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ANNPAT-981; No. of Pages 3 Annales de pathologie (2015) xxx, xxx—xxx

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CAS POUR DIAGNOSTIC

Une tumeur vulvaire très trompeuse A very misleading vulvar tumor Houssam Haddad a,∗, Corinne Engohan-Aloghe b, Salwa Belhaj c, Mehdi Karkouri c, Nabila Sellal a, Ernest Belembaogo d a

Service de radiothérapie, institut de cancérologie de Libreville, Libreville, Gabon Laboratoire d’anatomie et de cytologie pathologiques, institut de cancérologie de Libreville, Libreville, Gabon c Laboratoire central d’anatomie pathologique, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc d Service d’oncologie médicale, institut de cancérologie de Libreville, Libreville, Gabon b

Accepté pour publication le 5 janvier 2015

Observation Une patiente de 44 ans, sans antécédents de neurofibromatose, deuxième geste, deuxième pare, a consulté à l’institut de cancérologie pour une masse vulvaire. Celle-ci évoluait depuis 4 ans, devenant depuis 2 mois douloureuse et prurigineuse. L’examen clinique retrouvait à l’inspection une tumeur développée aux dépens de la grande lèvre droite, mesurant 8 cm de grand axe, épargnant la petite lèvre et le clitoris, avec une peau en regard luisante, sans ulcération (Fig. 1). L’examen gynécologique objectivait un col utérin d’aspect normal, la cavité vaginale était dépourvue de toute lésion. Les paramètres et les aires ganglionnaires étaient libres. Le scanner abdominal et pelvien mettait en évidence un volumineux utérus myomateux, mais ne donnait aucune indication sur la masse vulvaire. Le dossier a été discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire, la patiente a été examinée conjointement avec le gynécologue et une résection de la masse vulvaire a été décidée. À l’étude anatomo-pathologique, la pièce de résection de la grande lèvre droite mesurait 8 × 7 × 5 cm. L’examen macroscopique montrait la présence d’une volumineuse formation tumorale blanchâtre, sous-cutanée, bien délimitée, mesurant 5,2 × 5 × 3 cm, située à 1 cm des marges latérales et à 6 mm de la marge profonde (Fig. 2). L’étude microscopique



Auteur correspondant. Service de radiothérapie, institut de cancérologie de Libreville, BP 23902, Libreville, Gabon. Adresse e-mail : [email protected] (H. Haddad).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2015.01.003 0242-6498/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Haddad H, et al. Une tumeur vulvaire très trompeuse. Annales de pathologie (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2015.01.003

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H. Haddad et al.

Figure 3. Prolifération tumorale de cellules au cytoplasme granuleux, polygonales et agencées en amas (HE × 100). Tumor proliferation consisting of groups of granular polyhedral cells (HE × 100).

Figure 1. Tumeur vulvaire au niveau de la grande lèvre droite de 8 cm, polylobée. Poly-lobed vulvar tumor of the right Labium majus, measuring 8 cm.

Figure 2. À la macroscopie, formation tumorale sous-cutanée blanchâtre. Macroscopically, a white subepithelial tumor.

montrait un épithélium malpighien hyperplasique sous lequel se disposait une prolifération non encapsulée constituée de cellules au cytoplasme granuleux, agencées en amas séparés par un stroma fibreux. Les cellules étaient de grande taille, polyédriques, présentant un noyau uniforme de petite taille (Fig. 3) et exprimaient en immuno-histochimie la protéine S100 (Fig. 4). Aucun signe de malignité n’était retrouvé. Les marges de résection latérales et profonde étaient saines.

Figure 4. Étude immuno-histochimique : marquage diffus de cellules tumorales avec la PS100. Immunohistochemical study: diffuse expression of tumor cells with PS100.

Quel est votre diagnostic ?

Pour citer cet article : Haddad H, et al. Une tumeur vulvaire très trompeuse. Annales de pathologie (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2015.01.003

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Une tumeur vulvaire très trompeuse

Diagnostic Tumeur à cellules granuleuses ou tumeur d’Abrikossoff de la vulve

Discussion La tumeur à cellules granuleuses ou tumeur d’Abrikossoff est une tumeur rare d’origine neurogène décrite par Abrikossoff en 1926 [1]. C’est une tumeur ubiquitaire, souvent bénigne et unique mais qui peut être multiple, récidivante voire maligne et métastatique [2,3]. La région de la tête et du cou est touchée dans la moitié des cas, notamment la langue, le plancher buccal et le palais [1]. La vulve reste une localisation exceptionnelle [2]. La tumeur d’Abrikossoff atteint préférentiellement les sujets de race noire avec une prédominance féminine (sex-ratio F/M : 2/1) [4]. Elle peut se voir à tout âge avec un pic de fréquence entre la 4e et la 6e décade [1]. Notre patiente était de race noire et âgée de 44 ans. Sur le plan clinique, la tumeur d’Abrikossoff se présente comme un nodule solitaire asymptomatique, de taille inférieure à 2 cm, indolore avec une peau sus-jacente normale ou pigmentée [2,4]. La biopsie permet de poser le diagnostic, l’étude histologique montre alors une prolifération tumorale constituée de cellules assez volumineuses, polygonales et mal délimitées, à cytoplasme abondant oxyphile, renfermant de fines granulations éosinophiles dues à l’accumulation de phagolysosomes et contenant des structures compatibles avec la myéline [5]. Une hyperplasie pseudo-épithéliomateuse du revêtement malpighien cutané ou muqueux sus-jacent est fréquemment rapportée. Cette hyperplasie peut parfois mimer un carcinome épidermoïde surtout en cas de biopsies superficielles [1]. En immuno-histochimie, les cellules tumorales sont positives pour la PS100 dans 100 % des cas et la neuron-specific enolase (NSE) dans 90 % des cas, confirmant ainsi la nature neurogène de cette tumeur [2,4]. L’origine de la tumeur à cellules granuleuses a suscité beaucoup de controverses. Initialement, Abrikossoff avait décrit cette tumeur comme un myoblastome pensant qu’elle dérivait de cellules musculaires striées [1] puis cette hypothèse a été écartée à l’ère de l’immuno-histochimie et de la microscopie électronique devant la négativité des

3 marqueurs myogènes, la positivité des marqueurs neurogènes (PS100 et NSE) et la mise en évidence de neurofilaments à l’étude ultrastructurale [4]. Au niveau vulvaire, le diagnostic différentiel peut se poser cliniquement avec d’autres tumeurs bénignes comme les tumeurs des glandes de Bartholin, les kystes sébacés, les dermatofibromes, hydradénomes, lipomes, papillomes, ou des tumeurs malignes comme le carcinome épidermoïde, surtout en cas de biopsie superficielle [1,5]. Le traitement de la tumeur à cellules granuleuses vulvaire est exclusivement chirurgical et consiste en une exérèse totale en marges saines [4]. La chimiothérapie et la radiothérapie n’ont aucune indication dans la prise en charge thérapeutique. En conclusion, la tumeur à cellules granuleuses ou tumeur d’Abrikossoff de localisation vulvaire est une tumeur rare, bénigne qui peut mimer un cancer. Il faut savoir y penser d’autant plus que toute erreur diagnostique peut engendrer des exérèses larges, inutiles et mutilantes.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Nganwa Kenbaou G, Sando Z, Kenfack B, Tchuendem J, Essame Oyono JL. Tumeur à cellules granuleuses (tumeur d’Abrikossoff) du clitoris. Afr J Pathol Microbiol 2012;1, http://dx.doi.org/ 10.4303/ajpm/235637 [Article ID 235637, 2 pages]. [2] Tawfiq N, Sabri S, Saiss K, Bouchbika Z, Benchakroun N, Jouhadi H, et al. Tumeur à cellules granuleuses : à propos d’une localisation vulvaire compliquée de métastases pulmonaires. Cancer Radiother 2013;17:671—4. [3] Golchai J, Zargari O, Paknejadi MB. Multiple granular cell tumor in a teenager: report of a case and review of the literature. Acta Medica Iranica 2004;42(3):228—31. [4] Kadiri Y, Boufettal H, Samouh N, Benayad S, Karkouri M, Zamiati S, et al. Tumeur à cellules granuleuses du sein chez un homme. Ann Pathol 2013;33:110—2. [5] Mehta V, Balachandran C, Rao L, Geeta V. Giant granular cell tumor of the vulva. Indian J Dermatol Venerol Leprol 2010; 76:263—5.

Pour citer cet article : Haddad H, et al. Une tumeur vulvaire très trompeuse. Annales de pathologie (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2015.01.003

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