de dose que cela implique et hyperdense avec les limites évoquées plus hautes en termes de performance de logiciels de radiothérapie et de gradients de dose.

Réirradiation

Rayon haut (C) P 3000 3750 3375 2625 2250 1875 1500 1125 750 375

Figure 3. Irradiation d’une oligométastase lytique après cimentoplastie. Patiente de 59 ans, PS 1, suivie pour cancer du sein en rémission depuis trois ans. Apparition d’une métastase vertébrale lytique douloureuse. Une cimentoplastie première est réalisée et suivie d’irradiation stéréotaxique. Dosimétrie RTE stéréotaxique pour irradiation de vertèbre (l’algorithme dit de Monte Carlo permet une meilleure prise en compte des hétérogénéités que d’autres algorithmes de calcul de dose plus courants en clinique actuellement, et notamment celles liées au ciment. Cet algorithme de calcul est en cours de validation).

Irradiation maximaliste postopératoire pour compression médullaire Des études préliminaires suggèrent qu’une IMRT (ou une radiothérapie stéréotaxique hypofractionnée) pourrait être délivrée après décompression chirurgicale épidurale pour compression médullaire dans un objectif de contrôle local durable. En effet, Laufer et al. rapportent une incidence cumulée de progression locale était de 16,4 % un an après irradiation. Le taux de contrôle local était corrélé à la dose avec un bénéfice indépendant du type histologique, possiblement lié

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Une réirradiation rachidienne à dose efficace (susceptible de contrôler la douleur et d’éviter une compression) par technique conventionnelle est souvent irréalisable en raison de la contrainte médullaire, la moelle ayant généralement rec¸u un équivalent de 40 Gy, ce qui ne laisse une « marge » que de 10 Gy. L’utilisation d’une technique d’irradiation optimisée est donc une indication phare en cas d’antécédent d’irradiation rachidienne/médullaire. De nombreuses études ont été publiées sur le sujet avec des équipements divers. La plupart des séries d’irradiation ablative vertébrale utilisent la radiothérapie stéréotaxique avec accélérateur linéaire dédié. En cas de réirradiation, les taux de contrôle de la douleur varient de 35 % à 85 % [24]. Les schémas d’irradiation sont variables (1 à 5 fractions, dose totale, délinéation du volume cible). Une étude prospective a été réalisée chez 59 patients (63 tumeurs) réirradiés à la dose de 30 Gy en cinq fractions (ou 27 en 3) entre 2003 et 2009. Les taux de contrôle local radiologique et de survie étaient de 76 % et 92 % des patients n’avaient pas de détérioration neurologique à un an. La plupart des progressions après réirradiation stéréotaxique (13/16, 81 % dont 6 compressions) était observée pour des tumeurs à moins de 5 mm du cordon médullaire, devant faire discuter dans ces cas une chirurgie. Deux cas de plexopathie de grade 3 étaient notés dans des cas d’atteinte du psoas, faisant discuter une adaptation dosimétrique [25]. D’autres expériences avec RCMI (dose médiane 38 Gy) en situation de réirradiation ont été rapportées avec un contrôle local de 95 %, en situation de réirradiation, sans complication grave avec un suivi médian de 12 mois [26] et la possibilité d’une escalade de dose avec une relation dose-effet de 4 × 5 Gy à 5 × 6 Gy [27]. Une ré irradiation pour réapparition de douleurs rebelles aux traitements médicaux est une option thérapeutique devrait bénéficier au moins d’une discussion multidisciplinaire. Le faible nombre de patients qui en retirent un bénéfice thérapeutique évalué aux alentours de 20 %, les risques sur les organes sains malgré les résultats dosimétriques performants conduisent à favoriser la mise en place d’essais thérapeutiques. Le bénéfice clinique des techniques de modulation d’intensité a été confirmé pour certains patients et des Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

Métastases osseuses : les nouvelles techniques d’irradiation et traitements combinés ablatifs décalent-ils les standards ?

études prospectives sur les techniques de radiothérapie stéréotaxiques ont été évaluées. Chow et al. ont présenté à l’ASTRO et la mise à jour du consensus de 2002 pouvant servir dans la rédaction des essais [28].

Métastases osseuses non vertébrales La majorité des données rapportées dans la littérature concernent le rachis. La radiothérapie stéréotaxique semble efficace et bien tolérée en fraction unique de 15 ou 18 Gy (35-36) sur le soulagement des douleurs en cas de métastases sacrées, y compris après radiothérapie conventionnelle. Aucune toxicité neurologique n’a été signalée avec un suivi court de six mois. Le niveau de preuve pour les autres sites oligométastatiques métastatiques (membres, côtes. . .) est limité voire inexistant. Dans la pratique, des métastases bien circonscrites de cancers radiorésistants dans des sites (branche ischiopubienne, côte. . .) comportant des organes à risque proches ont pu être avantageusement irradiés en stéréotaxie. Des fractures de côte hyperalgiques ont été observées dans des cancers pulmonaires périphériques. Celles-ci peuvent nécessiter la prise d’antalgiques de palier 3 et durer trois à six mois. Des neuropathies sont également à craindre en cas d’irradiation à forte dose de racines nerveuses.

Traitements combinés avec la radiothérapie Dans le contexte des métastases osseuses, certaines techniques de radiologie interventionnelle peuvent être associées de fac¸on séquentielle à une irradiation pour optimiser l’effet antalgique, la consolidation osseuse et la destruction tumorale de l’irradiation. Il n’y a pas, à notre connaissance, d’essais randomisés ou d’études comparatives publiées de radiothérapie versus radiothérapie associée à une méthode de radiologie interventionnelle [29]. La plus répandue des méthodes de radiologie interventionnelle est la cimentoplastie. La cimentoplastie consiste à injecter du ciment chirurgical (PMMA) sous contrôle radiologique au moyen d’aiguilles introduites par voie percutanée dans la métastase osseuse sans anesthésie générale. La vertébroplastie que réalise l’injection de ciment dans une vertèbre permet une stabilisation rapide du corps vertébral, en l’absence de compression médullaire ou d’épidurite compliquée de signes neurologiques. Elle est en cela complémentaire de la radiothérapie dont l’effet de consolidation n’est généralement pas attendu avant un mois. La cimentoplastie a surtout un intérêt de stabilisation dans les métastases lytiques. La cimentoplastie aurait également un effet antitumoral par hyperthermie secondaire à la polymérisation ou à un effet toxique direct du ciment. Cependant le taux de récidive étant supérieur à 10 %, un traitement combiné Bull Cancer vol. 100 • N◦ 11 • novembre 2013

avec la radiothérapie (le traitement de référence) apparaît donc préférable à une cimentoplastie seule en l’état des données actuelles. Un avantage majeur à combiner une cimentoplastie à une irradiation en cas de métastase douloureuse est son effet antalgique rapide. Une sédation est en effet obtenue dans les 24 h qui suivent le geste dans 90 % des cas, dont 60-70 % avec sédation complète. La technique de vertébroplastie, à visée anti tumorale ou antalgique, est plus délicate et le taux de complications locales majoré en cas de métastase condensante ou mixte. Une cimentoplastie peut également être réalisée à visée de stabilisation/consolidation en cas de métastase lytique du cotyle, de la tête humérale, de l’omoplate, ou des régions intertrochantériennes. Certaines localisations ne sont pas accessibles à ce type de traitement à l’heure actuelle [29]. Une cimentoplastie peut être réalisée avant ou après irradiation, a priori sans difficulté supplémentaire. C’est donc l’imminence d’un risque fracturaire ou une douleur non contrôlable par des antalgiques de palier 3 qui pourront orienter vers une cimentoplastie première en cas de métastase lytique. Dans le cas contraire, lorsque le risque de fracture-tassement post-radique est jugé supérieur à 10 %, la cimentoplastie pourrait être préférable dans le mois qui suit l’irradiation dans un but de prévention de cette complication. La radiofréquence, la cryothérapie et la chimioembolisation sont des techniques alternatives, moins validées que la cimentoplastie dans le contexte des métastases osseuses, mais dont les indications sont en développement [29]. Leur place dans un traitement combiné avec une irradiation, qui reste le traitement de référence, sera à définir.

Conclusion Les évolutions technologiques en radiothérapie ces dernières années ont indéniablement changé les pratiques de traitement des métastases osseuses. Il reste à définir des critères de traitement permettant de passer d’une intention palliative à « curative » (rémission prolongée) et à proposer des essais prospectifs pour faire la part de ces traitements avec idéalement des scores pronostiques, voire prédictifs et des objectifs utilisant des critères composites comme par exemple la survie à qualité de vie conservée. L’amélioration dosimétrique sur les volumes cibles et les organes à risque, l’amélioration pratique (nombre de trajets), la bonne voire meilleure tolérance immédiate sont déjà acquises mais l’impact sur qualité et durée de survie est moins clair. L’augmentation du coût est réel mais à nuancer par le coût des transports. Ainsi, une analyse coûtefficacité apparaît incontournable dans l’évaluation du service rendu au patient (figure 4). Enfin, la prise en charge du patient dans ce contexte métastatique doit être concertée et la séquence des traitements locaux et

1195

J. Thariat, et al.

Critères en faveur d’une irradiation optimisée et niveaux hiérarchiques de décision

Accessibilité à la technique

Espérance de vie

: 3-6 mois

Etat général

: ≤ Kamofsky 70

: Oui

Risque imminent de fracture

: Non

Histologie (radiorésistante)

: Oui

Proximité d’OAR rédhibitoire

: Oui

Métastase bien limitée en imagerie

: Oui

Nombre* fini de métastases

: Oui

Si oui, envisager traitement de consolidation 1er

RCP

Douleur

Temps dédié à la planification avec la technique

Si oui, envisager stéréotaxie haute dose par fraction

Remboursement de la technique vs 2D 3D

Envisager études prospectives/ observatoires avec qualité de vie et médicoéconomique

* Définition rapidement évolutive avecun nombre croissant de métastases jugé pertinent à irradier et une accessibilité aux nouvelles techniques

Figure 4. En plus des critères actuels entrant dans la décision de technique d’irradiation, rôle de la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) spécifique à la prise en charge de métastases osseuses et intégration des notions de coût de santé et de qualité de vie.

systémiques évaluée. Les données sur les traitements concomitants sont rares bien que la pratique consiste assez souvent à poursuivre le traitement systémique.  Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

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[Advances in radiation oncology for metastatic bone disease].

Irradiation of bone metastases primarily aims at alleviating pain, preventing fracture in the short term. The higher doses and more conformal dose dis...
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