Cancer/Radiothérapie 18 (2014) 55–58

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Cas clinique

À partir d’un cas rare de métastases osseuses d’une tumeur stromale gastro-intestinale : intérêt de la radiothérapie A rare case of bone metastasis from gastro-intestinal stromal tumour: Place of radiotherapy S. Heymann a,∗ , A. Imperiale b , E. Schlund-Schoettel c , B. Sauer d , L.-M. Dourthe e a

Centre de radiothérapie de la Robertsau, clinique Sainte-Anne, 184, route de la Wantzenau, 67000 Strasbourg, France Service de médecine nucléaire, hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, avenue Molière, 67000 Strasbourg, France c Centre de pathologie, 19, rue de la Haye, Schiltigheim, BP 67014, Strasbourg cedex, France d Service de radiologie, clinique Sainte-Anne, rue Philippe-Thyss, 67000 Strasbourg, France e Service d’oncologie médicale, clinique Sainte-Anne, 184, route de la Wantzenau, 67000 Strasbourg, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 8 mars 2013 Rec¸u sous la forme révisée le 22 mars 2013 Accepté le 2 avril 2013 Mots clés : Tumeurs stromales gastro-intestinales Radiothérapie Os

r é s u m é Les tumeurs stromales gastro-intestinales sont les plus fréquentes des tumeurs mésenchymateuses du tractus digestif. Leurs sites métastatiques de prédilection sont le foie et le péritoine, mais elles peuvent essaimer dans de rares cas dans l’os. Nous rapportons ici l’observation d’un homme de 56 ans atteint de métastases osseuses six ans après la chirurgie initiale. Nous discutons dans ce cas clinique des possibilités de traitement et notamment de la place de la radiothérapie. © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: GIST Radiotherapy Bone

Gastro-intestinal stromal tumours are the most common mesenchymal neoplasms of the gastrointestinal tract. Their usual metastatic sites are the liver and the peritoneum, but gastro-intestinal stromal tumours rarely metastasize to the bones. We report the case of a 56-year-old male presenting with bone lesions six years after initial surgical resection. We discuss through this paper the possibilities of management of these lesions and the place of radiotherapy. © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction Les tumeurs stromales gastro-intestinales sont les tumeurs mésenchymateuses du tractus digestif les plus fréquentes [1,2]. L’âge moyen au moment du diagnostic est de 50 ans [3]. Les localisations les plus fréquentes sont l’estomac (60 %) puis l’intestin grêle (30 %). Plus rarement, le côlon et le rectum (5–10 %), l’œsophage (moins de 1 %) peuvent être concernés, la tumeur siège parfois en dehors du tractus digestif dans les séreuses (péritoine, mésentère, omentum). Les métastases apparaissent le plus fréquemment dans

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Heymann).

le foie et le péritoine, mais rarement dans l’os. À travers cette observation, revoyons les caractéristiques de ces lésions et leur prise en charge.

2. Observation Un patient âgé de 56 ans, a été adressé au centre de radiothérapie de la Robertsau de la clinique Sainte-Anne, à Strasbourg, pour une irradiation antalgique de métastases osseuses de l’épaule droite et de la hanche gauche. Ce patient était suivi depuis 2006. Il était initialement atteint d’une tumeur rétrogastrique volumineuse, traitée en septembre 2006 par gastrectomie totale et splénopancréatectomie caudale et dont l’analyse histologique avait conclu à une tumeur

1278-3218/$ – see front matter © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2013.04.008

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stromale gastro-intestinale. L’exérèse était complète. Dans le cadre du bilan d’extension, une tomographie par émission de positons (TEP) au (18 F)-2-fluoro-2-désoxy-D-glucose (FDG) a retrouvé des hyperfixations suspectes au niveau du côlon gauche et de l’angle colique gauche. La coloscopie était normale, mais un nodule suspect est rapidement apparu sur la cicatrice abdominale en début d’année 2007. Une laparotomie exploratrice a alors permis de constater une récidive volumineuse inextirpable. Le patient a alors rec¸u un traitement par imatinib de 400 mg/jour pendant un an puis a eu une chirurgie de réduction tumorale avec l’exérèse des nodules macroscopiques sur l’intestin grêle et le péritoine et une colectomie gauche. L’examen histologique a conclu à une carcinomatose péritonéale d’une tumeur stromale partiellement nécrosée. Sur la pièce de colectomie, des nodules nécrotiques ont été retrouvés dans la séreuse mais la muqueuse colique était normale. Le patient a ensuite repris l’imatinib à la dose de 400 mg par jour. En juillet 2009, une formation du hile hépatique, évolutive sous imatinib mais non hyperfixante sur la TEP, est apparue. Lors de la chirurgie exploratrice, il a été décidé d’effectuer une exérèse de la lésion du hile, ainsi qu’une hépatectomie segmentaire (segment IX), dont l’analyse histologique a confirmé la présence d’une métastase d’une tumeur stromale maligne avec en biologie moléculaire la détection d’une mutation de résistance à l’imatinib. Devant l’absence d’autres lésions évolutives, l’imatinib a été poursuivi. De juin 2010 à septembre 2012, le patient a alterné les phases évolutives et de réponse au traitement, ce qui a motivé un relais par le sunitinib puis le sorafénib, mais finalement l’imatinib a été repris. Le patient a souffert en octobre 2012 de douleurs importantes au niveau de l’épaule droite et de la hanche gauche. Une scintigraphie osseuse a été réalisée en novembre 2012 pour la première fois. Celle-ci a retrouvé une hyperfixation intense de la branche ischiopubienne gauche et de l’ensemble de la tête et de la partie proximale de l’humérus droit d’allure suspecte, mais l’image tomoscintigraphique a montré une hyperactivité plutôt localisée dans l’articulation. Des radiographies standard de l’épaule n’ont pas retrouvé de signe de localisation secondaire, notamment ostéolytique, et les radiographies du bassin ont retrouvé une zone d’ostéosclérose au niveau de la branche ischiopubienne droite pouvant correspondre à un îlot condensant bénin mais qui n’ont pas permis de conclure formellement à une lésion secondaire. L’IRM du bassin a retrouvé un aspect d’infiltration tissulaire de la branche ischiopubienne gauche étendue jusqu’à la tubérosité postérieure, très partiellement à la partie inférieure de la tête fémorale gauche, avec infiltration des muscles au contact, d’allure secondaire. La TEP a montré aussi une hyperfixation en regard des lésions tumorales ostéolytiques de la branche ischiopubienne gauche, de l’ischion gauche, de la tête fémorale gauche et de l’extrémité supérieure de l’humérus droit (et des lésions intra-abdominales connues sans argument pour un autre cancer primitif) (Fig. 1). Devant la rareté des lésions osseuses secondaires de tumeur stromale gastro-intestinale et le doute radiologique, une biopsie osseuse a été demandée. Une scanographie de l’épaule droite retrouvait une ostéolyse avec résorption endossée en sous-capital (Fig. 2). La biopsie a été effectuée sans incident. L’aspect morphologique était celui de petites cellules rondes, mais l’immunomarquage effectué a confirmé la présence de cellules métastatiques d’une tumeur stromale gastro-intestinale, avec marquage CD117, DOG-1 et plus focalement CD34 (Fig. 3). Une irradiation des deux sites à la dose de 30 Gy en dix fractions de 3 Gy a été réalisée. Le choix de ce fractionnement a été fait pour diminuer le risque de toxicité lié à une possible radiosensibilisation avec l’imatinib, que nous avons souhaité maintenir pendant la radiothérapie en raison de l’évolution dans l’abdomen. Le patient a été entièrement soulagé des douleurs, immédiatement pour l’épaule droite et de manière retardée, dix jours après,

Fig. 1. Tomographie par émission de positons (TEP)/tomodensitométrie (TDM) au (18 F)-2-fluoro-2-désoxy-D-glucose (FDG). PET scan with (18 F)-FDG.

Fig. 2. Scanographie osseuse de la tête humérale droite. Right humeral head CT.

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Fig. 3. Biopsie de l’humérus droit. Biopsy of right humerus.

pour la hanche gauche. L’imatinib avait été maintenu pendant l’irradiation. La tolérance a été excellente avec un épisode de diarrhée (grade 1) résolutif sous traitement médical. 3. Discussion Les tumeurs stromales gastro-intestinales sont définies comme des tumeurs digestives stromales composée de cellules fusiformes et épithélioïdes qui expriment la protéine KIT (CD117) et très souvent CD34 en immunohistochimie. L’histoire naturelle des tumeurs stromales gastro-intestinales est très variable. Une classification pronostique a été établie sur la base de la taille, de l’indice mitotique et de la topographie. Globalement, 10 à 30 % des tumeurs stromales gastro-intestinales sont à l’origine de métastases. Il y a peu de cas rapportés dans la littérature concernant des métastases osseuses [4–6]. Dans la série de Bertulli et al., seulement treize des 278 patients (5 %) étaient atteints de métastases osseuses (l’os était le seul site métastatique dans quatre cas) [7]. Dans l’étude de Jati et al., sur 190 patients, six (3,2 %) étaient atteints de métastases osseuses [8]. Ces métastases sont plus souvent diagnostiquées au moment de la rechute. Le plus souvent, elles sont révélées par des douleurs ou fractures et plus rarement découvertes fortuitement, par exemples lors d’une TEP/TDM. L’aspect radiologique associe le plus souvent des lésions ostéolytiques avec atteinte de la corticale et parfois présence d’une masse tumorale. Il n’existe pas de recommandations sur le traitement des métastases osseuses des tumeurs stromales gastro-intestinales. L’imatinib a montré une certaine efficacité dans le traitement des métastases osseuses avec notamment 19 mois de réponse dans le cas clinique rapporté par Feki et al. [6]. L’efficacité des biphosphonates sur les lésions osseuses de tumeur stromale gastro-intestinale n’est pas connue même si certains auteurs le recommandent [9]. Historiquement, les tumeurs stromales gastro-intestinales ne sont pas considérées comme des tumeurs radiosensibles [10].

Néanmoins, en 2011, Lolli et al. ont rapporté une réponse antalgique et tumoro-réductrice sur une métastase supraclaviculaire [11]. La même année, Knowlton et al. ont revu la littérature à l’occasion de la présentation d’un cas clinique d’irradiation d’une récidive tumorale inextirpable. Des réponses objectives ont été rapportées, soit lors de l’irradiation postopératoire en cas d’exérèse incomplète ou de facteurs histologiques défavorables, soit lors de l’irradiation de métastases, osseuses ou non. Mais la rareté de ces situations ne permet pas de conclure [12]. Feki et al. ont rapporté un excellent effet antalgique sur une métastase sternoclaviculaire chez un patient de 58 ans avec une dose de 30 Gy [6]. De même, dans notre cas, l’effet antalgique a été complet avec une dose totale de 30 Gy. 4. Conclusion L’incidence des métastases osseuses des tumeurs stromales gastro-intestinales est très faible (3–5 %), ce qui justifie de rechercher une preuve histologique. La radiothérapie à visée antalgique semble efficace et doit être envisagée comme une option thérapeutique. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Ozan E, Oztekin O, Alacacio˘glu A, Aykas¸ A, Postaci H, Adibelli Z. Esophageal gastrointestinal stromal tumor with pulmonary and bone metastases. Diagn Interv Radiol 2010;16:217–20. [2] Collin F, Gelly-Marty M, Bui Nguyen Binh M, Coindre JM. Sarcomes des tissus mous : données anatomopathologiques actuelles. Cancer Radiother 2006;10:7–14.

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[A rare case of bone metastasis from gastro-intestinal stromal tumour: place of radiotherapy].

Gastro-intestinal stromal tumours are the most common mesenchymal neoplasms of the gastrointestinal tract. Their usual metastatic sites are the liver ...
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