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ANNPAT-910; No. of Pages 4 Annales de pathologie (2014) xxx, xxx—xxx

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CAS POUR DIAGNOSTIC

Une forme rare de lymphome cutané primitif A rare form of primary cutaneous lymphoma Alia Zehani a,∗, Ines Chelly a, Houda Berjeb b, Béatrice Vergier b, Antoine De Mascarel b, Nidhameddine Kchir a a

Service d’anatomie pathologique, hôpital La Rabta, résidence Ichbilia no. 1. Ennasr, rue Mohamed Rached Béji, 1007 Tunis, Tunisie b Service de pathologie, centre hospitalier universitaire de Bordeaux, 33604 France Accepté pour publication le 18 mars 2014

Observation Un homme âgé de 44 ans, diabétique sous insulinothérapie, consultait pour des lésions ulcérées des jambes, évoluant depuis un an, résistantes aux traitements antibiotiques. L’évolution était marquée par l’extension des lésions au niveau des bras. L’examen physique notait de multiples plaques, arrondies ou ovalaires, infiltrées, à bordure érythémateuse, à centre ulcéré et recouvert d’une croûte noirâtre (Fig. 1). Elles mesuraient entre 1 et 8 cm. Elles étaient disséminées au niveau des deux jambes, du bras droit et de la face latérale de la verge. Les aires ganglionnaires étaient libres. Une biopsie cutanée d’une lésion au niveau de la jambe était réalisée. L’examen histologique montrait que le derme était le siège d’une prolifération lymphoïde faite de cellules de taille moyenne à grande aux noyaux atypiques. Ces cellules étaient mêlées à une population polymorphe comportant de petits lymphocytes et des polynucléaires neutrophiles souvent altérés. La prolifération s’étendait jusqu’à l’hypoderme (Fig. 2a). Elle agressait la paroi des vaisseaux réalisant des images d’angio-invasion (Fig. 3). Il existait également des zones de nécrose ischémique étendue de l’hypoderme, du derme et des glandes sudoripares (Fig. 2b et c). L’épiderme était largement ulcéré avec une exocytose faite de petites cellules. En immuno-histochimie, les cellules exprimaient le CD30 (plus de 75 %), le CD3, le CD8, le



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Zehani).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.03.007 0242-6498/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Zehani A, et al. Une forme rare de lymphome cutané primitif. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.03.007

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A. Zehani et al.

Figure 1. Volumineuses plaques à centre ulcéré, recouvertes d’une croûte noirâtre au niveau de la jambe gauche. Multiples plaques with ulcers and crusts on the left leg.

CD2 et le CD7 (Fig. 4). Elles exprimaient également les marqueurs cytotoxiques tels que le granzyme B, la perforine et le TiA1. Par ailleurs, les cellules étaient CD4, CD5, CD56 et ALK négatives. L’étude de la clonalité en biologie moléculaire montrait un profil de type monoclonal des réarrangements du gène TCRG des chaînes gamma des récepteurs T. Un bilan d’extension était réalisé à la recherche d’autres localisations. La tomodensitométrie cervicothoraco-abdominopelvienne visualisait une condensation parenchymateuse excavée et nécrosée du segment ventral

Figure 3. (HE × 40) : cellules lymphoïdes atypiques agressant la paroi des vaisseaux. (HE × 40): atypical lymphocytes surrounding and infiltrating blood vessels.

du lobe supérieur droit, sans adénopathies médiastinales et abdominales. L’examen anatomo-pathologique des biopsies bronchiques avait conclu à une tuberculose pulmonaire caséo-folliculaire. La recherche de BK dans les crachats était positive. Le patient avait rec ¸u un traitement antituberculeux pendant 6 mois avec une bonne évolution. Par ailleurs, quelques lésions cutanées avaient régressé spontanément pour laisser place à une lésion cicatricielle. Le patient avait rec ¸u de 3 cures de chimiothérapie de type CHOP.

Figure 2. (HE × 10) : a : infiltrat lymphoïde angiocentrique du derme et de l’hypoderme ; b : infiltration des structures annexielles ; c : lobules adipeux nécrosés. (HE × 10): a: dense angiocentric infiltrates in the dermis and subcutis; b: invasion and destruction of adnexal skin structures; c: necrotic fat lobules.

Pour citer cet article : Zehani A, et al. Une forme rare de lymphome cutané primitif. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.03.007

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Une forme rare de lymphome cutané primitif

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Figure 4. (IHC) : a : les cellules tumorales expriment le CD8 de fac ¸on intense et diffuse ; b : les cellules tumorales expriment le CD30. (IHC): a: tumour cells are positive for CD8; b: tumour cells are positive for CD30.

Quel est votre diagnostic ?

Pour citer cet article : Zehani A, et al. Une forme rare de lymphome cutané primitif. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.03.007

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A. Zehani et al.

Diagnostic Papulose lymphomatoïde angio-invasive de type E.

Discussion La papulose lymphomatoïde (PL) appartient au spectre des lymphoproliférations cutanées CD30+ [1]. Elle est caractérisée cliniquement par une évolution chronique évoluant sous forme de poussées récurrentes entrecoupées de rémissions. Ces lésions régressent spontanément en quelques semaines laissant place à une cicatrice varioliforme [2]. Quatre types de PL sont classiquement décrits : A, B, C, D. Récemment, une nouvelle variété a été individualisée. Il s’agit de la PL angio-invasive de type E. Cette nouvelle forme ne figure pas dans la classification de l’OMS 2006 [2]. Elle est caractérisée par des ulcérations cutanées profondes et un infiltrat angio-invasif et angio-destructeur simulant un lymphome agressif. Seulement 17 cas ont été rapportés dans la littérature [2,3]. Son pronostic est excellent, d’où la nécessité de la différencier des formes cytotoxiques et angio-centriques des lymphomes T, d’évolution péjorative. Dans la série rapportée par Kempf et al., colligeant 16 cas de PL de type E, la moyenne d’âge était de 51 ans avec une prédominance masculine [3]. La symptomatologie clinique est faite de lésions papuleuses ou nodulaires qui se transforment en larges ulcérations recouvertes d’une nécrose hémorragique. La taille des lésions varie entre 1 et 4 cm. Ces ulcérations persistent pendant 3 à 6 semaines puis régressent spontanément laissant place à des cicatrices. Notre patient présentait des plaques à centre ulcéré atteignant 8 cm. Ces volumineuses lésions peuvent être favorisées par l’immunodépression sous-jacente. Ces aspects cliniques évoquent souvent un pyoderma gangrenosum, une infection herpétique ou une vascularite. L’étude histopathologique de la biopsie cutanée permet de mettre en évidence une prolifération tumorale, faite de cellules lymphoïdes atypiques de taille petite, moyenne ou grande. Ces cellules agressent la paroi des veines et des petites artérioles du derme moyen et profond réalisant un aspect angio-invasif et angio-destructeur. Cette agression vasculaire explique les larges ulcérations cutanées. Une thrombose vasculaire est retrouvée dans la moitié des cas. Cette prolifération tumorale lymphoïde est mêlée à un infiltrat inflammatoire riche en polynucléaires neutrophiles et éosinophiles de siège interstitiel et périvasculaire. En surface, l’épiderme est souvent nécrosé. Dans certains

cas, les petites cellules lymphoïdes réalisent des aspects d’épidermotropisme et de folliculotropisme. L’infiltrat peut s’étendre à l’hypoderme et parfois au muscle strié. En immuno-histochimie, les cellules tumorales expriment le CD30, le CD8 témoignant d’un phénotype cytotoxique. Elles expriment également le CD2 et le CD5. L’expression du TIA1 ainsi que le ratio CD4/CD8 sont variables. L’ALK-1 est négatif alors que le CD56 est positif dans 6 % des cas. La biologie moléculaire montre un réarrangement monoclonal du gène TCR  dans 60 % des cas. Elle n’a pas détecté d’ADN viral [3]. Cette tumeur prête à confusion essentiellement avec d’autres lymphomes cutanés T (CD30−) tel que le lymphome agressif T CD8+ cytotoxique épidermotrope. L’autre diagnostic différentiel est le lymphome T/NK de type nasal (CD56+ et CD30−) qui est induit par l’EBV. Il est caractérisé par son aspect angio-centrique et angio-invasif. Les autres lymphomes tels que le lymphome T ␥/␦, le lymphome anaplasique à grandes cellules ou le lymphome sous-cutané de type panniculite like peuvent être également discutés [4]. Le traitement repose sur une radiothérapie ou une UVA thérapie, ne nécessitant pas un traitement agressif. Le pronostic est excellent avec une évolution indolente, sans atteinte extra-cutanée. Une rémission complète est rapportée dans 56 % [3].

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Kempf W, Kazakov DV, Schärer L, Rütten A, Mentzel T, Paredes BE, et al. Angioinvasive lymphomatoid papulosis: a new variant simulating aggressive lymphomas. Am J Surg Pathol 2013;37:1—13. [2] Kempf W, Willemze R, Jaffe ES, Burg G, Kadin ME. CD30+ T-cell lymphoproliferative disorders. In: LeBoit PE, Burg G, Weedon D, Sarasin A, editors. World Health Organisation classification of tumours. Pathology and genetics of tumours of skin tumours. Lyon: IARC Press; 2006. p. 179. [3] Sharaf MA, Romanelli P, Kirsner R, Miteva M. Angioinvasive lymphomatoid papulosis: another case of a newly described variant. Am J Dermatopathol 2014;36:e75—7. [4] Kempf W. CD30+ lymphoproliferative disorders: histopathology, differential diagnosis, new variants, and simulators. J Cutan Pathol 2006;33:58—70.

Pour citer cet article : Zehani A, et al. Une forme rare de lymphome cutané primitif. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.03.007

[A rare form of primary cutaneous lymphoma].

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